Monsieur le ministre, je souhaiterais attirer votre attention sur les risques de perte de substance auxquels le cinéma français est exposé.
Si l’on se réfère au bilan de la production cinématographique française pour 2018, publié voilà un peu plus de deux mois par le CNC, 237 films d’initiative française ont été produits au cours de l’année passée. Ce niveau de production semble se confirmer depuis 2015, année record depuis 1952 avec pas moins de 234 films produits.
Bien évidemment, chacun se félicitera de la place du cinéma français dans la création mondiale, soutenue notamment par de nombreuses coproductions internationales. Toutefois, ces records successifs appellent quelques réserves –tout du moins quelques interrogations.
Voilà déjà quinze ans, Jean-Pierre Leclerc, alors conseiller d’État, soulignait « une limite pratique, et non seulement financière, à la production cinématographique française ». On s’interrogeait alors sur le point de savoir si le nombre de films produits, s’établissant à un niveau exceptionnel d’environ 200 pour les années 2001 et 2002, n’avait pas atteint, voire dépassé, un maximum.
La même question se pose encore aujourd’hui : est-il raisonnable de produire 250 ou 300 films par an, sachant que le nombre d’entrées en salles est loin de suivre la même tendance inflationniste ?
En effet, dans son rapport de 2013 sur le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l’heure du numérique, René Bonnell soulignait la forte concentration des résultats sur un petit nombre de films, les deux tiers des films français n’atteignant pas le seuil des 100 000 entrées et plus de 47 % attirant moins de 20 000 spectateurs. Il relevait que le nombre des échecs est dix fois plus élevé que celui des succès, le taux de « mortalité commerciale » des films pouvant s’établir entre 80 % et 90 %, selon les semaines. Cette tendance ne s’est pas modifiée depuis 2013.
Monsieur le ministre, il me semble nécessaire de s’interroger pour mieux préparer le cinéma français aux bouleversements systémiques qu’ont déjà soulignés les orateurs précédents. Quelles mesures envisagez-vous de prendre au regard de cette tendance à la surproduction ? Par ailleurs, comment comptez-vous agir pour que l’aide à la production préserve et conforte la singularité et la substance propres au cinéma français ?