Intervention de Franck Riester

Réunion du 27 mai 2019 à 16h00
Conservation et restauration de la cathédrale notre-dame de paris — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Franck Riester :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, chère Catherine Morin-Desailly, monsieur le président de la commission des finances, cher Vincent Éblé, monsieur le président de la commission nationale du patrimoine et de l’architecture, cher Jean-Pierre Leleux, monsieur le rapporteur de la commission de la culture, cher Alain Schmitz, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, cher Albéric de Montgolfier, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous nous rappelons tous où nous étions, le lundi 15 avril au soir, quand nous avons vu pour la première fois les images de Notre-Dame embrasée. C’était il y a exactement six semaines.

Plus qu’un monument, plus qu’une cathédrale, elle est une part de la France, de son histoire, de son identité. Elle est une part de nous-mêmes.

Voilà qui explique que ce feu nous ait touchés au cœur.

Voilà qui explique que nous ayons tressailli en imaginant le pire, en imaginant que nous assistions, peut-être, aux derniers instants de Notre-Dame de Paris.

Voilà qui explique, aussi, l’extraordinaire mobilisation qui a suivi, si tant est qu’on puisse expliquer une mobilisation d’une telle ampleur.

Ce fut, d’abord, la mobilisation de femmes et d’hommes qui, parfois au péril de leur vie, ont arrêté l’embrasement et sauvé les œuvres exceptionnelles présentes dans la cathédrale : les sapeurs-pompiers de Paris, aidés et renforcés par leurs collègues des autres départements d’Île-de-France, mais aussi les policiers, les agents du ministère de la culture, de la Ville de Paris et du diocèse.

Je veux très sincèrement, une nouvelle fois, les remercier pour leur engagement. Si les voûtes restent encore très fragilisées, l’édifice est aujourd’hui largement sauvé. Nous le devons à leur professionnalisme, à leur dévouement, à leur courage.

Cette mobilisation, c’est aussi celle d’experts, d’institutions et d’entreprises dont les promesses de dons et les propositions d’aide en compétences se sont multipliées.

Surtout, c’est une mobilisation populaire. Des centaines de milliers de dons de particuliers ont afflué de toutes parts, de France et de par le monde. Aujourd’hui encore, ils continuent de nous parvenir.

Il fallait créer un cadre pour les accueillir, pour accompagner, encourager, encadrer cet élan de générosité, pour assortir cette ferveur exceptionnelle d’un dispositif exceptionnel.

C’est le sens du projet de loi pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet.

Oui, nous restaurerons Notre-Dame de Paris !

Le Président de la République a fixé un objectif : cinq ans. C’est un délai ambitieux et volontariste, qui permet de motiver les équipes et de mobiliser l’ensemble des acteurs concernés.

Pour autant, dans cette tâche qui nous attend, nous ne confondrons jamais vitesse et précipitation. Nous devons offrir à Notre-Dame une restauration à la hauteur de sa splendeur, à la hauteur de ce qu’elle symbolise.

Sur un certain nombre de points, il y a urgence à intervenir ; sur d’autres, nous devrons prendre le temps de la réflexion. La situation actuelle de Notre-Dame nous impose ces deux temporalités. Il me semble que ce texte parvient à les concilier.

Alors oui, nous voulons aller vite. On nous l’a reproché, mais l’élan de générosité, lui aussi, s’est déclenché vite. Ce sont les dons pour Notre-Dame qui ont abondé vite ! Et il fallait pouvoir y répondre tout aussi vite. C’est ce que nous avons fait, et je l’assume pleinement.

Que nous aurait-on dit si nous avions laissé fleurir les arnaques, les faux sites internet, les fausses cagnottes en ligne, si nous n’avions pas lancé la souscription nationale, alors que Notre-Dame appartient à la Nation tout entière ?

Que nous aurait-on dit si nous n’avions rien fait ?

On nous aurait dit que l’État manquait à sa mission, et on aurait eu raison de nous le dire, car c’est à l’État d’intervenir pour protéger ce patrimoine commun. Ce n’est pas un péché d’orgueil et ce n’est pas déplacé.

C’est la responsabilité de l’État, à la fois, d’encadrer la souscription nationale dédiée, en fixant, par la loi, les règles qui lui sont applicables, et d’apporter des garanties de sécurité et de transparence aux centaines de milliers de donateurs français ou étrangers.

Cette transparence, nous la leur devons. Je veux les remercier, très sincèrement, pour leur générosité. Ils ne seront pas trahis : leurs dons iront à Notre-Dame de Paris, uniquement et intégralement, à sa conservation, à sa restauration et à son entretien, à court et moyen terme. Nous y veillerons ; soyez-en assurés.

Certains avancent l’idée que nous aurions déjà collecté trop de fonds, plus qu’il n’en faut pour restaurer la cathédrale. Mais si certains dons nous sont déjà parvenus, d’autres sont encore en attente de concrétisation.

En outre, le coût total des travaux n’a pas encore été chiffré. En effet, pour l’instant, les travaux portent seulement sur la mise en sécurité de l’édifice, qui reste, je veux le redire, fragile au niveau de la voûte.

Permettez-moi à cette occasion de remercier très sincèrement, pour leur dévouement et leur réactivité, les entreprises, qui, dès le lundi soir, avec les services du ministère de la culture, ont entrepris un travail exceptionnel pour sauvegarder l’essentiel. Merci à elles et à toutes leurs équipes, pilotées par Philippe Villeneuve, architecte en chef des monuments historiques, et son équipe, qui se sont mobilisés pour prendre les dispositions d’urgence, sans oublier les équipes de la direction générale des patrimoines et de la DRAC d’Île-de-France.

Ce n’est qu’ensuite que nous passerons à la phase de diagnostic, puis à la restauration elle-même.

Dans ces conditions, il est prématuré d’affirmer que nous aurions des surplus à gérer.

Pour opérer cette souscription nationale, outre les versements directs à l’État, nous pouvons compter, depuis le 16 avril, sur la mobilisation de trois fondations reconnues d’utilité publique – la Fondation de France, la Fondation du Patrimoine et la Fondation Notre-Dame – et du Centre des monuments nationaux, opérateur du ministère de la culture. Je veux les en remercier.

Des conventions pourront être passées entre l’État et chacune des trois fondations reconnues d’utilité publique, ainsi qu’avec certains donateurs. L’adoption par l’Assemblée nationale, en première lecture, d’un amendement sur ce point a permis de faire progresser le texte en explicitant cette démarche.

Dans un même souci de transparence quant à l’emploi des fonds collectés, un comité de contrôle sera mis en place. Il réunira le Premier président de la Cour des comptes et les présidents des commissions chargées des finances et de la culture du Sénat et de l’Assemblée nationale. Ce contrôle devra se faire en articulation avec la Cour des comptes et sans préjudice de ceux auxquels elle pourra procéder.

Par ailleurs, la transparence quant au suivi de la souscription et de l’application du dispositif fiscal afférent a été renforcée par des amendements adoptés par l’Assemblée nationale et votre commission.

C’est une transparence à l’égard du Parlement, d’abord. L’article 5 bis dispose que le Gouvernement lui rendra compte, dans un rapport, de la part et du montant des dons effectués au titre de la souscription nationale ayant donné lieu à une réduction d’impôt, ainsi que de la participation des collectivités territoriales.

C’est une transparence à l’égard du public, aussi. L’article 7, tel que modifié par l’Assemblée nationale, impose la publication d’un rapport sur la collecte des fonds, leur provenance et leur emploi.

Concernant l’emploi des fonds, je tiens à rappeler que le présent texte ne portera évidemment pas atteinte aux principes des lois de 1905 et de 1907 : il ne remet en cause ni le principe de laïcité ni les droits du culte affectataire, c’est-à-dire la répartition des prérogatives et des responsabilités entre l’État et l’Église catholique.

L’intégralité des dons passera ainsi par la souscription nationale, à l’exception de ceux qui ont spécifiquement pour objet de financer la restauration des biens appartenant au diocèse ou, plus généralement, les besoins relevant de l’exercice du culte.

Cette loi, je le disais, doit garantir la transparence de la souscription nationale ; elle doit aussi en fixer les règles.

En ce qui concerne les particuliers, la loi introduit un dispositif fiscal spécifique pour accompagner leurs dons.

Je tiens à saluer le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, ainsi que le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, pour le travail que nous avons réalisé en étroite collaboration.

Dans la limite de 1 000 euros, le projet de loi porte de 66 % à 75 % le taux de réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons et versements effectués par les particuliers en faveur du Trésor public, du Centre des monuments nationaux et des trois fondations que j’ai mentionnées.

Ce dispositif, je le rappelle, ne concerne que les particuliers et les entreprises unipersonnelles. Il a été conçu de manière à couvrir les dons du plus large nombre de Français.

Il est précisément limité, dans le temps, puisque cet avantage fiscal ne concerne que les dons effectués entre le 16 avril et le 31 décembre 2019, et dans les montants, puisque le plafond de don éligible à la réduction fiscale est fixé à 1 000 euros.

Ces limites n’empêchent de donner ni au-delà de cette date ni au-dessus de ce plafond. Seulement, dans ce cas, l’avantage fiscal associé au don sera celui de droit commun.

Les collectivités territoriales et leurs groupements pourront aussi participer au financement des travaux, au-delà de leur périmètre de compétence territoriale.

L’article 4 lève toute incertitude éventuelle tenant aux règles habituelles de compétence ou à la condition d’intérêt local.

Le ministre de l’action et des comptes publics aura l’occasion de le redire : les dépenses des collectivités en faveur de Notre-Dame seront considérées comme des dépenses d’équipement. Elles ne seront donc pas prises en compte pour appréhender le plafond annuel d’évolution des dépenses de fonctionnement de 1, 2 %.

Sur tous ces sujets, je le disais, nous irons vite, mais nous ne nous précipiterons pas. La restauration ne se fera pas dans la hâte. Elle doit être à la hauteur, je l’ai dit et je le répète, de la splendeur de Notre-Dame de Paris.

Nous devons faire en sorte que cette restauration soit exemplaire. Nous saurons prendre en compte l’avis des professionnels du patrimoine, des conservateurs, des architectes, des historiens, des universitaires et de tous ceux qui œuvrent à l’entretien, à la conservation et à la restauration de nos monuments. Nous saurons les écouter et nous saurons leur faire confiance.

Un temps doit être laissé à la réflexion, pour nous permettre de faire, en temps voulu, tous les choix qui s’imposent. Je veux les anticiper, tant que faire se peut, dans la loi, pour éviter d’avoir à revenir devant vous demain.

Nous sommes en train de réfléchir à l’organisation optimale pour mener à bien ce chantier au regard des objectifs fixés. Le choix d’organisation n’est pas encore finalisé, mais notre réflexion avance. Nous nous donnons notamment la possibilité de créer un établissement public nouveau à cet effet.

Quel que soit le choix d’organisation retenu, il permettra de prendre en compte l’avis des professionnels du patrimoine au travers d’un conseil scientifique, qui sera le garant de la qualité scientifique et historique de la restauration.

Quoi qu’il en soit, je veux affirmer devant vous trois points capitaux.

Premièrement, la maîtrise d’œuvre de ce chantier sera effectuée, dans les règles de l’art, par les architectes en chef des monuments historiques, en l’occurrence Philippe Villeneuve, qui a la charge de Notre-Dame de Paris.

Deuxièmement, comme il se doit dans un chantier de cette ampleur, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture sera régulièrement consultée sur l’avancée des travaux et les choix de restauration. J’en profite pour saluer une nouvelle fois son président, Jean-Pierre Leleux, ainsi que Catherine Morin-Desailly.

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