Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 27 mai 2019 à 16h00
Conservation et restauration de la cathédrale notre-dame de paris — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Alain Schmitz vient de poser la bonne question, la seule qui nous intéresse en fin de compte : si l’événement a été exceptionnel par son retentissement et a porté sur un monument exceptionnel par sa notoriété, fallait-il pour autant une loi d’exception ?

Évidemment, la réponse est non, car les dispositions en vigueur permettent de répondre aux conséquences matérielles de l’incendie du 15 avril. Elles permettent de faciliter la restauration la plus rapide possible en s’appuyant sur le formidable élan de générosité qu’ont eu les Français, même si celui-ci reste à se concrétiser puisque 90 % des dons annoncés sont encore à l’état de promesses.

Vous avez néanmoins souhaité, monsieur le ministre, défendre un projet de loi d’exception. Il prévoit la mise en place d’une souscription nationale, la possibilité de créer un nouvel établissement public, ainsi qu’une majoration exceptionnelle de la réduction d’impôt sur le revenu pour les dons des particuliers, autant de dispositions qui ont justifié la saisine pour avis de la commission des finances. La commission de la culture nous a d’ailleurs délégué au fond l’examen des articles 4, 5 et 5 bis.

Avant d’aborder le détail du texte, permettez-moi de faire quelques remarques liminaires.

Premièrement, ce texte confirme malheureusement, en creux, l’insuffisance des moyens budgétaires alloués à la préservation du patrimoine. L’État ne serait pas en mesure de faire face seul à la restauration de Notre-Dame de Paris. C’est d’ailleurs le mécénat qui finançait, déjà, en partie les travaux antérieurs à l’incendie, dont le coût s’élevait à environ 60 millions d’euros.

Deuxièmement, le recours à la souscription nationale s’inscrit dans un contexte fiscal défavorable aux dons – la commission des finances s’est penchée sur cette question. L’augmentation de la CSG, la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, en impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, et la mise en œuvre du prélèvement à la source ont entraîné une diminution globale de la générosité publique, chiffrée à 4, 2 %. Comme mon collègue, j’en appelle à la vigilance à cet égard dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

Troisièmement, ce texte révèle malheureusement une triple défiance : défiance à l’égard du ministère de la culture et des acteurs traditionnellement engagés dans la préservation du patrimoine ; défiance à l’égard du législateur, qui n’est pas invité à choisir entre l’établissement public ou l’État – mais nous allons l’y inviter ; défiance à l’égard des fondations reconnues d’utilité publique, dont le rôle est réduit à celui de guichet d’enregistrement des dons.

Enfin, ce texte suscite un certain nombre de réserves puisque 72 % des personnes interrogées lors d’un sondage seraient aujourd’hui opposées à ce qu’elles considèrent comme une loi d’exception.

Par ailleurs, un certain nombre d’incertitudes subsistent, vous l’avez dit, monsieur le ministre, sur la dépense fiscale associée aux dons et sur le coût réel des travaux.

En revanche, on sait désormais que, même si le texte qui nous a été soumis n’était pas explicite sur ce point, un établissement public devrait être chargé de concevoir et de coordonner les travaux. La commission des finances comme la commission de la culture ont mis en cohérence le projet de loi avec cette situation, d’autant qu’une telle structure aurait pour mérite de centraliser les financements et d’associer toutes les parties prenantes aux travaux de restauration de la cathédrale. Le choix de l’établissement public implique cependant de bien encadrer cette nouvelle structure, ce que nous allons faire. C’est dans cette optique que, conformément à l’engagement que j’ai pris devant la commission de la culture, j’ai déposé un amendement tendant à limiter sa durée à la période des travaux de restauration de la cathédrale postérieurs à l’incendie.

En accord avec la commission de la culture, nous avons précisé la date d’ouverture de la souscription nationale, en retenant le 15 avril 2019, date à laquelle ont été enregistrés les premiers dons.

Nous avons par ailleurs, toujours en accord avec la commission de la culture, souhaité imposer la signature de conventions entre les organismes collecteurs des dons et l’établissement public afin d’assurer le respect de l’intention du donateur. Nous avons également prévu – c’est un point important – un versement progressif des fonds collectés en fonction de l’avancée des travaux et après transmission d’une estimation de la nature et des coûts de ceux-ci. Les fondations reconnues d’utilité publique ayant l’expérience de la gestion des dons, il faut se reposer sur elles.

La commission des finances a également clarifié le dispositif prévu à l’article 4 relatif aux versements des collectivités territoriales, en précisant que ceux-ci devraient être considérés comme des dépenses d’investissement. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, mais il faut l’inscrire dans la loi.

À l’article 5, nous avons accepté une majoration, avant tout symbolique – limitée à 1 000 euros –, et porté de 66 % à 75 % le taux de déductibilité des dons. La commission des finances a récrit le dispositif sans modifier le fond.

Par ailleurs, nous avons souhaité que le rapport prévu à l’article 5 bis soit recentré sur le seul champ fiscal. Ce document serait transmis chaque année.

Enfin, nous avons entendu assurer le suivi de la gestion de l’établissement public, sans préjudice du contrôle des commissions des finances de nos deux assemblées.

Monsieur le ministre, j’étais aujourd’hui même à Illiers-Combray, où vous vous êtes rendu il y a deux semaines. J’ai déjeuné avec des maires d’Eure-et-Loir : tous m’ont demandé de déposer un amendement visant à étendre le bénéfice de l’article 9 à tous leurs chantiers en cours. Ainsi, le maire de Meslay attend depuis cinq ans l’intervention de la DRAC concernant une porte, un autre maire attend pour des vitraux. Soit on supprime l’article 9, soit on l’étend à l’ensemble des monuments historiques et on instaure une exception générale. Telle est la demande des maires d’Eure-et-Loir !

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