Intervention de David Assouline

Réunion du 27 mai 2019 à 16h00
Conservation et restauration de la cathédrale notre-dame de paris — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur – je vous félicite pour votre travail sérieux et bienveillant, sauf sur un point essentiel, sur lequel nous reviendrons –, mes chers collègues, alors que Notre-Dame de Paris brûlait, même ceux qui voyaient les images en direct, si cruelles, ne voulaient et ne pouvaient y croire. Cette cathédrale n’était donc ni éternelle ni invincible. Tout était bien réel pourtant ; insupportable, mais réel. Nous nous sentions impuissants.

Les pompiers, eux, agissaient avec héroïsme, faisaient ce qu’ils savent et doivent faire, avec professionnalisme et avec un immense courage. Et ils ont sauvé Notre-Dame, presque miraculeusement. Merci à eux, encore mille fois merci. Merci également aux services du ministère de la culture et aux services de la Ville de Paris, qui ont su vite mettre à l’abri non seulement les œuvres, mais aussi les riverains.

On a tout dit ensuite de l’émotion partagée dans le monde entier et du formidable élan de solidarité qui a suivi. Les dons n’ont attendu aucun ordre ni aucune date de départ pour affluer. L’unanimité républicaine fut tout de suite au rendez-vous.

Oui, il s’agissait de notre histoire, universelle, gravée dans le beau et dans la pierre, tant et si bien que notre pays, en guise d’hommage, plaça l’auteur des Misérables en tête des ventes de livres durant de nombreuses semaines après l’incendie. En communiant avec Victor Hugo, les Français montraient que Notre-Dame est de Paris, mais qu’elle appartient à toute la France et qu’elle vit dans le cœur et dans les yeux du monde entier.

Oui, nous débattons aujourd’hui d’une grande cause culturelle, car il s’agit de création, d’architecture, de patrimoine historique. Ce n’est pas seulement l’affaire d’une religion ou d’un homme, fût-il Président de la République. C’était et c’est notre affaire, notre histoire, notre patrimoine, celui de notre humanité.

Disons-le d’emblée : nous sommes amenés à débattre d’un projet de loi pour reconstruire la cathédrale Notre-Dame de Paris, pas la cathédrale « Notre-Dame de l’Élysée » ! §Nos débats et notre délibération ne peuvent répondre à une injonction, encore moins à un caprice.

Tout ce qui est dérisoire doit être écarté, une si grande dame ne mérite pas cela ! On ose nous demander de retenir, pour la défiscalisation des dons, la date du discours présidentiel, comme si tout avait commencé avec lui et par lui. On nous demande même de reculer l’âge limite pour le poste de responsable de l’établissement public dédié à ce chantier, la personnalité déjà choisie par le Président de la République, fort respectable au demeurant, ne remplissant pas les conditions d’âge légal.

Alors, d’accord pour faire une loi exceptionnelle, mais pas pour faire une loi d’exception ! Tout ce qui est attentatoire à notre droit et à nos codes patiemment construits pour préserver les règles d’urbanisme, protéger l’environnement et, bien entendu, notre patrimoine doit être écarté. Nous connaissons tous les contraintes, les procédures parfois tatillonnes et les délais qui peuvent s’éterniser. À l’État de mettre toute sa capacité d’action et de conviction pour que tout soit parfaitement anticipé, coordonné, organisé et financé. Il peut même mettre en œuvre les procédures d’urgence prévues dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe, auxquelles la Ville de Paris a déjà eu recours pour la tour Eiffel.

Mais enfin, ou l’État juge ses règles et ses codes mauvais, auquel cas il propose d’en changer, ou ils les trouvent bons et il nous propose de les respecter. Il y va de l’autorité de l’État et du ministère de la culture dans les prochaines années, pour chaque aménagement, chaque construction, chaque reconstruction, chaque restauration.

Le respect des règles est non seulement la condition pour qu’elles soient encore respectées demain, partout sur notre territoire, mais aussi pour que la reconstruction soit de qualité artistique et durable. Nous le devons à ce monument hors du commun : s’il a pu vivre 855 ans, c’est parce que ceux qui l’ont bâti y ont mis le soin et le temps nécessaires pour faire du bel ouvrage.

Personne ne peut bien entendu mépriser l’envie légitime de nos contemporains, en particulier des donateurs, de revoir de leur vivant Notre-Dame de Paris telle qu’ils l’ont connue. Personne ne peut bien entendu être indifférent au souhait de dizaines de millions de touristes qui visitent Paris chaque année de voir encore cette merveille.

Donc, oui, les architectes du patrimoine les plus chevronnés le disent : en cinq ans, il est parfaitement possible d’ouvrir le bas, pour le culte et les visites, et même, et tel est notre souhait, de créer à l’extérieur un véritable musée-atelier des œuvres et de la reconstruction de Notre-Dame. Pour cela, il faut que des moyens soient donnés, avec la Ville de Paris, pour que les abords soient compris dans la reconstruction.

Oui, cinq ans pour que Notre-Dame soit sécurisée, rouverte et pour qu’on puisse la visiter, c’est possible. En revanche, il n’est pas sérieux de dire que le chantier serait achevé dans son ensemble d’ici à cinq ans, comme l’a réaffirmé le Président de la République vendredi.

En conclusion, monsieur le ministre, renoncez aux dispositions dérogatoires au droit que votre ministère – c’est son objet même, sa raison d’être – est chargé de faire respecter. Je sais que vous partagez cette philosophie. La culture a passé l’âge du bon vouloir du Prince, pour devenir démocratique !

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