Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous tous, j’ai été profondément touché par l’incendie de la cathédrale Notre-Dame, incendie qui l’a lourdement dégradée, mais heureusement pas détruite. J’étais sur le pont des Arts à l’instant où le panache de fumée et les flammes sont apparus derrière la préfecture de police. L’émotion était gigantesque.
Notre-Dame de Paris n’est pas une cathédrale comme les autres. Cet incendie a ému le monde entier. Cette cathédrale est un élément du patrimoine mondial, comme vient de le rappeler Mme Morin-Desailly. Les nombreuses marques de soutien venues du monde entier nous rappellent l’attachement à cet édifice et à ce patrimoine français qui rayonne largement au-delà de nos frontières pour appartenir au patrimoine mondial.
La date du 15 avril restera sans doute gravée dans les mémoires, du fait de l’ampleur de l’incendie, mais également, cela a été dit, du courage des soldats du feu, de tous les hommes de sécurité qui ont réussi à sauver non seulement l’édifice, mais les éléments qu’il contenait.
Cette date restera également marquée par l’élan de solidarité qui a suivi, de nombreux Français ou étrangers, des entreprises, des collectivités, des citoyens sans fortune ou disposant au contraire d’une grande fortune s’étant mobilisés pour offrir qui quelques euros, qui des sommes bien plus importantes.
Notre-Dame appartient bien à notre patrimoine historique, spirituel, architectural, littéraire. Sa restauration doit répondre à de multiples attentes. Elle doit être à la hauteur de cet élan de soutien massif.
Même si, aux dires de certains, ce projet de loi n’était pas indispensable, il a le mérite de nous permettre d’échanger sur des sujets qui forment notre société : la solidarité et la conception que nous nous faisons de la préservation de notre patrimoine.
Le mécénat constitue un puissant levier pour agir à l’échelon local en faveur de l’intérêt général. Les Français sont attachés à leur patrimoine, à leurs 42 300 monuments historiques répartis sur l’ensemble du territoire, mais également à l’ensemble du petit patrimoine monumental, cultuel ou vernaculaire. Pourtant, les acteurs de proximité, notamment les collectivités territoriales, sont parfois loin de s’être approprié sa protection.
Une réflexion plus globale sur le mécénat en France doit être menée dans les prochains mois, à la lumière de ces événements. Plus largement, il faut évaluer les besoins des collectivités locales. Le mécénat représente un moyen de refonder le lien entre l’État et les contribuables, sur la base de l’intérêt général, tout en favorisant l’initiative privée.
Cela nous conduit évidemment à nous interroger également sur la restauration que nous souhaitons pour Notre-Dame. Victor Hugo écrivait : « Chaque flot du temps superpose son alluvion, chaque race dépose sa couche sur le monument, chaque individu apporte sa pierre. » Il avait raison. Même si nous devons veiller à préserver l’identité, l’authenticité et l’intégrité du monument, ne nous empêchons pas de faire preuve d’audace et de laisser nos générations marquer cet édifice de leur empreinte, comme cela s’est fait au fil des siècles, à de nombreuses reprises. Pourquoi nous en priverions-nous ?
Le projet de loi permet à la fois d’encadrer cet élan de générosité sans précédent et de préparer au mieux les mois et les années à venir pour la conservation et la restauration de notre chère cathédrale.
Les articles 1 à 5 vont ainsi dans le bon sens. Ils permettent d’éviter toute incertitude quant à l’utilisation des fonds, aux possibilités de collectes et à la gestion des versements. Le texte permettra d’organiser la souscription dans un cadre sécurisé et transparent, en faisant appel aux acteurs de référence en matière de levées de fonds et de philanthropie.
Les apports de l’Assemblée nationale, complétés par le Sénat, sur les articles 5, 5 bis, 7 et 8 sont judicieux. Ils assurent une transparence totale sur les donateurs, les sommes versées, les réductions octroyées. Il s’agit là encore d’être exemplaire.
Cette exemplarité devra aussi s’appliquer tout au long de la préparation du chantier, puis lors de la réalisation des travaux. Il sera également essentiel de prendre en compte les différents usages cultuels, culturels et touristiques de Notre-Dame pour que sa restauration permette d’améliorer le fonctionnement quotidien. N’oublions pas l’hyperfréquentation dont sont souvent victimes les sites monumentaux.
La création d’un établissement à caractère administratif de l’État semble pertinente, compte tenu de la nature exceptionnelle du chantier et de la nécessité de réunir toutes les parties prenantes.
Le Gouvernement n’a pas encore fixé le ministère qui exercera la tutelle sur cet établissement. Peut-être M. le ministre nous donnera-t-il des indications à cet égard dans sa réponse. La commission de la culture serait favorable, d’après ce que j’ai compris, à ce que cela soit le ministère de la culture. Même si cela paraît plutôt pertinent, cette précision relève-t-elle du domaine de la loi ?
La France est une terre de patrimoine. La propriété de ce patrimoine est souvent publique, parfois privée. Tous les propriétaires, qu’il s’agisse de collectivités ou de personnes privées, n’ont pas, dans la plupart des cas, les moyens techniques et financiers de respecter les contraintes qu’entraîne la détention d’un patrimoine ancien, parfois mal entretenu. Progressivement, des règles, nombreuses et complexes, ont été instaurées afin de protéger ce patrimoine lors de sa restauration.
Il arrive que certains s’en plaignent, comme l’a souligné le rapporteur pour avis de la commission des finances.
S’agissant de Notre-Dame, le Gouvernement a souhaité que l’immense chantier de sa reconstruction, de sa restauration soit exempt de cette réglementation, à la fois parce que les plus grands experts sont déjà à l’œuvre pour organiser la restauration, mais aussi pour gagner le temps nécessaire à opérer ces travaux dans des délais raisonnables.
Je vais sans doute vous choquer, mais notre groupe est partagé sur ce texte – c’est le privilège des Indépendants : certains y sont favorables, d’autres défavorables. Je fais partie de ceux qui sont favorables à une législation exceptionnelle pour une œuvre exceptionnelle