Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 27 mai 2019 à 16h00
Conservation et restauration de la cathédrale notre-dame de paris — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

… soit elles sont utiles et nécessaires, ce que je pense, et alors respectez-les !

Plus grave encore, vous prenez le risque de décrédibiliser la France : parce que c’est sous son impulsion que l’Unesco a établi des critères précis pour la protection du patrimoine mondial de l’humanité, parce que c’est aussi grâce à la France que la Charte de Venise a été adoptée, et parce qu’enfin c’est en France que l’on trouve une excellence inégalée, celle de nos architectes en chef, de nos historiens de l’art, celle aussi de nos compagnons. Leur savoir-faire est mondialement reconnu, alors accordez-leur un peu de crédit quand ils vous exhortent à vous accorder un peu de temps ; accordez-leur un peu de considération en leur confiant, à eux plutôt qu’à d’éventuels gagnants d’un concours international, la reconstruction de la flèche de Viollet-le-Duc.

Quant à la performance, vouloir reconstruire Notre-Dame « plus belle encore », pour reprendre les mots du Président de la République, c’est, pardonnez-moi, faire preuve d’une ambition qui confine à la prétention. L’un des grands travers de notre époque, mes chers collègues, c’est son arrogance : elle se croit supérieure aux précédentes ; elle ne voit dans celles qui l’ont précédée qu’un passé à dépasser, à surpasser. Mais les Français n’attendent pas une prouesse, la prouesse d’un chef d’État qui voudrait laisser sa marque au-dessus de Notre-Dame de Paris.

La seule marque que nos compatriotes veulent voir, celle à laquelle ils sont réellement attachés, ce n’est pas celle d’un Président, c’est la marque du temps, la trace du génie des siècles inscrite dans la pierre de Notre-Dame. De même, le seul geste que nos concitoyens attendent, ce n’est pas un geste de « modernité », comme cet improbable « geste architectural contemporain » voulu par Emmanuel Macron, mais c’est un geste de fidélité, qui a quelque chose à voir avec tous ces gestes de générosité dont ont fait preuve des milliers de Français. Car pourquoi ont-ils donné sinon pour qu’on leur rende ce qui leur a été enlevé ?

Et de grâce, ne faites pas de Notre-Dame un nouveau clivage entre les Anciens et les Modernes, à plus forte raison en matière patrimoniale ! Dans l’affaire qui nous préoccupe, les préférences esthétiques importent peu : il s’agit non pas de préférer, mais de respecter ; il s’agit non pas de « disrupter », mais de restaurer. Du reste, le seul vrai juge en matière d’art, c’est le temps. C’est dans la profondeur du temps que naît la grandeur des œuvres. Notre-Dame de Paris est née voilà neuf siècles. Le temps a fait de ce joyau français un trésor d’humanité.

Alors, si vous voulez redonner tout son éclat à ce trésor, donnez-vous du temps : ne confondez pas vitesse et précipitation ! Donnez-vous des règles également : ne confondez pas audace et prétention ! Je sais parfaitement, monsieur le ministre, que votre tâche, votre rôle ne sont pas simples. Si vous vous donnez du temps, si vous vous donnez des règles, nous vous donnerons notre confiance !

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