Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question du cannabis, dont nous débattons aujourd’hui, sur l’initiative de Mme Esther Benbassa et du groupe CRCE, représente un enjeu majeur de santé publique.
Avant d’aborder la question du cannabis thérapeutique, j’évoquerai le cannabis récréatif, substance illicite la plus consommée en France.
En effet, 42 % des adultes âgés de 18 à 65 ans l’ont déjà expérimentée et 22 % en ont consommé au cours des douze derniers mois. La proportion est désormais équivalente chez les adolescents : parmi les jeunes de 17 ans, on estime aujourd’hui que quatre individus sur dix consomment du cannabis et 13 % des collégiens en fumeraient régulièrement.
Le cannabis n’est pas une drogue douce, si tant est qu’il y en ait !
Selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, il agit longtemps à faible dose, contenant sept fois plus de goudron et de monoxyde de carbone que le tabac. L’alcool, combiné au cannabis, multiplie par quatorze le risque de provoquer un accident.
D’ailleurs, le lien est aujourd’hui clairement établi entre la consommation de cannabis et les accidents de la route. Les conducteurs sous influence de cette substance présentent un risque deux à trois fois supérieur à la normale d’être responsables d’un accident.
Le cannabis fumé présente une toxicité physiologique – effets cancérigènes ou vasculaires – bien supérieure à celle du tabac, mais aussi des risques psychologiques importants. Il peut causer des troubles psychiatriques, notamment dépressifs et psychotiques, susceptibles de favoriser la schizophrénie. Il entraîne surtout un déficit de l’attention, des troubles cognitifs, tout particulièrement en cas de consommation régulière précoce, car perturbant des zones cérébrales essentielles au développement psychique, intellectuel et relationnel des jeunes. J’ajoute que la substance, traversant le placenta, peut provoquer des dommages chez le fœtus, sur le cerveau et le poids.
On sait désormais, grâce aux saisies opérées par les forces de l’ordre, que les taux de THC contenu dans le cannabis commercialisé en France augmentent.
Le cannabis récréatif constitue donc un problème de santé publique grave : c’est la seule drogue qui demeure durablement dans l’organisme – pour un seul joint, elle séjourne une semaine dans le cerveau – et sa consommation peut entraîner dépendance et passage à une autre drogue.
L’usage thérapeutique du cannabis, quant à lui, peut se révéler dans de très rares cas plus efficace pour soulager les douleurs de patients atteints de maladies lourdes : dans le domaine de l’oncologie, pour la sclérose en plaques ou certaines formes d’épilepsie. Comme cela a déjà été signalé, des États américains, de même qu’Israël, l’ont autorisé et intégré à leur politique de santé publique.
Une expérimentation devrait prochainement voir le jour en France – j’y suis favorable – pour évaluer la pertinence de cet usage.
Trois médicaments sont déjà autorisés dans notre pays, pour quelques centaines de patients concernés : le Sativex, commercialisé dans dix-huit pays européens, qui n’est pas disponible en pharmacie, et deux autres médicaments pour lesquels le médecin doit obtenir de l’ANSM une autorisation temporaire d’utilisation nominative justifiant l’absence d’alternative thérapeutique.
L’étude précédemment mentionnée pourra, à mon sens, apporter des précisions concernant le traitement de la douleur, chronique – le cannabis n’aurait, là, pas d’efficacité –, mais surtout aiguë, ne cédant pas aux antalgiques habituels. Les cas sont exceptionnels, je le précise.
Il y aura un suivi des patients et, bien sûr, une exclusion de la voie d’administration fumée. Les prescriptions devraient être encadrées par des ordonnances sécurisées, comme pour les morphiniques. Il faudra indiquer et apprécier les effets secondaires, tels que la baisse de la vigilance, les décompensations psychiques et les risques d’addiction. La distribution, comme pour les antalgiques morphiniques, devrait se faire en pharmacie et, cela a été dit, on pourrait envisager une culture en France.
En d’autres termes, mes chers collègues, notre position est la suivante : oui à l’expérimentation du cannabis médical, avec – si validation – prescriptions sur ordonnances sécurisées et un travail sur les indications, contre-indications et effets secondaires ; non à une autorisation de prescriptions larges, qui pourraient évoluer vers un usage récréatif dont nous connaissons les graves effets indésirables – cognitifs, psychotiques, addictifs –, notamment chez les jeunes.