Absolument, à l'échelon européen. L'un des éléments clés de la souveraineté est la territorialité. Les Allemands sont allés plus loin en recommandant que les données des Allemands ne quittent pas le territoire européen. L'Inde s'en est aussi inquiétée, tout comme la Chine, pour d'autres raisons. Est-ce que cela sera suffisant au vu de la volonté d'extraterritorialité du droit américain (ex. Cloud Act) ? Cela demeure à voir. Après l'affaire Snowden, à laquelle la France a répondu de manière timide à l'époque, contrairement à l'Allemagne, nous n'avons pas fait suffisamment tôt le bilan des événements et de leurs implications. Nous avons été naïfs.
Nous sommes l'une des premières plateformes mondiales de consommation des biens technologiques mais, pourtant, pour l'essentiel, les compagnies qui en retirent le plus de profits ne sont pas européennes. En découlent des problèmes de taxation, des pratiques d'optimisation et d'évasion fiscale. Si on ne développe pas une véritable politique industrielle dans ce domaine, nous n'existerons pas. Là-dessus, les États-Unis ont été d'une extraordinaire opiniâtreté, en jouant un véritable rôle d'entrepreneur. Il faut mettre fin « au mythe du garage ». Les secteurs clés dans ce domaine ont été très largement financés par l'État américain. Palantir, partenaire de Cambridge Analytica, a été fondé sur le fonds d'investissement de la CIA. Palantir a en plus contractualisé avec la DGSI, ce qui n'a pas été sans soulever quelques questions. Après l'ère de la naïveté, l'ère de la lucidité doit rapidement advenir, avec la construction active d'une politique industrielle européenne et française. Dans les secteurs clés que sont la santé connectée, l'énergie, l'environnement, les transports et les technologies financières, nous nous exposons à de vrais risques si nous ne réagissons pas.