Madame la présidente, madame la ministre de l’enseignement supérieur, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec humilité, mais détermination, que j’aborde, cette semaine, l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé. Je mesure pleinement les attentes dans vos territoires et l’exigence particulière, dans cet hémicycle, d’une réponse aux inquiétudes des citoyens et des élus.
Répondre à cette exigence, c’est d’abord et avant tout permettre à notre système de santé de tenir, demain, les promesses qu’il a toujours tenues. C’est l’enjeu de ce projet de loi et c’est ce que les Français demandent avec une insistance parfaitement justifiée. Chacun, sur ces travées, a pu, avant même que cela soit confirmé par le grand débat national, partager les attentes des Français pour un meilleur accès à des soins de proximité. Nous n’avons pas le choix, il faut répondre à l’urgence, dans des territoires qui se sentent abandonnés, et anticiper le déclin démographique.
Les défis structurels auxquels nous sommes confrontés sont le résultat de plusieurs facteurs, et je sais que nous partageons les mêmes constats. Un exemple me semble bien illustrer cet échec collectif : de 1991 à 2000, moins de 4 000 médecins ont été formés chaque année. Nous payons aujourd’hui au prix fort ce manque d’anticipation, à l’heure où le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre de maladies chroniques deviennent des phénomènes de très grande envergure.
Dans un contexte d’inégalités grandissantes dans l’accès aux soins et de mutations démographiques majeures, la transformation de notre système de santé n’était pas une option, c’était une nécessité absolue. Nous proposons donc un changement de paradigme, qui est aussi un changement de culture, en raisonnant désormais autour de deux axes : d’une part, le temps médical accessible ou disponible, qui consiste à permettre aux médecins de faire ce pour quoi ils sont les mieux qualifiés, et, d’autre part, le décloisonnement, pour que l’exercice isolé devienne l’exception et l’exercice coordonné la norme.
Notre ambition – et je sais que nous la partageons tous – consiste à transformer notre système de santé dans son ensemble ; qu’il s’agisse des modes d’organisation, du financement, de la formation ou des conditions d’exercice des professionnels, nous ne devons négliger aucun moyen pour garantir et améliorer l’accès à des soins de qualité pour tous, dans tous les territoires. C’est la vocation de ce projet de loi que d’être l’un des instruments de cette transformation globale.
D’autres leviers – réglementaires, conventionnels, financiers, mais aussi d’animation territoriale et d’appui aux acteurs – viendront prolonger la loi. Je pense en particulier au déploiement, dès cette année, de 400 postes de médecins généralistes dans les territoires les plus en difficulté, et au déploiement des assistants médicaux, qui permettront rapidement de libérer du temps médical.
En matière d’organisation, je pense au développement des communautés professionnelles territoriales de santé, qui conduiront à une meilleure coordination des professionnels de santé pour améliorer l’accès aux soins de la population dans les territoires.
Je cherche à rassembler tous les acteurs autour de notre stratégie, et cette approche porte ses fruits puisque, hier, un premier syndicat de médecins généralistes a apporté son soutien à nos propositions, en annonçant qu’il signerait avec l’assurance maladie la convention sur les assistants médicaux et les communautés professionnelles territoriales de santé. C’est avec cet élan et cette adhésion que nous répondrons à la question de l’accès aux soins.
Le projet de loi initial comportait vingt-trois articles, et il a été enrichi par le travail parlementaire.
Conformément aux engagements pris, la première année commune aux études de santé, la Paces, et le numerus clausus, qui existe depuis 1971, seront supprimés dès septembre 2020. La Paces cédera la place à un système qui demeurera sélectif et exigeant, mais qui fera une meilleure place aux compétences, au projet professionnel et à la qualité de vie des étudiants. En développant les passerelles entrantes, la diversité des profils sera également privilégiée.
Le deuxième cycle des études médicales sera rénové, avec la suppression des épreuves classantes nationales. Il s’agira de créer une procédure d’orientation qui prenne en compte les connaissances, mais aussi les compétences cliniques et relationnelles, et qui soit respectueuse des projets professionnels des futurs médecins. Frédérique Vidal, avec qui je porte les premiers articles de ce projet de loi, vous précisera les détails de ces deux mesures dans quelques instants.
Le titre II s’attache à structurer des collectifs de soins de proximité dans les territoires. La création de projets territoriaux de santé doit aider à mettre en cohérence les initiatives de tous les acteurs des territoires, quel que soit leur statut – libéral, en exercice regroupé ou coordonné, hospitalier, du secteur social ou médico-social, public ou privé –, en associant évidemment les élus et les usagers. Ce sont ces projets territoriaux qui formalisent le décloisonnement, pierre angulaire du plan Ma santé 2022.
Le statut des hôpitaux de proximité sera revu. Nous voulons que ces derniers soient mieux adaptés aux soins du quotidien et ouverts sur la ville et le médico-social. Les missions socles ont été inscrites dans la loi, tandis que les modalités de financement seront définies par les prochaines lois de financement de la sécurité sociale.
Je profite d’être devant vous cet après-midi pour le rappeler : il n’y a pas de carte hospitalière cachée. Au contraire, les hôpitaux de proximité sont une chance pour les territoires, nous allons y investir des moyens financiers importants et, avec la gradation des soins et les consultations avancées, nous assurons à tous nos concitoyens des soins de qualité en proximité.
Un chapitre du projet de loi est également consacré à l’acte II des groupements hospitaliers de territoire. Nous estimons que le projet médical doit désormais être le centre de gravité de ces groupements. La gestion des ressources humaines médicales sera mutualisée, et la gouvernance médicale sera adaptée et renforcée en conséquence dans les établissements de santé.
Un nouvel article du projet de loi, introduit à l’Assemblée nationale, offre également la possibilité aux professionnels paramédicaux de la filière de rééducation de cumuler une activité libérale, en ville, avec une activité publique, à l’hôpital ; cette mesure devrait permettre de faciliter l’exercice des kinésithérapeutes et des orthophonistes dans les hôpitaux.
Plus largement, l’examen à l’Assemblée nationale a conduit à modifier le périmètre de compétences de certaines professions de santé. Je pense en particulier à la délivrance, par les pharmaciens, de médicaments sous prescription médicale obligatoire, et à l’ouverture aux infirmiers de la possibilité d’adapter des prescriptions et de prescrire certains produits en vente libre.
Derniers pivots du projet de loi, qui sont aussi des conditions de notre réussite collective : l’innovation et le numérique. Notre ambition est de redonner à la France les moyens d’être en pointe sur ces sujets.
Nous inscrivons ainsi dans la loi le Health Data Hub, qui favorisera l’utilisation et l’exploitation des données de santé dans les domaines de la recherche, du pilotage du système de santé et de l’information des patients. Nous créons aussi l’espace numérique de santé, un compte personnel en ligne, qui permettra à chacun d’accéder au dossier médical partagé, à des applications sécurisées et à des informations de santé.
La dématérialisation des pratiques passera aussi par le renforcement de la télésanté. La création du télésoin permettra à des paramédicaux et à des pharmaciens de réaliser certains actes à distance, et cela ouvrira de nouvelles opportunités sur les territoires, dans des filières sous-dotées comme en orthophonie.
J’aimerais enfin partager avec vous une conviction : la politique que nous conduisons dans le champ de la santé ne peut se faire sans nouer une relation de confiance durable avec les élus. J’ai évoqué la nécessité du décloisonnement entre les professionnels de santé ; ce décloisonnement, il faut aussi le mettre en œuvre entre l’État, ses services déconcentrés, les opérateurs et les collectivités territoriales.
Pour construire le système de santé de demain, il ne faut pas de décision imposée d’en haut. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j’en suis convaincue, comme ministre, notre stratégie et ce projet de loi sont la meilleure réponse. Représentants des territoires et témoins privilégiés de la détresse de nos concitoyens, porte-voix de leur inquiétude grandissante quant à l’accès aux soins, vous serez également convaincus, je l’espère, de la nécessité et de la pertinence de ce texte pour répondre aux défis actuels et à venir.
Je le crois fondamentalement, un pays qui sait soigner est un pays qui peut guérir.