Séance en hémicycle du 3 juin 2019 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 29 mai 2019 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé (projet n° 404, texte de la commission n° 525, rapport n° 524, avis n° 515 et 516).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Madame la présidente, madame la ministre de l’enseignement supérieur, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec humilité, mais détermination, que j’aborde, cette semaine, l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé. Je mesure pleinement les attentes dans vos territoires et l’exigence particulière, dans cet hémicycle, d’une réponse aux inquiétudes des citoyens et des élus.

Répondre à cette exigence, c’est d’abord et avant tout permettre à notre système de santé de tenir, demain, les promesses qu’il a toujours tenues. C’est l’enjeu de ce projet de loi et c’est ce que les Français demandent avec une insistance parfaitement justifiée. Chacun, sur ces travées, a pu, avant même que cela soit confirmé par le grand débat national, partager les attentes des Français pour un meilleur accès à des soins de proximité. Nous n’avons pas le choix, il faut répondre à l’urgence, dans des territoires qui se sentent abandonnés, et anticiper le déclin démographique.

Les défis structurels auxquels nous sommes confrontés sont le résultat de plusieurs facteurs, et je sais que nous partageons les mêmes constats. Un exemple me semble bien illustrer cet échec collectif : de 1991 à 2000, moins de 4 000 médecins ont été formés chaque année. Nous payons aujourd’hui au prix fort ce manque d’anticipation, à l’heure où le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre de maladies chroniques deviennent des phénomènes de très grande envergure.

Dans un contexte d’inégalités grandissantes dans l’accès aux soins et de mutations démographiques majeures, la transformation de notre système de santé n’était pas une option, c’était une nécessité absolue. Nous proposons donc un changement de paradigme, qui est aussi un changement de culture, en raisonnant désormais autour de deux axes : d’une part, le temps médical accessible ou disponible, qui consiste à permettre aux médecins de faire ce pour quoi ils sont les mieux qualifiés, et, d’autre part, le décloisonnement, pour que l’exercice isolé devienne l’exception et l’exercice coordonné la norme.

Notre ambition – et je sais que nous la partageons tous – consiste à transformer notre système de santé dans son ensemble ; qu’il s’agisse des modes d’organisation, du financement, de la formation ou des conditions d’exercice des professionnels, nous ne devons négliger aucun moyen pour garantir et améliorer l’accès à des soins de qualité pour tous, dans tous les territoires. C’est la vocation de ce projet de loi que d’être l’un des instruments de cette transformation globale.

D’autres leviers – réglementaires, conventionnels, financiers, mais aussi d’animation territoriale et d’appui aux acteurs – viendront prolonger la loi. Je pense en particulier au déploiement, dès cette année, de 400 postes de médecins généralistes dans les territoires les plus en difficulté, et au déploiement des assistants médicaux, qui permettront rapidement de libérer du temps médical.

En matière d’organisation, je pense au développement des communautés professionnelles territoriales de santé, qui conduiront à une meilleure coordination des professionnels de santé pour améliorer l’accès aux soins de la population dans les territoires.

Je cherche à rassembler tous les acteurs autour de notre stratégie, et cette approche porte ses fruits puisque, hier, un premier syndicat de médecins généralistes a apporté son soutien à nos propositions, en annonçant qu’il signerait avec l’assurance maladie la convention sur les assistants médicaux et les communautés professionnelles territoriales de santé. C’est avec cet élan et cette adhésion que nous répondrons à la question de l’accès aux soins.

Le projet de loi initial comportait vingt-trois articles, et il a été enrichi par le travail parlementaire.

Conformément aux engagements pris, la première année commune aux études de santé, la Paces, et le numerus clausus, qui existe depuis 1971, seront supprimés dès septembre 2020. La Paces cédera la place à un système qui demeurera sélectif et exigeant, mais qui fera une meilleure place aux compétences, au projet professionnel et à la qualité de vie des étudiants. En développant les passerelles entrantes, la diversité des profils sera également privilégiée.

Le deuxième cycle des études médicales sera rénové, avec la suppression des épreuves classantes nationales. Il s’agira de créer une procédure d’orientation qui prenne en compte les connaissances, mais aussi les compétences cliniques et relationnelles, et qui soit respectueuse des projets professionnels des futurs médecins. Frédérique Vidal, avec qui je porte les premiers articles de ce projet de loi, vous précisera les détails de ces deux mesures dans quelques instants.

Le titre II s’attache à structurer des collectifs de soins de proximité dans les territoires. La création de projets territoriaux de santé doit aider à mettre en cohérence les initiatives de tous les acteurs des territoires, quel que soit leur statut – libéral, en exercice regroupé ou coordonné, hospitalier, du secteur social ou médico-social, public ou privé –, en associant évidemment les élus et les usagers. Ce sont ces projets territoriaux qui formalisent le décloisonnement, pierre angulaire du plan Ma santé 2022.

Le statut des hôpitaux de proximité sera revu. Nous voulons que ces derniers soient mieux adaptés aux soins du quotidien et ouverts sur la ville et le médico-social. Les missions socles ont été inscrites dans la loi, tandis que les modalités de financement seront définies par les prochaines lois de financement de la sécurité sociale.

Je profite d’être devant vous cet après-midi pour le rappeler : il n’y a pas de carte hospitalière cachée. Au contraire, les hôpitaux de proximité sont une chance pour les territoires, nous allons y investir des moyens financiers importants et, avec la gradation des soins et les consultations avancées, nous assurons à tous nos concitoyens des soins de qualité en proximité.

Un chapitre du projet de loi est également consacré à l’acte II des groupements hospitaliers de territoire. Nous estimons que le projet médical doit désormais être le centre de gravité de ces groupements. La gestion des ressources humaines médicales sera mutualisée, et la gouvernance médicale sera adaptée et renforcée en conséquence dans les établissements de santé.

Un nouvel article du projet de loi, introduit à l’Assemblée nationale, offre également la possibilité aux professionnels paramédicaux de la filière de rééducation de cumuler une activité libérale, en ville, avec une activité publique, à l’hôpital ; cette mesure devrait permettre de faciliter l’exercice des kinésithérapeutes et des orthophonistes dans les hôpitaux.

Plus largement, l’examen à l’Assemblée nationale a conduit à modifier le périmètre de compétences de certaines professions de santé. Je pense en particulier à la délivrance, par les pharmaciens, de médicaments sous prescription médicale obligatoire, et à l’ouverture aux infirmiers de la possibilité d’adapter des prescriptions et de prescrire certains produits en vente libre.

Derniers pivots du projet de loi, qui sont aussi des conditions de notre réussite collective : l’innovation et le numérique. Notre ambition est de redonner à la France les moyens d’être en pointe sur ces sujets.

Nous inscrivons ainsi dans la loi le Health Data Hub, qui favorisera l’utilisation et l’exploitation des données de santé dans les domaines de la recherche, du pilotage du système de santé et de l’information des patients. Nous créons aussi l’espace numérique de santé, un compte personnel en ligne, qui permettra à chacun d’accéder au dossier médical partagé, à des applications sécurisées et à des informations de santé.

La dématérialisation des pratiques passera aussi par le renforcement de la télésanté. La création du télésoin permettra à des paramédicaux et à des pharmaciens de réaliser certains actes à distance, et cela ouvrira de nouvelles opportunités sur les territoires, dans des filières sous-dotées comme en orthophonie.

J’aimerais enfin partager avec vous une conviction : la politique que nous conduisons dans le champ de la santé ne peut se faire sans nouer une relation de confiance durable avec les élus. J’ai évoqué la nécessité du décloisonnement entre les professionnels de santé ; ce décloisonnement, il faut aussi le mettre en œuvre entre l’État, ses services déconcentrés, les opérateurs et les collectivités territoriales.

Pour construire le système de santé de demain, il ne faut pas de décision imposée d’en haut. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j’en suis convaincue, comme ministre, notre stratégie et ce projet de loi sont la meilleure réponse. Représentants des territoires et témoins privilégiés de la détresse de nos concitoyens, porte-voix de leur inquiétude grandissante quant à l’accès aux soins, vous serez également convaincus, je l’espère, de la nécessité et de la pertinence de ce texte pour répondre aux défis actuels et à venir.

Je le crois fondamentalement, un pays qui sait soigner est un pays qui peut guérir.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que vous allez examiner transforme notre système de santé et établit les perspectives de long terme qui adapteront celui-ci aux évolutions épidémiologiques et préserveront notre modèle social.

Cela nécessite que les professionnels de santé, dont les médecins, travaillent autrement. La coopération de différents professionnels, du patient et de l’entourage de celui-ci, au service du projet du patient, sera un élément déterminant de la qualité et de l’efficience du système de soins.

L’évolution des connaissances et des techniques continuera de transformer profondément et rapidement les métiers des professionnels de santé. L’intelligence artificielle au service du diagnostic, la génomique au service de la personnalisation des traitements, la télémédecine pour mettre à disposition de tous nos concitoyens l’expertise la plus pointue : voilà trois exemples, issus de notre capacité de recherche et d’innovation, qui induiront des évolutions majeures des métiers de la santé.

Dans tous les domaines d’activité, il faut, dès que l’on aperçoit l’horizon d’un changement majeur des compétences mobilisées, adapter sans délai le système de formation, premier facteur déterminant notre avenir, et donc notre première responsabilité vis-à-vis des générations futures.

C’est pour ces raisons que les deux premiers articles de ce projet de loi vous proposent une transformation majeure des études de santé et, plus spécifiquement, des études de médecine. Je me réjouis de la qualité du travail réalisé par les commissions, qui a permis d’enrichir et de préciser le texte qui vous est proposé. De nombreuses améliorations ont été apportées aux deux premiers articles. Le Gouvernement vous proposera de rediscuter certaines notions qui nous paraissent importantes pour nos concitoyens et qui contribuent, selon nous, à la construction d’une démocratie sanitaire ; je pense notamment à la participation des patients à l’enseignement.

Le premier article du texte supprime le numerus clausus et la Paces, que le Président de la République qualifiait, en septembre dernier, d’« acronyme funeste menant de bons lycéens à l’échec ». En quelques mots, il s’agit, avec ces deux dispositions, de faire vivre, dans la formation des médecins, tous les principes qui ont sous-tendu la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants : promouvoir la réussite des étudiants – tous les étudiants –, en diversifiant les profils des futurs médecins et en offrant une pluralité de voie d’accès aux filières de santé.

Aujourd’hui, plus de 40 000 étudiants s’inscrivent chaque année en Paces ; ce sont de bons lycéens, mais plus d’un tiers d’entre eux reprennent à zéro, après deux années vécues comme deux échecs, un cursus, et quelques-uns, parmi les plus fragiles, en sont durablement brisés. D’autres, anticipant ce risque, et ne disposant pas du soutien familial et social pour le prendre, n’osent même pas formuler ce projet ; cette autocensure participe à la reproduction sociale qui caractérise ces études. Cette situation n’est pas compatible avec notre volonté que chaque jeune, d’où qu’il vienne, ait les mêmes chances de mettre ses talents au service de la société tout entière.

Demain, un lycéen pourra commencer ses études supérieures dans une diversité de cursus. Dans ce cadre, il aura tous les atouts pour réussir et choisir, s’il le souhaite, de présenter sa candidature pour se lancer dans les études de santé. Celles-ci resteront évidemment sélectives ; l’excellence académique mais aussi d’autres compétences, utiles à ce métier, dans lequel la communication interpersonnelle tient tant de place, permettront aux candidats d’accéder aux filières de santé.

Le travail réalisé par les parlementaires a permis d’affiner ce premier article, de préciser dans la loi les grands principes qui doivent organiser l’admission des étudiants, dont celui de la nécessaire diversité des voies d’accès, de définir les organisations qui devront être fixées par les textes réglementaires et de maintenir une marge importante d’autonomie des acteurs locaux.

Les concertations que nous conduisons avec les acteurs sont extrêmement constructives. Nos universités ont préparé les parcours de licence permettant d’associer des contenus de santé à d’autres disciplines, et nous devons les aider à mettre ces évolutions en œuvre dès 2020, pour faire cesser le gâchis de la Paces.

Nos concitoyens nous l’ont répété avec force au cours des derniers mois ; leurs élus sont les premiers auxquels sont adressés leurs messages, leurs demandes, leurs colères et parfois leurs détresses. Agnès Buzyn et moi-même l’entendons sans cesse lors de nos déplacements.

Certains de nos territoires manquent de professionnels de santé et, nous le savons, la politique malthusienne de définition du nombre de médecins formés – le numerus clausus – y a contribué. Les citoyens nous le reprochent, et, ce faisant, le reprochent aussi aux gouvernements qui nous ont précédés. Ils ont raison ; supprimer le numerus clausus rend justice au bon sens qui commande de se passer des outils qui ont conduit à prendre les mauvaises décisions.

Pour autant, nous devons aussi la vérité à nos concitoyens. Aucune mesure ne permettra d’augmenter dès demain le nombre de médecins formés, et l’accès aux soins doit être amélioré par d’autres moyens ; ceux-ci figurent dans ce projet de loi. Cela dit, les études de médecine et, plus généralement, les études de tous les professionnels de santé doivent être repensées, avec pour souci constant de servir à terme les besoins de santé de la population et de former les professionnels dont nous avons besoin.

Les parlementaires ont proposé plusieurs évolutions du texte en ce sens, et nous serons bien entendu heureuses d’émettre un avis favorable sur celles-ci. Oui, bien sûr, comme l’a proposé le sénateur Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, l’organisation des études de médecine doit favoriser une répartition équilibrée des futurs professionnels sur le territoire, au regard des besoins de santé. Ce point est si important qu’il mérite de figurer dans le projet de loi, traduisant ainsi le concept de responsabilité sociale des facultés de santé.

Le deuxième article exprime, plus tard dans les études médicales, notre ambition de concilier exigence, bienveillance et ouverture. Aujourd’hui, les études de médecine représentent un saut d’obstacles ne convenant qu’à un type d’intelligence. L’étudiant, sélectionné par des questionnaires à choix multiples en Paces, accède ensuite à telle ou telle spécialité en fonction de sa capacité à mémoriser une grande quantité d’informations et à cocher des cases.

Les qualités de synthèse, de décision en situation d’incertitude ou, plus simplement, la capacité à conduire un entretien ou un examen clinique sont peu évaluées et, finalement, ne comptent pas dans l’orientation, pas plus que le fait de s’être impliqué dans un travail de recherche ou d’avoir une expérience internationale. Est-ce bien cela que nous voulons pour nos futurs médecins ? En tout cas, eux nous disent clairement le contraire ; ils ne veulent plus de ce modèle dans lequel le bachotage intensif leur fait perdre le sens même de ce qui les avait conduits à s’engager dans cette voie.

Nous vous proposons donc de mettre fin à cette situation, de diversifier les critères d’évaluation des étudiants et de construire des parcours multiples, en perspective de l’internat du troisième cycle. Je suis convaincue que, ainsi mieux formés, ces étudiants nous soigneront mieux.

L’organisation du deuxième cycle devra également tenir la promesse de former les professionnels dont les territoires ont besoin. Nous avons résolument choisi de privilégier la découverte de tous les modes d’exercice, la diversité des terrains de stage et la qualité de l’encadrement pédagogique plutôt que les mesures coercitives. Envoyer un étudiant faire un stage à un endroit où il serait mal encadré n’est pas le meilleur moyen de susciter son intérêt pour l’exercice dans ce territoire. Gageons qu’il sera plus efficace de former à la maîtrise de stage des professionnels regroupés utilisant le plateau technique d’un hôpital local et de permettre à ces praticiens de transmettre leur passion à des jeunes.

Dans le même temps, l’organisation du deuxième cycle et les mesures d’accompagnement, par exemple de la mobilité, mises en place par l’État et par les collectivités locales, doivent favoriser des stages dans tous les territoires. C’est ensemble – État et collectivités, enseignants et étudiants – que nous relèverons ce défi.

Voilà en quelques mots la vision du Gouvernement sur cet aspect spécifique du texte ; deux articles pour transformer les études de santé, deux articles dont les lignes de force sont la réussite et l’épanouissement des étudiants, la diversité des trajectoires et des talents, la garantie de la compétence des professionnels au service de tous les territoires.

Je me tiens naturellement à votre disposition pour répondre à l’ensemble de vos questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous engageons l’examen d’un projet de loi dont l’intitulé est riche de promesses : il entend réformer l’organisation de notre système de santé, mais aussi le transformer.

Nous partageons le sentiment d’urgence qui justifie cette ambition, comme nous avons partagé le diagnostic posé à l’issue de la stratégie de transformation de notre système de santé, dont chacun a reconnu la justesse. Cette concertation a fait émerger une volonté commune des acteurs de refonder un modèle décrit, à juste titre, comme à bout de souffle.

Le projet de loi qui nous est soumis présente des inflexions positives. La refonte attendue des études de santé permettra une sélection plus progressive des futurs professionnels médicaux et une diversification de leurs profils.

Néanmoins, l’ambition de ce texte, le troisième en dix ans censé répondre au même constat de crise de notre système de santé, ne me paraît pas, pour l’heure, à la hauteur des enjeux. Permettez-moi d’exprimer deux principaux regrets.

Le premier tient au contenu même du projet de loi, qui s’apparente, à bien des égards, à un cadre général d’orientations. Le renvoi très large à des ordonnances ou décrets, sur le contenu desquels nous avons encore peu d’éclairages précis, laisse beaucoup d’interrogations en suspens.

Nous comprenons la nécessité de poursuivre la concertation, mais le calendrier retenu pour l’examen de ce texte aboutit, nous le déplorons, à appauvrir le débat parlementaire. Sur des sujets majeurs pour les territoires, comme les hôpitaux de proximité ou les évolutions de la carte hospitalière, le débat aurait été plus serein s’il avait pu porter sur un modèle plus abouti. La commission n’a toutefois pas souhaité faire obstacle à l’avancée des réformes, mais elle attend que nos échanges permettent d’en affiner les contours.

À côté de ce sentiment d’inachevé, mon second regret touche à ce que nous n’avons pas trouvé dans le texte. Ce projet de loi peut-il prétendre transformer notre système de santé sans évoquer ni sa gouvernance ni son financement ?

Il me semble que nous ne pouvons plus ériger en priorité le décloisonnement des acteurs de santé sans revoir les contours d’un pilotage national qui contribue, en lui-même, à accentuer des logiques de silo. De même, nous voyons que toute tentative pour adapter les moyens d’action aux besoins des territoires se heurte à des limites dans une administration de la santé fortement centralisée.

Je regrette que ce projet de loi ne pose pas les bases d’évolutions de fond sur ces sujets. J’aurais souhaité, mesdames les ministres, y retrouver le souffle des grandes réformes en santé, dans la lignée des ordonnances Debré ou même, à un degré moindre, de la loi HPST, qui avait rénové en profondeur la territorialisation des politiques de santé et la gouvernance hospitalière.

L’ambition de ce texte réduit nos capacités d’initiative pour porter certains sujets. Je souhaite que nous poursuivions ensemble la réflexion, en particulier pour envisager, en matière de prise en charge des soins, le passage d’une architecture à double étage au principe d’un payeur unique. J’y vois un levier d’efficience, mais également un enjeu de lisibilité, et donc d’adhésion à notre modèle de sécurité sociale.

Vous connaissez également, madame la ministre, mes réserves quant aux modes actuels de financement des investissements, notamment immobiliers, des établissements de santé ; je n’ai pu inscrire dans le projet de loi le principe d’une banque des investissements, mais je souhaiterais que votre ministère puisse approfondir la réflexion sur ce sujet crucial pour l’avenir des hôpitaux.

Quoi qu’il en soit, la commission des affaires sociales a abordé l’examen du texte qui nous est présenté dans un esprit constructif. Ses apports ont été guidés par deux priorités : les territoires et l’ambition numérique.

Sur le premier volet, nos concitoyens ont exprimé, lors du grand débat national, des attentes fortes à l’égard du système de santé. Le satisfecit sur la réforme des études de santé ne doit pas nous conduire à endosser une communication parfois ambiguë sur la fin du numerus clausus. Ne nous trompons pas de débat, vous l’avez souligné, madame la ministre : les effectifs d’étudiants continueront d’être contraints par les moyens universitaires, qui ne sont pas extensibles à l’infini, et une sélection demeurera, selon des modalités certes nouvelles.

Surtout, la réforme n’aura pas d’effet à court terme sur la démographie médicale, le numerus clausus n’ayant au demeurant pas de lien avec la répartition territoriale des praticiens. Sur le sujet sensible de la présence médicale dans nos territoires, nous savons qu’il n’existe pas de solution miracle.

Je me réjouis que les échanges constructifs qui se sont poursuivis au sein de notre commission, associant différents groupes, puissent aboutir à proposer, au cours de nos débats, des évolutions utiles autant que pragmatiques.

D’autres propositions adoptées par la commission visent à encourager les jeunes praticiens à un ancrage rapide au sein d’un territoire et auprès d’une patientèle : d’une part, une incitation fiscale forte à l’installation rapide au sortir des études, d’autre part, une limitation de l’exercice comme remplaçant.

Une autre ligne directrice de nos travaux s’appuie sur la confiance dans les acteurs de terrain et dans les collectivités territoriales.

Je reconnais que, en s’inscrivant dans la continuité de la loi Touraine, adoptée voilà juste trois ans, le Gouvernement opte, au travers de ce projet de loi, pour un pragmatisme bienvenu ; les acteurs commencent à peine, en effet, à se saisir des outils mis en place par cette loi, comme l’ont montré nos collègues Catherine Deroche, Véronique Guillotin et Yves Daudigny dans un premier bilan.

Cela dit, si la commission a soutenu l’élaboration d’un projet territorial de santé comme levier du décloisonnement indispensable entre la ville, l’hôpital et le médico-social, je regrette que, une fois encore, on superpose et complexifie les outils. Veillons à ne pas décourager les porteurs de projets en gardant des dispositifs souples, sans céder à la tentation d’une hyperadministration de la santé.

Suivant la même logique, la commission a privilégié les démarches de volontariat des établissements pour la poursuite de l’intégration au sein des groupements hospitaliers de territoire. Il me semble que l’hétérogénéité des situations actuelles ne doit pas conduire à imposer à tous un schéma homogène.

Un autre axe d’évolution porte sur le lien entre l’État en région, à travers les agences régionales de santé, les ARS, et les élus du territoire. À mon sens, ce lien est aujourd’hui à repenser très largement. Et ce n’est pas en associant les parlementaires à des instances locales, en palliatif à la suppression du cumul des mandats, que nous y parviendrons.

La commission a privilégié des mesures plus opérationnelles, avec un renforcement des prérogatives du conseil de surveillance des ARS et du poids des élus locaux en son sein. Elle a également consolidé, en adoptant des amendements du groupe socialiste, le rôle de pilotage stratégique des conseils de surveillance des hôpitaux.

Sur la transformation numérique de notre système de santé, la commission a reconnu l’urgence d’agir en confirmant la mise en place d’une plateforme des données de santé et en rendant automatique l’ouverture d’un espace numérique de santé, levier de la coordination indispensable des parcours de soins.

Parallèlement, elle a conforté les obligations en matière d’accessibilité pour nos concitoyens éloignés des usages numériques.

Enfin, pour ne pas prendre un retard qui serait ensuite impossible à rattraper, la commission a renforcé les exigences d’interopérabilité applicables au secteur en instituant un mécanisme de certification, accompagné d’instruments à visée incitative pour les éditeurs.

Telles sont, madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, les orientations qui ont guidé notre commission des affaires sociales dans l’examen de ce projet de loi. Nous avons apporté des inflexions à un texte dont nous reconnaissons les apports tout en regrettant les limites.

En définitive, ce sont les moyens accordés pour accompagner son déploiement qui signeront, ou non, la réussite de cette réforme, là où les précédentes lois ont échoué à répondre à l’urgence d’une refondation de notre système de santé. Nous y resterons évidemment attentifs.

Je remercie nos collègues rapporteurs pour avis, Laurent Lafon et Jean-François Longeot, pour le travail qu’ils ont réalisé au sein de leurs commissions respectives et pour le regard complémentaire qu’ils ont porté sur ce texte, même si nous n’avons pas toujours été d’accord sur des sujets importants – et nous resterons en désaccord encore longtemps…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

En conclusion, la commission des affaires sociales vous demandera d’adopter ce projet de loi, sous réserve des amendements qui contribueront encore à l’enrichir.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, sur l’initiative de sa présidente, Mme Catherine Morin-Desailly, le bureau de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a décidé de rendre un avis sur ce texte, transmis au fond à la commission des affaires sociales, mais dont plusieurs dispositions intéressent la commission, et tout particulièrement les articles 1er à 2 ter qui traitent de la réforme des études de santé.

Cette réforme, qui fait largement consensus, a recueilli l’aval de notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Nous avons notamment apprécié la méthode qui a prévalu et qui a permis de dégager un assez large consensus.

Saluons ici la mission du professeur Jean-Paul Saint-André, les différentes expérimentations et concertations avec les professionnels de santé, la mise en place de véritables groupes de travail, les nombreuses contributions écrites et les auditions, notamment celles organisées au Sénat, aux côtés des conférences des doyens de facultés de santé, de la conférence des présidents d’universités, ou encore des organisations représentatives des étudiants.

Je tiens également à remercier M. le président et rapporteur, Alain Milon, mais aussi notre collègue Jean-François Longeot, rapporteur pour avis et, bien évidemment, Mme la présidente Catherine Morin-Desailly.

Les inconvénients de la Paces à l’entrée dans les études de santé et ceux des épreuves classantes nationales à l’entrée en troisième cycle des études de médecine ont été assez largement dénoncés. Avec un taux de réussite inférieur à 30 %, le système met en échec de très nombreux jeunes, pourtant excellents bacheliers. Le coût pour les familles, comme pour la Nation, est également lourd et excessif.

La Paces est plus une année de sélection qu’une année de formation véritable. Les conditions d’études y sont peu satisfaisantes – amphithéâtres surchargés, quasi-absence de travaux dirigés… Surtout, le recrutement se fait selon un profil type très stéréotypé, celui du bachelier scientifique, titulaire d’une mention très bien et issu des classes sociales les plus favorisées.

Les expérimentations menées depuis 2013 et dont le nouveau dispositif s’inspire assez largement ont montré leur intérêt en termes de diversification des profils recrutés et d’instauration de parcours de réussite pour les étudiants.

Notre commission s’est interrogée sur la précipitation avec laquelle la réforme de la Paces va être mise en œuvre. Il nous semble peu réaliste de demander aux universités d’avoir élaboré toutes leurs nouvelles maquettes de formations dans moins de six mois.

Si les universités se contentent de transformer les Paces en « portails santé » et les antennes Paces en « mineures santé » sans aucune autre modification qu’un changement de nom, la réforme aura échoué, ce qui serait très dommageable.

Notons, et c’est un point positif de ce projet de loi, que le Gouvernement, en supprimant les épreuves classantes nationales, signe la fin de trois ans de bachotage intensif. Pour accéder au troisième cycle, les étudiants devront désormais avoir une note minimale à des examens qui resteront nationaux et valider les acquis du deuxième cycle par des simulations et des oraux.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a également souhaité que les études de santé prennent mieux en compte les questions d’implantation territoriale des futurs professionnels de santé et, en particulier, que les étudiants en médecine de deuxième et troisième cycles se voient offrir des stages en zones sous-denses.

Enfin, il nous a semblé indispensable que ces mêmes étudiants bénéficient de programmes d’échanges internationaux, aujourd’hui sous-développés dans le cursus des études de santé, en particulier en médecine.

Voilà quinze jours, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a examiné ce projet de loi et adopté huit amendements, dont deux ont été intégrés au texte de la commission des affaires sociales que nous examinons aujourd’hui.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a toutefois souhaité que les amendements qui n’ont pas été retenus dans le texte soient de nouveau déposés lors de notre débat en séance publique. Je serai donc amené à les défendre devant vous, probablement cet après-midi ou ce soir.

Pour conclure, le Gouvernement, vous l’aurez compris, est contraint d’aller vite. La réforme de la première année des études de santé l’oblige à publier les décrets d’application de la loi avant la rentrée prochaine pour que les étudiants puissent s’informer, notamment à travers Parcoursup.

Pour ces raisons, mesdames les ministres, vous devez légiférer par ordonnances, le texte lui-même renvoyant trop souvent à des décrets et à des circulaires.

Si le Gouvernement, à travers ces mesures, entend bien réaliser une transformation profonde des études de santé et non de simples ajustements, nous ne pouvons que regretter cet affaiblissement du travail législatif qui, à terme, ne peut que fragiliser un projet de loi pourtant à même de créer les conditions d’une stratégie globale tant attendue.

Mes collègues et moi-même resterons donc très attentifs à la mise en œuvre de cette réforme pour faire en sorte que les objectifs poursuivis se concrétisent réellement.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, comme l’ont rappelé les Français lors du grand débat national, à l’occasion duquel le thème de la santé s’est imposé de lui-même, les inégalités territoriales d’accès aux soins minent la cohésion nationale et notre pacte social en ajoutant une nouvelle fracture sanitaire et sociale aux nombreuses fractures, qu’elles soient territoriales, numériques, économiques ou en matière de transports, qui traversent déjà notre pays.

Dans ce contexte, et en cohérence avec l’attention constante qu’elle porte à la problématique des déserts médicaux depuis sa création, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est saisie pour avis du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, en particulier des dispositions du texte ayant des conséquences territoriales et de celles relatives à l’intégration du numérique dans notre système de soins.

À cet égard, j’observe avec regret que les constats posés dans le rapport de 2013 du président Hervé Maurey ou dans mon rapport pour avis de 2015 sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé sont toujours d’actualité.

Face à l’ampleur du phénomène de la désertification médicale, la commission a souhaité, en 2017, créer un groupe de travail, dont j’assure la coprésidence avec Hervé Maurey, consacré à cette question pour préparer l’examen du texte dont nous avons à connaître aujourd’hui.

Aussi, lors de la présentation de mon rapport pour avis, la majorité des membres de la commission, toutes sensibilités politiques confondues, a tenu à rappeler son attachement au principe d’égal accès aux soins, corollaire du droit à la santé défini par le préambule de la Constitution de 1946, et à la mise en œuvre de mesures de bon sens pour mieux réguler la répartition des professionnels de santé sur l’ensemble de notre territoire.

Malgré l’accélération du rythme d’adoption des lois relatives à la santé depuis dix ans, les inégalités d’accès aux soins se creusent sur l’ensemble du territoire et les défauts de notre système de soins demeurent les mêmes, à savoir un cloisonnement entre médecine de ville et hôpital et une difficulté à assurer un parcours de soins continu pour l’ensemble de nos concitoyens.

Si toutes les professions de santé sont concernées, les inégalités d’accès aux médecins sont particulièrement marquées, alors même qu’ils occupent une place centrale dans notre système de santé avec leur rôle de prescripteur.

Les écarts de densité entre départements varient de 1 à 3 pour les médecins généralistes et de 1 à 8 pour les spécialistes, voire autour de 1 à 20 pour certaines spécialités comme la pédiatrie ou la gynécologie, avec des disparités infradépartementales encore plus fortes.

Ces inégalités vont continuer de se renforcer dans les années à venir, car la densité médicale retrouvera son niveau de 2015 seulement à horizon de 2030. D’ici à 2025, près d’un médecin généraliste sur quatre aura cessé d’exercer.

Il ne faut pas sous-estimer les conséquences de cette situation sur la santé des populations, car la carte des déserts médicaux se superpose à celle de la mortalité précoce, comme le montrent plusieurs géographes de la santé. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas !

Qui plus est, les inégalités d’accès aux soins pèsent sur les finances publiques pour un montant estimé entre 900 millions et 3 milliards d’euros par an par la Cour des comptes.

Par ailleurs, les dépenses de santé et de médicaments sont plus importantes là où la densité de médecins est forte, sans que l’état de santé des populations concernées justifie cet écart. Réguler l’offre de soins, c’est non seulement améliorer l’accès aux soins de nos concitoyens, mais aussi maîtriser l’évolution des dépenses de santé.

Au cours de mes auditions, dont certaines ont été menées avec le rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, notre collègue Laurent Lafon, que je salue, la grande majorité des personnes et organismes que j’ai pu rencontrer ont exprimé des doutes sur la capacité du projet de loi que nous examinons à améliorer à court terme le quotidien de nos concitoyens.

Ainsi, la réforme du numerus clausus n’aura qu’un effet limité, voire aucun effet, sur la répartition des futurs professionnels de santé sur le territoire. Du reste, je constate un recours important à des ordonnances sur des sujets aussi sensibles que les hôpitaux de proximité. En outre, plusieurs mesures me paraissent d’une portée limitée et essentiellement technique.

En commission, nous avions proposé à la commission des affaires sociales l’adoption de 30 amendements portant sur 18 articles autour de trois grands axes : adapter les études de médecine, notamment avec la question des stages, ainsi que certains éléments de notre système de soins à l’exigence de proximité ; réguler l’offre de soins et réaffirmer le principe d’égal accès aux soins sur l’ensemble du territoire ; libérer du temps médical dans tous les territoires en allégeant les contraintes administratives pesant sur les professionnels, en développant les partages de compétences et en soutenant le déploiement de la « e-santé ».

La commission a souhaité proposer des mesures plus resserrées et pragmatiques en séance publique. J’aurai l’occasion de vous présenter 12 amendements portant sur 8 articles.

Aussi, avant de conclure mon propos, je souhaiterais vous poser une simple question, mesdames les ministres : quand comptez-vous prendre les décisions pragmatiques et conformes à l’intérêt général qui s’imposent pour apporter une réponse durable à l’enjeu de l’égal accès aux soins sur l’ensemble de notre territoire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je suis saisie, par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 792.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé (525, 2018-2019).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, notre groupe a déposé cette motion tendant à opposer la question préalable du fait de notre désaccord avec la philosophie générale du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.

Face aux inégalités croissantes en matière d’accès aux soins, comment penser que l’efficience de notre système de santé passe essentiellement par une réorganisation et une mutualisation de moyens rabotés, chaque année, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale ?

Comment ne pas dénoncer les dangers que ce projet comporte en réformant la carte hospitalière et en réduisant les hôpitaux de proximité à de véritables coquilles vides ?

Alors, bien sûr, quelques mesures vont dans le bon sens, et si notre motion n’est pas votée, nous les soutiendrons. Mais elles sont noyées par votre refus de sortir du carcan de l’austérité budgétaire.

Ainsi, vous proposez la suppression du numerus clausus que nous demandions depuis longtemps. Mais c’est une mesure en trompe-l’œil, puisque vous en transférez la responsabilité aux présidents d’université sans leur donner plus de moyens. Et pourquoi ne pas l’avoir aussi supprimé pour les paramédicaux, singulièrement les orthophonistes, qui manquent, sur tous les territoires, en exercice libéral comme hospitalier ?

En outre, ce projet de loi fait la part belle aux ordonnances, restreignant de facto les droits du Parlement.

Vous nous avez expliqué, madame la ministre, qu’il était nécessaire de faire vite pour inscrire dans Parcoursup la suppression de la Paces pour 2020. Même si nous apprécions positivement votre intention de venir nous présenter a posteriori les études d’impact et les ordonnances, convenez qu’il est compliqué de vous accorder ce blanc-seing.

Trente années de réformes successives, dont vous assumez la continuité, ont conduit notre système de santé dans l’impasse. Aujourd’hui, tous les voyants sont au rouge. Pour ne prendre qu’un exemple récent, mardi 28 mai, à midi, pendant cinq minutes, le président de Samu-France a appelé à cesser symboliquement le travail pour dénoncer « le point de rupture jamais atteint ». Et il a été largement suivi.

Il faut décréter l’état d’urgence sanitaire dans notre pays. Trop nombreux sont nos concitoyennes et nos concitoyens à ne plus pouvoir accéder à un médecin généraliste ou à un spécialiste, dans de bonnes conditions financières, de proximité et de délai.

Les personnels hospitaliers sont au bord de l’épuisement professionnel généralisé. Les élus locaux sont exclus des constructions des projets territoriaux de santé. Les cas de femmes accouchant dans les ambulances se multiplient, faute de maternités de proximité. Des services sont désertés par des praticiens, qui préfèrent exercer en établissement privé où ils gagnent mieux leur vie et où ils n’ont pas les mêmes contraintes. La dette des hôpitaux a atteint les 30 milliards d’euros. Les inégalités d’accès à la médecine de ville gagnent du terrain. Les ruptures de stock de médicaments se multiplient…

Nous ne sommes pas alarmistes, mais réalistes. Si notre système de santé tient debout, c’est grâce à l’engagement sans faille des personnels. Je veux ici le souligner.

Il faut donc revoir notre système de santé, ce qui nécessite de mettre en œuvre un plan d’investissement matériel, financier et humain.

Ce plan n’est pas une utopie au regard des 40 milliards d’euros trouvés par le Gouvernement quand il s’est agi de faire ce cadeau, sans contrepartie, aux grandes entreprises. C’est bien une question de choix politique !

Il faut absolument sortir du carcan financier imposé par Bruxelles et mettre en œuvre une politique ambitieuse en matière de santé. Les propositions ne manquent pas pour y parvenir. Malheureusement, nous sommes contraints par les articles 40 et 41 de la Constitution, par le recours aux ordonnances, et par la loi de financement de la sécurité sociale.

Ces propositions, qui permettraient de répondre aux besoins des populations, sont notamment en contradiction avec cette nouvelle définition en trois échelons des hôpitaux, laquelle, sous couvert de gradation des soins, éloigne encore davantage les patients des infrastructures et des professionnels qualifiés, aggravant ainsi le phénomène des déserts médicaux, qui se multiplient en zones rurales et urbaines.

Vous pouvez affirmer qu’il n’y aura plus de fermetures d’hôpitaux de proximité, mais vous les videz de leurs services essentiels, comme les urgences, la chirurgie ou la maternité et vous supprimez des lits.

Lors de notre tour de France des hôpitaux et des Ehpad réalisé avec les collègues de mon groupe et les députés communistes, nous avons constaté, depuis quinze mois, la souffrance des personnels face à la dégradation des conditions de travail, le besoin de reconnaissance des métiers face à un sentiment d’écrasement par la machine administrative et, enfin, l’urgence d’embaucher du personnel pour arriver à soigner les malades comme il se doit.

Je pense à une phrase entendue dans différents établissements visités : « Nous ne faisons plus de la qualité, mais de l’abattage. »

Cette conception de l’hôpital public n’est pas la nôtre. Pour notre part, nous demandons depuis longtemps l’arrêt des fermetures de lits, de services, de maternités et d’hôpitaux, ce que le collectif Inter-Urgences, qui appelle à une journée nationale de manifestation à Paris, le 6 juin prochain, a mis en tête de ses revendications.

En 2014, alors que notre groupe avait déposé une proposition de loi exigeant un moratoire sur les fermetures de services, d’établissements ou de leurs regroupements, la ministre de la santé de l’époque, Marisol Touraine, avait répondu que, contrairement à ses prédécesseurs, elle ne conduisait plus une politique de fermetures des hôpitaux. Nous voyons aujourd’hui ce qu’il en est…

Force est de constater que, depuis 2014, les fermetures se sont poursuivies malgré les engagements des ministres successives, le nombre des établissements de santé passant de 3 111 en 2014 à 3 065 en 2016. Sur la même période, 46 établissements – pour le seul secteur public – ont fermé définitivement leurs portes.

Vous nous accorderez, mes chers collègues, que voter notre proposition de loi aurait été salutaire.

Dans ce contexte très dégradé, comment comprendre que Martin Hirsch annonce la fermeture de plus d’un millier de lits en gériatrie à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris d’ici à 2024, sans que votre ministère réagisse ?

Vous proposez de libérer du temps médical avec les 4 000 assistants médicaux pour les regroupements des professionnels de santé. Vous souhaitez favoriser l’exercice regroupé en maisons et centres de santé, nous disons : « Chiche ! »

Actuellement, les aspirations des jeunes praticiens à exercer en salariat dans des structures comme les centres de santé sont grandes. Donnons-leur les outils pour y parvenir en aidant réellement et concrètement les centres de santé à se développer. Il y a urgence à les accompagner en clarifiant le statut des professionnels exerçant dans ces centres, où les patients ont la garantie de bénéficier du tiers payant et de ne pas régler de dépassements d’honoraires, car il n’y en a pas.

Nous n’opposons pas médecine hospitalière et médecine de ville. Nous reconnaissons et défendons leur indispensable complémentarité.

Nous portons, avec nos collègues députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, un projet alternatif de santé que nous avons élaboré avec des actrices et acteurs de notre système de santé, rencontrés tout au long de notre tour de France des hôpitaux, pour apporter une réponse immédiate aux problématiques dénoncées.

Selon nous, l’urgence sanitaire nécessite d’agir tout de suite, sans attendre 2022, et de mettre en place un plan d’investissement pour une santé de qualité, accessible à toutes et à tous, financé par la suppression de la taxe sur les salaires dans les hôpitaux, par la suppression du CICE, du CIR et des exonérations de cotisations patronales et par une véritable lutte contre la fraude patronale aux cotisations sociales.

Avec cet argent, nous serions en capacité d’améliorer l’accès aux soins en créant 100 000 emplois à l’hôpital public et de revaloriser les carrières et les rémunérations des personnels. Est-il acceptable que les salaires des infirmières et des infirmiers en France soient les plus bas de tous les pays développés, selon l’OCDE ?

Avec cet argent, il est aussi possible de revenir sur les groupements hospitaliers de territoire, de créer 100 000 emplois statutaires par an, pendant trois ans, dans les filières gériatriques et les Ehpad, de revaloriser le point des conventions collectives du secteur d’aide à domicile, d’instaurer une véritable démocratie sanitaire en remplaçant les agences régionales de santé par des conseils cantonaux de santé, et en substituant aux conseils de surveillance des hôpitaux des conseils d’administration avec un droit de veto pour les représentants des personnels et les élus locaux.

Avec cet argent, il est possible de mettre en place un pôle public du médicament pour retrouver notre souveraineté en matière de production en France et de revaloriser le secteur psychiatrique pour garantir la continuité et la proximité du soin relationnel.

Bref, je n’entre pas dans le détail de nos 86 propositions. Il ne s’agit pas d’une liste à la Prévert, mais d’une réorientation des recettes de la sécurité sociale vers une autre politique de la santé.

C’est une question de choix politique. Nous regrettons, madame la ministre, que votre gouvernement s’inscrive dans la continuité des précédentes lois en matière de santé – notamment la loi HPST, dite loi Bachelot, et la loi Touraine.

Comment comprendre cet entêtement à poursuivre et à aggraver une politique qui a échoué et qui nous conduit aujourd’hui à la situation de pénurie de médecins, de recrudescence des renoncements aux soins et à la souffrance des personnels qui peut déboucher sur des drames ?

Cette politique ayant prouvé son inefficacité, il faut en changer, et ce de fond en comble. Ce n’est malheureusement pas ce que vous faites avec ce projet de loi.

Mes chers collègues, écoutez-nous, écoutez les infirmières de Valence qui chantent : « Y a de la colère dans les cathéters ! » Écoutez les personnels des urgences qui se mobilisent sur tous les territoires de notre pays. Votez notre motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

La commission est défavorable à cette motion.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Le Gouvernement y est également défavorable, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je mets fin au suspense : nous ne soutiendrons pas cette motion tendant à opposer la question préalable.

Nous avons, nous aussi, repéré les faiblesses du projet de loi – ou plus exactement les manques qui le caractérisent –, même s’il comporte plusieurs points positifs. Selon nous, l’ambition de transformer le système de santé supposait d’aborder la question de sa gouvernance et celle de ses modalités de financement.

Comme l’a fort bien démontré le rapporteur et président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, dont nous saluons le travail, il nous paraît vain de faire du décloisonnement des acteurs du système de santé une priorité, sans remettre en cause le pilotage national de ce même système.

Maintenir une administration de la santé hypercentralisée et, en même temps, affirmer vouloir adapter les moyens d’action aux besoins des territoires ne nous apparaît pas opérant.

Nous estimons que le projet de loi manque d’ambition. Il se limite ainsi à fixer un cadre général ce qui, avec le recours aux habitations à légiférer par ordonnance, aboutit à un texte qui manque d’épaisseur. Le Parlement ne peut donc remplir pleinement son rôle de législateur.

Cependant, ce texte a d’ores et déjà été remanié par l’adoption de 131 amendements en commission, ce qui témoigne de la volonté de cette dernière d’y apporter des améliorations, dans un esprit constructif.

Alors que la santé ne figurait pas parmi les thèmes choisis par le Président de la République, la question de l’accès aux soins s’est imposée dans le grand débat national. Les Français attendent des réponses pour un meilleur accès aux soins.

C’est la raison pour laquelle nous considérons que nos travaux doivent se poursuivre pour nous permettre de débattre et d’enrichir encore le texte. Le groupe Les Républicains votera contre cette motion.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

À l’instar de mon collègue Savary, je ne ferai pas durer le suspense : nous ne voterons pas non plus cette motion.

Au-delà de ce que l’on peut penser de ce texte et de ses éventuelles insuffisances, il serait dommage de se priver d’un débat en séance publique sur des sujets aussi fondamentaux que ceux concernant la santé.

Nous avons fait cheminer la démocratie parlementaire et sociale, notamment à travers l’avenant aux conventions médicales pour la modulation des rémunérations et la mise en place des fameuses communautés professionnelles territoriales de santé, les CPTS, avec la participation de l’ensemble des représentants des professionnels de santé.

Nous devons pouvoir discuter d’une question aussi fondamentale que la santé et faire avancer les choses.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, notre groupe ne votera pas non plus cette motion.

Nous pensons que ce projet de loi va dans le bon sens, même si tout ne peut être réalisé immédiatement.

La suppression du numerus clausus, l’augmentation de 20 % du nombre d’étudiants, une formation complètement différente, l’application des dispositions votées en commission – notamment sur l’initiative du président Milon –, la création des assistants médicaux, le déploiement de 400 médecins, une organisation à partir de projets territoriaux – même si la question des hôpitaux de proximité reste encore à préciser – sont autant de mesures intéressantes.

Le débat peut aussi nous permettre de trouver des solutions, avec, par exemple, l’adoption d’amendements proposés par plusieurs groupes politiques sur la question des médecins adjoints. C’est d’ailleurs tout à fait le rôle du Sénat que d’apporter des solutions concrètes pour améliorer l’accès aux soins de premier recours dans nos territoires – question récurrente de chaque débat auquel j’ai pu participer…

Ce texte peut nous permettre d’avancer.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le groupe Union centriste n’est pas non plus favorable à cette motion.

Tout d’abord, sur le fond, il serait dommage de priver le Parlement du débat, alors même qu’un certain nombre d’entre nous regrettent les ordonnances prévues dans le projet de loi, qui réduiront de fait le débat. En effet, l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable nous empêcherait d’échanger sur un certain nombre de sujets.

Ensuite, sur la forme, les deux rapporteurs pour avis de ce projet de loi appartiennent à notre groupe et n’ont pas manifesté le souhait d’interrompre nos débats.

Telles sont les deux raisons pour lesquelles nous ne sommes pas favorables à cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, fidèle à sa ligne de conduite, le groupe du RDSE est favorable au débat.

Nous sommes opposés à cette motion tendant à opposer la question préalable pour deux raisons essentielles. Tout d’abord, nous serons amenés, au fil de la discussion, à introduire dans le texte des mesures correctives ou additionnelles visant à améliorer le texte. Ensuite, la loi HPST était une loi de droite ; la loi de Marisol Touraine, une loi de gauche. L’efficacité et la réalité n’étant ni d’un côté ni de l’autre, trouvons une voie nouvelle en ouvrant le débat !

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je mets aux voix la motion n° 792, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRCE.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 126 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Dominique Théophile.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, après plusieurs mois de travail avec tous les acteurs de santé, des heures d’auditions, de débats en commission des affaires sociales, et plus d’une centaine d’amendements adoptés, conformément aux règles de nos institutions, nous continuons aujourd’hui d’examiner, au sein de l’hémicycle, le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.

Ce projet de loi est la traduction d’un engagement du Président de la République, tendant à « redonner du souffle à notre système de santé ». Ma Santé 2022 constitue une réponse concrète aux besoins quotidiens des Français en matière d’accès aux soins.

Ainsi, il y a consensus, me semble-t-il, sur le fait que Ma Santé 2022 reste un engagement collectif : c’est le plan de transformation tant attendu de notre système de santé, pour une meilleure organisation des professionnels au bénéfice des patients.

Il s’agit, d’une part, de faire face aux inégalités dans l’accès aux soins, de plus en plus de Français rencontrant des difficultés pour accéder à un médecin dans la journée et étant parfois contraints de se rendre aux urgences par défaut. Il s’agit, d’autre part, de donner corps aux aspirations des professionnels à mieux coopérer entre eux, à disposer de davantage de temps pour soigner leurs patients et à être formés autrement.

À la lecture de ce projet de loi, on peut retenir, me semble-t-il, une dizaine de mesures phares illustrant mes propos liminaires.

La plus emblématique d’entre elles est la suppression du numerus clausus, pour permettre la formation d’un nombre de professionnels de santé répondant aux besoins de nos territoires.

Répondre à l’enjeu de la démographie médicale est indispensable pour notre pays. L’objectif est d’augmenter de 20 % environ le nombre de praticiens formés. Le titre Ier de ce texte vise ainsi à améliorer le parcours de formation des professionnels de santé. On y trouve la réforme du deuxième cycle des études médicales et la suppression des épreuves classantes nationales, pour une orientation tenant mieux compte des compétences et aptitudes des élèves. Par ailleurs, un statut unique de praticien hospitalier est créé. Il est associé à la suppression du concours, pour faciliter l’entrée dans la carrière et diversifier les parcours professionnels.

Outre le décloisonnement des parcours de formation et des carrières des professionnels de santé que je viens d’évoquer, le titre II du texte, en particulier aux articles 7 et 8, fait de la qualité et de la pertinence des soins un enjeu prioritaire.

À l’article 7, un nouvel échelon infrarégional en matière de programmation de l’offre sanitaire et médico-sociale sera institué au niveau législatif par la création des projets territoriaux de santé. C’est un nouvel outil, dont l’objectif est d’assurer une meilleure coordination des actions conduites par les différents acteurs de santé. Les CPTS, les communautés professionnelles territoriales de santé, doivent continuer de se constituer sur l’initiative des acteurs de terrain.

L’ensemble des acteurs de santé que notre groupe a auditionnés ont préconisé une meilleure synergie entre l’hôpital et la médecine de ville. Nous nous réjouissons que cet article réponde à leur recommandation.

À l’article 8, avec notamment la création des hôpitaux de proximité pour les soins du quotidien – médecine, gériatrie et réadaptation –, il s’agit de réviser en profondeur la carte hospitalière.

Les premiers hôpitaux de proximité seront labellisés en 2020, l’objectif étant d’en créer 500 à 600 d’ici à 2022. Ils sont plus que jamais nécessaires, dans un contexte de vieillissement de la population et d’augmentation des maladies chroniques.

Ils assureront des missions hospitalières en médecine polyvalente : soins aux personnes âgées, soins de suite et de réadaptation, consultations de spécialités et consultations non programmées.

Lors de nos entretiens, madame la ministre, vous avez dit que le financement des hôpitaux de proximité serait examiné dans le cadre du futur projet de loi de financement de la sécurité sociale. Seule la gouvernance de ces derniers serait fixée par ordonnance.

Le débat en séance devrait nous permettre de mieux comprendre les intentions du Gouvernement pour ce qui concerne les ordonnances. Je sais, madame la ministre, que vous aurez à cœur de nous répondre.

Ma succincte description des mesures phares de Ma santé 2022 permet d’affirmer légitimement que ce projet de loi s’inscrit dans la perspective d’une santé au plus proche des patients, avec, notamment, la mise en place des parcours de soins.

L’adoption de ce texte permettra de libérer du temps médical, pour un meilleur accès aux soins. Notre système de santé pourra s’appuyer sur de nouveaux métiers, comme ceux des assistants médicaux.

Cela répond concrètement à la demande d’égalité en matière d’accès aux soins. Le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé permettra à chaque Français d’avoir un médecin traitant, ce qui facilitera l’accès aux soins.

Pour conclure mon analyse de ce texte, j’évoquerai le titre III, qui répond au souhait du Gouvernement de développer le numérique en santé.

Ma Santé 2022 permettra de mettre en place des outils numériques pour les patients et les professionnels : ordonnance électronique, espace numérique de santé et développement de la télésanté.

Ces nouvelles technologies devraient participer à une mise en cohérence et déboucher sur de nouvelles synergies entre professionnels libéraux, hospitaliers et médico-sociaux. Il s’agira de s’assurer de la protection des données de santé de tous les Français à tous les âges de la vie.

Enfin, je ne peux terminer sans évoquer les outre-mer et les enjeux de santé auxquels ils doivent faire face.

Ma Santé 2022, c’est d’abord, pour l’outre-mer, une agence de santé pleinement fonctionnelle à Mayotte. Nous la devons aux Mahorais, afin de gérer au mieux, dans la plus grande proximité, l’organisation des soins dans ce territoire. Notre groupe présentera plusieurs amendements visant à développer l’attractivité du territoire et à désengorger le système de santé local.

C’est ensuite une faculté de médecine de plein exercice aux Antilles. La faculté de médecine des Antilles existe depuis 1988. Elle doit désormais jouer pleinement son rôle dans la formation des futurs médecins de la région. Actuellement, nos étudiants partent vers l’Hexagone à partir de la quatrième année afin de poursuivre leur parcours.

C’est enfin le règlement de la situation des praticiens à diplôme hors Union européenne, qui fait l’objet de l’article 21, lequel a été complété par l’article 21 bis issu d’un amendement du rapporteur. À ce titre, nous défendrons un amendement visant à améliorer le dispositif de l’article 21 bis en outre-mer. J’espère que vous serez, mes chers collègues, sensibles à l’appel des Ultramarins sur cette question.

Vous l’aurez compris, ce projet de loi est important pour l’ensemble des Français. Nous serons ainsi présents et attentifs au cours des débats, et force de propositions à vos côtés.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, à l’heure où je vous parle, aux quatre coins de la France, de nombreux personnels de santé, en particulier des services d’urgence, sont devant leur hôpital pour dénoncer les plans de réorganisation liés à vos orientations budgétaires : ils ne veulent plus se taire face à l’inhumanité du soin.

Tel sera le cas demain, à Boulogne, où les personnels de santé dénonceront les départs à la retraite non remplacés et les contrats non renouvelés. Lorsque ce n’est pas pour ces raisons qu’ils font grève, madame la ministre, c’est pour d’autres, telles que la suppression de services ou de lits, des conditions de travail dégradées ou un manque de matériel. Une telle situation aboutit à la démission d’infirmières et de médecins dans les hôpitaux publics.

Pendant ce temps, vous faites le choix du maintien de la compression des dépenses de santé, à tel point que l’on parle aujourd’hui de cure d’austérité, alors qu’il faudrait un véritable plan d’urgence. Vous faites le choix de la rigueur plutôt que celui de l’amélioration des conditions de travail, amélioration nécessaire pour assurer la sécurité et le soin des patients. Bref, vous faites le choix de l’austérité financière plutôt que celui de l’humain.

Je reviendrai pour ma part sur trois points du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.

S’agissant de la réforme des études de santé, le texte prévoit la suppression du numerus clausus, la fin de la première année commune aux études de santé, la Paces, et la fin des ECN, les épreuves classantes nationales. Nous sommes satisfaits d’avoir été entendus et rejoints par d’autres collègues sur ce point.

Je souhaite simplement vous lire un extrait des débats qui s’étaient tenus le 21 juin 1971 à l’Assemblée nationale, et auxquels vous avez fait référence. Face à la proposition du ministre de l’éducation nationale Olivier Guichard d’instaurer la sélection en médecine, le député communiste Paul Cermolacce répondait ceci : « Nous proposons un plan d’urgence et de rattrapage pour l’amélioration de la formation des étudiants en médecine comprenant notamment la construction rapide des CHU pour la région parisienne et des CHR en province, le déblocage des crédits et des postes pour le développement du cycle d’enseignement et la mise en place d’un plan de construction d’urgence de lits hospitaliers publics. »

Presque cinquante ans plus tard, les faits nous donnent malheureusement raison. La fin du numerus clausus constitue donc à nos yeux une véritable avancée. Toutefois, nous craignons qu’il ne soit remplacé par des quotas régionaux fixés par les facultés de médecine et les ARS.

Pour augmenter le nombre d’étudiantes et d’étudiants formés, il faut augmenter les moyens des universités consacrés à l’enseignement et les capacités d’accueil en stages, je vous avais d’ailleurs interpellée sur ce sujet, madame la ministre. Il ne faudra pas que le futur décret remplace l’évaluation par d’autres critères de sélection.

Concernant les mesures pour lutter contre les déserts médicaux, vous prévoyez de favoriser le cumul emploi-retraite des médecins en diminuant les cotisations complémentaires. Sans compensation financière de l’État, une telle diminution des cotisations pourrait affecter les comptes des retraites.

La commission des affaires sociales a adopté un amendement visant à exonérer les praticiens exerçant en zones sous-denses, alors qu’il existe déjà des exonérations fiscales et sociales sans effet sur l’installation. Ces nouveaux dispositifs d’incitation ne changeront rien à la situation.

La priorité devrait être de revitaliser les territoires, pour les rendre attractifs pour les jeunes médecins, en y laissant les services publics que votre gouvernement supprime à tour de bras. Nous le savons, de nombreux jeunes professionnels ne souhaitent plus travailler seuls 24 heures sur 24. Ils aspirent à une vie de famille et aux loisirs, ce qui est légitime. Développer des centres de santé pluridisciplinaires avec des médecins salariés peut constituer l’une des solutions. Il convient également de refondre les contrats d’engagement, afin de les rendre réellement attractifs, conformément aux souhaits des étudiants.

Concernant l’organisation de la santé dans les territoires, les GHT, les groupements hospitaliers de territoire, sont devenus, depuis leur création en 2016, des outils de restructuration hospitalière et de concentration des moyens hospitaliers, soit de véritables mastodontes qui se sont développés au détriment des petits hôpitaux. Trop souvent, les plans de retour à l’équilibre s’enchaînent, mais les GHT ne servent qu’à partager les difficultés, sans augmentation des moyens alloués.

Le texte tend à accélérer le processus en mutualisant, entre établissements, les ressources humaines des professions médicales, pharmaceutiques et des sages-femmes. Alors que la fusion de la trésorerie et des fonctions support est encore facultative, elle constituera la prochaine étape.

Pour conserver leurs effectifs, les établissements publics de santé appartenant au GHT se trouvent en concurrence et doivent gagner des « parts de marché ». On se croirait dans une entreprise privée ! Pourtant, il s’agit de vies humaines. Votre gouvernement applique sa politique libérale à notre système de santé. Pour notre part, nous défendrons une autre logique, car la santé n’a pas de prix.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Madame la présidente, mes chers collègues, deux ans après votre prise de fonction, madame la ministre, vous avez choisi de nous présenter une loi non pas de santé, mais d’organisation du système de soins.

D’aucuns y voient la marque d’un pragmatisme qui choisit de s’attaquer à un système de soins de moins en moins adapté aux défis sanitaires de notre temps, sans mettre en scène un débat théologique. D’autres soulignent le manque d’ambition du texte, son côté patchwork, et posent une question : cette loi est-elle de nature à apporter des réponses aux grandes questions de santé publique ? Est-elle à la hauteur des défis ? Aux uns et aux autres, l’avenir répondra.

Beaucoup, en tout cas, constatent que vous présentez une loi aux contours flous et au contenu flouté par un recours massif aux ordonnances.

L’instauration de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’Ondam, en 1996, avait renforcé la légitimité du Parlement en matière de politique de santé. Avec ce texte, vous procédez comme jamais à une dépossession parlementaire. Nous ne mettons pas ici en cause le principe du recours aux ordonnances, légitime lorsque technicité et concertation se conjuguent. Mais nous rejetons la prétention d’un exécutif qui s’attribue une question aussi fortement politique que la carte de l’offre de soins par la conjugaison des ordonnances prévues aux articles 8 et 9. Les hôpitaux de proximité et l’ensemble des autorisations de soins sont des sujets majeurs, politiques avant d’être réglementaires.

Nous souscrivons volontiers au principe de gradation et de meilleure répartition territoriale. Mais il convient de ne pas marginaliser le Parlement, ce qui irait à rebours de l’évolution politique des dernières années, la santé ayant progressivement dépassé son statut de première préoccupation personnelle des Français pour devenir un sujet de débat collectif, sociétal et politique. Le Sénat devra s’opposer, concernant la santé, à cette conception régressive du débat démocratique.

Nous accueillons avec intérêt votre volonté de modifier le mode de sélection des étudiants se destinant aux professions de santé. Nous pensons à eux, parce que le gâchis humain actuel doit cesser. Mais nous savons que c’est le second cycle qui est déterminant dans la construction des représentations professionnelles et, donc, dans le devenir des étudiants. Nous approuvons également la suppression du verrou final, les ECN, qui perturbent ce second cycle. Mais nous restons insatisfaits, ces deux seules mesures d’entrée et de sortie n’étant pas accompagnées d’une évolution concernant le contenu du second cycle. Nombre d’amendements ont été déposés par mes collègues sur ce sujet, ce qui confirme l’insatisfaction qu’il provoque.

Madame la ministre, la désertification médicale, vous le savez, a des conséquences désastreuses pour nos compatriotes qui ne peuvent accéder aux soins dans des conditions satisfaisantes. Cela nous impose d’agir, je reviendrai sur ce point.

En outre, nous constatons que, sous la pression de la pénurie, les fondements de notre organisation des soins et du partage des tâches sont mis en question.

Soyons clairs. Oui, le partage des tâches doit aller plus loin qu’aujourd’hui. Des professionnels de santé sont sous-valorisés et sous-utilisés, alors qu’ils ont la compétence pour mieux contribuer aux parcours de soins et mieux articuler le sanitaire et le médico-social. Il nous faut trouver le bon équilibre : mieux les reconnaître et mieux prendre en compte leurs savoirs et leurs savoir-faire, sans méconnaître la nécessaire délimitation entre les fonctions de diagnostic, de soin et de délivrance des produits de santé. Le confusionnisme qui se répand ne constitue une réponse satisfaisante ni pour les professionnels ni pour les usagers. À cet égard, le texte transmis par l’Assemblée nationale n’a pas atteint un équilibre satisfaisant.

Le numérique dans le domaine de la santé, riche de progrès et d’innovations, est exposé aux mêmes dérives : il est un complément, une composante utile, au parcours de soins. Mais prenons garde à ce qu’il n’engendre pas un système de soins injuste, où certains verraient un médecin en face d’eux tandis que d’autres n’auraient droit qu’à un professionnel de santé derrière un écran. Je vous laisse deviner quels habitants de quels territoires auraient accès à telle ou telle solution. La même interrogation s’applique aux origines et aux classes sociales. Le numérique n’est pas un pis-aller à la désertification médicale. Il ne doit pas être à l’origine d’une médecine à deux vitesses.

Nous devons donc affronter plus volontairement la question de la désertification. Ce projet de loi, vous en conviendrez, serait entaché s’il ne marquait pas un nouveau volontarisme en la matière.

Les mesures incitatives produisent des effets, mais trop lentement. Quant au conventionnement sélectif, il produirait à coup sûr des effets collatéraux qui en feraient un remède peut-être pire que le mal.

Nous avons donc proposé à nos collègues de la majorité sénatoriale et de l’ensemble des groupes, qui ont accepté, de travailler ensemble à une solution. Je salue leur ouverture et leur sagesse. Il s’agit de mettre en œuvre au plus vite l’année de professionnalisation des IMG, les internes de médecine générale, dans les territoires. Cette année est déjà prévue par l’harmonisation européenne des cursus et un arrêté datant de 2017.

La mesure aurait un effet important et déterminant en termes d’attribution de temps médical, là où les besoins sont les plus importants, à un horizon singulièrement raccourci de trois ans. Elle est de nature à résoudre, en complément des dispositifs existants, la question qui nous est posée.

Madame la ministre, sur bien des sujets, votre projet de loi ouvre des pistes intéressantes. Oui, le statut des praticiens hospitaliers, les PH, doit être réformé. Oui, nous devons mieux accueillir les praticiens à diplôme hors Union européenne. Oui, l’espace numérique de santé est un défi enthousiasmant.

Nous constatons seulement que ce projet a insuffisamment mûri et qu’il gagnerait à un travail plus approfondi. Ce n’est pas un hasard si la procédure parlementaire normale prévoit deux lectures dans chaque assemblée. Mais votre gouvernement veut aller trop vite. Une bonne loi prend du temps, et vous ne prenez pas ce temps.

La loi HPST mérite, au vu de ses résultats, que des correctifs lui soient apportés. Alors que la loi de 2016, qui n’est pas encore pleinement entrée en application, n’a pas non plus été évaluée, vous invoquez l’urgence à légiférer. Nous sommes les champions en la matière, mais nous avons du mal à attribuer les moyens que ces lois requièrent. Ainsi ce projet ne manque-t-il pas d’engagements dont le financement ne paraît pas assuré.

Le texte qui sera adopté par le Sénat sera, nous l’espérons et nous y travaillons, amélioré. Nous nous prononcerons en fonction des résultats auxquels nous parviendrons.

À vous, madame la ministre, qui nous présentez une copie bien trop blanche, et qui de ce fait transformez le vote d’une loi en une question de confiance, je voudrais dire que vos propos et vos actes durant ce débat seront pour nous déterminants.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, depuis une dizaine d’années, de nombreux textes relatifs à notre système de santé ont été examinés par le Parlement. Tous sans exception ont dressé un diagnostic extrêmement précis et pertinent de la situation.

Je pense notamment à la loi Hôpital, patients, santé et territoires du 21 juillet 2009 ou, plus récemment, à la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016. Le bilan dressé voilà dix ans est malheureusement toujours d’actualité. Il faut bien le reconnaître, aucune de ces grandes lois n’a réussi à réformer en profondeur l’organisation de la santé dans notre pays, si bien que, trois ans après la loi Touraine, vous nous proposez, madame la ministre, un nouveau texte.

En effet, si notre système de santé est depuis longtemps reconnu pour être globalement performant et efficace, par rapport à ce qui existe chez nos voisins, il se heurte à de nombreuses difficultés et doit plus que jamais s’adapter aux enjeux actuels. Vous l’avez rappelé : « Nous sommes confrontés à un système trop cloisonné – entre ville, hôpital, médico-social, ou entre public et privé, entre professionnels de santé eux-mêmes – mettant insuffisamment en valeur la fluidité des parcours, la coordination entre professionnels, la qualité et la prévention. »

Par ailleurs, l’accès aux soins s’est complexifié en raison notamment de la métropolisation et de l’évolution des mentalités. Les jeunes médecins ne veulent plus exercer leur métier de la même manière que leurs prédécesseurs. Ils veulent plus de liberté et plus de loisirs, et souhaitent trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le médecin généraliste, c’était autrefois un homme et sa femme, qui était son assistante ; c’était un projet de couple. Aujourd’hui, les médecins doivent prendre en compte, dans le choix de leur lieu d’exercice, les possibilités d’emploi offertes à leur conjoint, ce qui rend difficile l’installation dans certaines zones. Le système doit donc nécessairement prendre en considération ces nouvelles pratiques.

Aussi, madame la ministre, deux questions s’imposent tout naturellement aujourd’hui : comment le texte que vous nous présentez pourra-t-il corriger les insuffisances des précédentes lois et quelles voies nouvelles explore-t-il ?

Nous le savons bien, une réforme d’envergure ne peut se faire sans la mobilisation de moyens humains et financiers correspondants. Nous ne pouvons que le regretter, ce projet de loi n’aborde pas cette question pourtant essentielle. Nous attendons avec impatience l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

Nous déplorons également que plusieurs modifications législatives prennent la forme d’habilitations à légiférer par voie d’ordonnances. Madame la ministre, vous connaissez l’attachement du Sénat, et tout particulièrement du RDSE, au débat parlementaire ! J’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle : les ordonnances constituent une forme de législation déléguée qui affaiblit le rôle du Parlement. Et, dans le climat actuel de défiance à l’égard de nos institutions, un tel affaiblissement n’est pas souhaitable.

Certes, lors de votre audition, vous vous êtes engagée à venir présenter chacune des ordonnances devant notre commission et à réaliser une étude d’impact. Mais, en définitive, vous nous privez de participer à l’écriture de dispositions importantes.

Pour autant, ce texte comporte de nombreuses avancées que nous tenons à saluer.

Je pense évidemment à la réforme des études médicales, et notamment à la suppression, attendue par tous, du numerus clausus, même si nous savons que le nombre d’étudiants admis en deuxième année dépendra en partie des capacités d’accueil des universités. Celles-ci auront-elles les moyens de former les 20 % supplémentaires de praticiens que vous escomptez ?

Vous supprimez également la Paces, qui favorise le bachotage et déshumanise les étudiants, ainsi que les épreuves classantes nationales. C’est une très bonne chose.

Les mesures proposées permettront par ailleurs de privilégier la diversité des profils et de prendre en compte, outre les connaissances des étudiants, leurs expériences et leur projet professionnel.

Nous approuvons également la réforme du statut de praticien hospitalier, même si celle-ci relève, là encore, d’une ordonnance. Je me félicite toutefois de la précision apportée par notre président-rapporteur quant à l’encadrement des écarts de rémunération entre les personnels titulaires et les personnels contractuels. Un tel encadrement permettra peut-être de mieux lutter contre le recours à l’intérim médical, sujet sur lequel je vous sais, madame la ministre, particulièrement impliquée.

S’agissant du volet relatif à l’organisation territoriale de la santé, nous saluons l’instauration du projet territorial de santé, qui devrait permettre une véritable coopération entre les professionnels de ville, l’hôpital et le secteur médico-social, et une meilleure coordination de l’offre de soins.

Nous sommes en revanche plus circonspects au sujet des hôpitaux de proximité, conçus comme le pivot de l’offre de soins sur les territoires. Il est en effet regrettable que le projet de loi, sur un sujet aussi sensible, renvoie en grande partie à une ordonnance, d’autant que, dans nos territoires, l’inquiétude est grande. Ces hôpitaux devront renoncer à leurs plateaux techniques, ce qui signifie la fin de la chirurgie et de l’obstétrique. Or la fermeture de services de maternité, dans certaines zones rurales notamment, risquerait d’aggraver la désertification médicale et l’absence d’attractivité de ces territoires, qui sont les plus isolés.

Madame la ministre, vous avez déclaré que votre priorité était de tout faire pour répondre à l’angoisse de la désertification médicale, dont il faut rappeler qu’elle ne concerne pas uniquement le milieu rural. Plusieurs mesures vont dans ce sens : outre la « suppression » du numerus clausus, vous prévoyez notamment d’étendre le dispositif de médecin adjoint aux zones sous-denses et d’attribuer de nouvelles tâches aux pharmaciens, aux infirmiers et aux sages-femmes.

Si ces mesures sont satisfaisantes, certains sénateurs du RDSE déplorent l’absence de mesures permettant la régulation de l’installation des médecins dans les territoires. Nous craignons en effet que la seule incitation financière à l’installation de jeunes médecins ne suffise pas à résoudre le problème de la désertification médicale.

S’agissant enfin des Padhue, la clarification des règles va dans le bon sens. Néanmoins, de par leur positionnement géographique, certains territoires de la République doivent pouvoir facilement recruter des professionnels ressortissants de pays voisins. Tel est l’objet de l’article 21 bis, qui étend à la Guadeloupe et à la Martinique un dispositif existant déjà en Guyane. J’ai d’ailleurs déposé un amendement dont l’objet est son extension à mon territoire, Saint-Martin.

Madame la ministre, le monde médical et nos concitoyens attendent beaucoup de ce projet de loi. J’espère que nos débats permettront de répondre à leurs aspirations.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Élisabeth Doineau, M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis, et M. Franck Menonville applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons porte l’ambition de réformer notre système de santé, et notamment de résorber les déserts médicaux. La situation présente est le fruit de décisions anciennes – diminution du numerus clausus, hospitalo-centrisme –, mais aussi, plus récemment, de la volonté des jeunes médecins de mener une vie différente.

On constate de fortes disparités sociales et régionales dans l’accès aux soins, une inégale répartition des médecins, mais aussi des infirmiers – notamment en Ehpad –, sur les territoires, pouvant aller, sur certains d’entre eux, jusqu’à la pénurie.

Beaucoup de médecins sont proches de la retraite ; une aggravation est donc à prévoir dans les années qui viennent, avec une extension des zones blanches dans la France périurbaine et rurale et, si ce projet de loi ne remédie pas rapidement à cette situation, une désertification pure et simple des territoires ruraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Notre système de santé doit faire face à plusieurs problèmes : une population vieillissante, une forte croissance de la prévalence des pathologies chroniques, un encombrement des urgences par des pathologies qui devraient être traitées en médecine de ville, sans parler des problèmes de rupture d’approvisionnement en médicaments, dont le Sénat s’est saisi en juillet dernier à la demande du groupe Les Indépendants et du sénateur Jean-Pierre Decool – à ce sujet, madame la ministre, vous avez annoncé un plan d’action d’ici à la fin du mois de juin.

La France a la chance d’avoir un système de santé qui compte parmi les meilleurs au monde. Nous disposons d’excellents professionnels, d’une sécurité sociale parmi les plus complètes, d’un réseau hospitalier étendu et d’une recherche médicale de pointe – en la matière, les efforts doivent être poursuivis. Mais il nous faut retrouver une couverture médicale de premier recours dans tous les territoires.

Je salue, à ce titre, ce projet de loi d’organisation et de transformation du système de santé, dont les auteurs entendent remédier à cette situation, mais également la qualité du travail réalisé par la commission des affaires sociales et par son rapporteur Alain Milon, qui a veillé, lors de l’examen du texte en commission, à préserver la ligne directrice du texte tout en l’améliorant sensiblement.

La réforme des études contribuera, en supprimant le numerus clausus, à préserver nos filières médicales tout en humanisant la formation de nos médecins et en augmentant progressivement les capacités de formation de nos universités, en lien – nous l’espérons – avec les hôpitaux périphériques, les cliniques et les médecins généralistes.

Nous partageons totalement cet objectif d’augmentation de 20 % environ du nombre d’étudiants en deuxième année de médecine. Cet objectif devra être défendu par l’État et par les ARS auprès des universités – nous devrons être très vigilants sur ce point.

Nous saluons également l’adoption par la commission d’une mesure d’incitation fiscale à l’installation des jeunes médecins, à l’article 4, et l’amélioration du CESP, le contrat d’engagement de service public, pour les zones sous-denses, ainsi que la limitation des remplacements à trois ans, à l’article 4 ter – cette dernière mesure, notamment, me paraît importante.

Notre groupe défendra un amendement commun à plusieurs groupes visant à favoriser la mise à disposition par la faculté ou par les hôpitaux périphériques d’étudiants en dernière année de troisième cycle, qui pourront exercer comme médecins adjoints pour renforcer l’offre de soins dans les territoires sous-dotés en médecins.

Madame la ministre, nous devons absolument trouver une solution au problème, prioritaire, de l’égalité d’accès aux soins sur l’ensemble de nos territoires. Les élus et la population l’attendent impatiemment. Si la mesure que j’ai évoquée n’était pas acceptée et organisée par un projet territorial de santé autour des CPTS, les communautés professionnelles territoriales de santé, les élus des territoires demanderaient des mesures coercitives, et nous les soutiendrions.

La création de projets territoriaux de santé vise avant tout à mieux coordonner l’offre de soins dans les territoires afin d’améliorer les parcours de soins dans l’intérêt des patients et des professionnels de santé – nous y sommes favorables.

Le développement d’un réseau renforcé d’hôpitaux de proximité – c’est l’objet de l’article 8 – devrait permettre de repenser l’offre de soins à l’échelle des territoires, dans une logique de subsidiarité et de complémentarité entre médecine de ville et médecine hospitalière. Nous serons attentifs au contenu de l’ordonnance qui en précisera le fonctionnement et la gouvernance.

La numérisation de notre système de santé constitue un autre versant important du projet de loi. La généralisation et l’enrichissement du dossier médical partagé contribueront à améliorer la cohérence et la continuité des soins délivrés.

Avec le DMP, les pharmaciens, qui sont bien répartis sur le territoire, pourront, dans le cadre de protocoles établis avec le médecin traitant, s’investir davantage dans les soins prodigués aux patients.

Nous regrettons la suppression par la commission du droit opposable à bénéficier d’un médecin traitant dans les déserts médicaux. Aussi notre groupe défendra-t-il un amendement pour rétablir cette disposition ; il n’est pas concevable que des Français soient pénalisés financièrement et voient leur parcours de soins dégradé faute de médecin traitant.

Je défendrai également un amendement visant à élargir l’accès au dispositif d’évaluation à tous les praticiens à diplôme hors Union européenne, tout en restant vigilant, bien sûr, en matière de niveau de qualification des médecins autorisés à exercer.

Notre groupe proposera par ailleurs d’étendre le droit à l’oubli instauré pour les personnes ayant été atteintes d’un cancer aux personnes ayant été victimes d’un infarctus du myocarde, en l’absence de facteur de risque de récidive.

Mesdames les ministres, mes chers collègues, dans nos territoires périurbains et ruraux, nos compatriotes attendent en premier lieu de cette loi des mesures efficaces pour résoudre les problèmes des zones sans médecins. Les mesures annoncées, 4 000 assistants médicaux et 400 médecins dans les déserts médicaux, vont dans le bon sens, mais ne suffiront pas.

La suppression du numerus clausus ne produira ses effets que dans dix ans. Il faut absolument, sans attendre, permettre aux étudiants en dernière année de troisième cycle de devenir médecins adjoints dans ces territoires. La mise en œuvre de cette mesure est possible ; elle doit être organisée à partir des hôpitaux de proximité.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Si cette mesure, en particulier, n’était pas retenue, nous irions vers des dispositions coercitives, qui sont souhaitées par 70 % de la population. C’est cette mesure que le Sénat, représentant des collectivités, doit apporter, au titre de sa contribution propre, dans ce projet de loi. ( MM. Franck Menonville et Jean-Claude Requier applaudissent.)

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, après avoir discuté du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, voici venu le moment d’examiner ce texte – il était attendu – relatif à la santé.

Mais – il faut en convenir –, ce projet de loi recouvre essentiellement la réforme, bienvenue, des études médicales, des précisions et ajustements quant à l’organisation des soins et des dispositions relatives aux sujets importants que sont le numérique et les données de santé.

Le domaine du texte ainsi circonscrit, nombre de nos amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40, mais surtout de l’article 45, de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Éternelle répétition : en PLFSS, argue-t-on, on ne peut pas ; mais, nuance-t-on, ce sera pour une future loi santé. Or, le moment venu, la loi en question laisse hors de son périmètre des sujets aussi attendus que, par exemple, l’innovation en santé – nous avions traité ce sujet dans notre rapport publié l’an passé sur l’accès aux médicaments innovants –, la filière visuelle ou les biosimilaires.

Dans l’attente des débats à venir, je me contenterai de dresser rapidement le bilan de la mission sur l’organisation territoriale de la santé que Véronique Guillotin, Yves Daudigny et moi-même avons menée depuis le début de l’année dans le cadre de la Mecss, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, et en préparation de l’examen de ce texte. Nous avons ciblé notre analyse sur les outils et dispositifs destinés à organiser la coordination entre les acteurs au niveau des territoires, outils et dispositifs issus des derniers textes législatifs, loi HPST de 2009 et loi Touraine de 2016.

Madame la ministre, votre projet de loi fait de ces outils des piliers de la « transformation » souhaitée de notre système de santé.

Un petit rappel, au préalable : les professionnels de santé se sont toujours, dans une mesure certes variable, coordonnés entre eux, avec ou sans formalisation juridique. À cet égard, la notion d’exercice « isolé », auquel les évolutions en cours sont supposées mettre fin, constitue assez largement un mythe.

Quoi qu’il en soit, l’inscription de leur activité dans un exercice coordonné est un argument décisif pour l’installation des nouvelles générations de professionnels.

Les communautés professionnelles territoriales de santé, ou CPTS, de taille et de modèle très variables, s’adressent aux professionnels de santé de premier comme de second recours, ainsi qu’aux acteurs du secteur médico-social. Elles nous ont paru utiles à la prise en charge des patients complexes. La place des coordonnateurs y est majeure.

Tandis que les équipes de soins primaires, ou ESP, organisées autour du premier recours et centrées sur les généralistes, visent à la prise en charge d’une patientèle, les CPTS tendent à organiser et à structurer une action sanitaire territoriale plus populationnelle.

Le constat est clair : la réussite de ces initiatives tient toujours à la force de volonté et à la ténacité de leurs instigateurs, dont il faut saluer l’engagement, mais aussi au soutien apporté par les équipes locales de l’ARS, qui doivent être facilitatrices et non directives.

Des bémols, néanmoins : la difficulté, parfois, à mobiliser les spécialistes, et le frein que constituait l’instabilité juridique entourant le dispositif de coordination et son financement.

Un point, en tout cas, fait consensus : celui de l’absolue nécessité de conserver un cadre juridique souple à la main des professionnels, ceux-ci devant avoir la possibilité de s’en saisir sur une base volontaire, avec des marges de manœuvre suffisantes pour permettre son adaptation aux besoins de leur territoire.

À côté de ces modes d’organisation existent différents dispositifs d’appui à la coordination des professionnels de santé : les MAIA, les méthodes d’action pour l’intégration des services d’aide et de soin dans le champ de l’autonomie, et les CLIC, les centres locaux d’information et de coordination, que nous connaissons bien, ainsi que, depuis la loi de 2016, les plateformes territoriales d’appui, à l’échelon départemental.

L’enchevêtrement de ces dispositifs d’appui, qui fonctionnent à une échelle territoriale souvent différente de celle des CPTS, entretient un sentiment de confusion bien compréhensible chez les professionnels de santé.

Certains de nos interlocuteurs se sont prononcés en faveur d’une fusion des différents dispositifs d’appui ou du pilotage des plateformes par les CPTS elles-mêmes. Mais l’essentiel est bien de développer l’idée d’un guichet unique de coordination.

Nous avons fait par ailleurs un point sur les groupements hospitaliers de territoires, les GHT, qui sont actuellement au nombre de 136. Le constat évident est celui d’une très grande hétérogénéité : le nombre d’établissements parties varie de 2 à 20, la population des territoires desservis de 100 000 à 2, 5 millions d’habitants ; les effectifs s’inscrivent dans un rapport de 1 à 20, et les budgets s’échelonnent de 100 millions à plus de 2 milliards d’euros.

Le ressenti des acteurs est souvent celui d’un groupement hospitalier public de territoire plus que d’un GHT à proprement parler.

Une évaluation par territoire et des ajustements au cas par cas, sur le périmètre par exemple, selon des modalités plus souples, paraissent réalistes, mais, là encore, en accompagnant la dynamique locale.

Les GHT ont-ils permis de développer les relations avec la médecine de ville ? De nombreux GHT ont fait de cet objectif un axe de leur projet. Toutefois, le bilan apparaît, là aussi, inégal. Le déploiement des CPTS est attendu comme un moyen de faciliter ces échanges, mais les efforts devront également venir du monde hospitalier.

Un élément indispensable à cette coopération entre médecine de ville et hôpital sera en outre le développement d’outils numériques interopérables.

Pour le reste, je soutiens évidemment notre rapporteur Alain Milon et salue l’équilibre trouvé dans ses propositions. Je remercie également notre collègue Corinne Imbert pour son initiative sur la professionnalisation de la dernière année d’études.

Pour conclure, madame la ministre, je rappellerai les principes suivants, qui vaudraient dans d’autres domaines : souplesse, adaptation aux territoires et confiance dans les acteurs locaux, en attendant le PLFSS pour 2020 !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Guillaume Arnell applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’inégal accès aux soins est une préoccupation majeure pour nos concitoyens. Aucun territoire n’échappe véritablement à cette problématique qui cristallise les angoisses voire les peurs, pour ne pas dire les colères. Le manque de médecins peut tout aussi bien se ressentir s’agissant des généralistes que des spécialistes. Certains territoires cumulent ces difficultés.

Dès octobre 2017, soit quatre mois seulement après votre entrée en fonction, madame la ministre, vous lanciez, aux côtés du Premier ministre, un premier plan pour renforcer l’accès territorial aux soins, preuve de votre prise de conscience précoce sur cette question primordiale d’aménagement des territoires.

En septembre dernier, le Président de la République présentait sa stratégie de transformation Ma santé 2022. Ce plan de réorganisation de notre système était largement salué, notamment par les professionnels de santé, qui y voyaient la traduction de votre engagement à rechercher des solutions concrètes.

Le projet de loi Santé, que nous examinons aujourd’hui, ne représente qu’un chapitre de ce plan. Il vise à réformer les études des futurs professionnels de santé, en supprimant notamment le numerus clausus, à réorganiser notre système de santé afin de libérer du temps médical et de structurer les territoires, et à créer une véritable plateforme des données de santé.

Il suscitera néanmoins beaucoup d’impatience et d’insatisfaction, car il ne répondra pas immédiatement aux difficultés d’accès aux soins.

Le recours à de nombreuses ordonnances est également une source d’inquiétude. Un seul exemple : la labellisation des hôpitaux de proximité, dont la définition et la gouvernance restent encore assez floues, suscitera forcément soit le bonheur soit l’exaspération des élus et des professionnels d’un territoire.

Au sein du groupe Union Centriste, même si nous sommes partagés, …

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

… nous sommes convaincus qu’il faut proposer et mobiliser une multiplicité d’outils pour répondre au cas par cas aux réalités des territoires.

Aussi avons-nous identifié trois pistes essentielles qui seront traduites, pour partie, en amendements visant à regagner du temps médical et à implanter les futurs médecins sur les territoires.

Première piste : décentraliser la formation.

La fin du numerus clausus n’entraînera pas immédiatement l’augmentation attendue du nombre de médecins, en raison du caractère limité des capacités d’accueil dont disposent les universités et les maîtres de stage, bien que le nombre de ces derniers ait enregistré une progression remarquable de 17 % lors de l’année écoulée.

C’est pourquoi nous pensons que décentraliser les formations est une piste à explorer, qui permettrait d’augmenter le nombre de places, de susciter davantage de vocations, avec pour effet de diversifier les profils, et de maintenir les étudiants sur leur lieu de vie. Cessons de concentrer nos étudiants dans les grandes métropoles – ils y restent souvent une fois leurs études terminées. Certains territoires donnent l’exemple : Laval accueillera à la rentrée prochaine des cours retransmis de la faculté d’Angers.

Cette proposition ne peut se traduire par un amendement ; son sort dépendra de la volonté des universités et de leurs doyens. Merci à vous, mesdames les ministres, de les intéresser à une telle ouverture !

Deuxième piste : priorité aux stages.

Nous le savons : les stages ambulatoires sont un levier essentiel pour faire découvrir les réalités des territoires fragiles, pour promouvoir la richesse des modes d’exercice et pour orienter les vocations des étudiants.

J’identifie plusieurs conditions pour faire de ces stages des expériences réussies, donnant envie de s’installer durablement dans ces territoires : offrir aux étudiants de bonnes conditions matérielles, et ce dès les stages d’externat ; garantir la qualité de l’encadrement et diversifier les lieux de stage, ce qui implique de mieux prendre en compte les retours d’expérience des stagiaires et de faciliter l’agrément des maîtres de stage – nous proposerons des amendements en ce sens ; organiser des politiques d’accueil des étudiants dans ces territoires, non seulement par la promotion du cadre de vie, mais aussi par la rencontre avec le réseau des professionnels de santé desdits territoires.

Troisième piste : favoriser le partage des tâches.

Le profil type du médecin d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier. Les 80 heures par semaine en pratique isolée sont derrière nous ; 97 % des médecins expriment le souhait de travailler en pluridisciplinarité. Ainsi le simple remplacement d’un médecin par un nouveau professionnel est-il aujourd’hui insuffisant. La Drees, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, indiquait récemment que les médecins généralistes travaillent en moyenne 54 heures par semaine.

Avec le vieillissement de la population et le développement des maladies chroniques, nos concitoyens doivent se rendre régulièrement chez leur médecin traitant ou chez un spécialiste.

C’est pourquoi nous devons favoriser le partage des tâches et regagner du temps médical. Nous proposons, dans cette perspective, de donner une définition claire des « équipes de soins primaires », en prévoyant un triptyque composé d’un médecin généraliste, d’un pharmacien et d’un infirmier libéral auquel viendraient s’ajouter, selon les besoins des patients, les autres auxiliaires médicaux.

Il est également nécessaire de fluidifier les parcours des professionnels de santé, en facilitant les exercices mixtes – c’est d’ailleurs ce que vous proposez, madame la ministre. Dans la continuité de vos propositions, nous voulons autoriser la pratique d’une activité libérale aux praticiens salariés à temps plein des Espic, les établissements de santé privés d’intérêt collectif.

Je soutiendrai tout amendement dont l’adoption aurait pour effet de permettre un meilleur partage des tâches, tout en restant très vigilante sur la nécessité de maintenir un haut niveau de qualité des soins. L’objectif n’est pas de déléguer à tout va – cela mettrait en danger à la fois les professionnels et les patients.

À ce stade de mon propos, je souhaite vous livrer un témoignage. Déléguée à l’accès aux soins avec le député Thomas Mesnier et le docteur Sophie Augros, j’ai pu mesurer, au cours de nos déplacements, combien le dialogue et l’accompagnement étaient nécessaires et essentiels. Expliquer les dispositifs, rencontrer les acteurs, relever les difficultés, comprendre les enjeux liés à chaque territoire, mettre du lien entre institutions et professionnels : autant d’actions qui mériteraient une véritable structuration. Or, sur les territoires, la déclinaison des mesures est perfectible. Nos concitoyens, les élus et les professionnels eux-mêmes ont besoin de mesurer les effets de la politique nationale.

Il convient de communiquer au plus près du terrain pour fédérer tous les acteurs. Je pense toutefois qu’un effort de simplification et de clarification est nécessaire et permettra une meilleure adhésion. Je suis persuadée par ailleurs que les élus locaux ont un grand rôle à jouer – vous l’avez dit, madame la ministre –, à la condition qu’ils maîtrisent pleinement l’ensemble des dispositifs.

Si ce projet de loi suscite globalement l’enthousiasme des Français, d’après un sondage publié aujourd’hui par un grand quotidien national, ceux-ci demandent aussi des mesures coercitives. Cette option est relayée par certains parlementaires, y compris de mon groupe ; à titre personnel, je n’y suis pas favorable. Car, pour pouvoir répartir, encore faut-il disposer du nombre de professionnels suffisant. Or, ce nombre, actuellement, fait défaut, s’agissant en particulier des médecins généralistes. Je me contenterai de citer un chiffre : en 2010, ces derniers étaient plus de 94 000 ; en 2019, ils ne sont plus que 87 000.

Dessiner le paysage de demain, en matière de santé, est indispensable ; quant à vos ambitions, madame la ministre, nous les partageons toutes, tous autant que nous sommes. Mais je crois beaucoup, au-delà d’un projet de loi, à la pédagogie et au partage des responsabilités pour engager une véritable dynamique. La santé est un sujet universel qui devrait nous unir, pour le bien de nos concitoyens.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – MM. Guillaume Arnell et Franck Menonville applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous commençons aujourd’hui l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé. Sur ce sujet, beaucoup d’inquiétudes avaient été soulevées lors des discussions des derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale, mais elles avaient sans cesse été renvoyées à un futur texte de loi non financier, exclusivement consacré à la santé.

Nous y voici. Le présent texte représente donc l’unique porte d’entrée de ce quinquennat pour réformer de manière efficiente notre système de santé. Mis à part la réforme des études, qui est satisfaisante, ce nouveau projet de loi structuré autour de la réorganisation des soins nous laisse pourtant, précisément parce que nous en partageons le diagnostic et l’urgence, un goût d’inachevé !

C’est un texte administratif, qui continue de donner un pouvoir trop important, à mon sens, aux agences régionales de santé, sentiment d’autant plus marqué vu la taille XXL des nouvelles régions.

Nous sommes à un moment clé, madame la ministre. Ce texte arrive en discussion au Sénat après le grand débat national – cela a déjà été dit –, pendant lequel l’accès aux soins a été au cœur du débat politique, alors que le Président de la République n’avait pas retenu le sujet de la santé parmi les grands thèmes de cette concertation.

Cela fait des années que les questions de démographie médicale préoccupent les élus et nos concitoyens. Je vous reconnais le mérite de poser le sujet sur la table. Mais vous le faites sans y consacrer de moyens financiers et, surtout, en vous inspirant de la vision d’une médecine administrée ; le résultat ne saurait donc être vraiment satisfaisant.

Après avoir beaucoup parlé des MSP, on ne parle désormais que de CPTS et de PTS ! Je m’exprime volontairement avec ces acronymes, comme si tout cela allait régler les problèmes d’accès aux soins. Ce ne sont pas les murs qui soignent, madame la ministre – vous le savez. Il est certes nécessaire de créer de bonnes conditions d’exercice, et certaines collectivités y investissent beaucoup d’argent ; mais un tel investissement est vain sans médecins ni professionnels de santé !

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

S’agissant des CPTS, l’échelle retenue se situant entre 20 000 et 100 000 habitants, nous n’avons vraiment pas le même sens de la proximité – il faudra de la souplesse quant à leur périmètre.

Tous les médecins qui exercent ont un réseau, même si ce réseau n’est pas formalisé. Mon sentiment est qu’aujourd’hui, tous ces médecins qui exercent en dehors des MSP ou qui ne seraient pas impliqués dans une CPTS ne sont plus dans vos radars, alors qu’ils soignent chaque jour des patients.

Et, si la question des hôpitaux de proximité est majeure, si l’interaction entre l’hôpital et les professionnels de ville est un vrai sujet, commençons par améliorer les sorties d’hôpital ! Je crains que l’on ne soit en train de détricoter la médecine libérale, et je ne suis pas sûre que les solutions proposées dans ce texte pour répondre à la question de la démographie médicale aient été discutées en amont avec les professionnels.

Car, si la réforme des études est une bonne chose, elle ne règle pas la question de l’installation des jeunes médecins, qui est bien au cœur des préoccupations de tous.

À titre personnel, et comme vous, je suis défavorable aux mesures coercitives. Les mesures incitatives, souvent critiquées comme « ne marchant pas », ont au moins le mérite de permettre l’installation de jeunes praticiens. Dire qu’elles ne marchent pas est exagéré : quand, dans un département, 15 jeunes médecins s’installent grâce à de telles mesures incitatives, plus de 15 000 patients sont pris en charge !

Dans ce contexte, je vous proposerai, madame la ministre, comme plusieurs de mes collègues appartenant à différents groupes politiques de cette assemblée, un amendement visant à instaurer une formation professionnalisante en dernière année d’internat de médecine. Je me félicite du travail constructif dont cette proposition est le fruit ; afin de répondre efficacement aux besoins de médecins, nous proposerons que les étudiants de dernière année de troisième cycle de médecine effectuent une année de pratique ambulatoire en autonomie dans les zones sous-dotées. Plus de 3 400 futurs médecins généralistes sont ainsi potentiellement disponibles pour tout le territoire, soit une moyenne de 34 médecins par département. Si vous le souhaitez, certaines spécialités pourront être aussi concernées par cette mesure.

Vous en conviendrez, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition constitue une réponse rapide, efficiente et pragmatique aux difficultés rencontrées. Cette solution viendrait parfaitement compléter la fin du numerus clausus, qui, elle, produira ses premiers effets sur le temps long.

Je proposerai un autre amendement tendant à rendre obligatoires deux stages en médecine ambulatoire pour tout étudiant de troisième cycle.

Madame la ministre, vous connaissez les vertus de la Haute Assemblée en matière d’écoute, de propositions et de défense de l’intérêt général. Je vous demande donc, dans les circonstances actuelles, avec plus de solennité encore qu’à l’ordinaire, de vous appuyer sur l’expérience et la connaissance du terrain des parlementaires que nous sommes.

Soyez à l’écoute du Sénat ! Je pense que le sujet est trop grave pour se prêter à des querelles stériles. Dans ses Mémoires de guerre, le général de Gaulle évoquait la « certaine idée de la France » qu’il se faisait. Cette conception particulière de notre pays sera d’ailleurs réutilisée à maintes reprises par ses successeurs.

Madame la ministre, je vous le dis très solennellement aujourd’hui : au Sénat, dans ce lieu de défense des territoires et de la proximité, nous nous ferons toujours une certaine idée de la santé. Soyons ensemble capables de répondre à l’essentiel !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, si l’annonce du plan Ma santé 2022 avait suscité un large consensus, sa traduction législative, à travers une question centrale – ces mesures concourent-elles à un meilleur accès à des soins de qualité ? –, interroge, interpelle et soulève, du fait du recours aux ordonnances, de fortes oppositions.

Il y a une interrogation sur la superposition et la complexité des outils d’exercice coordonné. La volonté de mettre en réseau les professionnels d’un territoire pour organiser la prise en charge de tous les habitants et la cohérence entre des niveaux de coordination clinique, territoriale, complexe pour les cas difficiles, doivent se traduire dans des cadres juridiques souples, à la main des professionnels, pour leur permettre de s’en saisir facilement, de l’adapter aux besoins locaux, en ayant l’assurance de financements pérennes.

Il y a un doute sur le lien entre proximité et efficacité dans l’évolution souhaitée des GHT. J’insiste sur trois points de vigilance. D’abord, il faut que les nouvelles synergies permettent bien aux établissements périphériques de bénéficier des ressources médicales de l’établissement support pour garantir leur attractivité ! Ensuite, quel sera le rôle, maintenu ou non, en matière de qualité et de sécurité des soins pour les commissions médicales d’établissement ? Enfin, le rendez-vous de la loi de financement posera la question cruciale de la situation financière des hôpitaux. Dans le contexte de la grève actuelle des urgences, comment demander aux personnels de s’investir dans un projet de transformation si aucune réponse n’est apportée à leur problème de court terme ?

Et il y a une forte opposition quand le Gouvernement, par le biais des articles 8, 9 et 10, se prépare à redessiner par ordonnance la carte de l’offre de soins hospitalière sur l’ensemble de la France. Les autorisations sont « le trésor de guerre des hôpitaux », m’expliquait récemment un chef d’établissement, d’autant plus dans un contexte de grandes inégalités territoriales. Madame la ministre, vous vous engagez à un travail de concertation. Mais c’est dans la discussion parlementaire que les élus doivent définir précisément les critères et règles d’une nouvelle organisation.

Mes chers collègues, les membres du groupe socialiste et républicain sont résolument engagés dans la lutte contre les « déserts médicaux ». Après avoir formulé de nombreuses propositions, parce qu’il s’agit de l’intérêt général et parce que l’urgence est de répondre aux demandes de nos concitoyens désemparés, nous sommes totalement partie prenante d’une démarche commune, au-delà des sensibilités politiques. Madame la ministre, nous vous demandons de voir cette démarche comme une formidable occasion d’avancer.

En juin 2018, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie évoquait une « crise majeure d’un système touché dans toutes ses composantes ». Il invitait à « reconsidérer explicitement ce système de valeurs et de principes ». J’insiste sur les termes « valeurs » et « principes ». C’est leur réaffirmation qui conduira à la construction d’un système de santé conjuguant égalité, efficacité, innovation et solidarité, en mesure de répondre aux énormes besoins de santé des territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Delmont-Koropoulis

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, voilà plus d’un an, le Premier ministre nous annonçait vouloir mettre fin aux « rafistolages en santé ». Cette volonté s’est ensuite traduite avec la présentation, au mois de septembre 2018, du plan Ma santé 2022. Avec ce projet de loi, vous ajoutez une pierre à l’édifice bancal qu’est ce plan.

Madame la ministre, ce texte était attendu par les patients, par les professionnels de santé et par les étudiants en médecine, car le diagnostic est grave et partagé par tous, y compris sur ces travées. Si notre système de santé est aujourd’hui à bout de souffle, les Français sont, eux, tout simplement à bout.

Chacun dans cet hémicycle est en effet confronté dans son territoire à l’une de ces situations : manque de moyens financiers pour un hôpital, manque de personnels soignants ou encore développement de zones en voie de désertification médicale.

Il n’est pas anodin que la question de l’accès aux soins se soit imposée lors du grand débat national. De nombreux citoyens renoncent aux soins faute de professionnels disponibles.

Annoncé comme une « transformation du système de santé », ce texte ne traite pas de plusieurs sujets essentiels, comme la prévention ou la revalorisation et l’attractivité des professions de santé libérales et hospitalières. Il n’y a rien non plus sur la recherche et l’innovation, alors même que la compétitivité de la France se dégrade dans le domaine pharmaceutique.

Madame la ministre, je regrette également que le Parlement ne soit pas pleinement associé à cette réforme. En effet, le projet de loi comporte de trop nombreuses mesures qui relèvent de futures ordonnances, comme les hôpitaux de proximité. Nous voilà privés d’un débat qui aurait pu enrichir le texte grâce à nos expériences dans les territoires, notre connaissance du terrain, des établissements et des besoins.

Toutefois, ce projet de loi comporte tout de même quelques points positifs qu’il faut souligner, comme la réforme du statut de praticien hospitalier et la création de l’espace numérique de santé.

Mais plusieurs dispositions nous interrogent. Si la suppression du numerus clausus et la refonte des premiers cycles des études vont dans le bon sens, qu’en est-il de l’accueil des nouveaux effectifs ? Qu’est-il prévu pour que les universités s’adaptent à l’arrivée de nouveaux élèves alors que la plupart des amphithéâtres sont déjà saturés ? Même question pour l’accueil de nouveaux internes dans les hôpitaux. Comment être certain que la suppression du numerus clausus profitera aux déserts médicaux, alors que moins de 15 % des étudiants en médecine choisissent le secteur libéral et qu’il n’est absolument pas souhaitable d’envisager des mesures coercitives d’installation ?

Le maillage du territoire et la coordination entre acteurs sont nécessaires pour répondre au mieux aux situations de désertification médicale. Veillons à ne pas suradministrer la santé. Laissons se développer les initiatives locales. Laissons les professionnels s’organiser librement.

Ce projet de loi est donc un début de réponse aux maux dont souffre notre système de santé. S’il contient quelques avancées, il n’est pas assez ambitieux. Et nous déplorons encore une fois le nombre important d’ordonnances prévues. Cela va nous priver d’une nécessaire visibilité sur les mesures et leurs conséquences.

Madame la ministre, nous sommes dans le flou. Mais nous sommes disponibles pour travailler avec vous et faire avancer le texte dans le bon sens, afin qu’il améliore le quotidien des patients et des professionnels de santé.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les différentes interventions que nous avons entendues au cours de la discussion générale démontrent que nous sommes tous ici désireux d’œuvrer à l’amélioration des systèmes de soins. Les diagnostics sont partagés.

Le mot « confiance » a souvent été prononcé. Agnès Buzyn et moi-même sommes très attachées à la confiance. Oui, il faut faire confiance aux territoires pour proposer la meilleure organisation possible. Mais vous devez aussi nous faire confiance pour veiller à la qualité de la formation et du système de soins partout sur le territoire. Plusieurs orateurs l’ont souligné, et je les en remercie.

Sur un tel sujet, qui intéresse l’ensemble de nos concitoyens, nous avons le devoir de réussir, après tant d’années d’insuccès et de tâtonnements.

J’évoquerai d’abord le numerus clausus. Auparavant, le nombre d’étudiants admis en deuxième année était défini à la place près, et de manière extrêmement centralisée. C’est cela que nous supprimons. L’ordre de grandeur a été évoqué à plusieurs reprises, comme il avait pu l’être à l’Assemblée nationale ou sur différents plateaux de télévision.

Vous l’avez bien compris, puisque vous vous êtes saisis du sujet : l’objet n’est pas d’annoncer une hausse de 17, 2 % ou de 22 % partout. Il s’agit avant tout de nous adapter aux besoins en futurs professionnels et aux capacités de formation des territoires. Il y aura bien une augmentation du nombre de professionnels de santé, notamment de médecins, au service de nos concitoyens, mais aussi une diversification de ces médecins. Nous n’avons pas besoin de plus de médecins qui s’installent aux mêmes endroits ! Le vrai problème est qu’il y a parfois trop de médecins dans certains endroits et trop peu ailleurs.

En vue d’une répartition harmonieuse, nous vous proposons de repenser le recrutement de nos futurs médecins. Actuellement, le recrutement s’effectue de manière extrêmement standardisée, essentiellement sur des disciplines scientifiques et technologiques. Dès lors, il ne faut pas s’étonner que nos jeunes médecins aient envie de travailler dans les CHU les plus performants avec de la technologie de pointe, au détriment parfois de ce que les médecins appréciaient le plus jadis : le contact humain et la capacité de nouer des relations personnelles.

Diversifier les recrutements, c’est faire en sorte que des jeunes ayant des compétences et des appétences autres qu’uniquement scientifiques ou technologiques puissent aussi avoir accès aux études de santé.

Certes, les antennes de Paces fonctionnent ; on a essayé de former les jeunes au plus près de chaque territoire. C’est évidemment très important. Mais nous voulons aller plus loin, en diversifiant vraiment les profils des jeunes qui se destineront aux études médicales.

Toutes les universités pourront être partie prenante. Les villes universitaires avec un CHU et une faculté de médecine ne seront plus les seules à pouvoir former les étudiants en première année et en début de cursus. Les étudiants de toutes les universités dans lesquelles nous serons capables de proposer des formations universitaires rejoindront ensuite les centres de formation hospitalo-universitaires, puis pourront retourner sur le terrain au cours de leur troisième cycle.

Aujourd’hui, les études sont extrêmement exigeantes. Nous déracinons les jeunes en les faisant partir pour leurs études dans des métropoles ou des villes disposant d’un CHU. Nous les y laissons entre neuf ans et quinze ans, selon les spécialités. Et ensuite, on leur demande naïvement pourquoi ils veulent y rester. Tout simplement parce qu’ils y vivent depuis dix ans ou quinze ans et que c’est là qu’ils ont noué des relations personnelles et professionnelles comme jeunes adultes !

Il faut donc penser un début de formation et une possibilité de troisième cycle au sein de chaque territoire, en augmentant la capacité de formation et le nombre de maîtres de stage et en faisant en sorte que les maisons de santé et les hôpitaux puissent être des lieux d’accueil. Ainsi, nous éloignerons moins longtemps les jeunes de ces territoires.

Il est évidemment très important de proposer des mesures incitatives. Au lieu de présenter l’exercice de la médecine dans ces territoires comme une obligation préalable pour pouvoir accéder ensuite aux grands centres hospitaliers qui font rêver les jeunes, faisons plutôt en sorte que ces derniers rêvent de travailler dans les territoires concernés. Cela nous ramène, précisément, à la diversité des jeunes et des parcours.

Ainsi que beaucoup d’orateurs l’ont souligné, le succès de la réforme réside dans le fait que la philosophie du texte soit bien diffusée sur chaque territoire. Vous le savez, j’ai pris un engagement qui vaut pour l’ensemble de l’enseignement supérieur : faire en sorte que chaque territoire soit fier de son enseignement supérieur !

La recherche et l’innovation en santé seront évidemment au cœur du projet de loi sur la recherche, qui est en préparation et en cours de concertation.

Vous pouvez compter sur mon engagement plein et entier pour que chaque jeune, où qu’il soit sur le territoire, puisse accéder à l’ensemble des formations de l’enseignement supérieur !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de la qualité des échanges que nous allons avoir. Je vois combien le sujet préoccupe l’ensemble des sénateurs présents aujourd’hui, de même qu’il nous préoccupe.

Je souhaite remercier M. le rapporteur, dont les propos témoignent de l’esprit constructif de la commission des affaires sociales. Il a été fait mention du pragmatisme de cette réforme pour apporter des réponses sur les territoires. Vous l’avez indiqué, cher Alain Milon, il n’y a pas de remède miracle ; nous le savons tous. Seuls un panel d’outils et la confiance dans les acteurs et les territoires nous permettront d’être au rendez-vous des besoins des Français.

Monsieur le rapporteur pour avis Jean-François Longeot, vous nous demandez quand nous prendrons des décisions pragmatiques pour répondre à l’urgence des territoires. Précisément, tout le projet de loi vise à y répondre. C’est la raison pour laquelle nous vous avons proposé un calendrier très contraint. Certes, je comprends que le recours aux ordonnances puisse être source de frustrations, même si nous nous sommes engagés à vous présenter les ordonnances et les études d’impact avant la loi de ratification. Mais nous pensons qu’il est aujourd’hui urgent d’agir, de décloisonner, de permettre plus de liberté d’organisation pour que les territoires puissent répondre aux besoins et rendre l’exercice médical et paramédical plus attractif dans les déserts médicaux. À mon sens, la réponse, c’est ce projet de loi.

Vous demandez également en quoi les mesures envisagées peuvent changer la donne. La philosophie du plan Ma santé 2022, c’est le pragmatisme. Il s’agit de donner aux acteurs des territoires des outils pour s’organiser, mieux travailler ensemble et mieux prendre en charge, notamment, les patients chroniques. Il n’est pas question d’être prescriptif ou d’avoir un modèle normatif unique.

Je pourrais également évoquer les 400 médecins salariés pour les territoires. Nous sommes évidemment tout à fait favorables à l’augmentation de ce nombre si la mesure est un succès. Il s’agit d’être en appui des territoires les plus fragiles et de répondre aux demandes des jeunes médecins qui cherchent aujourd’hui un exercice salarié.

Nous souhaitons libérer du temps médical. C’est l’objet des assistants médicaux. Nous espérons évidemment que la convention médicale sera signée le 15 juin prochain. Le volet télémédecine va permettre de mieux orienter les patients. Il ne joue pas un rôle supplétif ; il s’agit vraiment de faire gagner du temps dans l’exercice médical pour orienter les malades qui en ont vraiment besoin vers des soins de recours. Et nous sommes en train d’accompagner la valorisation des compétences des autres professionnels de santé.

Mmes Cohen et Apourceau-Poly ont beaucoup parlé de « rigueur budgétaire ». Je rappelle que l’Ondam augmente chaque année de plusieurs milliards d’euros. Cette année, alors que le Président de la République avait annoncé une hausse de 2, 3 % par an, l’Ondam a augmenté de 2, 5 %. Autrement dit, nous allons avoir 400 millions d’euros supplémentaires. Dans quatre ans, nous aurons augmenté le budget de l’Ondam de 1, 6 milliard d’euros pour accompagner toutes ces réformes.

Je ne peux donc pas accepter le terme de « rigueur budgétaire ». Cette année, nous avons dégelé l’intégralité des réserves et des crédits mis en réserve, soit 415 millions d’euros – cela faisait de très nombreuses années que l’intégralité du dégel n’avait pas été rendue aux hôpitaux publics. Une nouvelle délégation budgétaire de 300 millions d’euros est intervenue en mars 2019. Nous avons augmenté de 0, 2 % les tarifs d’hospitaliers en 2019 : c’est la plus forte hausse des tarifs hospitaliers depuis dix ans. Nous avons mis dans la balance 200 millions d’euros pour le financement de la qualité des soins dans les établissements de santé. Nous avons annoncé 100 millions d’euros de mesures nouvelles pour la psychiatrie, renouvelés chaque année. Nous avons ajouté 50 millions d’euros pour les soins de suite et de réadaptation en 2019 et 50 millions d’euros pour l’enseignement des professions de santé. Tout cela, ce n’est pas de la « rigueur budgétaire » !

Vous le savez comme moi, même si nous ajoutions des milliards supplémentaires, cela ne nous rendrait malheureusement pas les professionnels, notamment médicaux, qui manquent aujourd’hui sur le territoire.

Je tiens à le rappeler, le problème de démographie médicale que nous subissons est un problème international. J’ai organisé le G7 des ministres de la santé voilà quinze jours au ministère. Tous les pays du G7 souffrent de désertification médicale.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Parce que ce sont les mêmes politiques libérales partout !

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

La métropolisation est un phénomène international. Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé a annoncé qu’il manquait d’ores et déjà 12 millions de professionnels de santé dans le monde. Par conséquent, sauf à repenser nos organisations, nous ne sommes pas en mesure, aujourd’hui, d’attirer ou de former en l’espace de quelques années un nombre de médecins suffisant pour compenser les manques. Cela nécessite de l’innovation organisationnelle. C’est le sens des réformes que je vous propose.

Madame Apourceau-Poly, vous affirmez que les dispositifs d’exonération ne changeront pas la donne, et vous nous appelez à rendre les territoires plus attractifs. C’est exactement ce que nous proposons. Rendre les territoires plus attractifs, ce n’est pas simplement miser sur des incitations financières ou des exonérations fiscales pour les médecins. Aujourd’hui, les médecins souhaitent s’installer dans des territoires où leur exercice professionnel est attractif. C’est ce que nous faisons avec les maisons de santé, les centres de santé pluriprofessionnels, l’augmentation des postes de médecins salariés – cela répond à leur demande –, la possibilité de cumul emploi-retraite pour les médecins les plus âgés, les statuts mixtes entre la médecine de ville et la médecine hospitalière… Tout cela contribue à rendre l’exercice médical plus attractif.

Monsieur Jomier, vous vous demandez si cette loi est de nature à apporter des réponses aux grands défis de santé publique. Comme vous l’avez vous-même souligné, ce n’est pas une loi de santé ou de prévention ; c’est une loi d’organisation du système de santé. C’est un choix assumé. Nous voulons répondre à l’urgence concernant l’accès aux soins sur les territoires. En matière de prévention, il y a d’autres outils. Chaque année, vous votez en loi de financement de la sécurité sociale des mesures d’accompagnement du plan Priorité prévention, que j’avais présenté en 2017. L’avenir dira si celui-ci répond aux attentes des territoires.

Je souhaite rendre des comptes aux élus et aux citoyens, et je me suis placée en situation de le faire. Le comité de suivi de la réforme se réunit tous les six mois. Mme Doineau, qui est déléguée à l’accès aux soins, y participe. Je regarde les indicateurs sur le nombre de maisons pluriprofessionnelles de santé créées ou le nombre de postes de médecins salariés pourvus. Tous les indicateurs sont suivis et rendus publics. Un premier bilan a d’ailleurs été publié le mois dernier.

Vous déclarez que cela prendra du temps. En effet ! Il faudra du temps pour réorganiser notre système. Mais pas tant que cela ! Nous pouvons, je le crois, avoir des résultats dès cet été. Si la convention médicale est signée, les médecins pourront avoir des assistants médicaux dès cet été ; les 4 000 postes pourraient être pourvus très rapidement. Cela dégagera entre 15 % et 20 % de temps médical pour les médecins, notamment en zone sous-dense. Les 400 postes de médecins salariés sont déjà ouverts au recrutement. J’espère donc avoir des résultats dès cette année.

Monsieur Arnell, vous avez évoqué la métropolisation des médecins. Comme je viens de le souligner, le phénomène est international. Tous les ministres du G7 qui étaient présents auprès de moi voilà quinze jours ont souhaité échanger sur les bonnes pratiques pour améliorer l’attractivité des territoires ruraux. Tout le monde s’accorde sur le fait que cela ne passe pas seulement par l’incitation financière. Il faut repenser les organisations pour rendre l’exercice médical en zone rurale plus attractif.

Vous craignez que la seule incitation financière ne suffise pas. Ce n’est pas ce qui est proposé dans le texte. C’est, j’en suis persuadée, l’exercice qui attire les médecins. Nous aurons l’occasion d’aborder dès ce soir les amendements qui portent sur ces sujets, c’est pourquoi je n’entrerai pas dans le détail.

Madame Doineau, je partage votre sentiment ; il faut effectivement, me semble-t-il, que les élus connaissent mieux les outils. Force est de le constater, même le plan que nous avons mis en œuvre en 2017 est encore insuffisamment connu. Les ARS doivent communiquent beaucoup plus régulièrement avec les élus locaux, notamment les maires, les conseillers départementaux et les conseillers régionaux. Une mobilisation des ARS pour leur faire connaître les outils est absolument nécessaire. Je compte aussi sur les associations d’élus pour mieux informer les élus locaux de tous les outils dont ils peuvent se saisir.

Je vous rejoins également sur les mesures coercitives. Pour que des mesures coercitives fonctionnent, il faut qu’il y ait un nombre suffisant de professionnels à répartir sur un territoire donné. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Seules des organisations innovantes seront en mesure de répondre aux besoins.

Madame Imbert, selon vous, il s’agit d’un texte administratif qui donne le pouvoir aux ARS. Franchement, je pense, à l’inverse, que ce texte est tout sauf administratif. Le projet de loi est fait pour que les professionnels se saisissent d’outils et s’organisent comme ils le souhaitent pour couvrir un territoire. Les professionnels de santé, dans ce texte comme dans la convention médicale, acceptent une nouvelle responsabilité, territoriale ou populationnelle, qui n’existait pas jusqu’à présent. Ils vont pouvoir s’en saisir grâce aux outils, notamment les CPTS. Le texte donne aux acteurs le pouvoir de s’organiser et aux ARS le soin de les accompagner. Ce n’est pas du tout un texte administratif ou normatif.

Vous soulignez aussi que le thème de la santé n’avait pas été choisi par le Président de la République lors du grand débat national. C’est tout à fait normal. Nous avions déjà travaillé avec tous les acteurs dans le cadre d’une large concertation qui a duré plus de six mois. Le texte était en cours de rédaction ; il a été présenté aux parlementaires dès le mois de mars à l’Assemblée nationale. Il était logique que le grand débat national nous alimente sur des mesures de santé qui auraient pu figurer en plus dans la loi. Nous avons regardé ce qui était proposé. Il s’agissait essentiellement de constats, avec très peu de propositions concrètes, hormis la coercition. Je comprends que nos concitoyens puissent voir la coercition comme une solution à leurs problèmes. Mais tous ceux qui travaillent dans les territoires savent qu’elle ne fonctionne pas pour les professions sous-dotées. En d’autres termes, nous n’avons pas pensé que la santé n’était pas prioritaire ; nous avions d’ores et déjà travaillé à la rendre plus équitable sur le territoire grâce à ce projet de loi.

Madame Delmont-Koropoulis, vous dites qu’il n’y a rien dans ce texte sur la prévention, sur l’attractivité des professions, notamment hospitalières, ou sur l’innovation… Mais c’est un choix ! Ce n’est pas un texte sur la santé publique ou la prévention. C’est une loi d’organisation pour répondre à l’urgence que ressentent aujourd’hui les territoires en termes d’accès aux soins. Je ne veux pas d’une loi bavarde avec 280 articles ! Je veux répondre en urgence aux besoins. Cette loi ne traduit que les leviers législatifs nécessaires de Ma santé 2022. Il y a d’autres leviers – je l’ai indiqué – d’ordre réglementaire avec la convention médicale ou dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous les utiliserons également.

À propos de l’attractivité des professions de santé, une ordonnance sera élaborée avec les professionnels sur la gestion des ressources humaines hospitalières. La concertation est en cours.

Aujourd’hui, la loi que je vous propose est une loi d’urgence. Elle répond parfaitement, je le pense, à ce que vous ressentez tous les jours dans vos territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

TITRE Ier

DÉCLOISONNER LES PARCOURS DE FORMATION ET LES CARRIÈRES DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ

Chapitre Ier

Réformer les études en santé et renforcer la formation tout au long de la vie

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 293, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article L. 1411-1 du code de la santé publique est complété par les mots et deux phrases ainsi rédigées : « et les citoyens. Une conférence nationale de consensus traitant, au regard notamment des évolutions démographiques et épidémiologiques, de l’équilibre entre la qualité des soins, l’efficience économique et la qualité de vie au travail des professionnels de santé est organisée tous les ans. Les modalités de mise en œuvre et d’évaluation sont définies par décret. »

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

La mobilisation des Françaises et des Français ces derniers mois a porté sur les sujets démocratiques – je pense au référendum d’initiative citoyenne, le RIC – et sur ceux qui sont relatifs à la santé publique, la question de l’accès aux soins ayant été au cœur des débats.

Cette double exigence trouve sa concrétisation dans le besoin d’une démocratie sanitaire renouvelée, plus large, avec davantage de pouvoirs et de contre-pouvoirs pour les représentants du personnel, les usagers et les élus.

Les organismes professionnels représentatifs que sont la Fédération hospitalière de France, la FHF, la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs, la FEHAP, la Fédération de l’hospitalisation privée, la FHP, et UNICANCER ont proposé d’organiser une concertation préalable à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur le juste équilibre entre impératif d’efficience économique, qualité de soins et qualité de vie au travail.

Il existe déjà une structure consultative, la Conférence nationale de santé, placée auprès du ministre chargé de la santé, dont la mission consiste justement à faire vivre la concertation et les réflexions autour des questions de santé.

Ce « Parlement de la santé » de 120 membres représente les collectivités territoriales, les usagers du système de santé, les conférences régionales de la santé et de l’autonomie, les organisations syndicales et patronales, les acteurs de la cohésion et de la protection sociales, les acteurs de la prévention, les offreurs de services de santé et les représentants des organismes de recherche, des industries des produits de santé et des personnalités qualifiées. Il est saisi pour avis sur les projets de loi de santé publique comme celui dont nous discutons actuellement, mais il n’est malheureusement pas sollicité concernant les projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Vous me répondrez, madame la ministre, que notre groupe insiste sur les finances, mais, l’an dernier, l’ensemble des conseils d’administration des branches de la sécurité sociale ont voté contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 qui prévoyait la fin de la compensation intégrale des exonérations patronales par l’État. Cela n’a pas eu de conséquences sur le texte, non plus que notre opposition au Sénat. Nous sommes donc parfaitement conscients que cet amendement ne suffira pas à instaurer une véritable démocratie sanitaire, mais son adoption serait un pas positif dans cette direction.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Si le sujet est intéressant, il me paraît curieux d’organiser une concertation chaque année portant spécifiquement sur le thème évoqué par Mme Gréaume. On pourrait tout à fait envisager que la Conférence nationale de santé travaille de manière ponctuelle sur cette question dans le cadre d’une proposition ou d’un avis. Il ne me semble cependant pas opportun d’y affecter chaque année une large part des moyens de la Conférence nationale de santé alors que d’autres thèmes relatifs à la santé publique méritent tout autant de faire l’objet d’une concertation. En outre, l’article 10 bis A prévoit l’intégration d’un volet portant sur la qualité de vie au travail dans le projet social de chaque établissement de santé. La commission a donc émis un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Permettez-moi, madame la présidente, mes chers collègues, de vous faire part de quelques observations générales sur le titre Ier du projet de loi.

Le titre Ier vise tout d’abord à réformer la formation des professionnels de santé. Trois moments clés sont visés : l’entrée dans les études de santé – c’est l’objet de l’article 1er –, l’entrée dans le troisième cycle de médecine et le choix d’une spécialité – c’est l’article 2 – et la formation continue des professionnels de santé – c’est l’article 3.

Si les nouvelles orientations proposées recueillent le consensus des acteurs, elles ne constitueront pas le cœur des réformes qui seront mises en place. Les trois premiers articles se bornent en effet à l’affirmation de grands principes dont la traduction concrète est renvoyée à la voie réglementaire ou à l’ordonnance. Nous devons donc croire sur parole le Gouvernement quant aux modalités effectives de la réorganisation des études de santé. Comme je l’ai souligné, la communication gouvernementale autour de ces mesures apparaît pourtant partiellement trompeuse, et je crains que la réforme des études de santé ne fasse au total de nombreux déçus.

Sur ce premier volet, la commission des affaires sociales a choisi de ne pas retenir les propositions visant à inscrire le contenu de certaines parties de la formation des professionnels de santé dans la loi. Outre que ces matières ne relèvent pas du niveau législatif, l’adoption de telles dispositions pourrait être contre-productive, car on pourrait alors se demander ce qu’il adviendra de tout le contenu qui ne serait pas énuméré.

Le titre Ier comprend par ailleurs des mesures éparses touchant à l’organisation des carrières en santé. On y trouve notamment un toilettage du CESP et un élargissement de l’exercice en tant que médecin adjoint. La principale mesure est portée par l’article 6, qui vise à réformer l’emploi hospitalier.

Sur ma proposition, la commission des affaires sociales a complété ce titre par des mesures constituant une incitation forte à l’ancrage rapide des jeunes médecins dans un territoire et auprès d’une patientèle.

L’article 4 bis prévoit ainsi que ceux qui s’installeront dès la fin de leurs études bénéficieront d’une large exonération de cotisations sociales, quel que soit leur mode d’installation. Nous avons, dans le même temps et en conséquence, souhaité limiter l’exercice en remplacement à une période de trois ans sur l’ensemble de la carrière des médecins diplômés. Il s’agit là de propositions sur lesquelles nous pourrons continuer de travailler ensemble dans cet hémicycle. En tout état de cause, ces propositions ont été introduites dans cet article pour éviter que des mesures plus importantes de coercition ou de régulation ne soient évidemment proposées à d’autres articles.

En conséquence, nous sommes défavorables aux amendements visant au renforcement des dispositifs d’exercice alternatif à l’installation : la multiplication de ces outils pourrait au total avoir des effets délétères sur l’installation pérenne de médecins dans un territoire de santé.

I. – L’article L. 631-1 du code de l’éducation est ainsi rédigé :

« Art. L. 631 -1. – I. – Les formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique relèvent, par dérogation à l’article L. 611-1, de l’autorité ou du contrôle des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé et donnent lieu à la délivrance de diplômes au nom de l’État. Ces formations permettent l’orientation progressive de l’étudiant vers la filière la plus adaptée à ses connaissances, ses compétences, son projet d’études et ses aptitudes ainsi que l’organisation d’enseignements communs entre plusieurs filières pour favoriser l’acquisition de pratiques professionnelles partagées et coordonnées.

« Les capacités d’accueil des formations en deuxième et troisième années de premier cycle sont déterminées annuellement par les universités. Pour déterminer ces capacités d’accueil, chaque université prend en compte les objectifs pluriannuels d’admission en première année du deuxième cycle de ces formations. Ces objectifs pluriannuels, qui tiennent compte des capacités de formation, des besoins de santé et de l’évolution prévisionnelle des effectifs et des compétences des acteurs de santé du territoire, sont arrêtés par l’université sur avis conforme de l’agence régionale de santé ou des agences régionales de santé concernées. L’agence régionale de santé ou les agences régionales de santé consultent, au préalable, la conférence régionale de la santé et de l’autonomie ou les conférences régionales de la santé et de l’autonomie concernées. Les objectifs pluriannuels d’admission en deuxième et troisième année du premier cycle sont définis au regard d’objectifs nationaux pluriannuels relatifs au nombre de professionnels à former établis par l’État pour répondre aux besoins du système de santé, réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins et permettre l’insertion professionnelle des étudiants.

« L’admission en deuxième ou en troisième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique est subordonnée à la validation d’un parcours de formation antérieur dans l’enseignement supérieur et à la réussite à des épreuves, qui sont déterminées par décret en Conseil d’État.

« Des candidats, justifiant notamment de certains grades, titres ou diplômes, ainsi que des étudiants engagés dans les formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique et souhaitant se réorienter dans une filière différente de leur filière d’origine, peuvent être admis en deuxième ou en troisième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État.

« Ces modalités d’admission garantissent la diversité des parcours des étudiants.

« II. – Un décret en Conseil d’État détermine :

« 1° La nature des parcours de formation ainsi que les grades, titres et diplômes permettant d’accéder en deuxième ou, selon les cas, en troisième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique ;

« 2° Les conditions et modalités d’admission ou de réorientation en deuxième ou troisième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique ;

« 3° Les modalités de définition des objectifs nationaux pluriannuels mentionnés au I ;

« 3° bis Les modalités de définition d’objectifs de diversification des voies d’accès à la deuxième ou la troisième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique ;

« 4° Les modalités d’évaluation des étudiants et les conditions de délivrance des diplômes ;

« 5° Les modalités de fixation du nombre d’élèves des écoles du service de santé des armées pouvant être accueillis en deuxième et troisième années de premier cycle des formations de médecine, de pharmacie et d’odontologie et leur répartition par université ;

« 6° Les modalités de fixation des objectifs d’admission en première année du deuxième cycle des formations de médecine, de pharmacie et d’odontologie des élèves des écoles du service de santé des armées et leur répartition par université ainsi que les conditions dans lesquelles ces nombres sont pris en compte par les universités et les agences régionales de santé pour la détermination des objectifs d’admission en première année du deuxième cycle des formations de médecine, de pharmacie et d’odontologie ;

« 7° Les conditions et modalités d’accès dans les formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique pour les titulaires d’un diplôme d’un État membre de l’Union européenne, d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, de la Confédération suisse ou de la Principauté d’Andorre ;

« 8° Les conditions et modalités d’accès dans les formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique pour les titulaires d’un diplôme des pays autres que ceux cités au 7° du présent II ;

« 9° Les conditions dans lesquelles les titulaires d’un diplôme sanctionnant des études de santé validé à l’étranger permettant d’exercer dans le pays de délivrance peuvent postuler aux diplômes français correspondants. »

II. –

Non modifié

III. – L’article 39 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche est ainsi rédigé :

« Art. 39. – L’État peut, à titre expérimental et pour une durée de six ans à compter de la rentrée universitaire 2020, autoriser l’organisation des formations relevant du titre III du livre VI de la troisième partie du code de l’éducation selon des modalités permettant de renforcer les échanges entre les formations, la mise en place d’enseignements en commun et l’accès à la formation par la recherche.

« Les conditions de mise en œuvre du premier alinéa du présent article sont définies par voie réglementaire. Elles précisent notamment les conditions d’évaluation des expérimentations en vue d’une éventuelle généralisation.

« Au cours de la sixième année de l’expérimentation, les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé présentent au Parlement un rapport d’évaluation des expérimentations menées au titre du présent article. »

IV. –

Non modifié

1° À la fin de la première phrase, les mots : « arrêtés du ministre chargé de l’enseignement supérieur et du ministre chargé de la santé » sont remplacés par le mot : « décret » ;

2° La seconde phrase est supprimée.

V. – Le titre III du livre IV de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le l du 2° de l’article L. 1431-2 est complété par les mots : « et se prononcent, dans les conditions prévues par le code de l’éducation, sur la détermination par les universités des objectifs pluriannuels d’admission en première année du deuxième cycle des études de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique » ;

2° Après la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 1432-4, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle est consultée dans les conditions prévues au deuxième alinéa du I de l’article L. 631-1 du code de l’éducation. »

VI. –

Non modifié

VII. –

Non modifié

Les étudiants ayant suivi soit une première année commune aux études de santé prévue à l’article L. 631-1 du code de l’éducation, soit une première année commune aux études de santé adaptée prévue au 1° bis de l’article 39 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, soit une à trois années d’un premier cycle universitaire adapté conduisant à un diplôme national de licence prévues au 2° du même article 39, avant la publication de la présente loi, et qui auraient eu, en application des dispositions antérieures à la présente loi, la possibilité de présenter pour la première ou la seconde fois leur candidature à l’accès en deuxième année des études médicales, pharmaceutiques, odontologiques ou maïeutiques conservent cette possibilité selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

VIII. –

Non modifié

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

L’article 1er portant sur la réforme des études de santé en premier cycle sera sans doute l’un des plus emblématiques de ce projet de loi, l’un des plus médiatisés également. Et pour cause, il correspond à une urgence : former plus de médecins pour faire face à la baisse démographique et répondre aux besoins de santé sur tous les territoires, même si ses effets ne se font sentir que dans dix ans. Vous vous étonnez, madame la ministre, que tous les pays du G7 vivent la même pénurie de médecins, mais tous les pays du G7 mènent la même politique libérale et l’amplifient ! C’est une mauvaise politique qu’il faut changer. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé une motion tendant à opposer la question préalable, qui a été rejetée.

Vous acceptez enfin de supprimer le numerus clausus, ce qui va dans le bon sens. Avec les syndicats, nous dénonçons depuis longtemps ce couperet, convaincus que ce mode de sélection, d’une part, est responsable de la pénurie de professionnels de santé que nous connaissons actuellement et, d’autre part, que la première année commune aux études de santé, la Paces, constitue un véritable cauchemar pour les étudiants, et un gâchis d’intelligence et de compétences.

Cette ultra-sélection, synonyme d’échec pour 75 % des étudiants, ne garantissait en rien la qualité des futurs professionnels, notamment dans l’approche humaine des patients, tant s’en faut ! C’était même l’un des défauts unanimement reconnus de ce système.

Malheureusement, comme l’a souligné M. le rapporteur, il ne s’agit pas d’une véritable suppression du numerus clausus puisque les capacités d’accueil et de formation seront déterminées annuellement par les universités, en fonction d’objectifs nationaux pluriannuels établis par l’État et sans moyens supplémentaires.

Comment pensez-vous, mesdames les ministres, que les universités pourront accueillir et former plus d’étudiants en médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie dans ces conditions ? En fait, il s’agit d’une proposition somme toute limitée, puisqu’elle permettra, selon vous, madame la ministre, une augmentation maximale de 20 % des effectifs, même si j’ai bien compris que vous ne teniez pas à ce que l’on rappelle ces chiffres.

Je crains qu’il ne s’agisse donc plutôt d’un desserrement du numerus clausus, comme cela se pratique depuis quelques années, et d’une régionalisation de ce numerus clausus. Une fois de plus, vous restez au milieu du gué.

Enfin, je ne saurais terminer mon propos sans souligner que la diversification des profils et des parcours est une mesure positive, à même de favoriser une prise en charge plus humaine des patients, ce que nous soutiendrons sans réserve !

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, avant d’entamer l’examen des amendements sur l’article 1er visant à réformer le numerus clausus, je rappellerai que l’on évoquait déjà, lors de sa mise en place, les capacités des universités pour former les futurs médecins afin de justifier l’instauration de la sélection dans les études de médecine. L’argument des moyens matériels et des places de stage avait été invoqué pour limiter le nombre d’étudiants.

À l’époque déjà, les parlementaires communistes dénonçaient une pratique qui consiste à créer la pénurie pour mieux justifier les mesures d’élimination. Ils demandaient une augmentation constante et prolongée du nombre des étudiants à former. Malheureusement, pour former, il aurait fallu se donner davantage de moyens financiers et augmenter le taux d’encadrement. Je parle, évidemment, du nombre de professeurs nommés par faculté.

J’ai rencontré dernièrement le doyen de la faculté de médecine. Il me disait que, même en supprimant le numerus clausus, ce qui est selon moi une bonne chose, les choses ne s’amélioreraient pas pour autant faute de créer davantage de postes de professeurs pour former les futurs médecins et professionnels de santé. Si nous souhaitons réussir demain cette réforme, il faudra déployer, que vous le vouliez ou non, madame la ministre, des moyens supplémentaires !

Or nous sommes très inquiets quand nous entendons le Président de la République annoncer que le système restera sélectif et dire qu’il n’est pas question de rogner sur l’excellence de la formation. En l’absence de moyens financiers et humains supplémentaires, arriverons-nous à combler le déficit de professionnels de santé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, alors que la pénurie de médecins contraint plus de 5 millions de nos concitoyens à vivre dans un désert médical, nous ne formons pas assez de futurs professionnels. Le système est tel qu’un grand nombre de jeunes sont éjectés de la formation médicale au cours des deux premières années d’études. Si la disparition du numerus clausus nous satisfait, de nombreuses interrogations demeurent.

Ce sont les facultés de médecine et les ARS qui auront désormais la main sur la formation des futurs médecins, et détermineront les effectifs d’étudiants en fonction des besoins des territoires. Mais comment s’organisera la nouvelle formation ? Le seul critère de débouchés locaux ne risque-t-il pas de remettre en cause le caractère national du diplôme ? Tiendra-t-il compte de la mobilité des étudiants, en France ou à l’étranger, en fonction de leurs souhaits ou de leurs projets professionnels ?

Se pose surtout la question des moyens financiers dont il faut doter les universités pour former plus et mieux. Travailleront-elles à moyens constants ou des moyens supplémentaires seront-ils engagés ? Qu’en est-il, enfin, de la question de la réforme globale des études de médecine ?

La suppression du numerus clausus est une bonne nouvelle, mais les enjeux de la démocratisation des études médicales et de la régulation de l’installation des médecins ne sont que partiellement traités.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’article 1er vise à instaurer un certain nombre de mesures auxquelles nous ne pouvons qu’être favorables. La réforme des modalités d’admission en deuxième année d’études médicales en fait partie. En effet, la suppression de la Paces met fin à un système organisé sur l’échec des étudiants, et c’est une bonne chose. Néanmoins, j’attire l’attention du Gouvernement : il est nécessaire que les nouvelles modalités de sélection soient garantes de l’égalité des chances entre les candidats, ce que permettait l’anonymat des épreuves qui prévalait jusqu’alors. Cette notion ne doit pas disparaître de nos textes.

Venons-en à la suppression du numerus clausus. Cette suppression serait la mesure phare permettant de répondre à la problématique de la désertification médicale. Or, si nous n’y sommes pas opposés, rien ne prouve que le nombre d’étudiants formés sera à la hausse et que la donne changera significativement. Certaines universités n’ont-elles pas récemment refusé d’augmenter le nombre d’inscriptions d’étudiants au motif que cette hausse excédait leurs capacités de formation ?

Le numerus clausus, par ailleurs, est passé de 3 200 à 9 300 places en dix ans, ce qui n’a pas suffi à enrayer le phénomène de désertification médicale, car il répond également à d’autres causes. Sans augmentation du budget alloué aux universités, il est illusoire de tabler sur un accroissement significatif du nombre d’étudiants en médecine et de considérer que cette mesure constituera une réponse satisfaisante au problème des déserts médicaux.

Enfin, on ne peut pas donner la priorité aux capacités de formation des universités sur les besoins de santé de la population dans la détermination du nombre de professionnels à former. C’est mettre la question des moyens avant celle de la finalité. Voilà pourquoi nous souhaitons corriger ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Sans doute les études de santé méritent-elles d’être réformées. De nombreux reproches ont été exprimés aujourd’hui, notamment sur la Paces, véritable mécanique pour sélectionner parmi les 40 000 étudiants qui s’inscrivent ceux qui sont à même de poursuivre leurs études. Le QCM systématique comporte bien des travers, comme cela a été dénoncé à plusieurs reprises.

Sans doute convient-il d’introduire dans la formation aux métiers de santé d’autres disciplines pour améliorer le contact avec la patientèle ou apprendre à gérer un cabinet. Sans doute faut-il trouver un moyen pour que ces étudiants ne perdent pas deux années. Car aujourd’hui, un élève qui ne réussit pas sa première année tente une deuxième fois sa chance, au risque d’en rester à la case post-bac.

Or ce nouveau système qu’il faudrait inventer existe déjà à l’université d’Angers : c’est le système PluriPass. Plutôt que de mettre sur pied une nouvelle usine à gaz, il aurait été préférable de s’inspirer de ce système qui fonctionne très bien puisqu’il présente un taux d’insertion et de réussite exemplaire.

Par ailleurs, je m’inscris en faux par rapport à ce qui a été dit sur le profil des étudiants qui réussissent. On a dit qu’ils avaient une formation scientifique : c’est heureux s’ils doivent soigner les gens ! On a aussi dit qu’ils obtenaient souvent le bac avec une mention bien ou très bien : tant mieux s’ils réussissent ! Comment peut-on reprocher à de bons élèves de réussir ? Devront-ils un jour s’excuser de leurs résultats ?

J’appelle aussi à une certaine vigilance sur la diversification des accès. Les « mineures santé » devront absolument garantir l’acquisition de connaissances solides et d’une bonne capacité à soigner. C’est indispensable.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Pour avoir été professeur principal en terminale, je sais que beaucoup de vœux sont exprimés, mais que tous les élèves ne peuvent pas réussir dans toutes les filières !

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tiens à alerter sur un sujet d’importance. Nous le savons, mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine, et ce d’autant plus quand il s’agit de la formation de nos futurs médecins. C’est pourquoi, sans vouloir ajouter d’injonctions supplémentaires, je demande que la formation des médecins et des professionnels de santé intègre un important module scientifique de santé par les plantes.

Ayant fait partie l’an dernier de la mission d’information du Sénat sur le développement de l’herboristerie et des plantes médicinales, j’ai pu mesurer combien la médecine par les plantes non seulement est promise à un grand avenir au vu des récentes découvertes scientifiques, mais surtout est plébiscitée par nos concitoyens, plus particulièrement par nos concitoyennes qui, pour avoir expérimenté sur elles-mêmes de genre de médecine, appellent de leurs vœux des législations favorables à la généralisation des pratiques douces et plus respectueuses de leur santé.

Les scandales sanitaires provoqués par certains médicaments ne sont pas étrangers à cette prise de conscience collective. La médecine par les plantes s’inscrit par ailleurs dans le désir de développement durable que nous voulons tous. J’insiste, car c’est là qu’est notre avenir. Les futurs médecins, qui n’exerceront que dans une dizaine d’années, doivent absolument être formés à ces pratiques vertueuses, non seulement pour le bien des populations, mais aussi pour le bien la nature que nous devons préserver, car la nature, c’est aussi nous, bien évidemment !

À toutes fins utiles, je rappelle que les résidus de médicaments que nous rejetons dans les eaux usées ne sont, pour la plupart d’entre eux, ni détruits, ni retenus, ni filtrés. Ils polluent donc de manière insidieuse, mais pérenne et grave, les eaux et les sols, et par là même toute la nature ! Le préjudice est terrible. On commence tout juste à en mesurer les effets sur notre santé. N’a-t-on pas trouvé des traces d’antibiotiques et d’anti-inflammatoires dans les moules et les poissons ? N’assiste-t-on pas à la féminisation des poissons ? Nous devons nous montrer à la hauteur des enjeux et de nos responsabilités : améliorer notre système de santé, c’est aussi permettre à la médecine par les plantes de se développer !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

La réforme du premier cycle des études de médecine est un élément important du projet. Nous partageons la volonté du Gouvernement de diversifier les profils des médecins. Il s’agit d’humaniser la formation de nos médecins en supprimant la forme de sélection par l’échec qui caractérise actuellement l’admission en deuxième année. Nous le savons, en Paces, l’échec s’élève à 80 % alors que 90 % des étudiants ont eu le bac S avec mention. Le système de réorientation actuel après un échec est quasi inopérant, ce qui témoigne d’un dysfonctionnement majeur, et coûteux pour les finances publiques, de cette filière particulièrement sélective.

Bien sûr, il est nécessaire d’opérer une sélection. Nous devons être vigilants sur le nombre d’étudiants qui sera déterminé par l’ARS et l’université. Certes, il doit être en augmentation, madame la ministre, mais il importe d’accroître aussi le nombre des stages. Je pense notamment aux stages de découverte décentralisés pour le premier et le deuxième cycle, aux stages de formation dans les hôpitaux périphériques pour le troisième cycle et à la possibilité d’exercer comme médecin adjoint dans la dernière année du troisième cycle. Nous sommes donc favorables aux propositions de Mme le ministre de l’enseignement supérieur en ce sens. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra pleinement le projet du Gouvernement de réformer l’accès aux études de médecine.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Sonia de la Provôté, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Madame la présidente, mesdames les ministres, cette réforme de la première année des études de médecine, qui se traduit notamment par la suppression de la Paces, est une bonne chose.

Ces dernières années, nous avions assisté à la montée en puissance de ces fameuses prépas payantes qui permettaient à ceux dont les familles avaient les moyens de réussir plus facilement le concours.

Cette réforme va à mon sens permettre une véritable diversification des origines sociologiques et des profils des futurs médecins.

S’il est important d’être doté d’un profil scientifique pour devenir un bon médecin, certaines qualités, qui ne se situent pas sur le terrain exclusivement scientifique, peuvent être des atouts. Je pense surtout à l’appétence, à l’envie de s’engager dans ce métier, qui est un métier de terrain et demande des qualités humaines exceptionnelles. Compte tenu du déficit démographique, on voit bien que, pour devenir un médecin de premier recours, il faut réellement s’engager et ressentir une véritable envie d’être aux côtés des patients, dans tous les territoires, y compris ruraux.

L’exercice de la médecine suppose d’être compétent en sciences humaines, d’être imprégné de valeurs éthiques et d’être doué pour l’empathie. Il faut aussi savoir communiquer oralement, être en mesure d’échanger, de comprendre l’autre pour s’adapter avec aisance à tous ceux que l’on rencontre dans sa profession. Ces qualités, indispensables pour faire un bon médecin, ne ressortent pas des QCM, lesquels font uniquement appel à une exceptionnelle mémoire.

La réforme règle la « question du barrage quantitatif » en mettant un terme à cette gestion par l’échec qui résultait de la Paces. Il reste maintenant à répondre pleinement à la question qualitative. Il est clair que cette réforme de la Paces ne peut pas être déconnectée de l’ensemble de la réforme des formations de santé. C’est tout au long du parcours que le jeune devra construire son chemin professionnel, ce qui n’est pas le cas actuellement. S’ils sont en définitive aussi peu nombreux à choisir d’aller exercer dans les territoires, aux côtés des patients, c’est sans doute parce que l’on n’a pas forcément su leur donner cette envie d’être auprès des autres et de se dévouer. Seuls quelques-uns ont eu le courage de rester sur le terrain.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 290, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après le mot : « Toutefois », la fin du 2° du I de l’article L. 631-1 du code de l’éducation est ainsi rédigée : «, au niveau régional, les universités peuvent répartir ce nombre entre plusieurs unités de formation et de recherche pour répondre à des besoins d’organisation et d’amélioration de la pédagogie et pour améliorer l’offre de soins dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins. Un arrêté détermine les critères de répartition de ce nombre de façon à garantir l’égalité des chances des candidats ; ».

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Pour simplifier le débat d’un point de vue politique, je voudrais revenir brièvement sur la suppression du numerus clausus dont on a beaucoup parlé.

Que se passe-t-il finalement ? La première année de médecine rentre dans le droit commun. Cela ne veut pas dire que les universités vont pouvoir former d’un seul coup tous les étudiants qui viendront, par la suite, peupler les campagnes de médecins. Non, cela veut simplement dire que les études de médecine vont, comme toutes les autres études, être soumises à la pénurie de moyens qui caractérise aujourd’hui l’université française.

Je ne vois pas du tout comment les universités, notoirement dépourvues de moyens, vont réussir, d’une part, à modifier la maquette de leurs formations – cela a été dit par notre rapporteur, que je suis complètement dans ce domaine – et, d’autre part, « en même temps », selon la formule consacrée

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

La réalité, c’est que le numerus clausus va disparaître tandis que les universités organiseront une forme de régulation beaucoup plus précoce par le biais de Parcoursup. Je crains que, l’année prochaine, le nombre d’admis en première année de médecine ne soit malheureusement pas plus élevé.

Je voudrais rappeler avec beaucoup de bienveillance à notre collègue Piednoir que je me souviens très bien de la discussion de la loi sur la réforme de l’université, défendue par la ministre ici présente au banc du Gouvernement. Dans le camp des Républicains, vous nous avez expliqué que cette réforme était indispensable parce qu’un taux d’échec de 60 % était insupportable. Et là, comme il s’agit de la Paces, vous nous mettez en garde contre le risque de décourager les meilleurs étudiants, estimant qu’une bonne sélection, se situant autour de 20 %, serait finalement positive !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Il faut une certaine cohérence ! Si vous ne tolérez pas un taux d’échec à 60 % à l’université, vous ne pouvez admettre un taux d’échec à 80 % en Paces !

Je propose de diminuer ce taux d’échec, ce qui sera une très bonne chose pour les étudiants et pour les finances publiques !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je n’avais pas compris qu’il s’agissait de la défense d’un amendement ! Je pensais, cher collègue Ouzoulias, que vous vous exprimiez sur l’article !

Sachez que la rédaction de l’article 1er recueille le consensus de la grande majorité des acteurs de santé, comme des acteurs de la formation. À ce stade, tout au moins, la commission ne souhaite donc pas revenir sur la nouvelle organisation des études de santé.

En outre, après une lecture attentive de l’article et de l’objet de votre amendement, je ne suis pas certain que votre rédaction permettrait de passer au modèle de numerus apertus que vous décrivez.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Monsieur le sénateur Ouzoulias, peut-être votre propos va-t-il me permettre de clarifier un certain nombre de choses par rapport au déroulement actuel des études de santé.

Un peu plus de 57 000 étudiants s’inscrivent en première année. S’ils réussissent quasiment tous leur année, ils sont seulement 13 000 à passer en deuxième année à l’issue du concours. C’est justement contre cette situation que nous souhaitons lutter en nous inspirant de ce qui a été mis en place à Angers avec l’AlterPaces. Notre objectif est d’éviter de contraindre au redoublement ces étudiants qui ont réussi une première année à l’université sans avoir néanmoins été admis à poursuivre leurs études de santé.

Si vous voulez absolument des chiffres, le redoublement de la première année de Paces coûte 55 millions d’euros. Cette somme pourrait trouver une utilisation beaucoup plus judicieuse que le redoublement imposé à des étudiants dont certains vont échouer une seconde fois ! C’est exactement sur ce sujet que nous sommes en train de travailler.

On peut maintenir une sélection à l’entrée des études médicales, notamment pour satisfaire nos compatriotes peu enthousiastes à l’idée que les futurs médecins soient moins bien formés que leurs prédécesseurs, et néanmoins garantir la réussite des étudiants, c’est-à-dire permettre à ceux qui n’atteindront pas la deuxième année de médecine de poursuivre leur cursus. Nous proposons non une fausse suppression du numerus clausus, mais une véritable modification du processus, ce qui me paraît important. Nous allons ouvrir la voie de la diversification, qui permet de privilégier les qualités humaines sans pour autant négliger la qualité de la formation. C’est sur ces deux pieds que nous devons être capables de marcher.

Le diplôme de médecin, délivré par une université, conservera évidemment sa dimension nationale. Le processus de sélection sera précisé par décret. Les universités, qu’elles comportent ou non des facultés de médecine, sont justement en train de le préparer sur le modèle des expérimentations qui ont fonctionné.

Monsieur Jomier, vous avez exprimé votre crainte de ne pas voir augmenter le numerus clausus. Je veux dissiper un malentendu mis en avant par quelques-uns. Cette année, certaines universités parisiennes, qui pratiquaient l’expérimentation et étaient donc en avance sur la loi, ont augmenté le numerus clausus. Et il y a eu maintien du numerus clausus dans un certain nombre d’autres universités : elles n’étaient pas entrées dans un processus d’expérimentation, car la loi n’était pas votée et elles n’ont pas pu faire valoir leur pleine capacité d’accueil. C’est précisément pour remédier à cette situation que nous souhaitons avancer.

La sélection cessera d’être exclusivement fondée sur des QCM. Il existe dans de très nombreux pays des oraux normés, validés, qui permettent de maintenir la qualité de la formation suivie par les jeunes sans pour autant tout faire reposer sur des QCM. Il faudra bien sûr diversifier le contenu des formations, mais je remercie sincèrement la commission de n’avoir pas souhaité entrer dans le détail de ce contenu, qui relève vraiment de l’équipe pédagogique et de l’ensemble des professionnels concernés.

À ce moment, je vais faire une allusion qui fera probablement rougir la personne qui siège près de moi. PluriPass a été mis en place à l’université d’Angers notamment grâce au doyen de la faculté de médecine de l’époque, qui est devenue ma conseillère. Croyez bien que le texte qui vous est soumis a été pour une large part inspiré de cette expérimentation qui n’est cependant pas forcément adaptable partout.

En tout cas, la philosophie et le principe qui nous guident – et je vous remercie, monsieur le sénateur Piednoir, de l’avoir signalé – visent en effet à garantir un large succès dans ces formations et une bien meilleure qualité de vie pour les étudiants tout en leur maintenant un très haut niveau de formation. Tout cela sera évalué au fur et à mesure, à l’instar de ce qui a été fait dans les universités qui ont expérimenté.

Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Toutes mes excuses, monsieur le rapporteur ! En effet, emporté par mon élan, je n’ai pas défendu l’amendement, car je ne voulais pas dépasser mon temps de parole. Je suis très content de m’être exprimé de la sorte, sur un plan plus général, permettant ainsi une discussion sur le fond qui a clarifié un certain nombre des intentions du Gouvernement.

Vous avez parfaitement raison, monsieur le rapporteur. Pour passer du numerus clausus au numerus apertus, il aurait fallu un budget, ce que l’article 40 de la Constitution nous a malheureusement interdit ! Nous aurions aimé proposer ici une loi de programmation qui aurait donné aux universités les moyens de modifier leur enseignement et d’accueillir plus d’étudiants.

Je partage votre sentiment, ce que nous proposons n’est pas satisfaisant, mais considérez qu’il s’agit d’un amendement d’appel !

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 285, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Après le mot :

compétences

insérer les mots :

, ses souhaits

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

En matière de prise en considération des souhaits des étudiants, le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont, une fois de plus, et ce n’est pas coutume, fait une avancée remarquable en réformant le numerus clausus et en supprimant les épreuves classantes.

Toutefois, il me semble qu’il faut aller plus loin en inscrivant dans la loi la notion de « souhaits de l’étudiant », qui tient à deux éléments. Tout d’abord, je l’ai déjà évoqué, nous assistons non pas à une réforme pure et simple du numerus clausus, mais, finalement, à un report de son initiative. Les notions de numerus clausus et de capacité d’accueil comportent de nombreux points communs. Dans ce cadre, il nous semble essentiel d’évoquer les souhaits d’orientation des étudiants. Cela l’est d’autant plus que l’architecture que vous proposez, fortement décentralisée, risque d’aggraver les difficultés en matière de mobilité interrégionale.

De fait, la prise en compte des souhaits et aspirations des étudiants dans le processus d’orientation doit permettre aux ARS et aux universités d’anticiper au mieux les volontés de mobilité et de gérer les flux d’étudiants.

Cette problématique se ressent déjà dans certains centres universitaires, principalement au niveau des licences 3 et des masters, ce qui explique d’ailleurs pourquoi de nombreuses universités ont mis en place des outils de concertation en amont.

Cela doit également permettre de transformer radicalement la vision de l’orientation et d’en faire non un processus par défaut, mais un processus positif. À ce titre, la mention actuelle de « projet d’études » est largement insuffisante, car ce dernier renvoie exclusivement, in fine, à la question de l’intégration sur le marché de l’emploi. Or les choix des jeunes, lorsqu’ils avancent dans leur orientation, sont bien évidemment guidés par cette finalité, mais pas seulement.

La présence, dans le corps enseignant, de tels ou tels spécialistes, la possibilité de se diriger vers tel ou tel stage, les spécialisations et options disponibles, sans compter les éléments extérieurs aux études mêmes, font que l’orientation doit s’appuyer sur les souhaits des étudiants et non se contenter de plier les aspirations des jeunes aux moyens mis en œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je vais être plus bref que Mme Apourceau-Poly, car sa proposition me semble déjà couverte par la notion de « projet d’études », dont on peut évidemment imaginer qu’il est élaboré par l’étudiant en fonction de ses souhaits.

C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement. Sinon, son avis sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 285 est retiré.

Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 286, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elles favorisent, par leurs modalités d’accès et leur organisation, la répartition optimale des futurs professionnels sur le territoire au regard des besoins de santé.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

M. le rapporteur sera content, je vais être brève ! Beaucoup de choses ont été dites à propos du numerus clausus, y compris sur la position du groupe CRCE. Je ne vais donc pas en rajouter.

Je veux simplement signifier que cet amendement n° 286 est un amendement de repli. Nous souhaitons voir figurer dans cet article la mention de « la répartition optimale des futurs professionnels sur le territoire au regard des besoins de santé ».

C’est une façon de prendre en compte les besoins sur les territoires, notamment pour ceux qui manquent gravement de professionnels. Nous souhaitons avoir, dès la formation, ce regard attentif et le préciser dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 221 est présenté par M. Lafon, au nom de la commission de la culture.

L’amendement n° 417 est présenté par M. Longeot, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

L’amendement n° 678 est présenté par MM. J. Bigot et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Jomier et Daudigny, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Rossignol, Meunier, Van Heghe, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mme Harribey, M. Lurel, Mme Blondin, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mmes Ghali et G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mmes Lepage et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Par leur organisation, elles favorisent la répartition équilibrée des futurs professionnels sur le territoire au regard des besoins de santé.

La parole est à M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 221.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Cet amendement a été voté en des termes identiques par les deux commissions, celle de la culture, de l’éducation et de la communication et celle de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Il s’agit de bien prendre en compte, dans la tenue des études de santé, l’implantation équilibrée des futurs professionnels. Je vais illustrer cette préoccupation par deux exemples. Nous voulons, d’abord, permettre à un jeune issu d’une zone sous-dotée de faire au moins sa « mineure santé » à proximité de chez lui pour éviter une coupure trop importante par rapport à son lieu de vie. Nous souhaitons, ensuite, proposer des stages en zone sous-dense à des étudiants plus âgés pour leur faire découvrir quelle y est la pratique médicale. Si tout le monde s’accorde sur le fait que tel n’est pas l’objectif premier des études de santé, qui est de former de bons professionnels, on sait l’intérêt, quelles que soient les études, de réfléchir à la question de l’implantation pour éclairer le choix des futurs praticiens sur leur lieu d’installation.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 417.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Je ne reviens pas sur le dispositif de l’amendement déjà présenté par mon collègue Laurent Lafon. Comme la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable souhaite que l’exigence d’une répartition équilibrée des futurs professionnels de santé figure parmi les objectifs des études de santé.

Nous convenons tous que l’objectif premier des études de santé consiste à former des professionnels compétents, capables de prodiguer des soins de qualité à l’ensemble de la population, en ville et à l’hôpital.

De même, nous le savons tous, la formation théorique et pratique des médecins joue un rôle fondamental dans leur premier choix d’installation. En effet, selon l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, 63 % des primo-inscrits à l’ordre des médecins s’installent dans la région où ils ont obtenu leur diplôme.

J’attire l’attention de l’ensemble de nos collègues sur le fait que la refonte du numerus clausus n’aura, à elle seule, qu’un effet limité, voire aucun effet, sur la répartition des professionnels de santé sur le territoire.

Qui plus est, il y a un risque de voir les moyens alloués aux universités se concentrer sur les établissements les plus importants et les plus éloignés des zones sous-denses.

Pour toutes ces raisons, il me semble raisonnable de faire apparaître, dès le stade des études, la nécessité de penser la démographie médicale en lien avec les besoins de santé de la population.

C’est la raison pour laquelle la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable propose de faire figurer cet objectif d’intérêt général à l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Joël Bigot, pour présenter l’amendement n° 678.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

Le volet territorial du projet de loi Santé ne répond pas suffisamment, en l’état, aux besoins de santé des Français. L’accès à la santé s’est imposé comme une préoccupation majeure des citoyens dans le cadre du grand débat national destiné à répondre à la crise de défiance à laquelle votre gouvernement est confronté, madame la ministre. Nous pensons donc qu’il faut aller plus loin et faire entendre la voix des territoires.

C’est en ce sens que nous avons travaillé en commission, proposant des amendements qui apportent des réponses concrètes aux habitants des zones où la présence médicale est trop faible, voire inexistante.

L’article 1er du projet de loi réorganise le premier cycle des études de santé.

Il nous paraît essentiel que cette réorganisation de la formation permette de mieux faire correspondre les ressources disponibles aux besoins de santé des Français rendus inquiets par la disparition des médecins généralistes et spécialistes sur leur territoire.

Il est ainsi proposé de compléter l’article 1er en précisant que les études de médecine, par leur organisation, favorisent la répartition équilibrée des futurs professionnels au regard des besoins de santé.

Il pourrait en effet être utile que les futurs médecins soient formés là où les besoins d’implantation sont les plus patents en adaptant étroitement la répartition des étudiants en médecine aux besoins de santé constatés.

L’objet de notre amendement – qui vient en soutien de ceux qui sont défendus par les deux rapporteurs pour avis – est donc de prendre en compte, dès le stade de la formation et de l’organisation des études, une répartition équilibrée des futurs professionnels.

Il s’agit d’anticiper les besoins des territoires et de lutter contre la désertification médicale le plus en amont possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

L’amendement n° 286, présenté par Mme Apourceau-Poly, prévoit l’intégration de la « répartition optimale » des futurs professionnels sur le territoire dans les objectifs généraux de formation en santé.

Les amendements n° 221, 417 et 678 prévoient, quant à eux, l’intégration de la « répartition équilibrée » des futurs professionnels sur le territoire dans les objectifs généraux de formation en santé. Il y a, d’un côté, « optimale » et, de l’autre côté, « équilibrée ».

Je ne suis favorable à aucune de ces précisions. Selon moi, le premier et, à vrai dire, le seul objectif des études de santé est de former des professionnels prêts à exercer leur métier dans les meilleures conditions possible. Toujours selon moi, le but des études de médecine n’est pas non plus de répondre aux carences de l’offre de soins. Il est de former des médecins.

Je me demande par ailleurs quelle serait la traduction concrète d’un tel principe. Cela signifierait-il, par exemple, que les étudiants seront assignés à la faculté de leur département d’origine ou à celle dans laquelle ils ont fait leur première inscription ? Qu’adviendrait-il s’ils souhaitaient, ensuite, suivre une spécialité qui n’est pas enseignée dans cette faculté ?

Je crains en outre que, en adoptant un tel principe, nous ne posions les bases d’une formation au rabais des professionnels de santé. Si demain, nous envoyons un grand nombre d’étudiants en médecine faire des stages dans des zones en déficit de professionnels, ils ne seront pas aussi bien encadrés que ceux dont les stages se déroulent dans des zones mieux pourvues en professionnels.

Enfin, par quels médecins voulons-nous être soignés demain ?

J’ajoute une réflexion supplémentaire : est-il nécessaire d’inscrire tout cela dans la loi pour que cela soit appliqué un jour ?

En attendant, la commission s’est rangée à mon avis, qui est défavorable.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Il nous semble que ce deuxième alinéa est structurant et pose de grands principes qui définissent les objectifs et le déroulement des formations. Les amendements identiques proposés par les commissions de la culture et de l’aménagement du territoire et celui qui a été défendu par M. Bigot, qui rejoignent la proposition de Mme Cohen, nous semblent compléter de manière cohérente les orientations du Gouvernement.

Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis favorable sur les amendements n° 221, 417 et 678, auquel pourraient se rallier les auteurs de l’amendement n° 286.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Mme Laurence Cohen. Nous adhérons aux propositions des deux commissions, qui sont dans le même esprit que la nôtre. Nous allons retirer notre amendement n° 286 au profit de leurs amendements. Il n’est pas si fréquent que le groupe CRCE suive l’avis Gouvernement !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 286 est retiré.

La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Je partage les interrogations de M. le rapporteur sur l’effectivité réelle de l’inscription de ce principe dans la loi. Nous en sommes tous d’accord, le contenu de la loi ne doit pas être trop déclaratif, il doit plutôt être normatif.

Dans le cas présent, il serait incitatif, ce qui n’est pas négligeable non plus en la matière. Bien sûr que nous formons des professionnels de santé pour ce qu’ils sont et pour répondre aux besoins de santé du pays !

Il n’en reste pas moins que la répartition de ces professionnels de santé dépend fortement des conditions de leur formation – le lieu où elle s’est déroulée, les représentations professionnelles qu’ils vont acquérir au cours des études. Là se trouve d’ailleurs la limite de l’exercice. C’est très bien de modifier le mode de sélection des étudiants en début de cursus, mais s’ils subissent tout au long du second cycle les mêmes représentations professionnelles que celles auxquelles ils sont actuellement confrontés, à l’issue de leur parcours, le résultat sera exactement le même !

L’incitation défendue par nos collègues rapporteurs pour avis des deux commissions et que nous soutenons par notre amendement nous paraît de nature à figurer clairement dans le texte pour souligner que le législateur se préoccupe aussi de cette question.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, que je soutiens fortement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Dans l’hypothèse où la régionalisation de la médecine se ferait un jour – idée qui n’est pas d’actualité, mais que nous partageons avec le président Milon –, il va de soi que le nombre de médecins formés serait établi en fonction des territoires et des régions. C’est la raison pour laquelle je suis très favorable à ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Pour former des médecins, il faut aussi répondre à une vision de l’aménagement du territoire. Là où il y a le plus d’étudiants, il y aura le plus de médecins, c’est assez trivial comme réflexion.

Les besoins sont différents d’un territoire à l’autre, on le sait déjà depuis longtemps, mais les fractures se sont aggravées sur le plan de l’accès aux soins et le nombre des professionnels formés doit clairement répondre à ces fractures et à ces besoins. Il faut également prendre en compte le fait que les carences de spécialités varient d’un territoire à l’autre.

Les étudiants restent là où ils sont formés, mais plutôt dans les hôpitaux, dans les CHU, et de préférence dans les grandes villes ou les métropoles. Donc, on ne répond pas non plus complètement à la question.

Pour amener les étudiants à mieux connaître les territoires et à avoir plus d’appétence pour ceux vers lesquels ils ne seraient pas allés spontanément, il va falloir procéder à une réorganisation importante sur le plan universitaire et à une répartition plus juste des postes d’enseignants. Il faudra faire un gros effort pour que des enseignants puissent aider les étudiants, quel que soit l’endroit où ils sont formés, à accéder plus facilement aux études de médecine et à la spécialité vers laquelle ils souhaitent s’orienter. L’objectif est qu’ils ne soient pas obligés, en cours de cursus, de déménager et de quitter l’endroit où ils auraient pu avoir l’envie de s’installer.

Ce principe important va nécessiter, sinon des moyens importants, en tout cas une réorganisation considérable de la répartition des formateurs et des enseignants.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Ces sujets ont été largement débattus en commission.

Dans cette loi Santé, je perçois beaucoup de bonnes choses et la philosophie dominante selon laquelle le travail doit se faire sur le terrain. Je ne suis pas convaincue que nous ferons avancer les choses en surchargeant la loi de grands principes. On s’est toujours accordé sur le fait qu’il fallait travailler avec les professionnels de terrain, les universités et les territoires pour organiser les choses et procéder aux répartitions.

Je ne suis pas spécialement favorable à l’inscription de ces principes dans la loi et je me range à l’avis du rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

L’aménagement du territoire est un problème auquel nous sommes tous confrontés, mais il ne faudrait pas que des solutions, qui peuvent paraître simples à première vue, se révèlent finalement simplistes.

La commission des affaires sociales a pris en compte le fait que les études de médecine ne mènent pas nécessairement à une installation sur un territoire, puisque des étudiants peuvent se destiner à des carrières internationales ou à la recherche.

Pour autant, la commission est bien consciente qu’il faut régler le problème de l’aménagement du territoire. Les deux positions ne sont d’ailleurs pas antinomiques, mais nous avons pensé qu’il était plus judicieux de ne pas inscrire ce point dans la loi pour laisser son autonomie à chaque faculté – c’est un principe qui est largement revendiqué. Les universités pourront ainsi s’adapter aux préoccupations de leur territoire et valoriser dans le même temps la recherche, l’innovation et la transmission des savoirs, ce qui est essentiel.

C’est la raison pour laquelle, sur la proposition de son rapporteur, la commission a émis un avis défavorable, ce qui n’est pas contradictoire avec notre engagement en faveur de l’aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Inscrire une telle précision dans la loi n’est pas une condition suffisante d’une répartition équilibrée des professionnels sur le territoire, mais c’est tout de même une bonne chose. C’est pourquoi je voterai ces amendements.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 677, présenté par Mme Rossignol, MM. Jomier et Daudigny, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Meunier, Van Heghe, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mmes M. Filleul et Harribey, MM. Lurel, J. Bigot et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mme Ghali, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mmes Lepage et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Elles comportent obligatoirement une sensibilisation transversale à la bientraitance des patients et à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Cet amendement vise à prévoir que les étudiants sont formés dès le premier cycle à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

J’ai parfaitement conscience, madame la ministre, que l’article 1er n’a pas été écrit pour accueillir ce type d’amendement relatif au contenu des formations. Pour autant, il s’agit d’une question de culture et c’est quelque chose de très important durant les études de médecine.

Certes, il est évident qu’il n’est pas utile de préciser par voie d’amendement que les études de santé doivent par exemple valoriser la vaccination et sa promotion, mais ce n’est pas la même chose pour les violences sexistes et sexuelles.

Deux raisons militent pour que nous inscrivions cette précision dans le texte.

Tout d’abord, il y a urgence : entre le 1er janvier et le 1er juin de cette année, c’est-à-dire en cinq mois, soixante femmes sont mortes, victimes de violences conjugales. Or on peut imaginer que certaines d’entre elles avaient été examinées par des professionnels de santé, qui n’ont pas pu ou su évaluer leur situation et prendre en compte leur parcours de vie.

Ensuite, les médecins ne sont pas simplement des témoins de maltraitances, ils peuvent en être les auteurs. En effet, différents rapports, en particulier celui du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, ont relevé l’existence de nombreuses violences dites gynécologiques, c’est-à-dire des maltraitances infligées aux patientes par des pratiques médicales trop ignorantes ou méprisantes à l’égard des femmes.

Enfin, de manière générale et pour « dégenrer » la question, si j’ose dire, on peut penser que la bientraitance n’est pas encore suffisamment prise en compte dans la culture médicale qui s’attache en premier lieu aux soins, au diagnostic et à l’efficacité thérapeutique.

C’est pourquoi il nous paraît utile de distiller cette culture dès le premier cycle universitaire. Pour cela, il faut former les étudiants à ne pas pratiquer eux-mêmes de violences sexistes et à ne pas passer à côté de celles dont ils seraient témoins.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 452, présenté par Mme Préville, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elles comportent obligatoirement une sensibilisation à la prise en charge spécifique concernant les violences sexuelles et sexistes.

La parole est à Mme Angèle Préville.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Malheureusement, rien ne change ! Les violences sexuelles et sexistes continuent de perturber, mais aussi d’anéantir la vie de nombreuses femmes. Soixante femmes ont péri depuis le début de l’année sous les coups de leur compagnon ou conjoint. C’est tout simplement terrifiant. Compte tenu du fait qu’il n’y a eu que cent cinquante jours depuis le début de l’année, nous sommes au-delà du chiffre communément admis depuis des décennies d’une femme assassinée tous les trois jours.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Alors que les discours volontaristes se multiplient à l’envi, pourquoi n’arrivons-nous pas à résoudre ce scandale d’un autre âge ? Il faut donc agir, autant qu’on le peut et au plus près possible des femmes. Or, souvent, les médecins sont en contact avec ces femmes ; prises dans un engrenage pervers, elles ne portent pas plainte, mais elles viennent consulter pour leurs blessures.

Il s’agit donc de faire en sorte que tout médecin soit sensibilisé à la fois sur les mécanismes de harcèlement moral, mais aussi sur les chiffres, les statistiques, les études sociologiques et les faits dans leur dure réalité. Cette sensibilisation doit permettre aux médecins d’agir avec tact et respect et d’accompagner ces femmes qui sont psychologiquement dans l’incapacité de regarder la réalité en face, réalité qui les met en grave danger de mort.

Cela concerne bien les médecins qui doivent jouer leur rôle premier, soigner les blessures physiques et psychiques, mais aussi être dans l’humain, c’est-à-dire être la tierce personne à même d’aider à la prise de conscience afin que la vie de ces femmes, qui sont souvent des mères, soit préservée.

Ces violences qui ont des conséquences sociales dévastatrices doivent cesser, elles sont insupportables dans une société avancée comme la nôtre. Pour dépasser les logiques installées – ne pas intervenir, ne rien dire, ne pas se mêler… –, les médecins doivent être des sentinelles avisées à même de venir en aide. Pour être de tels professionnels, ils doivent être formés.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

De nombreux amendements qui ont été déposés sur ce texte visent à préciser le contenu des études de médecine. Je le dis dès maintenant, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur chacun d’eux.

En effet, nous considérons qu’il ne revient pas à la loi de déterminer le contenu des études de médecine et de santé en général. En outre, si nous insérons des éléments de ce type, nous risquons d’en oublier, ce qui aurait finalement un effet négatif.

Pour ces deux raisons, sur ces deux amendements, comme sur ceux du même type, l’avis de la commission est défavorable.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

La prévention et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes sont une priorité du Gouvernement.

D’ailleurs, depuis 2017, nous mettons en place une feuille de route, qui comprend la création de dix centres qui animeront des réseaux dédiés aux psychotraumatismes et à la prise en charge des victimes de violences, notamment les femmes et enfants, qui doivent trouver l’aide spécialisée dont ils ont besoin. Ces dix centres ont été créés il y a quelques mois et sont en train de développer leurs réseaux partout en France, notamment dans les hôpitaux.

Aujourd’hui, les enseignements relatifs aux violences faites aux femmes, aux stéréotypes de genre et au respect du corps d’autrui font partie intégrante des programmes de formation des médecins, notamment dans le module « Vulnérabilité » qui est organisé durant le deuxième cycle des études médicales.

Mais en réalité, ce que vous pointez du doigt, ce n’est pas tant l’acquisition d’une meilleure perception ou connaissance de ces sujets – les formations existent déjà –, mais plutôt un meilleur savoir-être de la part des médecins. Alors, comment faire en sorte que nos jeunes médecins développent des compétences particulières en la matière ?

C’est justement la question à laquelle Frédérique Vidal et moi-même tentons de répondre, en réformant le deuxième cycle des études de médecine. Ainsi, nous souhaitons changer les modes d’apprentissage et mettre en place des approches pédagogiques qui permettent d’être en face du patient ou de représentants, par exemple, d’une association de défense des droits des femmes. Cela permettrait de mieux prendre en compte les problématiques auxquelles vous faites référence et de changer la façon dont les femmes victimes de ces violences sont accueillies.

En ce qui concerne ces amendements, je suis totalement en phase avec l’avis du rapporteur : il ne faut pas détailler dans la loi le contenu des études. Nous avons eu le même débat à l’Assemblée nationale. Inscrire dans la loi certaines vulnérabilités présente le risque d’en oublier d’autres, tout aussi importantes, et de choquer les personnes qui sont atteintes de pathologies ou qui subissent des violences que nous aurions omis de citer. C’est pour ces raisons que je suis défavorable à ces deux amendements.

Je pense surtout que la réforme du deuxième cycle qui permettra d’intégrer les patients et les associations dans le cursus afin de développer le savoir-être des futurs médecins sera beaucoup plus utile en la matière que d’aligner les modules de formation thématiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je partage l’idée qu’il ne revient pas au législateur de se prononcer sur le contenu des formations. Nous risquerions d’oublier des éléments importants.

Je souhaite cependant attirer l’attention de l’ensemble de nos collègues sur le fléau que constituent les violences faites aux femmes. Ce fléau est mondial. Partout, des femmes souffrent et la mort peut être au bout de ce calvaire. Rien qu’en France, soixante féminicides ont été perpétrés depuis le début de l’année.

Madame la ministre, je connais votre sensibilité sur cette question extrêmement importante et il me semble que, durant les débats sur ce projet de loi à l’Assemblée nationale, Mme Vidal et vous-mêmes vous êtes engagées à adresser un courrier aux présidents d’université à ce sujet. Il me semble que cela pourrait contribuer à faire bouger les mentalités, ce qui est essentiel à la fois pour mieux accueillir les femmes quand elles sont victimes de violences et pour éviter que de telles violences ne se produisent – Laurence Rossignol a eu raison de mettre en avant ces deux aspects.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Durant les débats à l’Assemblée nationale, de nombreux députés ont voulu insérer dans le texte tel ou tel sujet et nous nous sommes effectivement engagées, madame la sénatrice, à écrire un courrier aux doyens des facultés de médecine pour leur demander d’être attentifs à ce que le cursus des études de médecine intègre bien ces problématiques – handicap, maladies rares ou génétiques, violences faites aux femmes et aux enfants…

Ce courrier est prêt à partir, mais avant de l’envoyer, nous avons voulu attendre la fin des débats au Sénat afin de l’adapter, le cas échéant, à l’aune de nos discussions. Le courrier partira donc dès le début de la semaine prochaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

J’ai bien entendu les avis du rapporteur et de Mme la ministre et je m’y rangerai, mais je voudrais remercier Mmes Rossignol et Préville d’avoir soulevé ce débat, ainsi que Mme Cohen d’avoir évoqué le courrier qui sera adressé aux responsables universitaires. Nous avons parlé des violences faites aux femmes, mais il faut également penser aux enfants, qui meurent eux aussi sous les coups de leurs parents ou de proches. Vous avez raison, madame la ministre, il est compliqué de faire la liste des vulnérabilités, nous risquerions d’en oublier, mais il était aussi très important de soulever ces questions.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 380, présenté par Mme Préville, MM. J. Bigot et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle et Mme Tocqueville, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elles promeuvent l’orientation vers la médecine scolaire.

La parole est à Mme Angèle Préville.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Notre horizon républicain consiste à promouvoir davantage d’égalité, c’est un idéal qui nous anime.

La médecine scolaire est un levier puissant pour cela, puisqu’elle permet un accès automatique aux soins et un suivi des enfants. Or la médecine scolaire n’est plus en mesure de remplir sa mission. En quelques années, nous sommes passés de 57 % à 47 % d’enfants qui ont passé la visite obligatoire à 6 ans. Cette diminution est d’autant plus préoccupante que le projet de loi pour une école de la confiance abaisse l’âge de l’instruction obligatoire de 6 ans à 3 ans. Parallèlement, le nombre de médecins scolaires est passé de 1 400 à 1 000 depuis 2006.

Pour répondre à cette crise de vocations, cet amendement prévoit que les formations de santé promeuvent l’orientation vers la médecine scolaire. Il s’agit à la fois d’une mesure de justice sociale et de mettre en cohérence les différents projets de loi en cours de discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

La médecine scolaire rencontre en effet des difficultés qui appellent probablement des réformes importantes. Pour autant, ce n’est pas la seule spécialité en difficulté – je pense notamment à la médecine du travail. Il me paraîtrait peu équitable d’inscrire dans la loi un objectif de promotion spécifique de la médecine scolaire.

En outre, la mise en place d’actions de renforcement de l’attractivité de la médecine scolaire et des autres spécialités en difficulté me paraît plutôt relever de l’accompagnement des étudiants organisé par chaque université.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

L’avis du Gouvernement est également défavorable, madame la présidente, mais je voudrais préciser que la politique de santé en faveur de l’enfant est un sujet prioritaire pour mon ministère – j’y travaille particulièrement depuis l’année dernière.

Selon nous, il faut agir de la manière la plus précoce en faveur de la santé de l’enfant pour nous donner toutes les chances de détecter les pathologies et les traiter le plus tôt possible. Agir précocement permet aussi d’inculquer des comportements favorables pour la santé de l’enfant et de l’adulte qu’il deviendra. C’est un moyen essentiel pour lutter contre les inégalités de santé.

La médecine scolaire est évidemment l’un des piliers de cette politique et il faut la promouvoir.

Pour cela, un enseignement transversal « Médecine scolaire » a été créé en 2017, il peut être suivi par tous les internes de médecine, qu’ils soient généralistes, de pédiatrie ou de santé publique. Il s’agit notamment de faire découvrir la médecine scolaire – des stages ont d’ailleurs été proposés – afin de rendre attractif ce mode d’exercice. Le Gouvernement sera particulièrement attentif à l’évaluation qui sera faite de cette réforme mise en place en 2017.

En outre, le service sanitaire qui fait découvrir la médecine en milieu scolaire aux étudiants en santé devrait permettre que cette filière soit plus attractive pour les nouveaux étudiants de troisième cycle. Avec ce dispositif qui n’a démarré qu’en septembre 2018 – nous n’en sommes donc qu’à la première génération –, les jeunes peuvent découvrir ce qui se fait dans les écoles, collèges et lycées, ce qui peut leur donner l’envie de pratiquer cette médecine.

Pour autant, je suis défavorable à cet amendement, parce que privilégier dans la loi une orientation par rapport à une autre va aboutir à une liste à la Prévert et nous risquons, là encore, d’oublier des spécialités qui sont également déficitaires. En outre, les spécialités en déficit peuvent évoluer avec le temps.

Je le redis, je suis défavorable à l’inscription d’une telle priorité dans la loi, mais je suis extrêmement attentive à ce que cette filière soit attractive.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 238 rectifié bis, présenté par MM. A. Marc, Chasseing et Luche, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Guerriau, Decool et Malhuret, est ainsi libellé :

Alinéa 3, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, en concertation avec les représentants du territoire

La parole est à M. Daniel Chasseing.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

La responsabilité des territoires nous paraît insuffisamment énoncée dans cet article et nous souhaitons optimiser l’estimation des besoins en santé du territoire en y associant tous les acteurs régionaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

La préoccupation exprimée par M. Chasseing nous semble satisfaite. Nous demandons donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Nous estimons aussi que cette demande est satisfaite. En effet, la conférence régionale de la santé et de l’autonomie, la CRSA, comprend les unions régionales des professionnels de santé, ou URPS. Ces instances seront donc bien consultées. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 238 rectifié bis est retiré.

Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 734 rectifié, présenté par MM. Jomier et Daudigny, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Meunier, Rossignol, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mmes Van Heghe, M. Filleul et Harribey, MM. Lurel, J. Bigot et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mme Ghali, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3, troisième phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Ces objectifs pluriannuels, déterminés par les besoins de santé du territoire, sont arrêtés par l’université en tenant compte des capacités de formation et de l’évolution prévisionnelle des effectifs et des compétences des acteurs de santé du territoire sur avis conforme de l’agence régionale de santé ou des agences régionales de santé concernées.

La parole est à M. Bernard Jomier.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Cet amendement vise, dans la détermination du nombre d’étudiants reçus en deuxième et troisième années de premier cycle, à faire primer le critère des besoins de santé du territoire sur celui de la capacité de formation des universités.

Il s’agit finalement de faire primer l’objectif sur les moyens, ce qui n’est pas insignifiant. Dans la situation actuelle, si nous partions de la capacité de formation des universités, nous en resterions finalement au système du numerus clausus et le nombre d’étudiants stagnerait, voire diminuerait. En revanche, si nous partons des besoins de santé de la population, personne ne peut contester que la hausse devrait être très importante.

La ministre de la santé nous rappelait, au début de nos débats, qu’il manquerait à terme 12 millions de professionnels de santé dans le monde et que la France serait également en situation de déficit. Il nous paraît donc important que le nombre d’étudiants soit défini à partir des besoins de santé des territoires et de la population, tout en tenant compte des capacités de formation des universités. Il ne revient pas aux moyens de déterminer la fin !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 287, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3, troisième phrase

Supprimer les mots :

des capacités de formation,

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Concernant l’objectif d’augmenter de 20 % le nombre de futurs médecins, le transfert aux universités de la responsabilité de rehausser leurs capacités d’accueil et de stages pourrait avoir des conséquences contradictoires dans certaines facultés. Ainsi, certains établissements pourraient proposer moins de places qu’auparavant. Je sais que ce n’est pas votre objectif, madame la ministre, mais c’est pourtant une conséquence envisageable pour les universités qui ont, ces dernières années, augmenté leur nombre de places en Paces.

Et même s’il faut avoir une vision nationale de la suppression du numerus clausus, nous pensons que les calculs du ministère de l’enseignement supérieur sont inférieurs aux besoins et que le budget actuel pour le redoublement de la Paces ne suffira pas. Ainsi, les universités et les ARS s’appuieront, pour déterminer leur numerus clausus, sur les capacités de formation des établissements et, on peut l’anticiper, les possibilités de stage.

Notre amendement revient en fait à passer d’une logique de moyens à une logique de finalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 396 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mmes Deroche et Bruguière, M. Bonne, Mme Estrosi Sassone, M. Meurant, Mmes Delmont-Koropoulis et L. Darcos, MM. Savin, Perrin et Raison, Mme Deromedi, MM. Lefèvre, Bouloux et Mandelli, Mme Lamure et MM. Laménie, Revet, Bonhomme, Karoutchi et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 3, troisième phrase

Remplacer les mots :

sur avis conforme

par les mots :

après avis

La parole est à M. Stéphane Piednoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Cet amendement a pour objet de simplifier la procédure relative à la détermination des objectifs pluriannuels d’admission en première année du deuxième cycle des formations en médecine, pharmacie, odontologie et maïeutique.

Le projet de loi prévoit que les universités déterminent annuellement les capacités d’accueil des formations en deuxième et troisième années de premier cycle. Celles-ci sont déterminées après la prise en compte d’objectifs pluriannuels, arrêtés entre l’université et les agences régionales de santé, qui tiennent compte des capacités de formation et des besoins de santé du territoire. Ces derniers sont eux-mêmes définis au regard d’objectifs nationaux pluriannuels établis par l’État pour répondre aux besoins du système de santé et pour réduire les inégalités d’accès aux soins.

Pour respecter l’autonomie des universités et instaurer une confiance mutuelle entre universités et agences régionales de santé, un avis simple des ARS est tout à fait pertinent pour répondre aux objectifs du projet de loi et il permet de prévenir d’éventuelles situations de blocage.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 22 rectifié, présenté par M. Segouin, Mme Eustache-Brinio, MM. Lefèvre et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, M. Longuet, Mme Morhet-Richaud, MM. Revet et Morisset, Mme Deromedi, MM. Saury, Babary, Genest, Perrin, Raison, Poniatowski et Mandelli, Mme Chauvin, MM. Bonne, Laménie, Pellevat, Rapin, Cuypers et B. Fournier, Mmes Canayer, Lamure et de Cidrac et M. Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 3, troisième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et sur avis simple des unions régionales des professionnels de santé, des fédérations hospitalières et des conseils départementaux concernés

La parole est à M. Vincent Segouin.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

Cet amendement vise à associer les acteurs de terrain que sont les URPS, les fédérations hospitalières et les conseils départementaux dans la détermination des capacités d’accueil des formations sur le territoire.

La détermination des capacités d’accueil des formations en deuxième et troisième années sera dévolue aux universités sur la base des objectifs pluriannuels d’admission en première année du deuxième cycle de ces formations arrêtés sur avis conforme des agences régionales de santé.

Parce qu’il est important que la logique de décloisonnement entre la ville et l’hôpital intègre la réflexion dès les études médicales et parce qu’il est urgent que les universités et les ARS prennent en compte les besoins de terrains de stage en médecine de ville, cet amendement vise à faire participer les URPS et les fédérations hospitalières à la définition de ces objectifs pluriannuels.

Il est également impératif que les élus départementaux soient consultés en tant que représentants politiques de la population locale, car ils ont, depuis de nombreuses années, financé des projets favorisant l’installation de médecins sur les territoires. L’échelon départemental, associé aux URPS, est un relais d’information absolument nécessaire à la bonne évaluation des objectifs pluriannuels.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

L’amendement n° 734 rectifié présenté par M. Jomier apporte une modification rédactionnelle qui conduit à faire primer le critère des besoins de santé du territoire sur celui de la capacité d’accueil de l’université dans la définition des objectifs pluriannuels d’admission en deuxième cycle.

Les objectifs pluriannuels d’admission en deuxième cycle constituent l’outil qui remplacera demain le numerus clausus. Ils doivent donc prendre en compte les capacités de formation des universités, mais aussi des éléments prospectifs quant aux besoins de santé de demain dans l’intérêt des patients comme des futurs professionnels. De ce point de vue, la formulation proposée n’a pas choqué la commission des affaires sociales, qui a donné un avis de sagesse.

En ce qui concerne l’amendement n° 287, qui supprime la référence aux capacités de formation pour la détermination des objectifs pluriannuels d’admission en deuxième cycle, il me paraîtrait curieux de ne pas prendre en compte les capacités de formation, et donc les moyens universitaires, pour la détermination du numerus clausus nouvelle version.

J’espère d’ailleurs que cette prise en compte permettra, le cas échéant, d’adapter à la hausse les moyens des facultés – plusieurs responsables universitaires nous ont fait part de leur forte inquiétude face à la réforme à venir.

La commission a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 396 rectifié présenté par Stéphane Piednoir prévoit la substitution d’un avis simple à l’avis conforme des ARS pour la détermination des objectifs pluriannuels d’accès au deuxième cycle. Cela ne me paraît pas une bonne idée de laisser une telle autonomie aux universités, dans la mesure où ce seront les ARS, et non les universités, qui consulteront les acteurs de santé du territoire au travers des CRSA. L’avis est donc défavorable.

Enfin, l’amendement n° 22 rectifié présenté par Vincent Segouin précise la procédure de consultation pour avis des URPS, des fédérations hospitalières et des conseils départementaux concernés pour la fixation des objectifs pluriannuels d’admission en deuxième cycle.

Il est satisfait par la quatrième phrase de l’alinéa 3, qui prévoit la consultation des CRSA qui rassemblent l’ensemble des acteurs cités. Il paraîtrait étrange d’ajouter à cette consultation générale la consultation spécifique de ces instances, dont je ne doute pas que l’avis sera cependant pris en compte – Mme la ministre pourra cependant nous confirmer la philosophie du dispositif de consultation envisagé.

Au total, outre que cet ajout me paraît peu utile, il aboutirait à alourdir considérablement l’élaboration des objectifs de formation, dont le formalisme n’est déjà pas simple. L’avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Concernant l’amendement n° 734 rectifié, l’article 1er prévoit bien que l’université doit prendre en compte les objectifs pluriannuels d’admission pour définir les capacités d’accueil. Les deux éléments – capacités de formation et besoins de santé des territoires – sont importants et nous devons être sûrs qu’un étudiant en santé pourra être accueilli tout au long de ses études dans des stages, de manière à garantir la qualité de sa formation. L’avis est donc défavorable.

J’apporterai la même réponse à l’amendement n° 287.

Nous nous sommes engagés à maintenir une formation de qualité. Pour cela, la formation doit inclure des stages qui vont permettre à l’étudiant d’acquérir certaines compétences, notamment celles qui ont été précédemment évoquées. Il revient aux universités d’arrêter les capacités d’accueil, mais dans un dialogue avec les ARS, comme cela est prévu dans cet article. Ce sont les ARS qui sont capables de donner le nombre de terrains de stage disponibles, notre objectif étant d’ailleurs d’augmenter aussi le nombre de maîtres de stage disponibles.

Les universités et les ARS doivent donc travailler ensemble ; c’est pourquoi nous avons prévu un avis conforme, et pas un avis simple. Un avis conforme ne remet aucunement en cause le principe d’autonomie des universités. L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur l’amendement n° 396 rectifié.

Enfin, comme l’a précisé M. le rapporteur, la consultation des conférences régionales de la santé et de l’autonomie est prévue dans la loi ; y sont associés les URPS, les conseils départementaux, les représentants des usagers et les fédérations hospitalières. L’amendement n° 22 rectifié est donc satisfait ; c’est pourquoi le Gouvernement y est défavorable.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

En conséquence, les amendements n° 287, 396 rectifié et 22 rectifié n’ont plus d’objet.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 103 rectifié bis, présenté par Mmes Lassarade et Micouleau, MM. Vogel et Morisset, Mme Gruny, M. Panunzi, Mmes Deromedi, Morhet-Richaud et Bruguière, M. Genest, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne, Pellevat, Pierre et Piednoir, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Rapin et Pointereau, Mme de Cidrac et MM. Laménie et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Quatrième phrase

Remplacer les mots :

la conférence régionale de la santé et de l’autonomie ou les conférences régionales de la santé et de l’autonomie concernées

par les mots :

les comités régionaux de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé

2° Compléter cet alinéa par les mots :

au regard du recensement des besoins prévisionnels en effectifs et en compétences auprès de l’ensemble des acteurs du territoire de santé

La parole est à M. Jean-Marie Morisset.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

Pour mieux définir les objectifs de formation, il est nécessaire de mieux en appréhender les besoins.

L’organisation de la formation doit se faire au plus près des lieux d’exercice, sur la base d’un diagnostic partagé par l’ensemble des acteurs.

Les objectifs de formation devraient être évalués en fonction de l’ensemble des lieux de stage universitaires et non universitaires et des demandes des territoires en effectifs et en compétences.

Cet amendement vise donc à intégrer ces besoins au moyen d’une méthodologie adaptée permettant de faire remonter les besoins des établissements qui sont représentés au sein des comités régionaux de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, ces derniers étant plus à même d’évaluer les besoins en formation.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 129 rectifié bis, présenté par M. Sol, Mmes Eustache-Brinio et Deroche, MM. Calvet, Guerriau et Morisset, Mmes Bruguière, Gruny, Morhet-Richaud, Berthet, Deromedi et Bonfanti-Dossat, MM. Decool et Moga, Mme Kauffmann, MM. Lefèvre, Détraigne et Genest, Mme Raimond-Pavero, M. Mouiller, Mmes Garriaud-Maylam et Chauvin, MM. Mandelli, Bonne, Laménie, Meurant, Piednoir et Bouloux, Mme A.M. Bertrand, M. Charon, Mmes Lamure et de Cidrac et M. Segouin, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Quatrième phrase

Remplacer les mots :

la conférence régionale de la santé et de l’autonomie ou les conférences régionales de la santé et de l’autonomie concernées

par les mots :

les comités régionaux de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé

La parole est à M. Jean Sol.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Sol

Cet amendement a le même objet que celui qui vient d’être présenté par mon collègue Morisset.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Le 2° de l’amendement n° 103 rectifié bis est satisfait par la rédaction adoptée par la commission à la troisième phrase de l’alinéa 3 de l’article 1er. Celle-ci précise que la détermination des objectifs régionaux de formation doit prendre en compte « l’évolution prévisionnelle des effectifs et des compétences des acteurs de santé du territoire ». Il ne paraît donc pas utile de le préciser de nouveau à l’échelon national, d’autant que l’échelon territorial est plus adapté à un suivi de cette évolution.

Concernant le 1°, la commission n’est pas favorable à un contournement des CRSA pour leur substituer la consultation d’un organisme compétent uniquement en matière de démographie des professions de santé. La détermination des effectifs des soignants de demain ne doit pas uniquement dépendre de projections techniques liées aux professionnels de santé eux-mêmes : les collectivités locales, les établissements hospitaliers, les représentants des patients, pour ne citer qu’eux, doivent également pouvoir donner leur avis. Sans doute le fonctionnement des CRSA n’est-il pas toujours optimal, mais ce n’est pas en les contournant purement et simplement que nous pourrons régler le problème sur le long terme.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, comme sur l’amendement n° 129 rectifié bis, dont l’objet correspond au 1° de l’amendement n° 103 rectifié bis.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Je suis également défavorable à ces amendements : la CRSA doit absolument jouer son rôle.

Cela étant, il est important que les observatoires régionaux de la démographie des professions de santé jouent un rôle plus important à l’avenir ; il faut renforcer leur capacité de pilotage. C’est pourquoi une réflexion est en cours sur leur rôle et leurs missions.

Reste qu’il ne faut pas modifier dans la loi les instances responsables : les CRSA constituent le bon échelon de détermination des besoins.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Sol

Madame la présidente, je retire mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 129 rectifié bis est retiré.

Monsieur Morisset, l’amendement n° 103 rectifié bis est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

J’ai pris bonne des arguments qui viennent d’être exposés. Je retire donc cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 103 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 794, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 3, dernière phrase

Remplacer les mots :

en deuxième et troisième année du premier cycle

par les mots :

en première année du deuxième cycle

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Il s’agit d’un amendement de cohérence rédactionnelle.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

À la suite de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale, une telle cohérence rédactionnelle s’imposait. Je remercie la commission de s’en être aperçue. L’avis est donc favorable.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 288, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3, dernière phrase

Après le mot :

territoriales

insérer les mots :

et sociales

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Comme trop souvent, il faut souligner un paradoxe : ce sont celles et ceux qui ont le plus besoin de notre système de santé qui n’y ont pas ou moins accès. Un rapport de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé rappelle que, en France, à 59 ans, les ouvriers ont une espérance de vie inférieure d’environ cinq ans à celle des cadres.

Tout cela fait de la France l’un des mauvais élèves des pays de l’Union européenne. Se pose dès lors la question des raisons d’un tel phénomène.

Les conditions matérielles de vie, mais également les conditions de travail peuvent conduire à des prévalences supérieures en matière de maladies chroniques et de troubles physiques divers, notamment musculo-squelettiques. Il faut aussi reconnaître le rôle des pratiques sociales dans certains des troubles de santé que connaissent les ménages les plus précaires. C’est pourquoi il est important de réfléchir à la pratique du sport encadré pour les patients atteints de diabète – cela fait l’objet d’expérimentations dans plusieurs régions – ou d’assurer un remboursement optimal des substituts nicotiniques par la sécurité sociale, pour faire reculer la consommation de tabac.

Selon nous, il faut porter une attention particulière aux inégalités sociales, au même titre que, comme nous nous y sommes attachés depuis le début de ce débat, aux inégalités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je vois mal comment un tel objectif pourrait être pris en compte pour la détermination du nombre de professionnels à former. Certes, on peut concevoir que les inégalités territoriales d’accès aux soins soient directement liées aux effectifs de professionnels de santé – surtout à leur répartition sur le territoire –, mais les inégalités sociales, dont l’accès aux soins, résultent d’autres facteurs, en particulier financiers. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 675 rectifié, présenté par MM. Genest et Darnaud, Mme Estrosi Sassone, M. Courtial, Mmes Bruguière et Noël, M. Bouloux, Mme Lamure, MM. Cuypers, Bonhomme, Danesi et B. Fournier, Mme Deromedi et MM. Pointereau, Dufaut, Morisset et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 3, dernière phrase

Après les mots :

aux soins

insérer les mots :

, notamment dans les territoires périurbains, ruraux, de montagne, insulaires et ultramarins

La parole est à M. Jean-Marie Morisset.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

Il s’agit de mentionner explicitement dans la loi les territoires sur lesquels doit porter l’effort prioritaire de réduction des inégalités d’accès aux soins, que sont les territoires périurbains, ruraux, de montagne, insulaires et ultramarins. Les problèmes spécifiques de chacun et la désertification médicale subie par leurs habitants le justifient.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

La précision que tend à apporter cet amendement a été supprimée par la commission des affaires sociales, qui a considéré qu’il revenait au Sénat de veiller à la préservation de la qualité et de la concision de la loi.

Outre que la précision n’apporte rien sur le plan juridique, toute énumération de ce type présente le risque d’oublier certains éléments pourtant potentiellement concernés. Quid, par exemple, des territoires urbains ? Certains peuvent pourtant être eux aussi des zones sous-dotées.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 21 rectifié est présenté par M. Segouin, Mme Eustache-Brinio, MM. Lefèvre et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, M. Longuet, Mme Morhet-Richaud, MM. Revet et Morisset, Mme Deromedi, MM. Babary, Genest, Perrin, Raison, Poniatowski, Meurant et Mandelli, Mme Chauvin, MM. Bonne, Laménie, Pellevat, Pierre, Rapin, Cuypers et B. Fournier, Mmes Canayer, Lamure et de Cidrac et M. Gremillet.

L’amendement n° 172 rectifié bis est présenté par M. Karoutchi, Mme A.M. Bertrand, MM. Calvet, Chaize, Charon, Chatillon, Dallier, Danesi, Darnaud, Daubresse, de Legge et Duplomb, Mmes Duranton, Garriaud-Maylam et Gruny, M. Kennel, Mmes Lavarde, M. Mercier et Procaccia, MM. Sido, Vaspart et Vogel, Mme Ramond, M. Houpert, Mme Dumas et M. Mayet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les besoins territoriaux de formation sont inscrits dans les conventions que les universités passent avec les établissements de santé, publics et privés.

La parole est à M. Vincent Segouin, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

Cet amendement a pour objet de permettre aux établissements de santé privés de conventionner avec les universités pour mettre à disposition leur expertise et leur savoir-faire médical et chirurgical dans le cadre des formations des étudiants.

La lutte contre les déserts médicaux et l’égal accès aux soins, notamment l’accès à une offre médicale équilibrée et de qualité sur l’ensemble des territoires, constituent l’un des principaux enjeux de la transformation de notre système de santé. La suppression du numerus clausus national au profit d’une régulation territoriale devrait permettre de répondre d’une manière mieux ajustée aux futurs besoins en santé de la population. Toutefois, tous les acteurs de santé doivent être mobilisés autour de cet enjeu, tant sur la réduction des inégalités d’accès aux soins que sur l’insertion professionnelle des étudiants.

C’est pourquoi il est nécessaire que les établissements de santé privés participent eux aussi à cet objectif commun. Une meilleure connaissance par les futurs médecins de l’ensemble des environnements de soins, publics comme privés, améliorera l’efficience du système et favorisera les coopérations et les équilibres sur les territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Françoise Ramond, pour présenter l’amendement n° 172 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Ramond

L’accès aux soins, notamment l’accès à une offre médicale équilibrée et de qualité sur l’ensemble des territoires, constitue l’un des principaux enjeux de la transformation de notre système de santé. La suppression du numerus clausus national au profit d’une régulation territoriale devrait permettre de répondre d’une manière mieux ajustée aux futurs besoins en santé de la population. Toutefois, tous les acteurs de santé doivent être mobilisés autour de cet enjeu, tant sur la réduction des inégalités d’accès aux soins que sur l’insertion professionnelle des étudiants.

C’est pourquoi il est proposé de permettre aux établissements de santé privés de conventionner avec les universités pour mettre à disposition leur expertise et leur savoir-faire médical et chirurgical dans le cadre des formations des étudiants. Le conventionnement porte aussi sur les conditions d’accueil. Une meilleure connaissance par les futurs médecins de l’ensemble des environnements de soins, publics comme privés, améliorera l’efficience du système et favorisera les coopérations et les équilibres sur les territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

La précision proposée ne paraît pas pertinente pour quatre raisons.

Premièrement, cela semble apporter peu de choses sur le plan juridique. Il est tout à fait possible pour les universités de passer des conventions avec les établissements de santé appartenant au même territoire, sans que la loi le précise. La rédaction ne prévoit d’ailleurs ni la portée de cette précision ni son éventuelle sanction en cas de non-prise en compte de ces besoins de formation.

Deuxièmement, un tel dispositif serait en porte-à-faux par rapport à la logique proposée par l’alinéa 3 pour la définition des effectifs d’étudiants en filières MMOP. Celui-ci prévoit en effet que les capacités d’accueil déterminées par les universités tiennent compte d’objectifs pluriannuels de formation déterminés sur avis conforme de l’ARS, qui, comme l’a déjà précisé Mme la ministre, devra consulter au préalable les CRSA, lesquelles comprennent des représentants des établissements de santé. Il me paraît donc à la fois superfétatoire et illogique de contourner cette architecture pour prévoir une forme de consultation parallèle des seuls établissements de santé.

Troisièmement, le texte adopté par la commission prévoit que la fixation des objectifs pluriannuels doit tenir compte de l’évolution prévisionnelle des effectifs et des compétences des acteurs de santé des territoires, ce qui me paraît satisfaire assez largement la préoccupation exprimée.

Quatrièmement – c’est un argument de forme et de préservation de la qualité de la loi qui vient s’ajouter à ces raisons de fond –, la rédaction proposée n’a pas sa place à cet endroit du texte, puisque l’article 1er prévoit les grands principes structurants du premier cycle des filières de santé.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 408 rectifié, présenté par Mme Jasmin, MM. Lurel, Kerrouche et Fichet, Mme Perol-Dumont, M. Antiste et Mmes Monier et Conconne, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La fixation des objectifs nationaux pluriannuels par l’État et les moyens alloués aux universités pour parvenir à atteindre ces objectifs donnent lieu à une information du Parlement qui est jointe en annexe du projet de loi de finances de l’année, avec l’ensemble de la politique publique en faveur de la lutte contre les déserts médicaux.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Il s’agit, par cet amendement, de redonner au Parlement l’occasion, au moins lors de la discussion du projet de loi de finances, de connaître chaque année les objectifs fixés par l’État sur le nombre d’étudiants en médecine et l’adéquation des moyens en faveur des universités que celui-ci consacrera pour leur permettre de remplir ces objectifs.

La fixation d’objectifs pluriannuels participe aux diverses dispositions nationales prises depuis de nombreuses années pour tenter de pallier la pénurie de médecins. Il est désormais indispensable, face aux difficultés rencontrées par la population, mais aussi par les élus locaux sur tous les territoires, d’avoir une vision globale de l’ensemble des dispositifs nationaux de lutte contre la désertification médicale, notamment dans le cadre d’un « jaune budgétaire » spécifique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je résume l’objet de cet amendement : il s’agit d’informer le Parlement sur la fixation des objectifs nationaux pluriannuels de formation des professionnels médicaux et sur les moyens alloués aux universités.

J’ose espérer que cela va de soi, ma chère collègue, et que ces éléments seront publics et figureront dans les documents budgétaires transmis au Parlement pour l’examen du projet de loi de finances ! Il ne me paraît donc pas utile de le préciser dans la loi – je pense que Mme la ministre pourra nous le confirmer. C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Madame la sénatrice, je comprends l’intérêt que vous manifestez pour le suivi tant du nombre de médecins qui seront formés que des financements.

Évidemment, les financements sont prévus dans le projet de loi de finances et seront donc connus. Quant aux objectifs, ils seront fixés de manière pluriannuelle pour permettre la montée en puissance de la formation.

Depuis la loi LRU, les lignes affectées à des objets particuliers n’existent plus dans les budgets des universités : seules la masse salariale et les dotations de fonctionnement sont retracées. Toutefois, le rôle de la ministre que je suis comme celui des parlementaires dans le cadre des lois qui ont été votées consistent à vérifier que les universités ont bien utilisé les financements qui leur ont été accordés pour faire ce à quoi la loi les engage.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Non, je le retire, mais je tiens à insister sur le fait qu’il y a beaucoup d’incohérences. L’article 1er porte sur le numerus clausus ; or les universités n’auront pas forcément les crédits fléchés pour accueillir un plus grand nombre d’étudiants en médecine.

Je veux bien croire ce que disent aujourd’hui les ministres, en particulier la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, mais nous savons tous très bien – cela a été évoqué dès le début de nos débats – que, sans moyens, malgré toute leur bonne volonté, les universités n’auront pas les moyens d’accueillir un nombre beaucoup plus important d’étudiants en médecine, quand bien même elles le souhaiteraient.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 408 rectifié est retiré.

L’amendement n° 451 rectifié, présenté par Mme Jasmin, MM. Daudigny et Tourenne, Mme M. Filleul, MM. Duran et Antiste, Mme G. Jourda, MM. Todeschini et Lurel et Mmes Monier et Conconne, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La fixation des objectifs nationaux pluriannuels par l’État donne lieu à un débat devant le Parlement sur les moyens alloués aux universités pour parvenir à atteindre ces objectifs.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Il s’agit de redonner au Parlement la possibilité de débattre des objectifs fixés par l’État sur le nombre d’étudiants en médecine et les moyens qu’il consacrera aux universités pour que celles-ci remplissent ces objectifs.

Ce projet de loi renvoie plusieurs dispositions à des ordonnances prises par le Gouvernement. Or il est indispensable de permettre périodiquement le débat, notamment sur les moyens financiers et humains qui seront dévolus à la formation des médecins français. Ce débat permettra, notamment au regard des évolutions démographiques et épidémiologiques, de veiller à l’équilibre entre la qualité des soins, la qualité de vie au travail des professionnels de santé, l’efficience économique et les objectifs fixés par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Même dans le nouveau monde, nous sommes libres de débattre sur les sujets que nous jugeons importants, sans que la loi nous y oblige ni détermine le contenu de nos débats. C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

J’entends l’argument du rapporteur, mais il faut faire preuve de bon sens : les choses vont mieux en les écrivant qu’en les présupposant.

Nous venons de voter une disposition qui prévoit un avis conforme. Certes, cela ne touche pas à l’autonomie des universités, mais il est certain que ce sera l’ARS qui aura la haute main.

Par ailleurs, les universités ne pourront fixer le nombre d’étudiants qu’en fonction des capacités de formation, d’accueil et de stages. Or, en amont, on suggère soit un rapport, soit une information dédiée et claire. Tout cela a sans doute vocation à contourner l’article 40 – en tant que membre de la commission des finances, je ne dispose pas de tels détails.

Il me semblait de bon sens d’être favorable à cet amendement. Toutefois, nous le retirons.

À l’évidence, au-delà des débats qui auront lieu ici ou à l’Assemblée nationale, il restera un angle mort : après cette réforme, notamment sur le numerus clausus, on ne saura pas comment ce sera régionalisé et réparti et quelle sera la pluriannualisation. Je le regrette.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 451 rectifié est retiré.

L’amendement n° 104 rectifié bis, présenté par Mmes Lassarade et Micouleau, MM. Vogel et Morisset, Mme Gruny, M. Panunzi, Mmes Deromedi, Morhet-Richaud et Bruguière, M. Genest, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne, Pellevat et Pierre, Mmes Chain-Larché et Thomas et MM. Rapin, Poniatowski et Laménie, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

dans l’enseignement supérieur et à la réussite à des épreuves, qui sont déterminées par décret en Conseil d’État

par les mots :

, notamment dans le cadre d’un portail santé ou de licences comportant une mineure santé et à la réussite à des épreuves

II. – Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les modalités de construction de portail santé et d’accès par des licences à mineure santé sont déterminées par décret en Conseil d’État.

La parole est à M. Jean-Marie Morisset.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

Cet amendement vise à préciser les « parcours de formation antérieurs » qui rendront éligibles aux études de médecine et à introduire dans le code de l’éducation le portail santé comme parcours de formation. Actuellement, les seuls parcours possibles seront les licences et les classes préparatoires.

Il n’est pas souhaitable de remplacer tout ou partie de l’actuel premier cycle par un cycle de licence dite « santé », qui risquerait de se traduire par une dilution de l’apprentissage des compétences, par l’impossibilité d’un enseignement professionnel au contact des patients et, par conséquent, par un allongement de la durée des études pour garantir que les compétences des futurs diplômés soient au moins équivalentes à celles que confère la formation actuelle. Les études de médecine sont indissociables de la pratique clinique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Cette question a été longuement débattue, notamment lors des auditions qu’a organisées la commission des affaires sociales. La plupart des acteurs entendus – pour ne pas dire l’intégralité – sont tombés d’accord pour ne pas inscrire le portail santé dans la loi, car ils craignent – à juste titre, me semble-t-il – la recréation d’une nouvelle Paces sous un nouveau nom, en tout cas la mise en place d’une voie royale pour l’accès aux études de santé, en contradiction avec l’objectif de diversification des parcours prévus à l’article 1er.

L’organisation des majeures et des mineures santé sera cependant réglée par décret. Sans doute Mme la ministre pourra-t-elle nous apporter des précisions substantielles sur cette question majeure.

La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Je remercie M. le rapporteur de cette analyse, car c’est exactement celle du Gouvernement. J’apporterai toutefois quelques compléments.

Les parcours antérieurs – et c’est très important dans la logique globale qui a été construite – pourront se faire dans des universités, y compris dans celles qui n’ont pas de facultés de médecine. Il est très important que celles-ci puissent organiser leur premier cycle de façon à permettre aux étudiants de démarrer ces formations sur place sans être obligés de se déplacer immédiatement.

Même dans les universités qui comportent d’ores et déjà des facultés de médecine, les équipes pédagogiques sont en train de travailler de sorte que, au sein de ces universités, différentes facultés puissent offrir au sein de leur cycle de licence une année qui permettra aux étudiants, grâce à des mineures santé, de candidater aux études de santé.

Ce processus peut fonctionner, parce que les facultés de médecine et les doyens des facultés de médecine ont une très longue habitude de travailler ensemble pour définir qui les formations de préparation aux actuelles ECN, qui les différents modules qui seront nécessaires au travers de diplômes interuniversités.

Par conséquent, tout le processus qui est en train d’être mis en place entre les facultés de médecine et les universités, qu’elles contiennent ou pas des facultés de médecine, permet de répondre à cet objectif. C’est à l’issue de ce processus et sur la base des propositions qui seront formulées que seront pris les décrets fixant les modules minimums nécessaires pour pouvoir accéder aux études de santé.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

J’ai pris bonne note des remarques du rapporteur et de la ministre. Je retire donc l’amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 104 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 138 rectifié, présenté par Mme Bonfanti-Dossat, M. Brisson, Mmes Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Lefèvre, de Nicolaÿ, Courtial, Vogel et Morisset, Mmes Puissat, Gruny, Morhet-Richaud, Deromedi et Troendlé, M. Sol, Mme Lopez, MM. Genest et Poniatowski, Mme Garriaud-Maylam, MM. Mandelli, Pellevat, B. Fournier et Charon, Mme Lamure et M. Laménie, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après les mots :

engagés dans les formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie

insérer les mots :

, de soins infirmiers,

La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Bonfanti-Dossat

Aujourd’hui, des passerelles existent déjà pour rejoindre la deuxième année de médecine. Cependant, la réalité du terrain est tout autre : alors qu’une réforme permettra à des étudiants n’ayant pas eu d’enseignement dans le domaine de la santé d’accéder en deuxième année de MMOP, il est demandé aux infirmiers diplômés d’État deux ans d’exercice supplémentaires et la validation de leur dossier pour reprendre leurs études au même stade.

Cet amendement a donc pour objet de prévoir que les étudiants en soins infirmiers aient désormais la possibilité de s’orienter vers des études de médecine dès leur deuxième année d’études, au même titre que les autres professions de santé. Puisque le projet de loi créée des passerelles nombreuses vers les études de médecine, il paraît incohérent que les étudiants en soins infirmiers continuent à devoir justifier de deux années de pratique professionnelle après l’obtention de leur diplôme pour rejoindre une formation de premier cycle en médecine.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

La possibilité accordée aux étudiants infirmiers de se réorienter dans l’une des filières MMOP ne paraît pas souhaitable pour l’instant, et ce pour trois raisons.

Tout d’abord, une telle réorientation ne s’inscrit pas dans la logique de l’article 1er, qui organise les quatre filières MMOP et la circulation entre ces quatre filières uniquement. On peut imaginer que cela peut s’arranger dans le temps…

Ensuite, la préoccupation que vous exprimez légitimement a été en partie satisfaite à l’Assemblée nationale par l’adoption d’un dispositif expérimental organisant une transversalité entre les différentes formations médicales et paramédicales : c’est l’objet des alinéas 19 à 22 de l’article 1er. Sans doute cette expérimentation permettra-t-elle d’envisager le développement de passerelles entre ces différentes formations.

Enfin, il ne me paraîtrait pas équitable de prévoir une procédure de réorientation pour les seuls étudiants en soins infirmiers, en laissant de côté toutes les autres formations en santé.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Cet amendement vise à permettre aux étudiants en soins infirmiers, du fait de leur parcours antérieur, de s’orienter vers des études de médecine.

Comme l’a souligné le rapporteur, des possibilités d’expérimentation ont été ouvertes. Toutefois, il faut faire attention à ce que ces jeunes ne fassent pas l’objet d’un traitement différent, ce qui risquerait de déséquilibrer les chances des différents candidats en défaveur de ceux qui n’auraient pas été inscrits dans les formations d’infirmiers.

La formulation du dispositif prévu permet d’engager des expérimentations et d’en voir les résultats. En effet, par définition, les formations aux autres métiers de la santé sont des parcours de formation antérieurs.

Dans la mesure où ces métiers de la santé sont en phase d’universitarisation, l’objectif que vous évoquez et que nous partageons sera bien satisfait après cette phase d’expérimentation. C’est pourquoi le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra lui aussi un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 138 rectifié est retiré.

L’amendement n° 289 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’accès à ces mêmes formations, l’autorité académique fixe également, afin de faciliter l’accès des bacheliers qui le souhaitent aux formations d’enseignement supérieur situées dans l’académie où ils résident, un pourcentage de bacheliers retenus résidant dans une académie autre que celle dans laquelle est situé l’établissement et de bacheliers boursiers, qui ne peut être inférieur à 10 %.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

L’amendement est retiré, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 289 rectifié est retiré.

L’amendement n° 711 rectifié, présenté par MM. Jomier et Daudigny, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Meunier, Rossignol, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mmes Van Heghe, M. Filleul et Harribey, MM. Lurel, Joël Bigot et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mme Ghali, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

et l’égalité des chances des candidats

La parole est à M. Bernard Jomier.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Mesdames les ministres, l’objectif de votre réforme des études médicales est d’instaurer des cursus plus ouverts et plus diversifiés. Nous souscrivons à cet objectif.

Dans ce contexte, vous insistez sur le fait que le cursus demeurera sélectif et qu’une place accrue sera accordée à l’oral, aucune épreuve orale n’existant actuellement. En commission des affaires sociales, vous avez précisé, madame la ministre de l’enseignement supérieur, à propos de la première année, que, « concernant la modification des épreuves, la concertation est encore en cours avec les facultés de médecine ; il y aura probablement une première liste d’admissibilité, pour éviter de faire passer plus de 50 000 étudiants à l’oral ».

Nous devons nous prononcer sur une procédure claire. Or l’article L. 631-1 du code de l’éducation, tel qu’il est actuellement rédigé, précise qu’un « arrêté détermine les critères de répartition de ce nombre de façon à garantir l’égalité des chances des candidats ».

Dans la nouvelle rédaction de l’article que vous proposez, vous avez supprimé toute mention de l’égalité des chances entre candidats dans les modalités d’admission en deuxième et troisième année de premier cycle. Ce n’est clairement pas un bon signal. Pour notre part, nous souhaitons réintroduire cette notion dans cet article. Il s’agit de garantir que l’égalité des chances entre les candidats demeurera une valeur essentielle dans le processus de sélection.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

La réforme proposée est centrée sur la diversification des profils des étudiants des filières de santé. Il ne me paraît pas opportun d’y ajouter un objectif général d’égalité des chances des candidats alors qu’aucune des dispositions figurant à l’article 1er ne le traduit concrètement. Qui plus est, l’égalité des chances constitue un enjeu de politique universitaire en général. L’égalité des chances n’est pas, et ne doit pas être, limitée aux seules études de santé.

Je vous propose de ne pas brouiller davantage la lisibilité de cet article, qui contient déjà plusieurs grands principes. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Le principe d’égalité est un principe supérieur qui s’impose à l’enseignement supérieur en général. Préciser dans la loi que ce principe s’applique à l’accès aux études de médecine pourrait laisser penser qu’il est moins observé, ou en tout cas moins important, dans l’accès aux autres études.

Le fait que les étudiants pourront débuter leurs études dans toutes les universités, y compris dans des universités de proximité, fera beaucoup plus pour assurer l’égalité des chances, car cela leur assurera un parcours de réussite. Croyez-moi, les étudiants eux-mêmes sont les meilleurs leviers pour mettre fin à l’autocensure. Or l’autocensure, c’est la base de l’inégalité des chances.

L’avis est donc défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Madame la ministre, je n’ajoute rien du tout, c’est vous qui supprimez de l’article du code de l’éducation la notion d’égalité des chances. Nous, nous ne demandions rien ! Nous n’avions pas l’intention d’ouvrir un débat sur cette question, c’est vous qui le faites en supprimant cette mention du code de l’éducation.

Le problème est que vous supprimez cette mention au moment où l’on s’apprête à passer d’épreuves anonymes, sous forme de QCM – nous ne les regretterons pas –, lesquelles garantissent 100 % d’égalité des chances, à des épreuves induisant une part de subjectivité. Nous n’allons pas ouvrir un débat philosophique sur l’égalité et l’équité. Un peu moins d’égalité peut être acceptable bien sûr – nous ne dirons pas le contraire – si c’est pour permettre une diversification et introduire des sciences humaines dans les cursus, si c’est pour faire en sorte que les épreuves ne soient plus une véritable boucherie pour les étudiants, mais que, au contraire, elles soient plus respectueuses de leur parcours.

Pour autant, la suppression de la mention de l’égalité des chances dans le code de l’éducation n’ajoutera rien à votre projet de loi, au contraire ! Nous maintenons donc cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

J’informe les membres de la commission des affaires sociales que nous nous retrouverons dès la suspension de séance pour une réunion de travail d’une heure afin d’examiner les amendements suivants.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.