Éternelle répétition : en PLFSS, argue-t-on, on ne peut pas ; mais, nuance-t-on, ce sera pour une future loi santé. Or, le moment venu, la loi en question laisse hors de son périmètre des sujets aussi attendus que, par exemple, l’innovation en santé – nous avions traité ce sujet dans notre rapport publié l’an passé sur l’accès aux médicaments innovants –, la filière visuelle ou les biosimilaires.
Dans l’attente des débats à venir, je me contenterai de dresser rapidement le bilan de la mission sur l’organisation territoriale de la santé que Véronique Guillotin, Yves Daudigny et moi-même avons menée depuis le début de l’année dans le cadre de la Mecss, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, et en préparation de l’examen de ce texte. Nous avons ciblé notre analyse sur les outils et dispositifs destinés à organiser la coordination entre les acteurs au niveau des territoires, outils et dispositifs issus des derniers textes législatifs, loi HPST de 2009 et loi Touraine de 2016.
Madame la ministre, votre projet de loi fait de ces outils des piliers de la « transformation » souhaitée de notre système de santé.
Un petit rappel, au préalable : les professionnels de santé se sont toujours, dans une mesure certes variable, coordonnés entre eux, avec ou sans formalisation juridique. À cet égard, la notion d’exercice « isolé », auquel les évolutions en cours sont supposées mettre fin, constitue assez largement un mythe.
Quoi qu’il en soit, l’inscription de leur activité dans un exercice coordonné est un argument décisif pour l’installation des nouvelles générations de professionnels.
Les communautés professionnelles territoriales de santé, ou CPTS, de taille et de modèle très variables, s’adressent aux professionnels de santé de premier comme de second recours, ainsi qu’aux acteurs du secteur médico-social. Elles nous ont paru utiles à la prise en charge des patients complexes. La place des coordonnateurs y est majeure.
Tandis que les équipes de soins primaires, ou ESP, organisées autour du premier recours et centrées sur les généralistes, visent à la prise en charge d’une patientèle, les CPTS tendent à organiser et à structurer une action sanitaire territoriale plus populationnelle.
Le constat est clair : la réussite de ces initiatives tient toujours à la force de volonté et à la ténacité de leurs instigateurs, dont il faut saluer l’engagement, mais aussi au soutien apporté par les équipes locales de l’ARS, qui doivent être facilitatrices et non directives.
Des bémols, néanmoins : la difficulté, parfois, à mobiliser les spécialistes, et le frein que constituait l’instabilité juridique entourant le dispositif de coordination et son financement.
Un point, en tout cas, fait consensus : celui de l’absolue nécessité de conserver un cadre juridique souple à la main des professionnels, ceux-ci devant avoir la possibilité de s’en saisir sur une base volontaire, avec des marges de manœuvre suffisantes pour permettre son adaptation aux besoins de leur territoire.
À côté de ces modes d’organisation existent différents dispositifs d’appui à la coordination des professionnels de santé : les MAIA, les méthodes d’action pour l’intégration des services d’aide et de soin dans le champ de l’autonomie, et les CLIC, les centres locaux d’information et de coordination, que nous connaissons bien, ainsi que, depuis la loi de 2016, les plateformes territoriales d’appui, à l’échelon départemental.
L’enchevêtrement de ces dispositifs d’appui, qui fonctionnent à une échelle territoriale souvent différente de celle des CPTS, entretient un sentiment de confusion bien compréhensible chez les professionnels de santé.
Certains de nos interlocuteurs se sont prononcés en faveur d’une fusion des différents dispositifs d’appui ou du pilotage des plateformes par les CPTS elles-mêmes. Mais l’essentiel est bien de développer l’idée d’un guichet unique de coordination.
Nous avons fait par ailleurs un point sur les groupements hospitaliers de territoires, les GHT, qui sont actuellement au nombre de 136. Le constat évident est celui d’une très grande hétérogénéité : le nombre d’établissements parties varie de 2 à 20, la population des territoires desservis de 100 000 à 2, 5 millions d’habitants ; les effectifs s’inscrivent dans un rapport de 1 à 20, et les budgets s’échelonnent de 100 millions à plus de 2 milliards d’euros.
Le ressenti des acteurs est souvent celui d’un groupement hospitalier public de territoire plus que d’un GHT à proprement parler.
Une évaluation par territoire et des ajustements au cas par cas, sur le périmètre par exemple, selon des modalités plus souples, paraissent réalistes, mais, là encore, en accompagnant la dynamique locale.
Les GHT ont-ils permis de développer les relations avec la médecine de ville ? De nombreux GHT ont fait de cet objectif un axe de leur projet. Toutefois, le bilan apparaît, là aussi, inégal. Le déploiement des CPTS est attendu comme un moyen de faciliter ces échanges, mais les efforts devront également venir du monde hospitalier.
Un élément indispensable à cette coopération entre médecine de ville et hôpital sera en outre le développement d’outils numériques interopérables.
Pour le reste, je soutiens évidemment notre rapporteur Alain Milon et salue l’équilibre trouvé dans ses propositions. Je remercie également notre collègue Corinne Imbert pour son initiative sur la professionnalisation de la dernière année d’études.
Pour conclure, madame la ministre, je rappellerai les principes suivants, qui vaudraient dans d’autres domaines : souplesse, adaptation aux territoires et confiance dans les acteurs locaux, en attendant le PLFSS pour 2020 !