La métropolisation est un phénomène international. Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé a annoncé qu’il manquait d’ores et déjà 12 millions de professionnels de santé dans le monde. Par conséquent, sauf à repenser nos organisations, nous ne sommes pas en mesure, aujourd’hui, d’attirer ou de former en l’espace de quelques années un nombre de médecins suffisant pour compenser les manques. Cela nécessite de l’innovation organisationnelle. C’est le sens des réformes que je vous propose.
Madame Apourceau-Poly, vous affirmez que les dispositifs d’exonération ne changeront pas la donne, et vous nous appelez à rendre les territoires plus attractifs. C’est exactement ce que nous proposons. Rendre les territoires plus attractifs, ce n’est pas simplement miser sur des incitations financières ou des exonérations fiscales pour les médecins. Aujourd’hui, les médecins souhaitent s’installer dans des territoires où leur exercice professionnel est attractif. C’est ce que nous faisons avec les maisons de santé, les centres de santé pluriprofessionnels, l’augmentation des postes de médecins salariés – cela répond à leur demande –, la possibilité de cumul emploi-retraite pour les médecins les plus âgés, les statuts mixtes entre la médecine de ville et la médecine hospitalière… Tout cela contribue à rendre l’exercice médical plus attractif.
Monsieur Jomier, vous vous demandez si cette loi est de nature à apporter des réponses aux grands défis de santé publique. Comme vous l’avez vous-même souligné, ce n’est pas une loi de santé ou de prévention ; c’est une loi d’organisation du système de santé. C’est un choix assumé. Nous voulons répondre à l’urgence concernant l’accès aux soins sur les territoires. En matière de prévention, il y a d’autres outils. Chaque année, vous votez en loi de financement de la sécurité sociale des mesures d’accompagnement du plan Priorité prévention, que j’avais présenté en 2017. L’avenir dira si celui-ci répond aux attentes des territoires.
Je souhaite rendre des comptes aux élus et aux citoyens, et je me suis placée en situation de le faire. Le comité de suivi de la réforme se réunit tous les six mois. Mme Doineau, qui est déléguée à l’accès aux soins, y participe. Je regarde les indicateurs sur le nombre de maisons pluriprofessionnelles de santé créées ou le nombre de postes de médecins salariés pourvus. Tous les indicateurs sont suivis et rendus publics. Un premier bilan a d’ailleurs été publié le mois dernier.
Vous déclarez que cela prendra du temps. En effet ! Il faudra du temps pour réorganiser notre système. Mais pas tant que cela ! Nous pouvons, je le crois, avoir des résultats dès cet été. Si la convention médicale est signée, les médecins pourront avoir des assistants médicaux dès cet été ; les 4 000 postes pourraient être pourvus très rapidement. Cela dégagera entre 15 % et 20 % de temps médical pour les médecins, notamment en zone sous-dense. Les 400 postes de médecins salariés sont déjà ouverts au recrutement. J’espère donc avoir des résultats dès cette année.
Monsieur Arnell, vous avez évoqué la métropolisation des médecins. Comme je viens de le souligner, le phénomène est international. Tous les ministres du G7 qui étaient présents auprès de moi voilà quinze jours ont souhaité échanger sur les bonnes pratiques pour améliorer l’attractivité des territoires ruraux. Tout le monde s’accorde sur le fait que cela ne passe pas seulement par l’incitation financière. Il faut repenser les organisations pour rendre l’exercice médical en zone rurale plus attractif.
Vous craignez que la seule incitation financière ne suffise pas. Ce n’est pas ce qui est proposé dans le texte. C’est, j’en suis persuadée, l’exercice qui attire les médecins. Nous aurons l’occasion d’aborder dès ce soir les amendements qui portent sur ces sujets, c’est pourquoi je n’entrerai pas dans le détail.
Madame Doineau, je partage votre sentiment ; il faut effectivement, me semble-t-il, que les élus connaissent mieux les outils. Force est de le constater, même le plan que nous avons mis en œuvre en 2017 est encore insuffisamment connu. Les ARS doivent communiquent beaucoup plus régulièrement avec les élus locaux, notamment les maires, les conseillers départementaux et les conseillers régionaux. Une mobilisation des ARS pour leur faire connaître les outils est absolument nécessaire. Je compte aussi sur les associations d’élus pour mieux informer les élus locaux de tous les outils dont ils peuvent se saisir.
Je vous rejoins également sur les mesures coercitives. Pour que des mesures coercitives fonctionnent, il faut qu’il y ait un nombre suffisant de professionnels à répartir sur un territoire donné. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Seules des organisations innovantes seront en mesure de répondre aux besoins.
Madame Imbert, selon vous, il s’agit d’un texte administratif qui donne le pouvoir aux ARS. Franchement, je pense, à l’inverse, que ce texte est tout sauf administratif. Le projet de loi est fait pour que les professionnels se saisissent d’outils et s’organisent comme ils le souhaitent pour couvrir un territoire. Les professionnels de santé, dans ce texte comme dans la convention médicale, acceptent une nouvelle responsabilité, territoriale ou populationnelle, qui n’existait pas jusqu’à présent. Ils vont pouvoir s’en saisir grâce aux outils, notamment les CPTS. Le texte donne aux acteurs le pouvoir de s’organiser et aux ARS le soin de les accompagner. Ce n’est pas du tout un texte administratif ou normatif.
Vous soulignez aussi que le thème de la santé n’avait pas été choisi par le Président de la République lors du grand débat national. C’est tout à fait normal. Nous avions déjà travaillé avec tous les acteurs dans le cadre d’une large concertation qui a duré plus de six mois. Le texte était en cours de rédaction ; il a été présenté aux parlementaires dès le mois de mars à l’Assemblée nationale. Il était logique que le grand débat national nous alimente sur des mesures de santé qui auraient pu figurer en plus dans la loi. Nous avons regardé ce qui était proposé. Il s’agissait essentiellement de constats, avec très peu de propositions concrètes, hormis la coercition. Je comprends que nos concitoyens puissent voir la coercition comme une solution à leurs problèmes. Mais tous ceux qui travaillent dans les territoires savent qu’elle ne fonctionne pas pour les professions sous-dotées. En d’autres termes, nous n’avons pas pensé que la santé n’était pas prioritaire ; nous avions d’ores et déjà travaillé à la rendre plus équitable sur le territoire grâce à ce projet de loi.
Madame Delmont-Koropoulis, vous dites qu’il n’y a rien dans ce texte sur la prévention, sur l’attractivité des professions, notamment hospitalières, ou sur l’innovation… Mais c’est un choix ! Ce n’est pas un texte sur la santé publique ou la prévention. C’est une loi d’organisation pour répondre à l’urgence que ressentent aujourd’hui les territoires en termes d’accès aux soins. Je ne veux pas d’une loi bavarde avec 280 articles ! Je veux répondre en urgence aux besoins. Cette loi ne traduit que les leviers législatifs nécessaires de Ma santé 2022. Il y a d’autres leviers – je l’ai indiqué – d’ordre réglementaire avec la convention médicale ou dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous les utiliserons également.
À propos de l’attractivité des professions de santé, une ordonnance sera élaborée avec les professionnels sur la gestion des ressources humaines hospitalières. La concertation est en cours.
Aujourd’hui, la loi que je vous propose est une loi d’urgence. Elle répond parfaitement, je le pense, à ce que vous ressentez tous les jours dans vos territoires.