Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du 3 juin 2019 à 21h30
Organisation et transformation du système de santé — Article 2, amendements 419 826

Agnès Buzyn :

Les trois amendements identiques visent à ce que des stages hors CHU en zone sous-dense soient proposés en troisième cycle pour toutes les spécialités, avec un régime spécifique pour la médecine générale, la dernière année s’effectuant en pratique ambulatoire sous statut de médecin adjoint.

Vous proposez, pour une liste de spécialités à définir – on comprend qu’il s’agira en priorité des spécialités de premier recours en plus de la médecine générale –, que la dernière année du troisième cycle soit réalisée en pratique ambulatoire en autonomie, en priorité dans les zones sous-denses.

Pour la médecine générale, cela me paraît finalement assez cohérent avec ce qui est prévu dans le cadre du Saspas et de la phase de consolidation de la réforme du troisième cycle. Ainsi, nous proposons déjà que l’étudiant exerce en autonomie supervisée. L’objectif est bien d’accompagner l’étudiant en fin de cursus vers son autonomie complète d’exercice pour l’obtention de son DES.

En dehors de la médecine générale, il n’est pas prévu à ce stade que cet exercice soit impérativement réalisé en ambulatoire, parce que cela nécessiterait de disposer, pour ces spécialités, d’un nombre de maîtres de stage suffisant sur le terrain. On en est loin !

Il me semble problématique, par ailleurs, de poser un principe qui interdirait de facto toute réalisation de la dernière année de stage en établissement de santé. Certains parcours de formation le justifieront à l’évidence, et nous avons tout autant intérêt à favoriser également les stages dans les établissements hors CHU. En effet, on oppose beaucoup dans ce débat l’exercice en libéral à l’exercice hospitalier, dans l’idée de favoriser le premier. Or il s’agit aussi de favoriser certains exercices hospitaliers en zone sous-dense et hors CHU, car nous avons aujourd’hui 27 % des postes de praticien hospitalier vacants. L’objectif n’est donc pas d’orienter la totalité de nos étudiants vers la médecine libérale. Nous avons aussi besoin de médecins hospitaliers.

Le fait qu’une partie de la dernière année soit réalisée en zone sous-dense nous renvoie aux interrogations partagées précédemment sur le nombre de maîtres de stage, même si, ici, il ne s’agit pas d’accueillir les internes de la totalité des spécialités. Néanmoins, je suis d’accord avec vous, nous devons pouvoir en proposer suffisamment en zone sous-dense pour accueillir a minima les étudiants de médecine générale. Nous avons augmenté de 17 % le nombre de maîtres de stage universitaires entre 2017 et 2018. C’est une augmentation progressive, mais nous sommes encore loin de pouvoir accueillir la totalité des étudiants.

Enfin, poser, comme vous le faites, le principe que cette dernière année soit réalisée sous statut de médecin adjoint ou en autonomie – ce que vous appelez professionnalisation –, avec l’implication dans le dispositif du conseil départemental de l’ordre des médecins et de l’URPS, nous éloigne à mon sens du processus de formation dans lequel cette dernière année s’inscrit, pour nous rapprocher d’un modèle qui s’apparente à ce que je qualifierai d’un quasi-exercice. Si je ne suis pas fermée à ce que les conditions d’exercice au cours de la dernière séquence de troisième cycle évoluent, de manière cohérente avec le processus d’autonomisation progressive que j’évoquais, il est impératif que cette dernière année continue de s’insérer, à part entière, dans le cursus de formation de nos médecins généralistes. Elle doit constituer l’ultime étape avant la délivrance du DES.

Ces amendements témoignent à l’évidence de la volonté de trouver un équilibre destiné à apporter de nouvelles réponses aux problématiques de l’accès aux soins, tout en tenant compte des contraintes fortes liées au processus de formation que nous avons rappelées, autant de points sur lesquels nous devons encore travailler avec les parties prenantes. Leur mise en œuvre serait, à certains égards, problématique et risquée. C’est pourquoi j’y suis défavorable.

Je le rappelle, nous ne sommes pas en mesure, aujourd’hui, de proposer des maîtres de stage à tout le monde. Par ailleurs, si la troisième année s’effectue totalement en autonomie, nous nous éloignons d’un processus de formation prévu pour que les internes de médecine générale aient bien trois ans de formation. Pour notre part, nous proposons le Saspas, c’est-à-dire une autonomie supervisée, avec la certitude, donc, qu’un médecin généraliste supervise l’exercice de cette troisième et dernière année, même si l’étudiant gagne en autonomie.

En outre, tous les amendements visant à rendre ces stages obligatoires me posent problème, parce qu’il faut pouvoir proposer une quantité de stages suffisante. Je souhaite continuer à prôner l’attractivité des territoires plutôt que d’imposer une obligation, quelle qu’elle soit. Je pense que l’on ne peut obliger personne à aller soigner dans un endroit où il ne désire pas se rendre. L’exercice libéral ne sera pas plus attractif. Cette obligation n’est pas concevable en l’état.

À ce sujet, je souhaite porter à votre connaissance la très forte attractivité des contrats d’engagement de service public, un autre moyen de doter les territoires de zones sous-denses de médecins qui s’engagent vers une installation. Le nombre de jeunes bénéficiant de ces contrats croît d’année en année. Il me semble que tout ce qui rend attractif ce type d’exercice est beaucoup plus valorisant pour les étudiants que tout ce qui rend les choses obligatoires et contraignantes.

Le Gouvernement est également défavorable aux sous-amendements n° 419 rectifié et 826. Le quasi-exercice isolé de l’étudiant en dernière année me semble inconciliable avec la nature formatrice de la dernière année. Je suis favorable à l’autonomie supervisée.

S’agissant de l’amendement n° 592 de M. Amiel, je ne suis pas favorable à ce que la formation des médecins généralistes soit de quatre ans, car cela obligerait à revoir les maquettes de formation de toutes les spécialités aujourd’hui à quatre ans et qui devraient passer à cinq ans.

Concernant l’amendement n° 593, sachez, monsieur Amiel, que rien ne s’oppose à deux stages en zone sous-dense. Je vous demande donc de le retirer, faute de quoi j’y serai défavorable.

Enfin, l’amendement n° 594 vise à ouvrir la possibilité qu’une partie des stages soit réalisée sous statut de médecin remplaçant ou adjoint. Nous nous éloignons là encore du processus de formation pour nous rapprocher d’un modèle de quasi-exercice. Je vous invite également à le retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.

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