Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 8 septembre 2010 à 14h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Articles additionnels après l'article 1er

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

À la suite d’une série d’arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme, le Conseil constitutionnel, dans une décision retentissante, a déclaré le régime de garde à vue de droit commun contraire à la Constitution, laissant au législateur jusqu’au mois de juillet 2011 pour réformer le système dans sa globalité.

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel fournit plusieurs éléments permettant d’esquisser les exigences qu’il convient de retenir, reprenant d’ailleurs à son compte les principes développés par la Cour européenne des droits de l’homme dans divers arrêts.

Regardons la réalité en face : une réforme doit être adoptée avant juillet 2011 ; d’ici là, ce sont des centaines, voire des milliers de gardes à vue illégales qui seront prononcées, dans une hypocrisie institutionnelle sans pareil. Cela signifie que nous ne pouvons pas attendre 2011 : c’est aujourd’hui qu’il faut aménager notre système de garde à vue !

Cet amendement reprend les éléments de la proposition de loi déposée sur mon initiative et examinée par le Sénat en séance publique en avril 2010. Ce texte anticipait en tous points les conclusions du Conseil constitutionnel.

Parce qu’une mesure de garde à vue doit être réservée aux infractions les plus graves, notre première proposition vise à limiter la mesure aux cas où l’infraction que la personne est suspectée d’avoir commise est passible d’au moins cinq ans de prison. Pour toutes les autres infractions, le placement en garde à vue devra être autorisé par l’autorité judiciaire.

La deuxième proposition, c’est la notification du droit du gardé à vue de se taire et de ne pas participer à sa propre incrimination. Le Conseil constitutionnel y fait d’ailleurs directement référence dans sa décision.

La troisième proposition, la plus importante à mon sens, concerne le rôle de l’avocat dans le cadre de la garde à vue. Il doit évoluer vers une prise en compte accrue des droits de la défense.

Il s’agit, en premier lieu, d’allonger d’une durée raisonnable – au moins deux heures – la durée de l’entretien de la personne suspectée avec son avocat.

Il s’agit, en deuxième lieu, de permettre à l’avocat d’accéder au dossier pénal. C’est une autre exigence fondamentale si l’on souhaite que l’avocat puisse préparer la défense de son client et trouver des preuves à décharge. Ainsi, l’avocat disposera d’éléments suffisants pour préparer l’interrogatoire.

Il s’agit enfin, en troisième lieu, d’autoriser l’avocat à assister aux interrogatoires. Sur ce point aussi, la Cour européenne des droits de l’homme a été claire : cette présence doit être considérée comme un principe.

La commission des lois nous a dit que ces propositions n’avaient pas leur place dans cette réforme… Je ne vois pas pourquoi on ne les y intégrerait pas ! Je sais que Mme Alliot-Marie a présenté hier un projet de loi au Conseil d’État pour recueillir son avis, mais dans combien de temps ce projet de loi arrivera-t-il au Sénat ? Or la situation des gardés à vue est proprement inhumaine !

M. le président de la commission des lois lui-même a souhaité une accélération dans le règlement de cette grave question. Nous avons là une opportunité : saisissons-la !

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