Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 8 septembre 2010 à 14h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Articles additionnels après l'article 1er

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Cet amendement découle de tout le débat que nous avons eu sur la garde à vue. Tout le monde était d’accord, me semble-t-il, sur la nécessité de réviser notre législation en la matière, et ce avant même qu’intervienne la décision du Conseil constitutionnel.

Cette décision était d’ailleurs prévisible depuis longtemps puisque la France avait été alertée – pour ne pas dire blâmée ! – par des instances européennes quant à ses conceptions et pratiques concernant la garde à vue.

Chacun reconnaissait donc la nécessité de réviser le système de garde à vue, y compris la garde des sceaux, qui, à l’occasion du débat sur des propositions de lois déposées au Sénat, avait fourni quelques explications et esquissé quelques pistes.

Cet amendement reprend grosso modo les éléments de notre propre proposition de loi portant réforme de la garde à vue et concerne d’abord les mineurs, puis les garanties de la défense des gardés à vue et, enfin, les conditions mêmes de la garde à vue.

On peut prévoir la réponse qui va nous être opposée puisque le Gouvernement, fort opportunément, vient de déposer un projet de loi sur ce sujet. Mais ce projet de loi ne sera pas adopté demain matin ! Or la LOPPSI 2 pourrait être le cadre d’une évolution de la garde à vue et serait même très appropriée puisqu’il faut agir aussi rapidement que possible dans la mesure où, comme l’a observé ma collègue Alima Boumediene-Thiery, il va y avoir de très nombreuses gardes à vue qui ne respecteront pas les exigences mentionnées dans la décision du Conseil constitutionnel.

Le projet du Gouvernement, on l’a vu, tend à réserver l’application de la garde à vue aux personnes suspectées de délits passibles d’emprisonnement. Le débat sur ce sujet avait déjà eu lieu dans notre assemblée : c’est déjà exactement ce qui se passe aujourd’hui ! Et la LOPPSI 2 ne va rien arranger ! Mais, même sans prendre celle-ci en compte, aux termes du code pénal, le vol simple est passible de trois ans de prison ; les chauffards, eux-aussi, encourent des peines de prison… Bref, des peines d’emprisonnement, il y en a autant comme autant ! C’est pourquoi nous souhaitons limiter les mesures de garde à vue aux cas où une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans est susceptible d’être encourue.

Par ailleurs, nous avons également déjà eu ici même un débat avec la garde des sceaux au sujet de l’audition dite « libre ». De quoi s’agit-il en réalité ? C’est une sorte de garde à vue « allégée ». Mais, pour l’intéressé, s’il ne peut pas sortir, c’est la même chose ! C’est pourtant présenté comme une alternative au placement en garde à vue. On est là en pleine hypocrisie puisque la personne qui ne veut pas participer à l’audition libre est mise en garde à vue. Il est clair que cette audition libre permet en fait à la police d’obtenir des aveux avant que l’avocat ne soit présent. Dès lors, l’exigence de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil constitutionnel selon laquelle le gardé à vue doit bénéficier immédiatement de la présence de sa défense n’est pas respectée.

Tout cela mérite donc réflexion. Nous aurons probablement l’occasion d’en débattre lorsque le projet de loi sera en discussion, mais je crois que la LOPPSI 2, qui va précisément aggraver les peines, pourrait être l’occasion de faire œuvre de parlementaires, c’est-à-dire d’essayer de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et, plus largement, de discuter de la condition et des droits des personnes gardées à vue.

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