Intervention de Cathy Apourceau-Poly

Réunion du 4 juin 2019 à 14h30
Organisation et transformation du système de santé — Article 2

Photo de Cathy Apourceau-PolyCathy Apourceau-Poly :

Madame la ministre, vous êtes sensible aux liens et conflits d’intérêts qui peuvent exister dans le domaine de la recherche, mais vous avez rejeté, à l’Assemblée nationale, un amendement proche de celui-ci, au motif que son adoption conduirait de facto à interdire les stages dans les maisons de santé ou les établissements privés. Nous sommes d’accord sur le fond, et nous espérons donc que vous soutiendrez notre amendement, qui est rédigé différemment.

Il y a aujourd’hui une problématique très importante de neutralité économique et commerciale à l’université. Les politiques successives de restrictions budgétaires et le développement des fondations privées en matière d’enseignement supérieur et de recherche ont conduit les universités à se tourner vers les entreprises privées pour financer leurs projets.

Ainsi, la société de préparation pharmaceutique Genzyme et sa concurrente AstraZeneca ont versé respectivement 46 000 et 31 000 euros à certaines universités. Selon le mensuel Alternatives économiques, la conception selon laquelle « les médecins qui n’ont pas de liens d’intérêts sont des médecins sans intérêt » prévaut trop souvent. C’est ainsi que les universités de Strasbourg, d’Amiens ou de Paris VII ont signé entre 150 et 534 conventions avec des laboratoires privés leur fournissant moyens humains et matériels, pour un montant pouvant atteindre 80 000 euros.

En outre, de nombreux enseignants en médecine sont des praticiens ou d’anciens praticiens qui, après des années d’exercice, parlent parfois plus facilement de tareg ou d’irbésartan que d’anti-angiotensine. Dans le cadre de l’enseignement, ils conditionnent donc leurs étudiants à l’emploi de produits et de marques définis plutôt qu’à celui des substances médicamenteuses contenues dans lesdits médicaments. Cette situation pose forcément plusieurs problèmes majeurs. Elle influence la future pratique des étudiants et elle renforce la porosité entre l’enseignement supérieur et le secteur privé, avec des risques de dérapage : absence d’esprit critique quant à la qualité des produits, influence sur les contenus enseignés, captation des étudiants jugés prometteurs…

Il nous semble donc que le Gouvernement doit aujourd’hui se mobiliser fortement sur la question de la neutralité économique de l’enseignement supérieur et de la recherche, ne serait-ce que pour appuyer les efforts faits par certains enseignants et étudiants en médecine, qui dénoncent ces pratiques douteuses.

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