Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du 4 juin 2019 à 14h30
Organisation et transformation du système de santé — Article 2 bis

Agnès Buzyn :

De nombreux sénateurs présents aujourd’hui n’étaient pas là hier, lorsque nous avons discuté des stages. Je souhaiterais donc faire quelques rappels.

Tout d’abord, le problème de la démographie médicale est aujourd’hui mondial : aucun pays n’a suffisamment formé de médecins. Eu égard notamment au vieillissement de la population et au fait que les populations de nombreux pays sortis de la pauvreté ont aujourd’hui besoin d’accéder aux soins, le directeur général de l’OMS soulignait, la semaine dernière, qu’il manquait 12 millions de soignants à travers le monde. J’ai réuni les ministres de la santé des pays du G7, voilà quinze jours, ainsi que ceux des pays du G5 Sahel : tous les pays se font aujourd’hui concurrence pour attirer des médecins.

La métropolisation des médecins, qui choisissent de s’installer dans des zones urbaines plutôt qu’en milieu rural, est un autre phénomène de portée internationale : tous les pays cherchent à améliorer l’attractivité des zones rurales. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi l’organisation des soins primaires, la lutte contre les déserts médicaux et l’échange de bonnes pratiques entre pays pour rendre plus attractif l’exercice médical dans les territoires ruraux comme thématiques du G7 Santé qui s’est tenu en France cette année. La situation que nous vivons n’est pas spécifiquement française ; elle est internationale.

Aujourd’hui, les jeunes médecins cherchent à exercer en coordination avec d’autres professionnels de santé. Ils n’ont pas envie d’un exercice isolé. C’est pourquoi nous prévoyons, au travers de ce texte, de doubler le nombre de centres de santé et de maisons de santé pluriprofessionnelles. Les territoires parvenant à recruter des jeunes médecins sont ceux qui se montrent particulièrement actifs en termes de création de maisons de santé pluriprofessionnelles – je pense notamment à l’Aveyron, exemplaire sur ce plan.

En outre, l’article 2 du projet de loi vise, comme vous le souhaitez, à favoriser la découverte de nouveaux modes d’exercice, en service de PMI, en médecine du travail, en médecine scolaire, en exercice libéral, en zone sous-dense… Nous manquons de médecins partout, dans tous les secteurs, et nous ne pouvons privilégier uniquement l’exercice libéral. Comme l’a souligné Mme Cohen, nous manquons de praticiens hospitaliers : dans les hôpitaux généraux, 27 % des postes sont vacants. Nous devons donc également encourager l’exercice hospitalier.

Les amendements dont nous discutons visent à permettre à des étudiants de découvrir l’exercice libéral en zones sous-dotées. Si l’on veut qu’ils s’y installent au terme de leur cursus, il faut rendre cette découverte attractive. L’objectif n’est pas de contraindre de jeunes internes tout juste formés, avec une qualité de médecine balbutiante, à passer six mois en zone rurale avant de repartir en courant parce qu’ils auront été confrontés à des cas complexes sans pouvoir demander un avis à un spécialiste, sans bénéficier d’aucune supervision. Une telle situation ne pourra que les angoisser et ils n’auront qu’une seule envie : retourner dans un hôpital ou dans une zone où leur exercice sera supervisé.

Afin que ces étudiants puissent être pris en charge dans de bonnes conditions, nous vous proposons, au travers du projet de loi, de diversifier les lieux de stage et de multiplier le nombre de maîtres de stage universitaires, que nous augmentons aujourd’hui d’environ 20 % par an.

Nous partageons le même objectif, à savoir structurer les soins primaires. Le texte vise à donner aux acteurs des territoires des outils à cette fin. Vous ne réglerez pas le problème de la désertification médicale par une unique mesure emblématique, en envoyant de jeunes internes en zones sous-denses, sans accompagnement ni formation : ils n’auront pas envie d’y rester.

Nous vous proposons de mettre en place des outils destinés à renforcer l’attractivité de cet exercice, afin qu’il reprenne toute sa place dans les choix d’installation des jeunes médecins. Le Gouvernement entend la souffrance des territoires : l’ensemble du projet de loi a vocation à y répondre. Je le redis, ce n’est pas par une mesure unique que l’on pourra régler le problème de la désertification médicale, qui est d’ampleur internationale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion