Je pense depuis le premier jour qu’il y a urgence à agir. Depuis le mois de juin 2017, je travaille sur un plan d’urgence d’accès aux soins. Celui-ci a été annoncé. Il contient des mesures facilitatrices pour l’installation des médecins, pour le cumul emploi-retraite, pour créer des postes d’assistants salariés, des postes d’assistants spécialisés dans les outre-mer. Il a été présenté par le Premier ministre au mois d’octobre 2017.
J’ai souhaité ensuite aller vers une transformation beaucoup plus globale, en utilisant tous les leviers possibles : la formation, le financement de la médecine, le numérique, l’organisation. J’ai fait travailler des gens pendant un an. Le résultat, c’est ce texte.
Le groupe de travail a proposé un plan global : « Ma santé 2022 ». Ce plan va bien au-delà de la loi. Ce que vous voyez aujourd’hui n’est qu’une partie de la transformation. Comme je l’ai souligné, il y a dans la transformation du système de santé des leviers réglementaires, des leviers conventionnels – j’en ai parlé –, des leviers financiers, qui seront dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et des leviers législatifs, que vous examinez aujourd’hui.
Beaucoup d’entre vous me disent que cela ne suffit pas et n’a pas marché. Mais si cela n’a pas marché, c’est parce que, jusqu’à présent, on a pensé le modèle tel qu’il existait auparavant. On a pensé un modèle du XXe siècle, voire du XIXe siècle, avec un médecin qui remplacerait un autre médecin, et on a fait des aides à l’installation.
Je suis fondamentalement convaincue que la médecine a profondément changé. M. le rapporteur et M. Amiel l’ont souligné.
Il n’est pas bien de dire que les médecins n’ont pas de prise de conscience ! Tous les professionnels de santé ont pris conscience de la nécessité de transformer le système. Ils sont engagés au quotidien. Ils rament, et ils le disent. Il n’est pas bien de nier dans cette assemblée la souffrance des soignants, qui existe également.
Par ailleurs, les jeunes sont engagés. Ils sont remarquablement raisonnables. Ils ont un sens du service public. Ils ont un sens de la santé publique et de la prévention. Mais ils nous disent qu’ils veulent exercer dans un cadre collectif. Et vous raisonnez encore avec un médecin qui doit être remplacé par un autre médecin ! Eux ne veulent pas de cet exercice libéral là. Ils veulent exercer collectivement en maison de santé, voire être salariés ; ils préfèrent avoir un salaire tous les mois. Nous devons l’entendre.
Le texte que je vous propose aujourd’hui contient un panel de solutions. Il met l’ensemble des professionnels en responsabilité territoriale. C’est une avancée majeure !
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne vous imaginez pas ce que cela représente aujourd’hui pour des syndicats médicaux d’accepter une responsabilité populationnelle et territoriale. C’est un changement de paradigme complet. Je les en remercie. Je pense, en tous les cas, je l’espère, qu’ils signeront la convention médicale. Cette responsabilité sera celle des communautés professionnelles territoriales de santé. Nous faisons des pas immenses.
Tous les leviers que j’ai pu imaginer avec tous les professionnels, dans tous les groupes de travail, sont dans le plan de transformation proposé. La télémédecine, les changements de financement, les organisations innovantes, les délégations de tâches, les postes salariés, tout y est.
Je n’accepte ni les conventionnements sélectifs ni une telle coercition. Vous dites qu’il suffit d’essayer. Mais il suffit aussi de raisonner ! Songez aux effets pervers immédiats que cela aura sur l’installation de nos jeunes médecins. On a le droit de regarder un peu plus loin ! Ne dites pas que je ne prends pas mes responsabilités. Je les prends complètement. Je me sens responsable de la santé des Français. Sinon, je ne serais pas là.
Je veux terminer par une très belle citation de Nelson Mandela, qui disait : « Que vos choix reflètent vos espoirs et non vos peurs. » Mesdames, messieurs les sénateurs, ce dont nous discutons aujourd’hui, c’est de vos peurs ; ce n’est pas de choix rationnels.