Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du 4 juin 2019 à 21h30
Organisation et transformation du système de santé — Article 4 ter

Agnès Buzyn :

Le présent article, introduit par la commission des affaires sociales, limite à cinq années la durée totale pendant laquelle un médecin peut exercer en tant que remplaçant. Au cours de sa carrière, un médecin ne pourrait donc effectuer plus de cinq années en remplacement.

Moins de 4 % des médecins inscrits au tableau de l’Ordre, au 1er janvier 2018, exercent une activité dite intermittente – remplacements et contrats courts. Cette proportion paraît d’autant moins déraisonnable que le remplacement répond à un besoin véritable des acteurs du système de santé.

Le recours à des remplaçants est en effet essentiel pour assurer la continuité des soins, notamment lorsqu’un médecin prend ses congés. Une diminution du vivier de remplaçants risquerait, dans ce contexte, de laisser des territoires sans médecins pendant plusieurs semaines, chaque année, durant des périodes critiques comme l’été.

Cette diminution pourrait également dégrader le confort d’exercice des médecins, particulièrement dans les territoires les plus fragiles, en limitant leurs possibilités de s’absenter pour motifs personnels ou pour suivre des formations.

Les territoires fragiles, qui peinent à attirer des médecins remplaçants, seraient les premiers à subir les effets de cette dégradation.

Par ailleurs, un médecin qui changerait de situation – en cas de déménagement, par exemple – pourrait se voir interdire de remplacer durant l’intervalle entre deux installations, ce qui limiterait d’autant le temps médical disponible pour la population.

L’exercice, en tant que remplaçant, permet aussi aux jeunes médecins de réfléchir à leur projet professionnel et de préparer leur installation : 81 % des installés ont d’abord été remplaçants exclusifs, selon une récente étude du Conseil de l’ordre.

Restreindre cette possibilité risquerait de dégrader encore l’attractivité de l’exercice libéral et, à l’inverse, de renforcer l’attrait du salariat.

Enfin, il me semble que cet article pose un problème au regard du principe d’égalité, notamment entre les médecins de plein exercice, pour lesquels on érigerait une limite dans le temps à leur capacité de remplacer, et les futurs médecins ayant une autorisation de remplacement qui resterait sans limite. La question de la constitutionnalité d’une telle différence de traitement peut donc se poser.

Le Gouvernement entend privilégier une politique d’accompagnement des débuts d’exercice en libéral. Or, dans sa rédaction actuelle, cet article va à l’encontre de cette dynamique d’installation. Une telle disposition devrait être travaillée de concert avec les représentants des professionnels concernés pour trouver le juste milieu entre liberté d’exercice et adéquate appréciation des intérêts de santé publique.

Pour ces raisons, le Gouvernement propose de supprimer cet article.

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