Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du 5 juin 2019 à 14h30
Organisation et transformation du système de santé — Article 6

Agnès Buzyn :

Je crois que nous sommes tous d’accord sur l’objectif, car chacun est témoin de la difficulté d’attirer les professionnels dans les hôpitaux publics, notamment dans certaines spécialités. Ainsi, nous assistons à une compétition entre les établissements et à une augmentation permanente du recours aux intérimaires, et ce malgré plusieurs décrets qui visaient à réduire la rémunération de ces personnels.

Il est très difficile aujourd’hui de réguler la situation. C’est pourquoi nous souhaitons favoriser des statuts plus souples qui permettent de rendre plus attractifs certains postes de praticiens hospitaliers, notamment dans les spécialités en tension. Je pense par exemple aux anesthésistes : avec des salaires beaucoup plus élevés dans le secteur privé, ils y sont, d’une certaine manière, aspirés, ce qui pose d’importantes difficultés de fonctionnement dans les hôpitaux publics, notamment pour les blocs opératoires. L’absence d’anesthésistes empêche les chirurgiens d’opérer, ce qui diminue l’attractivité de l’hôpital, ainsi que son activité. Chacun mesure les effets pervers de ce manque d’attractivité.

Dans ce contexte, l’article 6 a pour objet de renforcer l’attractivité des carrières médicales hospitalières, en favorisant la diversification des activités de ces professionnels, en permettant la reconnaissance des responsabilités exercées par les praticiens au sein de l’hôpital – je pense notamment à l’exercice de missions administratives – ou au sein des commissions médicales d’établissement, et en augmentant la fluidité des carrières entre la ville et l’hôpital – une meilleure articulation entre exercices libéral et hospitalier est particulièrement importante dans les hôpitaux de proximité.

La concertation en cours permettra de moderniser le statut de praticien hospitalier titulaire, ainsi que les conditions de recours à l’emploi contractuel dans le cadre d’un contrat unique.

Les hôpitaux ont absolument besoin de ces évolutions pour adapter leur politique de l’emploi médical et mieux répondre aux attentes et aspirations des praticiens.

Pour autant, les directeurs d’établissement auront toujours la possibilité de ne pas autoriser un contrat, par exemple s’il accordait trop de temps à l’exercice libéral. C’est une réponse à l’argument selon lequel l’exercice libéral pourrait prendre le pas sur l’exercice hospitalier.

Par ailleurs, nombre de mesures que nous devrons prendre ne relèvent pas de la loi et ne figureront donc pas dans l’ordonnance, mais nous avons besoin d’un support législatif et, si nous ne disposons pas d’un véhicule législatif au moment où la concertation aura abouti, nous risquons de bloquer le processus.

Les premières concertations visant à redessiner le cadre d’emploi médical hospitalier ont été l’occasion pour certaines organisations représentant les praticiens hospitaliers d’exprimer leurs attentes et leurs craintes. Je comprends tout à fait ces réactions et vous pouvez être certains que j’en tiendrai compte dans les arbitrages.

En ce qui concerne la fameuse suppression du concours national de praticien hospitalier, je veux vous rassurer : la procédure de nomination restera nationale, des assurances ont été données en ce sens aux acteurs de la concertation. Alors, pourquoi supprimer ce concours ? En réalité, c’est un faux concours, puisqu’il est sur titres et curriculum vitae et que plus de 90 % des candidats sont admis. D’ailleurs, une grande majorité de ces candidats travaille déjà à l’hôpital et obtient un poste qui était fléché pour eux. En tout cas, nous préservons la possibilité de mettre un terme à la fonction dans la première année qui suit le recrutement ; ainsi, si le praticien hospitalier ne donne pas satisfaction durant cette période, il pourra être mis fin à son contrat.

Madame Cohen, vous m’avez sollicitée sur la question des salaires. La discussion engagée porte en priorité sur la modernisation des conditions d’exercice à l’hôpital d’une manière générale – c’est vraiment, je le répète, la priorité absolue de la concertation en cours. Il ne s’agit pas de négociations salariales, même si évidemment des aspects de rémunération vont être abordés, notamment dans le cadre des missions que nous voulons voir reconnues. La porte n’est donc pas fermée à certaines revalorisations, mais les discussions sur les salaires n’ont pas lieu dans ce cadre.

Enfin, le recours à une ordonnance est nécessaire, parce que la concertation n’est pas terminée. Nous avons besoin d’un temps supplémentaire de discussion avant d’inscrire les différentes mesures dans la loi. Pour autant, je me suis engagée devant la commission des affaires sociales à venir devant elle, avant l’examen du projet de loi d’habilitation, présenter l’ordonnance et ses mesures d’impact, afin que les sénateurs puissent en débattre avec le Gouvernement.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.

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