Merci de me donner l'occasion de m'exprimer sur l'ordonnance relative aux coopératives publiée le 24 avril, qui nous inquiète beaucoup et vous inquiète également, vous qui êtes élus des territoires. Elle aura en effet pour conséquence de dénaturer profondément la relation entre un associé coopérateur et sa coopérative, et donc l'engagement des coopératives sur les territoires, en compliquant sa durabilité.
Nous étions pourtant d'accord sur un certain nombre de sujets : la formation et l'information des adhérents et des responsables, la transparence, et plusieurs points relatifs à l'amélioration de la gouvernance des coopératives. Coop de France a d'ailleurs produit un guide de gouvernance que les coopératives sont en train de s'approprier.
Je précise que la coopérative est un outil collectif détenu par les agriculteurs, qui en sont coresponsables et codécisionnaires dans le cadre de procédures démocratiques. La démocratie, vous le savez, est la plus mauvaise des manières de fonctionner à l'exception de toutes les autres. Elle se traduit par des choix qui dessinent des majorités et des minorités, et qui conduisent à décider, exécuter et rendre compte.
Si nous suivons le Gouvernement sur certains sujets, l'ordonnance dénaturera la particularité de ce mode de fonctionnement, posera problème pour la responsabilisation des responsables de coopératives, qui ne pourront plus décider en tant qu'acteurs durables de l'économie des territoires, et dissuadera un adhérent de s'intéresser à la stratégie de sa coopérative. Cet outil collectif vise la commercialisation de la production de chacun des adhérents ; il n'y a pas de contrat commercial au sens strict.
Le problème des prix abusivement bas peut se poser dans la relation entre la coopérative et ses clients. Nous étions en revanche défavorables à ce que les mesures prévues par l'ordonnance s'appliquent aux relations entre la coopérative et ses adhérents. Il ne s'agit pas de nous déresponsabiliser en matière de prix et d'accompagnement de nos adhérents ; c'est que nous n'avons pas le choix de l'arbitrage des volumes. Une fois les choix collectifs opérés, il faut les assumer. C'est, notamment en période de crise, un mode de gestion collectif un peu particulier.
Je le redis, l'ordonnance aura des conséquences importantes sur l'activité du monde agricole et agroalimentaire sur nos territoires. Nos marges de manoeuvre sont ténues. Nous continuons à travailler, comme nous l'avons toujours fait, avec le cabinet du ministre, même si l'arbitrage a probablement été fait ailleurs. Inquiets, nous comptons à présent beaucoup sur vous pour que les effets néfastes de cette mesure puissent être corrigés.