Commission des affaires économiques

Réunion du 5 juin 2019 à 9h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Mes chers collègues, nous poursuivons ce matin nos travaux de contrôle sur la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, dite loi Égalim.

Comme vous le savez, dès le lendemain de sa promulgation, notre commission a mis en place un groupe de suivi, présidé par Daniel Gremillet, pour mesurer les effets de la loi Égalim au fur et à mesure de son déploiement.

L'objectif n'est pas de produire au bout de quelques mois un rapport sur un seul aspect de la loi et de ne plus s'en soucier par la suite. Il est plutôt de travailler à long terme sur les effets de cette loi pour tous les secteurs : producteurs agricoles de toutes les filières, industriels et grande distribution, bien sûr, mais aussi consommateurs ou encore la restauration collective.

Des points d'étape seront ainsi organisés régulièrement, tant par le biais d'auditions du groupe de suivi qu'en commission, pour relever les points positifs mais aussi les difficultés rencontrées par les acteurs afin de proposer, au plus vite, les correctifs nécessaires. Je rappelle que l'objectif initial de cette loi était l'amélioration du revenu des producteurs agricoles français.

Nous avions reçu au cours des premières tables rondes de janvier et février, juste avant la mise en oeuvre des ordonnances, les producteurs, les transformateurs et les distributeurs, séparément. J'avais pris l'engagement de recevoir les mêmes personnes, mais ensemble cette fois, afin de provoquer un échange de vues devant notre commission pour tirer les premières conclusions des négociations commerciales.

Compte tenu du nombre important d'invités, je vous propose le déroulé suivant.

Vous avez reçu, mes chers collègues, une contribution écrite de nos auditionnés qui détaille leur avis sur les premiers effets de la loi Égalim, notamment au regard des négociations commerciales achevées fin février 2019. En conséquence, il n'y aura pas de discours introductif de chacun de nos auditionnés.

Le président du groupe de suivi, Daniel Gremillet, interrogera donc en premier nos invités. Chacun aura deux minutes de temps de réponse.

Les deux rapporteurs de la loi, Michel Raison et Anne-Catherine Loisier, poseront à tour de rôle une question à l'ensemble de nos auditionnés. Chacun aura encore une fois un temps de réponse de deux minutes par question posée.

Viendra ensuite le temps des questions des sénateurs aux personnes auditionnées.

L'objectif est bien de susciter un échange de vues cordial entre auditionnés, qui sont évidemment conviés à se répondre mutuellement dans le temps de parole qui leur est imparti. Pour la bonne tenue des débats, je souhaiterais que chaque sénateur désigne les personnes auditionnées auxquelles ils adressent leur question.

Si tout le monde a bien en tête cette trame, je laisse de ce pas la parole au président de notre groupe de suivi, Daniel Gremillet.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Le groupe de travail sur les résultats des négociations commerciales annuelles, sous l'égide du médiateur des relations commerciales agricoles, a rendu ses conclusions à la fin du mois d'avril sur les négociations annuelles closes au 28 février 2019.

Après six années consécutives de déflation sur les produits alimentaires, les États généraux de l'alimentation (EGA) avaient suscité un immense espoir. La loi Égalim a pour ambition de stopper cette guerre des prix. Ses premiers effets doivent se matérialiser dès 2019 dans la mesure où la hausse du seuil de revente à perte (SRP) de 10 % est entrée en vigueur dès le 1er février.

C'est sans doute pour cela que des demandes fortes avaient été émises par les fournisseurs, en moyenne de + 4 % par rapport à l'année précédente. Or les chiffres officiels indiquent que les négociations commerciales pour 2019 ont abouti à une nouvelle baisse des prix cette année, de - 0,4 % en moyenne par rapport à l'année précédente. La déflation est plus forte sur les produits frais non laitiers, les épiceries salées et sucrées. Seul le secteur laitier, et dans une moindre mesure les produits surgelés salés, tirent leur épingle de jeu avec une inflation de 1,4 %. Il faut s'en féliciter, tout en gardant à l'esprit trois points.

Premièrement, cette tendance était déjà à l'oeuvre l'année dernière puisque lors des négociations commerciales de 2018, le secteur du lait avait déjà tiré son épingle du jeu, avant même la loi Égalim.

Deuxièmement, cette tendance reste inférieure à la hausse des prix standards du lait de vache entre 2018 et 2019, qui était d'environ + 7 %.

Troisièmement, les négociations commerciales ne couvrent qu'une partie étroite du spectre puisqu'elles ne visent pas les produits sous marque de distributeur ou encore le lait destiné à l'export.

Les chiffres apparaissent donc relativement mitigés. Ma question sera donc la suivante : constatez-vous une amélioration de la qualité des relations entre fournisseurs et distributeurs depuis la mise en oeuvre de la loi Égalim lors des négociations commerciales annuelles ?

Debut de section - Permalien
Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD)

Je ne partage pas l'avis de M. Gremillet : les négociations commerciales se sont déroulées cette année dans un esprit davantage positif que l'année précédente. J'ajoute que la plupart des chiffres qui sont diffusés concernent les grandes marques, lesquelles sont pourtant délaissées par les consommateurs parce qu'elles n'ont pas su évoluer.

Lors des dernières négociations, un effort a été fait en faveur des produits à forte composante agricole, notamment le lait, mais nous constatons que ces augmentations ne bénéficient pas aux producteurs. Cela tend à démontrer qu'il y a un manque de transparence.

Le taux de - 0,4 % qui a été évoqué correspond en fait à l'agrégation de données n'ayant rien à voir entre elles. Lorsque le prix des matières premières de certains produits diminue, dans le même temps, le prix des matières premières d'autres produits augmente. Une fois prise en compte la baisse des cours mondiaux, répercutée sur le consommateur, on constate une augmentation globale des prix, ce qui marque une différence notable par rapport aux années précédentes. Tout autre discours n'est que manipulation.

Debut de section - Permalien
Catherine Chapalain, directeur général de l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA)

Nous avons tous, il y a deux ans, approuvé l'esprit de la loi Égalim, à l'issue d'un diagnostic partagé : la nécessité de recréer de la valeur. La déflation a en effet détruit 5,5 milliards d'euros dans les filières agricole et agroalimentaire en six ans. Les EGA ont permis d'ouvrir entre tous les acteurs un dialogue constructif qui a donné lieu à l'engagement, repris au plus haut niveau de l'État, d'arrêter la guerre des prix.

Quant à la lettre de la loi, nous l'avons également acceptée dans l'objectif de recréer de la valeur pour mieux la répartir, avec une meilleure contractualisation, un encadrement des promotions et un SRP économique.

Pourtant, et c'est la triste réalité des négociations de 2019, la guerre des prix se poursuit via des demandes de déflation. L'ANIA, qui représente 17 000 entreprises de l'agroalimentaire, a ainsi eu connaissance de plus de 800 signalements de mauvaises pratiques. Nous avons constaté, à l'instar du médiateur des relations commerciales agricoles, une déflation moyenne de - 0,5 %. Cette année encore, la loi du plus fort s'est appliquée au détriment des agriculteurs et des entreprises de l'alimentaire.

Debut de section - Permalien
Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA

La mise en oeuvre de la loi a été différée, les dernières ordonnances ayant été prises il y a seulement un mois. Par ailleurs, certains acteurs de la distribution ont empêché la publication d'indicateurs de coût de production. Cela explique les retards au démarrage !

Les producteurs ne sont pas présents dans les boxes de négociation, ce qui pose un problème de transparence ; on peut donc nous raconter n'importe quoi.

Nous avons appris par voie de presse que les groupes Bel, Savencia et Sodiaal avaient pris une initiative positive sur le lait, mais elle relève plutôt de la bonne action. Nous demandons davantage de transparence, et que la loi soit appliquée, voire améliorée, y compris par l'ajout de sanctions. Les chartes et la bonne volonté ne suffisent pas pour atteindre l'objectif poursuivi !

Debut de section - Permalien
Stéphane de Prunelé, secrétaire général du Mouvement E. Leclerc

On mélange des données hétérogènes ! Nos observations portent sur les années 2018 et 2019, le point de départ que nous avons retenu étant la signature de la charte EGA à la fin 2017. L'évolution des comportements de négociation commence donc à partir de 2018.

En 2018 et 2019, pour ce qui concerne les seuls produits agroalimentaires, l'inflation moyenne accordée par nos acheteurs est de 4 points sur les marques internationales et de 8 points sur les marques propres. Je ne partage donc pas le constat d'une dégradation. Les sommes en jeu sont considérables !

On nous dit que les agriculteurs ne bénéficient pas de cette amélioration, mais c'est un problème qui nous échappe. On ne sait pas comment fonctionne le ruissellement ! Manifestement, d'autres acteurs profitent de ces marges supplémentaires.

Debut de section - Permalien
Dominique Amirault, président de la Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France (FEEF)

La loi Égalim n'a pas permis d'atteindre l'objectif visé par les fournisseurs PME de la grande distribution, celui de faire accepter leurs tarifs. La baisse de 0,4 % correspond à une moyenne. Face à l'évolution de nos coûts, nous avons dû réduire nos marges, aux dépends de l'emploi et des investissements.

On constate donc une dégradation des prix nets des produits alimentaires, accompagnée d'une baisse des contreparties pour les PME, alors que nous attendions une amélioration de la situation. Sans négociabilité du tarif, nous ne parviendrons ni à facturer le prix juste ni à revaloriser in fine les revenus de l'amont agricole et le ruissellement ne voudra rien dire !

Les déclarations des directions générales des enseignes et de la FCD sur l'amélioration des relations commerciales nous semblent sincères mais cette volonté ne se traduit pas encore dans les boxes de négociation : les comportements n'évoluent pas assez vite pour que nous puissions créer de la valeur ensemble, ce qui est malsain. Rien n'a changé !

Debut de section - Permalien
Véronique Le Floc'h, secrétaire générale de la Coordination Rurale

Pour les producteurs, le compte n'y est pas.

S'agissant du lait cru, les chiffres de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) font apparaître que, depuis 2001, le prix moyen payé par le consommateur a augmenté de 36 %, ce qui est lié à l'inflation ; en marge brute, la part de la transformation a augmenté de 68 % et celle de la distribution de 100 %, tandis que la part du producteur a baissé de 12 %.

Nos organisations professionnelles ont proposé dès janvier dernier des contrats-cadres aux industriels. Des négociations sont en cours ; nous en attendons l'issue afin de pouvoir rédiger les clauses de ces contrats.

Debut de section - Permalien
Claude Genetay, directeur général d'Intermarché alimentaire international

Il y a un avant et un après loi Égalim. Nous ne voulions ni laisser passer cette occasion unique de faire bouger les lignes pour le monde agricole ni opposer rémunération des producteurs et pouvoir d'achat car nous avons la conviction qu'il est possible de favoriser les deux. Nous avons donc changé de posture lors des négociations et pris des initiatives pour acheter plus cher aux fournisseurs et aux PME qui travaillent avec le monde agricole français.

Les négociations se déroulent différemment avec les multinationales qui n'ont aucun lien avec le secteur agricole de notre pays et nous assumons cette position qui vise à défendre le pouvoir d'achat. Dans ce cas, nous refusons les hausses non fondées et ne cherchons pas de terrain d'entente.

Nous avons trouvé, notamment pour le lait et la charcuterie, des fournisseurs partenaires, qui ont également la volonté d'évoluer et auxquels nous faisons confiance. D'autres fournisseurs n'ont rien voulu entendre. La situation est donc en nette amélioration, mais reste hétérogène.

Debut de section - Permalien
Dominique Chargé, président de Coop de France

Sur la forme, les comportements et les pratiques ont été plus hétérogènes cette année, mais, sur le fond, rien n'a changé et la guerre des prix a continué. Le constat est sans appel : les prix ont baissé de 0,4 %.

La théorie du ruissellement n'a pas fonctionné, car la source a été détournée. Le rééquilibrage a été opéré entre les surmarges faites sur les produits à forte composante agricole et les marges nulles ou négatives sur des produits d'appel ne contenant pas de matières premières agricoles françaises, mais les 650 millions d'euros dégagés n'ont pas servi à la revalorisation des prix à la production ; ils ont été utilisés pour faire pression sur les marques de distributeurs (MDD).

Debut de section - Permalien
Richard Panquiault, directeur général de l'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (ILEC)

Nous sommes plus pessimistes que l'OFPM puisque nous estimons que les prix ont baissé de 0,7 % ou 0,8 %.

Les grandes marques que je représente mènent des négociations qui concernent directement ou indirectement 150 000 agriculteurs. Il ne faut donc pas faire d'amalgames, le discernement est important. On nous dit qu'il n'y a pas de transparence ; honnêtement, c'est du pipeau ! Il y a des moments où il n'y en a pas, il y a des moments où il y en a. C'est vrai du côté industriel comme du côté des distributeurs.

Aujourd'hui, il faut s'intéresser à ce qui s'est bien passé. Des partenariats ont été trouvés. Ils se traduiront par des effets vertueux. Nous devons étudier ces exemples au lieu de nous envoyer des chiffres à la tête...

Debut de section - Permalien
Nicolas Girod, secrétaire national de la Confédération paysanne

Selon nous, la légère inflation que connaît le secteur laitier est davantage liée au contexte mondial - absence de stock de poudre de lait, sécheresse dans une partie de l'Europe, hausse de la demande mondiale - qu'à la loi Égalim.

Le ruissellement, nous n'y croyons pas du tout, et ce n'était d'ailleurs pas l'enjeu de ce texte. L'objectif était plutôt de progresser vers une formation des prix en marche avant. Or les négociations souffrent d'un manque de transparence, qui empêche de bien connaître la répartition de la valeur ajoutée. Philippe Chalmin, président de l'OFPM, regrettait de ne pas pouvoir donner une vision globale de la rentabilité des produits laitiers en France. Si lui n'y parvient pas, il y a un bug quelque part ! Il imputait ce problème à « un faible enthousiasme des intéressés »...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Je suis d'accord avec M. Panquiault, il faut se méfier des amalgames et des moyennes. M. Girod a fait également une remarque importante en nous invitant à considérer les cours nationaux et mondiaux des produits alimentaires.

Prenons l'exemple du cours du porc au cadran breton qui était relativement bas tout au long de l'année 2018 et a servi de base aux négociations commerciales. Depuis le début du mois de mars, le cours a pris près de 20 % partout en Europe en raison de la peste porcine africaine qui décime une part importante du bétail chinois. Cette hausse va sans doute durer dans la mesure où l'épidémie ne fait que commencer. Mais les renégociations sont très difficiles.

La loi Égalim permet-elle de mieux prendre en compte les évolutions des cours des matières premières et de faciliter la renégociation ?

J'en profite pour rappeler que nous ne faisons pas ici de procès, mais notre travail de parlementaires qui est de suivre les effets de la loi.

Dans les résultats des négociations commerciales, on constate également des différences selon la taille des entreprises. On nous a fait part de certaines inquiétudes portant sur le traitement des PME. Pour Mme la secrétaire d'État Agnès Pannier-Runacher, ces entreprises auraient été plutôt mieux traitées, ayant bénéficié finalement d'une inflation pour leurs produits. Toutefois, certains chiffres qui nous sont parvenus sont très inquiétants, notamment pour ce qui concerne les producteurs de produits sous marque de distributeur (MDD).

La loi Égalim a-t-elle les mêmes effets sur l'ensemble des acteurs ? Qu'en est-il pour les MDD, les PME et les négociations sur les produits frais ? Offre-t-elle un cadre suffisamment souple pour répondre à la diversité des produits alimentaires vendus ? Car le commerce a besoin de souplesse, mais aussi de morale.

Debut de section - Permalien
Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD)

S'agissant des renégociations, l'essentiel existait déjà dans les lois précédentes, et il n'y a pas de changement majeur dans la loi Égalim.

Sur le porc, nous avons pris l'initiative de la réouverture des négociations, dans le respect du droit de la concurrence. Des accords ont d'ores et déjà été signés, qui portent sur les MDD. Nous faisons face à un bouleversement total du marché mondial et la situation est évolutive : la moitié du cheptel mondial pourrait disparaître ; les renégociations, complexes, sont néanmoins en cours.

Nous avons également pris l'initiative de la création d'un observatoire des négociations commerciales.

Sur les effets de la loi Égalim selon les acteurs, on constate que l'évolution du marché est favorable depuis quelques années aux PME, dont les produits se vendent mieux dans les hypermarchés que ceux des grandes marques. En bonne logique économique, les PME sont donc mieux traitées durant les négociations. Celles-ci, en revanche, ne concernent pas les MDD.

Debut de section - Permalien
Catherine Chapalain, directeur général de l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA)

S'agissant du prix du porc, 74 % des entreprises sont encore en cours de renégociation. Seules 7 % des entreprises de ce secteur ont vu leur hausse de tarif acceptée. La situation est encore pire pour les MDD que pour les marques nationales. Sans réelle volonté de la grande distribution de jouer le jeu, sans rééquilibrage du rapport de force, et à défaut d'assurer la primauté du tarif, il ne sera pas possible de renégocier.

On a observé, cette année, des initiatives plus vertueuses que d'autres lors des négociations. Le groupe Horizon a ainsi fait un effort de dialogue et de concertation.

Debut de section - Permalien
Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA

Pour ce qui concerne la renégociation, la loi Égalim a permis de réduire les délais, mais pas autant que nous le souhaitions. Nous regrettons que les indicateurs de prix de marché ne soient pas pris en compte ; je pense, par exemple, aux fluctuations du cours du porc. Il faudrait davantage de transparence, ce qui sera le rôle de l'observatoire des négociations commerciales.

L'augmentation du SRP et l'encadrement des promotions sont nécessaires. Mais comment agir par rapport aux MDD, qui sortent de ce champ et sont utilisées par les distributeurs pour poursuivre la guerre des prix ?

Debut de section - Permalien
Stéphane de Prunelé

Le SRP s'applique aussi aux MDD !

Les négociations visant à revaloriser le prix du porc, dont le marché connaît une situation totalement atypique, aboutiront dans les semaines qui viennent. Il y a un effet pervers lié à l'explosion de ce prix : elle rend plus difficiles la contractualisation et le respect des contrats, car les producteurs sont tentés de profiter du formidable appel d'air que représente le marché chinois pour vendre leur production en Chine plutôt que de respecter leurs engagements de volume.

Mon groupe a accordé aux PME, qui lui fournissent la quasi-totalité de ses produits d'origine française, deux fois plus d'inflation qu'aux multinationales avec il travaille.

J'ajoute que les produits des PME créent aujourd'hui plus de valeur et de croissance que ceux des multinationales ; ils sont donc, tout naturellement, mieux rémunérés.

Debut de section - Permalien
Dominique Amirault, président de la Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France (FEEF)

Le relèvement de 10 % du SRP n'a pas les mêmes effets en fonction de la taille des entreprises ; il permet un discernement en faveur des multinationales et des grandes marques, ce qui nuit aux marques PME. On observe ainsi un repli des ventes de celles-ci depuis le début de l'année. Après une croissance ininterrompue depuis cinq ans, les marques PME ont donc connu un coup d'arrêt ; c'est un effet pervers de cette mesure.

Autre effet perturbateur des relations commerciales : l'encadrement des promotions en volume. Si l'encadrement en valeur à 34% peut se comprendre politiquement, pour lutter contre la guerre des prix en aval, celui en volume a des conséquences négatives sur certaines filières. Il faut arrêter de jouer aux apprentis sorciers en perturbant, via la loi, la vie normale des marchés et des affaires.

Debut de section - Permalien
Véronique Le Floch

Je suis d'accord avec M. Amirault sur l'avantage que donne aux grandes marques le relèvement de 10 % du SRP.

Compte tenu du prix du porc à l'exportation, on peut se demander quel est l'intérêt pour les producteurs de vendre à l'international...

Debut de section - Permalien
Claude Genetay, directeur général d'Intermarché alimentaire international

Intermarché traite différemment - et assume cette position - les sociétés, qu'elles soient PME ou multinationales, qui ont un lien avec le monde agricole, et celles qui n'en ont pas.

Il n'y a en revanche aucune différence de traitement entre les marques nationales et les MDD.

Debut de section - Permalien
Dominique Chargé

Le prix payé à un producteur correspond à la moyenne de la somme des marchés de l'entreprise à laquelle il livre sa production, de lait par exemple.

Le secteur du porc est dans la même situation que celui du beurre voilà deux ans : il est tout aussi difficile d'obtenir des hausses qui soient représentatives du marché.

Lors des négociations, les marques nationales ont subi, en volume, une forte contrainte au profit des MDD. Même si celles-ci ne font pas partie du périmètre des discussions, il y aura des effets collatéraux indéniables dont l'une des causes est l'absence de ruissellement.

Debut de section - Permalien
Richard Panquiault, directeur général de l'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (ILEC)

La majoration du SRP et la péréquation entre marques nationales et MDD sont des questions majeures.

Il y a une spécificité française ; nous avons du mal à prendre en compte les évolutions de prix de marché lors des négociations. C'est un problème de comportement, qui induit de nombreux effets pervers. Les mécanismes sont faussés.

Pour ce qui concerne le prix des matières premières, lors des cinq ou six dernières années, la déflation a été constante, oscillant entre 6 %, 8 % ou 10 %. Il faut donc adopter une perspective plus générale.

Je remercie M. de Prunelé d'avoir cité des chiffres précis sur la différence de traitement opérée par son groupe entre les PME et les grandes marques. Le discernement pratiqué dans ces conditions est vertueux et productif.

Debut de section - Permalien
Nicolas Girod, secrétaire national de la Confédération paysanne

Si l'on abandonnait l'idée du ruissellement au profit de celle d'une formation du prix en marche avant, la question de la renégociation serait moins urgente. S'agissant du porc, par exemple, les prix devraient être établis en fonction du coût de production assumé par les éleveurs. La dérégulation totale des marchés et la volatilité des prix participent de la destruction de la valeur, ce qui rend nécessaires des renégociations fréquentes et rapides.

Sur les MDD, peut-être faudrait-il mettre en place des contrats tripartites en chaîne, comme cela avait été suggéré lors des États généraux de l'alimentation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

En théorie, le SRP + 10 devait redescendre en cascade vers les agriculteurs. Or, depuis sa mise en oeuvre, on constate de nouvelles pratiques commerciales dans les grandes surfaces.

J'en veux pour preuve le témoignage des producteurs de fraises de la variété gariguette. Certains distributeurs utilisent chaque année ces fraises pour en faire un produit d'appel quand l'été approche. Ils les vendent alors au niveau du seuil de revente à perte, à savoir en moyenne à 1,99 euro la barquette.

Avec la revalorisation du seuil de revente à perte de 10 %, le distributeur aurait donc dû vendre cette même barquette 10 % plus chère, à savoir 2,19 euros cette année. Or le distributeur a souhaité maintenir son prix de vente au consommateur à 1,99 euro la barquette, comme l'année précédente. Il a réussi à maintenir ce prix qui intègre une revalorisation obligatoire de 10 %, conformément à la loi, en durcissant les négociations avec son fournisseur. En résumé : la hausse du SRP de 10 % s'est traduite, dans ce cas très précis, par une baisse de 10 % du prix d'achat aux producteurs.

Plus globalement, il suffit de parcourir les catalogues des distributeurs pour constater de nouvelles formes d'annonces promotionnelles.

D'une part, les prix sont annoncés en baisse pour les produits sous MDD par les distributeurs. Certains l'ont fait pour près de 5 000 références MDD en 2019 ! D'autre part, des remises sont attribuées sur les cartes de fidélité pour les produits de grandes marques, le plus souvent d'ailleurs avec un taux de 10 %, ce qui nous rappelle étrangement le niveau de revalorisation du SRP. Il convient donc de s'interroger sur la nature de ces nouvelles pratiques commerciales : correspondent-elles bien à l'esprit et à la lettre de la loi Égalim ?

Compte tenu des nouvelles pratiques commerciales, la hausse du SRP va-t-elle bénéficier aux producteurs, comme le prévoit la loi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Cela pose le problème des nouvelles formes de promotion.

Debut de section - Permalien
Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD)

La question du prix des fraises se pose chaque année, qu'il y ait SRP ou pas. Un travail est en cours au sein de l'interprofession de la filière des fruits et légumes frais (Interfel). C'est l'un des cas où le SRP pose des difficultés techniques. Les fraises sont un produit météosensible, soumis à une compétition forte avec d'autres pays européens. Il s'agit d'une question extrêmement spécifique, à laquelle il ne faut pas accorder trop d'importance.

Sur les promotions, les choses sont claires. Ce qui se fait aujourd'hui est strictement conforme aux lignes directrices de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui sont très précises. Aujourd'hui, la première préoccupation des Français est l'augmentation des prix alimentaires. Je suis d'accord avec Dominique Amirault sur les effets négatifs pour les PME, notamment pour les produits festifs et saisonniers.

Nous n'avons pas encore évoqué l'article 1er de la loi Égalim sur l'inversion de la négociation, une disposition essentielle qui n'a pourtant pas encore été appliquée.

Debut de section - Permalien
Catherine Chapalain, directeur général de l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA)

Nous avons tous le sentiment aujourd'hui que le compte n'y est pas. Nous sommes en CDD, voire même en période d'essai, avec cette loi. L'objectif est de la transformer en CDI, et de retrouver l'état d'esprit que nous avions au début des États généraux de l'alimentation. Pour cela, trois conditions sont nécessaires.

D'abord, il faut rééquilibrer la relation. Nous en sommes encore loin. Pour imposer la confiance, il faut respecter le tarif du fournisseur. C'est le nerf de la guerre, et c'est sur ce point que nous devons faire porter nos efforts.

Ensuite, il faut que la loi soit respectée, contrôlée, sanctionnée, afin de faire changer les mentalités. Les pratiques vertueuses de la distribution - et il y en a ! - doivent être davantage récompensées. Les sanctions des mauvaises pratiques sont encore trop faibles.

Enfin, il faut organiser un droit de suite des EGA, et se remettre autour de la table avec un seul objectif : recréer de la valeur et stopper la guerre des prix. Nos destins sont liés, et nous avons une responsabilité collective au-delà de la loi. Le prix le plus bas pour les produits alimentaires n'est pas le prix le plus juste. C'est le combat que nous devons tous mener.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Exercer un droit de suite de la loi est justement ce que nous faisons aujourd'hui !

Debut de section - Permalien
Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA

Je suis d'accord avec M. Creyssel, il n'y a pas que le SRP dans cette loi ! Il faudra bien travailler la question des MDD, qui ne sont pas dans le champ de la loi. Nous devons essayer d'améliorer la loi et de combler « les trous dans la raquette ».

Une même enseigne fait de la publicité sur le prix qu'elle paye aux producteurs de lait - 370 euros les 1 000 litres, alors que le coût de production est de 396 euros -, tout en baissant les tarifs sur 250 références en MDD. Les acteurs de la distribution annoncent faire des efforts, mais cherchent à contourner les dispositifs mis en place.

Il ne faut pas se demander si la loi est bonne ou pas, mais aller au bout, car les producteurs ne peuvent pas attendre. La puissance publique doit faire appliquer la loi. Des ordonnances sur les prix abusivement bas existent : certains comportements sont déjà sanctionnables.

Debut de section - Permalien
Stéphane de Prunelé

Je ne vais pas revenir sur la question du prix des fraises. Pour une fois, mon enseigne n'est pas désignée comme le mauvais élève !

Je regrette que les consommateurs ne soient pas représentés aujourd'hui. Ils ont aussi leur mot à dire sur les conséquences de la loi Égalim.

Debut de section - Permalien
Stéphane de Prunelé

Nous assumons la baisse des prix de 4 500 références de produits MDD, mais je vous ferai remarquer qu'elle ne touche pas les produits agricoles !

La FNSEA a estimé que le SRP + 10 rapportait 650 millions d'euros à la grande distribution. Le ruissellement de notre marge supplémentaire est ainsi réparti : 70 % de celle-ci ont été redistribués aux industriels et transformateurs de l'agroalimentaire sous forme d'inflation ; 20 % aux consommateurs sous forme de baisse des prix des MDD non alimentaires, sans renégociation avec les fabricants ; 10 % à l'État via la TVA.

Certains proposent de revenir à la non-négociabilité des tarifs. C'était la situation qui prévalait avec la loi Galland ! À cette période, les prix en France étaient les plus élevés d'Europe. Nous ferons tout pour éviter de revenir à cette loi néfaste.

Debut de section - Permalien
Dominique Amirault, président de la Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France (FEEF)

En ce qui concerne l'encadrement des promotions, plusieurs fournisseurs nous ont alertés sur le fait que les seuils promotionnels à ne pas dépasser étaient progressivement devenus la norme. Cette dérive est inquiétante.

Il faut rendre compréhensibles et simplifier les réglementations, qui sont trop nombreuses. Les PME ne sont pas armées pour gérer la complexité, qui représente, pour elles, un handicap compétitif. Arrêtons de vouloir tout régenter et d'être complètement déconnectés de la réalité du terrain !

Pour les enseignes, il existe deux manières de se différencier : les marques PME et les MDD, fabriquées à 80 % par des PME. Il ne faut pas faire la guerre aux MDD.

Le tarif qui correspond aux coûts à supporter - fabrication, transformation, commercialisation, innovation... - n'est pas négociable. Il faut facturer ces coûts si l'on veut, en contrepartie, améliorer la rémunération des acteurs de la filière. Quand une marque est référencée par les distributeurs, il faut se donner les moyens de développer le courant d'affaires. Ce sont donc les conditions de vente qui sont négociables. Ne faisons pas la confusion !

Debut de section - Permalien
Véronique Le Floc'h, secrétaire générale de la Coordination Rurale

On ne voit pas d'effet de la loi sur les prix des produits stockables - secs, en conserve ou surgelés.

L'article 44 de la loi Égalim prévoit que les produits d'importation doivent respecter nos normes. La Coordination rurale demande qu'un comité de suivi s'occupe rapidement de faire appliquer cette disposition.

Debut de section - Permalien
Claude Genetay, directeur général d'Intermarché alimentaire international

En janvier dernier, il nous a semblé que le cumul de la hausse du SRP, l'encadrement des promotions et les hausses de prix liées à l'acceptation des tarifs de tous les produits à forte composante agricole finissaient par faire beaucoup ! Nous avons donc voulu nous engager dans une baisse des prix des MDD pour les consommateurs à chaque fois que c'était possible. Cela ne s'est en aucun cas traduit par des baisses de prix d'achat des MDD - nous avons pris sur nos marges.

En ce qui concerne les promotions, les règles sont techniquement claires sur le papier. Appliquer le taux de 34 % est simple. En revanche, la limite des 25 % du volume est, à la fois, une mesure difficile et dangereuse pour les PME.

Difficile, car personne ne peut prédire dans quel volume un produit en promotion sera vendu. Pour les produits saisonniers, comme les glaces, les volumes vendus varient considérablement selon la météo. Or les catalogues sont préparés dix semaines à l'avance. Nous sommes face à un dilemme : si l'on dépasse les 25 % il faut arrêter la promotion, mais comme les catalogues sont déjà imprimés on peut nous accuser de publicité mensongère.

Dangereuse, car des PME, qui ne peuvent pas se payer de force de vente et de publicité, ont un business model basé sur les promotions. Certaines dépassaient allégrement le taux de 25 % : on leur a retiré leur levier principal pour exister. Nous travaillons à trouver une solution.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Certaines PME sont effectivement très inquiètes pour le maintien de leur outil de production et l'emploi.

Debut de section - Permalien
Dominique Chargé

Il ne faut pas confondre la négociation commerciale, laquelle ne pose pas de problème, et la négociabilité du tarif, qui nuit aujourd'hui aux bonnes relations entre les fournisseurs et les distributeurs.

L'encadrement des promotions est une bonne chose, mais une application linéaire peut avoir des effets contreproductifs, notamment sur des produits saisonniers, périssables et météosensibles. Cet encadrement a engendré de nouvelles formes de restitution aux consommateurs via des instruments de type loteries, jeux...

Je regrette que la DGCCRF, dans ses lignes directrices sur les mécanismes promotionnels, s'en soit tenue aux prix qui affichent un taux de réduction et n'ait pas englobé les « prix imbattables », c'est-à-dire des prix bas mais qui ne font pas apparaître de manière visible un taux de réduction. Il faudra revenir sur l'interprétation de ce qu'est un prix promotionné.

Debut de section - Permalien
Richard Panquiault, directeur général de l'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (ILEC)

J'avais cru comprendre que le SRP majoré devait permettre de dégager une marge dont les distributeurs pouvaient faire un usage vertueux. Aujourd'hui, on a l'impression que cette mesure a été imposée et que la grande distribution essaye d'en aménager les effets en baissant les prix des MDD, de telle sorte qu'au final tout s'équilibre et que la manne supplémentaire, chiffrée à environ 600 millions d'euros, est réduite à néant.

Aujourd'hui, les projections évoquent plutôt une revalorisation de 300 ou 350 millions d'euros par le biais de la majoration du SRP. Il faudra se demander dans un an si cette mesure était vraiment utile.

Pour ce qui concerne l'encadrement des promotions, les lignes directrices de la DGCCRF, qui en est parfaitement consciente, laissent aujourd'hui des trous béants. Les acteurs peuvent, ou non, s'y engouffrer : cette décision relève de leur responsabilité et de leur forme de business model. Pour certains, l'encadrement des promotions constitue un problème sévère.

Debut de section - Permalien
Nicolas Girod, secrétaire national de la Confédération paysanne

La majoration du SRP ne permet pas d'éduquer les acteurs : on ne donne pas de récompense sans contrainte et sanction...

Il faut une politique agricole et alimentaire commune qui permette une réorganisation du monde agricole. Pour les fruits et légumes, il faut remettre sur la table le droit de la concurrence européen. La Confédération paysanne revendique des prix minimum d'entrée pour pallier la concurrence déloyale intraeuropéenne.

La montée en gamme est confisquée par une bonne partie de l'agro-business, qu'il s'agisse de distributeurs ou d'industriels. Les interprofessions ont du mal à avancer sur la réalisation de plans de filière incluant une montée en gamme et des indicateurs de coût de production.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Janssens

Ma question s'adresse à Patrick Bénézit. Lundi dernier, Philippe Chalmin, président de l'OFPM, soulignait que le monde agricole était de plus en plus marqué par l'instabilité des prix et des marchés. Aujourd'hui, les prix agricoles dépendraient bien plus des cours internationaux que des prix payés par les consommateurs. Face à cela, il semble plus que jamais indispensable de mettre en place des garde-fous, notamment en sécurisant les indicateurs de coût de production, car les producteurs agricoles ne doivent pas se trouver une nouvelle fois lésés. La FNSEA plaide ainsi pour un recours systématique à l'OFPM afin de garantir le respect des indicateurs de coût de production, un principe qui n'a pas été retenu dans la loi Égalim. Pouvez-vous nous en dire plus sur les conséquences que risque d'engendrer l'absence de ce principe dans le texte ?

Ma deuxième question s'adresse à Dominique Chargé. L'ordonnance issue de l'article 11 de la loi Égalim relatif au statut coopératif agricole assimile le contrat coopératif à un contrat commercial. Cela engendre des inquiétudes très fortes de la part des membres de coopératives agricoles qui craignent de voir le régime coopératif, fondé sur la relation entre l'associé coopérateur et son entreprise, démantelé purement et simplement. Par exemple, la notion de prix abusivement bas n'est pas du tout la même pour une entreprise commerciale et une coopérative. Je rappelle que l'une des missions principales des coopératives est d'assurer la juste rémunération des agriculteurs et de leur apporter des services à coût raisonnable. Le droit coopératif relève du code rural. Selon vous, de quels moyens disposons-nous pour défendre l'exception coopérative française ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Je dirai en préalable : tout ça pour ça ! Nous assistons aujourd'hui à une forme de poker menteur. En réalité, cette loi n'a pas produit les effets attendus, c'est-à-dire une revalorisation du revenu des agriculteurs. Avec une baisse du prix payé aux entreprises de 0,4 %, je ne vois pas comment le ruissellement peut se faire... Je suis producteur laitier depuis 25 ans. Quand je me suis installé, je produisais du lait payé 2 francs le litre ; au mois d'avril dernier, j'ai été payé par ma coopérative au même prix, à savoir 310 euros les 1 000 litres, très loin des 370 ou 396 euros dont on nous parle.

Nous avons auditionné hier des PMI et des PME, notamment du secteur de la charcuterie. En 2017, 17 % d'entre elles avaient des difficultés, contre 30 % en 2019. Cette loi n'a rien réglé : elle n'a ni apaisé les inquiétudes des consommateurs ni amélioré le moral des agriculteurs.

S'il est vrai que l'augmentation du SRP de 10 % a produit une marge bénéficiaire de 300 millions d'euros et que 70 % de cette somme sont rendus à l'industrie agroalimentaire, et si cette somme était reversée aux producteurs, cela revient à une augmentation au mieux de 42 euros par mois pour l'agriculteur ! Cela ne couvre même pas le surcoût de leur facture d'électricité de 6%...

Ma question s'adresse à la grande distribution : comment expliquer que cette loi qui, normalement, devait revaloriser le revenu des agriculteurs par le ruissellement leur rapporte si peu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Bertrand

Ma première question s'adresse à la FCD. Les résultats de la loi Égalim sont très mitigés. Pourtant, pour les consommateurs, les prix ont bien augmenté, en moyenne de 2 %. Le dernier rapport de l'Observatoire de la formation des prix et des marges révèle que, si les agriculteurs peinent à capter la valeur ajoutée, c'est parce que les coûts de production ont parfois augmenté encore plus vite. Les marges nettes des grandes enseignes sont livrées avec un an de décalage et le secteur laitier reste très opaque, en raison de la complexité et de la diversité des logiques industrielles. Or la transparence est la pierre angulaire de cette loi. J'aimerais entendre vos pistes pour améliorer cette situation.

Ma deuxième question s'adresse à la FNSEA. Je suis sénateur du département qui est le premier producteur de France en fruits et légumes. Les producteurs de fraises souffrent énormément de la concurrence espagnole : comment y remédier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Moi aussi, je serais tenté de dire : tout ça pour ça ! Le ministre de l'agriculture lui-même reconnaît que le compte n'y est pas. La loi Égalim n'a pas eu pour le moment de grands effets sur le prix payé aux producteurs. Je ne suis pas un spécialiste de ces questions, mais je me demande si le législateur doit aller plus loin. Doit-il aller jusqu'au bout, comme cela a été suggéré, mais qu'est-ce que cela signifie ?

Les syndicats de producteurs demandent davantage de contrôles et des sanctions, plus dissuasives. Faut-il demander des moyens de contrôle supplémentaires pour la DGCCRF ?

La FNSEA a évoqué, en mars dernier, je cite, « les pratiques illégales en termes de promotions abusives et d'abus de puissance d'achat au travers de demandes financières sans aucune contrepartie, parfois au profit de structures basées à l'étranger ». Elle demandait une intensification des contrôles de l'administration et la publication des sanctions, afin de pointer publiquement les distributeurs qui ne jouent pas le jeu. La FNSEA maintient-elle ses propos ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Un des intervenants a réclamé que les EGA soient vraiment suivis d'effet. En matière de discussion des prix, les choses se font toujours de manière déséquilibrée, au détriment des producteurs.

Je voudrais rappeler l'esprit des EGA : il s'agissait d'une idée de Nicolas Hulot, et la condition pour qu'il entre au Gouvernement. L'idée était d'aller vers une juste rémunération des prix de la production et vers une évolution des modes de production - n'oublions pas les problèmes climatiques et de la biodiversité - et de consommation. Il serait bon que les consommateurs soient représentés ici, tout comme les ONG.

Il faut redonner la valeur de l'aliment aux consommateurs, car ce n'est pas une denrée comme les autres.

Ma question s'adresse aux deux syndicats, la Coordination rurale et la FNSEA : que pensez-vous de l'idée de la Confédération paysanne de demander collectivement la mise en place de contrats tripartites ? Les coûts de production intégrant une rémunération décente des emplois agricoles doivent servir de base aux discussions.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylviane Noël

Ma question s'adresse au représentant des coopératives. La dernière version du projet d'ordonnance visant à modifier le statut des coopératives agricoles entendait détricoter ce statut, ce qui aurait de lourdes conséquences sur leur organisation. Elle imposerait notamment la notion de prix abusivement bas au contrat d'apport coopératif et prévoirait la possibilité de saisir le médiateur des relations commerciales en lieu et place du système de médiation actuel. Par ailleurs, les membres de ces structures qui décideraient de diminuer la rémunération de leurs apports en raison de débouchés insuffisants pour leurs produits pourraient être sévèrement sanctionnés.

Quelle est donc votre position sur ce projet d'ordonnance ? Quels sont les risques que pourraient encourir les structures coopératives en modifiant leur statut ? Comment les parlementaires peuvent-ils aider les coopératives à continuer à insuffler du dynamisme dans nos territoires, au nom du développement agricole et du rayonnement économique local ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noëlle Rauscent

Ma question s'adresse à M. de Prunelé et à la FNSEA.

En ce qui concerne les bovins, je ne vois pas aujourd'hui d'évolution du prix payé à l'éleveur : la difficulté d'organisation en filière en est-elle la cause ? Probablement, mais je ne pense pas que ce soit la seule explication.

Debut de section - Permalien
Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA

Je rappelle ce que dit le rapport de l'OFPM : pour la quasi-totalité des filières, surtout les filières d'élevage, les coûts de production ne sont pas couverts par les prix. C'est le point de départ incontournable de l'analyse.

Nous avions fortement souhaité que le législateur puisse s'appuyer sur l'OFPM pour l'élaboration d'indicateurs de coût de production neutres et indépendants. Le législateur ne l'a pas souhaité. Résultat : la grande distribution, notamment dans la viande bovine, a tout fait pour retarder la sortie des indicateurs, et de façon presque insolente puisque la rémunération des producteurs ne devait pas même apparaître. Bref, nous avions anticipé ce problème. La FNSEA ne veut pas jeter le bébé avec l'eau du bain, mais combler les trous dans la raquette - dans la viande bovine comme dans d'autres interprofessions, comme les fruits et légumes.

À propos des fruits et légumes, les EGA sont un ensemble : outre la constitution du prix qui, pour nous, devrait partir du coût de production, il faut tenir compte du contexte économique. C'est ce que faisait l'article 44 de la loi Égalim en interdisant les distorsions de concurrence. Les distributeurs ont là une véritable responsabilité : faire appel à des productions importées pour faire baisser les prix, ce n'est pas tout à fait l'esprit des états généraux...

Les fruits et légumes sont le segment de marché le plus exposé - peu de distributeurs osent acheter de la viande ou du lait étrangers. Nous attendons du Gouvernement qu'il applique et étende cet article, et que la DGCCRF mène ses contrôles.

Je partage ce qui a été dit sur les lignes directrices de la DGCCRF, qui nous semblent extrêmement légères compte tenu des textes. Dire qu'on ne peut modifier les catalogues ou que les promotions sont un danger pour certaines PME, ce n'est pas non plus l'esprit des États généraux. Considérer que faire des promotions de 34 % rendra de la valeur à la production, c'est un considérable pas en arrière.

Les promotions, ce sont toujours les agriculteurs qui les paient à la base.

Certaines enseignes ont fait des produits bio des produits d'appel. C'est une catastrophe, car cela tue la montée en gamme ! Vendre le lait bio moins cher que le lait conventionnel quand on explique aux agriculteurs français qu'il faut monter en gamme, c'est dissuader de s'y essayer !

Nous avons beau faire partie des pays appliquant le plus de règles environnementales et dont l'agriculture est la plus durable, nous pouvons faire mieux avec des indicateurs de coût de production pour le bio ou pour la montée en gamme. L'indicateur de coût de production pour le lait conventionnel est de 396 euros, contre 500 euros pour le lait bio. C'est sur ces sujets qu'il faudra atteindre les objectifs fixés.

Debut de section - Permalien
Stéphane de Prunelé

Sur le ruissellement, les choses sont un peu paradoxales. La loi Égalim est une bonne loi, et nous avons l'objectif d'être de bons, sinon les meilleurs, élèves dans son application, mais nous avons toujours trouvé que le relèvement de 10 % du SRP était non seulement inutile mais inefficace. Pour une raison simple : personne ne sait le faire ruisseler sur les agriculteurs - le calcul sommaire que j'ai fait tout à l'heure en est la preuve. À moins que les 70 % de la marge supplémentaire que nous reversons aux industriels agricoles et agroalimentaires soient répercutés sur les agriculteurs... Mais la transparence est refusée par les industriels, sur lesquels nous pouvons constater que cela ruisselle.

Quant au fait que nous en redonnons une partie aux consommateurs : c'est notre métier de commerçant ! Dès lors que nous le finançons sur notre marge, au nom de quoi cela nous serait-il reproché ? Nous pensons que le relèvement du SRP est indépendant de la loi Égalim, et nous avons commencé à appliquer la charte d'engagement bien avant le vote de la loi.

La viande bovine est un marché particulier. Je ne peux répondre que sur la viande bovine industrielle - lorsqu'un commerçant achète deux bovins à un producteur, il s'agit d'un marché de gré à gré, local...

Debut de section - Permalien
Stéphane de Prunelé

Oui. Sur la partie industrielle de la viande bovine, les prix d'achat ont augmenté d'environ 4 %. Demandez à Bigard ce qu'il en fait...

Le chiffre d'affaires que les centres Leclerc font directement avec les producteurs agricoles se situe entre 1 % et 2 % de leur chiffre d'affaires total. Imputer les difficultés du monde agricole aux distributeurs est donc une facilité. Voici d'ailleurs ce qu'a dit le président de l'OFPM en remettant son rapport : « Nous sommes dans un monde agricole de plus en plus marqué au coin de l'instabilité des prix et des marchés. Les prix agricoles dépendent peu, presque pas du tout, des prix payés par le consommateur. Aujourd'hui, le prix du blé ne dépend pas du prix de la baguette, le prix du porc dépend de l'impact de la peste porcine africaine en Chine, et pas du prix de la tranche de jambon. » On voit bien là toute l'ambiguïté qu'il y a dans cette loi et ce mécanisme de ruissellement.

Debut de section - Permalien
Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD)

Vous savez que nous sommes le seul pays au monde à avoir un observatoire des prix et des marges. Des appels ont été lancés à l'échelle européenne pour davantage de transparence, que nous soutenons d'ailleurs. Cet observatoire nous permet de connaître les marges nettes par rayon, ce qui est inédit en Europe, et utile. Nous avons d'ailleurs joué le jeu dès le départ.

La livraison des marges nettes des grandes enseignes avec un an de décalage s'explique simplement : les comptes 2018 des entreprises n'ont pas encore été adoptés par les assemblées générales, et l'Observatoire a besoin de plusieurs mois de travail pour réaliser son rapport. Une fois ces comptes approuvés, ils seront naturellement communiqués.

Le rapport montre cette année deux choses. D'une part, que la marge nette des distributeurs a encore diminué, pour s'établir à 0,8 %. D'autre part, que les prix ne couvrent qu'une partie, non pas, monsieur Bénézit, des coûts de production, mais de l'objectif syndical, que je comprends, d'une rémunération intégrale du capital et d'une rémunération des producteurs équivalant à deux SMIC - ce qui ferait rêver les petits commerçants...

Debut de section - Permalien
Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA

Ce sont des propos scandaleux !

Debut de section - Permalien
Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD)

Je vous rappelle les chiffres de la rémunération des agriculteurs en 2017, issus du rapport de l'OFPM que j'ai sous les yeux : 2,3 SMIC pour les cultures de vente, 2 SMIC pour les bovins, 1,8 SMIC pour les exploitations porcines, 1,6 SMIC pour les naisseurs-engraisseurs en jeunes bovins... À quoi s'ajoute la rémunération du capital. Nous sommes tous favorables à ce que l'ensemble des agriculteurs vivent dignement de leur métier, mais ne dites pas que leur rémunération est égale à zéro !

Que faire de plus ?, nous demandez-vous. Deux choses. D'une part, ce que le préambule du président de l'Observatoire suggère : remédier à l'absence de transparence sur le lait de la part des industriels. D'autre part, faire porter l'effort non pas seulement sur les industriels, les producteurs et les distributeurs, mais sur l'ensemble des entreprises industrielles françaises ou internationales - pour leur part française. Je suis par exemple frappé d'observer que la part française du résultat net de Nestlé, qui s'élève à 10,5 milliards de francs suisses, est inconnue ; de même que la part française de la marge nette de Coca-Cola, qui s'élèvera cette année à 25,7 % ; que la rentabilité des fonds propres d'Unilever sera de 52 % cette année... Nous devrions discuter de ces chiffres, car ils posent problème à nos entreprises qui, comme vous le savez, ne sont pas en très bon état.

Debut de section - Permalien
Dominique Chargé

Merci de me donner l'occasion de m'exprimer sur l'ordonnance relative aux coopératives publiée le 24 avril, qui nous inquiète beaucoup et vous inquiète également, vous qui êtes élus des territoires. Elle aura en effet pour conséquence de dénaturer profondément la relation entre un associé coopérateur et sa coopérative, et donc l'engagement des coopératives sur les territoires, en compliquant sa durabilité.

Nous étions pourtant d'accord sur un certain nombre de sujets : la formation et l'information des adhérents et des responsables, la transparence, et plusieurs points relatifs à l'amélioration de la gouvernance des coopératives. Coop de France a d'ailleurs produit un guide de gouvernance que les coopératives sont en train de s'approprier.

Je précise que la coopérative est un outil collectif détenu par les agriculteurs, qui en sont coresponsables et codécisionnaires dans le cadre de procédures démocratiques. La démocratie, vous le savez, est la plus mauvaise des manières de fonctionner à l'exception de toutes les autres. Elle se traduit par des choix qui dessinent des majorités et des minorités, et qui conduisent à décider, exécuter et rendre compte.

Si nous suivons le Gouvernement sur certains sujets, l'ordonnance dénaturera la particularité de ce mode de fonctionnement, posera problème pour la responsabilisation des responsables de coopératives, qui ne pourront plus décider en tant qu'acteurs durables de l'économie des territoires, et dissuadera un adhérent de s'intéresser à la stratégie de sa coopérative. Cet outil collectif vise la commercialisation de la production de chacun des adhérents ; il n'y a pas de contrat commercial au sens strict.

Le problème des prix abusivement bas peut se poser dans la relation entre la coopérative et ses clients. Nous étions en revanche défavorables à ce que les mesures prévues par l'ordonnance s'appliquent aux relations entre la coopérative et ses adhérents. Il ne s'agit pas de nous déresponsabiliser en matière de prix et d'accompagnement de nos adhérents ; c'est que nous n'avons pas le choix de l'arbitrage des volumes. Une fois les choix collectifs opérés, il faut les assumer. C'est, notamment en période de crise, un mode de gestion collectif un peu particulier.

Je le redis, l'ordonnance aura des conséquences importantes sur l'activité du monde agricole et agroalimentaire sur nos territoires. Nos marges de manoeuvre sont ténues. Nous continuons à travailler, comme nous l'avons toujours fait, avec le cabinet du ministre, même si l'arbitrage a probablement été fait ailleurs. Inquiets, nous comptons à présent beaucoup sur vous pour que les effets néfastes de cette mesure puissent être corrigés.

Debut de section - Permalien
Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA

Je conteste les propos de M. Creyssel. Nous savons lire le rapport de l'observatoire, qui est très clair. Cela fait des années que les coûts de production ne sont pas couverts. Et ils ne prennent pas en compte la rémunération des actionnaires... Un chiffre parle de lui-même : un prix de 3,70 euros pour tel animal, qui passe à 4,70 euros à la vente. Avec un écart d'un euro le kilo pour couvrir les coûts de production, les agriculteurs en viande bovine sont très loin de gagner le SMIC, et vous le savez très bien ! Sinon, la décapitalisation du cheptel français ne serait pas si avancée. Nous perdons des centaines d'éleveurs tous les ans ! Vos propos et la manière dont vous essayez de tordre les chiffres sont donc absolument scandaleux.

Debut de section - Permalien
Richard Panquiault, directeur général de l'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (ILEC)

Je ne laisserai pas non plus passer les propos de M. Creyssel qui, après avoir avancé que les PME tiraient la croissance et que les grandes marques n'allaient pas bien, cite les résultats éclatants de certaines d'entre elles !

Debut de section - Permalien
Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD)

Donnez vos chiffres !

Debut de section - Permalien
Richard Panquiault, directeur général de l'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (ILEC)

Ils sont consultables sur Infogreffe !

En outre, M. Creyssel cite trois entreprises : deux d'entre elles connaissent un plan social, et leurs investissements publicitaires sont en chute libre. Cet indicateur, comme celui de l'emploi, donne une idée de la relative mauvaise santé des filiales françaises de ces groupes. Je ne cherche pas à faire pleurer sur nos adhérents, je dis que ces groupes internationaux ont de plus en plus de mal à investir en France. Se réfugier derrière des rapports annuels mondiaux et choisir comme indicateur la marge nette n'est pas une bonne méthode. En matière de rémunération du capital, le modèle de la distribution n'a rien à voir avec le modèle industriel.

Debut de section - Permalien
Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD)

C'est pour ça qu'il n'y a pas de rentabilité des fonds propres !

Debut de section - Permalien
Richard Panquiault, directeur général de l'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (ILEC)

Il y a enfin un fantasme sur le tripartisme. Je crois que l'on peut travailler sur des accords doublement bipartites ; le tripartisme, en revanche, s'apparente à une entente verticale. Nous, industriels, travaillons avec la distribution, qui est par ailleurs productrice de marques de distributeurs : c'est une limite naturelle à la transparence sur les comptes.

Debut de section - Permalien
Catherine Chapalain, directeur général de l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA)

Je suis moi aussi choquée par les propos tenus par M. Creyssel, qui s'attaque ainsi très fortement aux entreprises de l'alimentaire. Ceux de Richard Panquiault sont tout à fait exacts.

En raison de la guerre des prix, l'industrie alimentaire est la seule à avoir subi une déflation depuis maintenant six ans : 5,5 milliards d'euros ont été détruits dans cette période, alors que l'inflation atteignait 4,4 %. Les résultats de l'alimentaire attestent d'un décrochage de compétitivité majeur, par rapport au reste de l'industrie manufacturière en France, et par rapport à nos concurrents européens. Nous le voyons aujourd'hui sur l'export, et on ne peut se lancer dans l'export sans être solide sur son marché domestique. Lors des États généraux, nous étions tous d'accord pour fixer un objectif de recréation de valeur. Nous n'y sommes pas encore. La vraie question est de se donner les moyens d'y parvenir.

Debut de section - Permalien
Véronique Le Floc'h, secrétaire générale de la Coordination Rurale

Je reviendrai d'un mot sur le rapport de l'Observatoire. L'échantillon « bovins lait spécialisé plaine » est composé de 121 exploitations ; elles sont 62 dans l'échantillon « lait et culture de vente ». Et les échantillons ne sont pas représentatifs puisque les exploitations choisies font partie des 25 % les meilleures dans le cadre du dispositif Inosys. L'échantillon du réseau d'information comptable agricole (Rica), qui comprend un millier d'exploitations, est composé à 45 % d'AOP ou d'AOC. Les chiffres de rémunération des agriculteurs cités par M. Creyssel, qui sont bien dans le rapport, ne reflètent donc pas la réalité. Si l'on se fiait au rapport, il ne manquerait que 4 500 euros par exploitation laitière pour atteindre les deux SMIC, ce qui est totalement faux.

Un mot sur l'ordonnance relative aux coopératives. Notre contribution s'appuyait sur la faible rentabilité des coopératives françaises sur notre territoire. Les taux de marge nette tournent autour de 0,5 % ou 1 %, quand les autres coopératives européennes sont à 4 % ou 5 %, et Lactalis ou Danone à 8 % ou 9 % : on a le droit d'exiger de la transparence. L'ordonnance évoque la transparence des filiales, mais celles-ci appartiennent à des holdings ! La transparence ne sera donc jamais faite au niveau qui nous préoccupe. Yoplait, filiale de Sodiaal, se vante de vendre 19 000 yaourts à la minute, ce qui représente 4 000 euros de chiffre d'affaires, lesquels ne retombent jamais dans la poche des producteurs. L'Office fédéral allemand de lutte contre les cartels s'était penché sur la question, sans arriver à des conclusions satisfaisantes. Le problème n'est pas que français.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Merci encore pour votre participation à cette table ronde qui, compte tenu du contexte, s'est très bien passée. Ce n'était pas forcément évident. Ce groupe de travail s'inscrira dans la durée. Deux points ont retenu notre attention : la montée en gamme - est-elle une réalité ? - et la part des produits français sur les marchés internationaux - son évolution sera-t-elle supportable par les producteurs et les consommateurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Je m'associe aux remerciements de M. Gremillet. Nous sommes sensibles au travail fourni par nos invités à l'occasion de cette table ronde, dans lequel nous voyons une marque de respect pour le Sénat.

M. Bénézit parle de trous dans la raquette ; on ne réparera pas celle-ci avec une toile, car nous rendrions ainsi notre tissu commercial très administré. La question des promotions doit être reposée. Quelques PME pourraient ne pas passer les deux ans que durera l'expérimentation, uniquement à cause de ce problème. La demande n'est pas forcément issue des distributeurs, elle peut être une stratégie marketing du vendeur et il faut en tenir compte.

Une précision : nous avons traité des prix agricoles, mais non pas exactement du revenu agricole. Ne laissons pas croire que le revenu agricole n'est déterminé que par le prix du produit, et que celui-ci n'est déterminé que par les relations commerciales entre les producteurs et les distributeurs. Faisons donc bien attention à ne pas faire mourir tous les agriculteurs en nous focalisant sur un bouc émissaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Je vous remercie tous d'avoir participé à cette table ronde, qui a été de bonne tenue. Les choses bougent difficilement ; je reconnais les marronniers des relations entre les agriculteurs, les industriels et la grande distribution que sont la transparence et la fixation des tarifs. Nous voyons cependant apparaître, ici ou là, de bonnes pratiques et de bonnes volontés. Ne les décourageons pas. Nous avons du travail, en tant que législateurs, pour continuer à suivre un certain nombre de dossiers issus de la loi Égalim.

Les pratiques sont très hétérogènes. La confection du prix de référence et la consolidation des indicateurs a fait l'objet de longs débats au Sénat et à l'Assemblée nationale. Nous nous pencherons également sur la situation des PME, de même que sur le problème des promotions - de produits périssables, saisonniers, sensibles, etc. -, sachant que le modèle marketing et commercial de l'agroalimentaire est fondé sur des promotions qui ne touchent pas nécessairement l'agriculture française.

Nous travaillerons également sur l'amélioration d'autres aspects de la loi - son article 44, par exemple, sur lequel le Sénat s'est beaucoup investi. Je vous donne rendez-vous dans quelques mois et vous redis notre volonté de travailler avec vous, d'ici là, sur tous ces sujets.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 10.