Intervention de Julien Denormandie

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 5 juin 2019 à 16h35
Projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018 — Audition de M. Julien deNormandie ministre chargé de la ville et du logement sur l'exécution des crédits de la mission « cohésion des territoires »

Julien Denormandie, ministre :

Pour les pensions de famille, il faut identifier les lieux où c'est possible et prévoir de la formation. Nous y avons travaillé, avec Nexity par exemple. L'immense difficulté de l'intermédiation locative est d'identifier les propriétaires acceptant de mettre leur logement à disposition. Je me suis époumoné sur le sujet, lançant des appels, publiant des tribunes, mobilisant les associations ; nous menons encore une campagne de publicité pour alerter nos concitoyens. J'aime autant les propriétaires que les locataires et je suis le ministre des deux, mais j'estime que l'on ne peut être un propriétaire citoyen et posséder un logement vacant. De nombreuses raisons peuvent certes l'expliquer. Je sais bien que l'on peut ne pas avoir les moyens de réhabiliter son logement - je me suis toujours battu contre la caricature du propriétaire nanti, comme celle du locataire indélicat - mais certains estiment qu'il est trop compliqué de gérer un locataire... Bref, nous nous battons pour que tout propriétaire d'un logement vacant en donne les clés à une association ; garantie de loyer, garantie de remise en état du bien, bail classique 3-6-9, tout est alors prévu. J'ai adopté une politique très proactive : des objectifs ont été fixés à chaque préfet de région et j'échange en visioconférence avec eux régulièrement - toutes les semaines en période hivernale, tous les mois ou tous les deux mois sinon - pour savoir où en sont les sorties d'hébergement d'urgence.

La dette du FNAL est aux alentours de 300 millions d'euros et a augmenté de 50 à 60 millions d'euros cette année. C'est encore trop ; nous travaillons à sa résorption totale.

J'en viens à la contemporanéité des aides au logement. Le rendement de la mesure initialement prévu pour l'année 2019 a été revu à la baisse. Cette réforme, qui consiste à calculer le droit aux APL à partir de l'année n et non plus de l'année n-2, est juste, mais aussi extrêmement complexe techniquement. Songez que l'instruction sur le versement des APL fait plus 100 pages, et le tableau Excel recensant tous les cas de figure entre 200 et 300 lignes ! Sans compter que certaines situations ne sont pas prévues dans les mesures de compensation en attendant que la contemporanéité soit mise en place, telle celle de la femme à la tête d'une famille monoparentale travaillant à mi-temps. La réforme est donc complexe, et il faudra s'assurer qu'elle n'aura pas d'effets de bord. Je salue le travail de la CAF, qui mène cette réforme sous la tutelle de la ministre de la santé et du ministre du budget, qui avait déjà été sollicitée lors de la mise en place de la prime d'activité. Nous prendrons le temps nécessaire pour que la réforme se passe bien, car il y va de la situation de millions de personnes.

Le décret relatif à la CGLLS vient de sortir du Conseil d'État. La première réunion de la commission est prévue pour début juillet.

S'agissant des dispositifs fiscaux, l'objectif premier est de donner de la visibilité aux acteurs. J'ai découvert à ma prise de fonction en mai 2017 que tous les dispositifs fiscaux - PTZ, Pinel... - prenaient fin en décembre de la même année : pour planifier des investissements, bonjour ! C'est pourquoi notre première décision a été de les reconduire pour quatre ans, hors les cas particuliers du PTZ en zone rurale dans le neuf, reconduit pour deux ans seulement, et le Pinel en zones B2 et C, que nous avons interrompu. Notre choix politique, que j'assume, consiste à privilégier la rénovation des centres villes qui périclitent au bénéfice de leurs alentours. Le rétrécissement des dispositifs dans les zones B2 et C entraîne toutefois une chute de la construction neuve. La difficulté est qu'une telle décision exige un zonage pour s'appliquer ; or ce n'est pas une bonne approche de l'aménagement du territoire, car la zone B2 de l'Oise n'a rien à voir avec la zone B2 du Bas-Rhin : il peut être absolument nécessaire d'encourager la construction neuve en périphérie ici, et en centre-ville là. Ma priorité est donc à présent de sortir de ce zonage. Nous expérimenterons ainsi un dispositif non zoné en Bretagne, que nous vous présenterons dans les prochains textes financiers. Ce sera une composante du prochain acte de décentralisation annoncé par le président de la République. Je crois beaucoup à la possibilité de rendre les zonages intelligents, c'est-à-dire répondant aux réalités des territoires définies par les élus locaux.

Les QPV font partie des derniers endroits où l'ascenseur social fonctionne encore, mais ceux qui en sortent sont remplacés par des personnes dont les difficultés peuvent être plus grandes encore. Un jeune sur six vit dans un QPV : le défi est donc colossal et nous concerne tous. Je crois beaucoup à la politique de réussite républicaine que nous mettons en oeuvre. La première des libertés est la sécurité ; c'est l'objet de la politique de reconquête républicaine du ministre de l'intérieur. Mais le deuxième enjeu, que connaît tout père de famille, est celui de l'école. J'ai entendu un promoteur dire qu'il tenait compte de l'heure de sortie des classes pour organiser des visites immobilières en-dehors de celle-ci... Vous pouvez faire toute la rénovation urbaine que vous voulez, si vous ne tenez pas compte de l'école, vous n'avez traité que la moitié du problème ! C'est pourquoi il était fondamental pour moi que l'État participe de nouveau au financement de l'ANRU - c'est chose faite, à hauteur d'un milliard d'euros sur les 10 milliards -, pour rénover les écoles. Les 5,7 milliards d'euros que j'évoquais représentent 200 écoles rénovées, et 300 équipements publics. La difficulté de cette politique est qu'elle prend du temps. J'en profite pour indiquer que le 13 juin, nous organiserons un grand événement sur cette politique de réussite républicaine autour de deux piliers : la réussite éducative et l'insertion par le travail.

Madame Estrosi Sassone, la clause de revoyure porte sur trois ans. À la demande des offices publics de l'habitat, nous ferons cependant un nouveau point en 2021, et non en 2022. Sur le volet TVA, nous sommes redescendus à un taux de 5,5 % sur les PLAI, les acquisitions-améliorations et les programmes ANRU.

Je reconnais que l'effort demandé pour atteindre les objectifs était trop important, d'où la clause de revoyure. Nous avons réalisé des analyses macro, mais aussi micro, pour l'ensemble des bailleurs. C'est aussi pourquoi les missions de la CGLLS ont été élargies. Sur ce sujet, nos équipes ont beaucoup travaillé ; je les en remercie, ainsi que les préfets et les responsables de la mission Pierre Quercy et Marie-Dominique de Veyrinas.

Le retard de versement de la contribution d'Action logement au FNAP a été rattrapé et n'a eu aucune conséquence sur la programmation.

Je vous confirme que les rapports seront bien remis au Parlement au 1er septembre 2019.

Améliorer la connaissance des endroits où les dispositifs fiscaux fonctionnent est un énorme enjeu, y compris pour le ministre du logement lui-même... Par exemple, je pouvais jusqu'à récemment vous dire combien de dispositifs Pinel avaient été actionnés mais pas où ils l'avaient été. Dans le même ordre d'idée, le ministère du logement publie tous les trois mois les chiffres de la construction, mais ceux de la rénovation ne sont pas consolidés.

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