La gratuité dont nous parlons n'est pas celle des transports, mais de l'usage des transports. Permettez-moi avant toute chose de dresser le panorama de la mobilité.
L'évolution des mobilités concerne tous les territoires, du plus dense au moins dense. La mobilité du quotidien représente plus de 80 % des mobilités inférieures à 80 km. En outre, il est important de se projeter sur les évolutions démographiques. La ministre des transports, ce matin, a évoqué une augmentation de 7 millions d'habitants dans les trente ans à venir en France. Enfin, il faut prendre en compte la nécessaire transition énergétique, dont on a mesuré l'importance lors du vote aux élections européennes, avec un remplacement significatif voire total des véhicules thermiques par des véhicules zéro émission - l'électricité et à terme l'hydrogène. On peut rajouter les effets d'entraînement de la loi d'orientation des mobilités (LOM). Enfin, il faut prendre en compte la digitalisation, via des plateformes et des partenariats, pour augmenter l'approche et l'offre de services sur le territoire. L'exemple du MaaS (« mobility as a Service ») - qui est une plateforme digitale - permet de prendre en compte l'ensemble des services de mobilité. Ce type d'outil existe à Mulhouse avec le « compte mobilité ». L'expérience la plus aboutie en France verra le jour en septembre à Saint-Etienne : l'usager pourra prendre n'importe quel type de transport jusqu'au parking, au vélo, au covoiturage et avoir, à la fin du mois, une facturation mensuelle de la mobilité consommée. Ces évolutions vont continuer à développer des demandes et des besoins en termes de mobilité.
Transdev, avec sa filière Cityway, est à la pointe en matière de MaaS. Notre entreprise milite également dans le cadre de la LOM pour que l'accès aux données et aux canaux de vente se fasse au bénéfice des autorités organisatrices de la mobilité qui pourront les réutiliser. Nous ne pourrons pas améliorer la situation de l'ensemble des territoires, s'il n'y a pas une approche systémique de la mobilité.
Rajoutons l'augmentation des transports à la demande pour amplifier les services dans les zones peu denses, en particulier les territoires semi-ruraux et ruraux. Enfin, je rajouterai le développement des bus à haut niveau de services (BHNS), qui permettraient d'avoir des pénétrantes permettant de faciliter l'accès à la vie culturelle, à la vie sociale, entre les zones moins denses, les zones périurbaines et les zones urbaines. On peut également évoquer les projets existants de développement de tramways et de téléphériques. Ces services entraînent un accroissement de la fréquentation, mais pas systématiquement une augmentation des recettes, car de nombreux bénéficiaires sont déjà des abonnés, majorant ainsi la contribution des collectivités.
La mobilité de demain peut se résumer ainsi : plus de services, plus d'investissement, et donc des budgets plus importants assumés par les collectivités avec un versement transport qui atteint souvent le plafond légal. D'ailleurs, il faut rappeler que le versement transport est un impôt dit de « production », il fait souvent l'objet d'une contestation de la part des entreprises.
Des exemples de gratuité existent déjà en France dans de nombreuses collectivités territoriales, car la tarification relève des autorités organisatrices de la mobilité. Elle est décidée au bénéfice de certaines catégories de la population : les seniors, les jeunes, les demandeurs d'emplois, les allocataires du revenu de solidarité active (RSA), les familles. On a pu constater que la gratuité pour tous a plutôt été mise en oeuvre dans des réseaux où le ratio recettes/dépenses est faible, de l'ordre de 10 à 15 %, avec un versement transport important et déjà au plafond.
La vocation de Transdev est d'accompagner les collectivités territoriales dans leur vision et leurs choix en matière de politiques publiques. Lorsqu'une collectivité décide de mettre en place la gratuité pour tous, comme à Niort ou à Dunkerque, réseaux dans lesquels nous opérons, nous nous devons d'être force de propositions pour permettre à la collectivité d'atteindre ses objectifs. Ils peuvent être très différents en fonction de la taille de la collectivité, de son territoire, de sa complexité territoriale, de ses caractéristiques de population, de l'attractivité déjà existante de son centre-ville, et des enjeux en termes d'accessibilité aux services publics, à l'emploi, à la culture et à la vie sociale. Voici nos constats : oui, l'usage gratuit pour tous les transports permet d'augmenter la fréquentation. C'est indéniable. À Dunkerque, la fréquentation a augmenté de 50 %.