On peut constater que les collectivités ayant travaillé sur la gratuité ont également travaillé sur la redynamisation de leur centre-ville. Il me semble que c'est un objectif politique qu'il faut accompagner.
En matière de chiffres, je suis comme vous. Il me semble que le laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publique (LIEPP) de Sciences Po Paris a réalisé en 2018 une étude sur la gratuité des transports en commun. Elle indique que le report modal de l'automobile est présent mais très faible. Nous ne disposons pas d'autres chiffres. À Dunkerque, on constate que les habitants d'un quartier viennent plus en masse qu'avant au centre-ville du fait de la gratuité. On se dit aussi qu'on pourrait cibler la gratuité de manière beaucoup plus directe et partielle, plutôt que de mettre en place une gratuité pour tous.
Comment fait-on pour accompagner ces projets ? J'ai en tête les villes de Templin et d'Hasselt, qui sont des exemples que tout le monde va vous citer. Il y a un aspect pionnier dans certains pays. Il est difficile de dire si les résultats sont probants ou pas. Nous n'en avons pas tiré de grands enseignements car l'approche est assez différente.
En matière de financement, on peut réfléchir à une nouvelle taxation. Mais je ne sais pas si le pays est en capacité de le supporter. Lorsqu'une collectivité nous dit vouloir passer à la gratuité totale, nous savons le faire et accompagner ses responsables. La question est de savoir comment la financer : soit une réduction d'autres budgets, soit une augmentation du produit du versement transport. On peut aussi avoir des approches d'optimisation. Mais à un moment donné, les limites sont atteintes et il faut offrir un service de qualité, avec de la fréquence et de la ponctualité. Certes, il n'y a rien de plus facile que de réduire la fréquence, de ne pas faire toutes les lignes, d'aménager moins d'arrêts. Mais, si on veut être sérieux, il faut une offre proposant de la qualité de service, de la ponctualité, et donc in fine la financer par de la fiscalité. En outre, la gratuité conduit vers davantage de besoins et de demandes de services. Les coûts augmentent pour la collectivité : on veut faire plus, rayonner davantage. Le service augmente et n'est plus financé. Ce sont des questions de choix politiques.
On peut simplifier la vie des usagers, c'est l'objectif de tous les dispositifs de MaaS. On peut également cibler la gratuité sur les bonnes personnes. Il ne faut pas oublier de traiter le sujet des stationnements en centre-ville. On observe que là où l'on fait de la dépénalisation structurée et organisée du stationnement de surface, on a des rentrées financières supplémentaires et moins de « voitures ventouse ».
Nous travaillons également avec les collectivités sur le contrôle, la médiation et la sûreté. C'est important pour réduire les taux de fraude. Lorsque l'on met en place la gratuité, il n'y a plus, en théorie, de sujet de compostage ou de validation du ticket. Mais, il faut continuer à gérer la sûreté sur le réseau, à mettre en place des dispositifs qui permettent de faire des arrêts à la demande la nuit. Ces sujets ne doivent pas être oubliés avec la gratuité.