Monsieur le ministre, je voudrais ajouter aux propos de mon ami Michel Sergent et de Thierry Foucaud, mais je vous l'ai déjà dit souvent, que les élus locaux ne sont pas des maniaques de la recette. Nous ne cherchons pas à avoir tous les jours de l'argent, toujours plus d'argent, toujours plus de recettes !
En revanche, les élus locaux sont réalistes. Ils savent très bien que, dans une France qui traverse des difficultés très graves en termes de finances publiques, il serait paradoxal que les collectivités locales de la République connaissent la prospérité absolue et l'argent facile.
Il n'y a pas de démagogie de la part des élus locaux : nous avons pu le constater, les uns et les autres, lors du récent congrès de l'Association des maires de France.
Monsieur le ministre, j'ai fait partie de ceux, au sein du comité des finances locales, qui ont constaté que le pacte auquel vous vous référez était appliqué correctement et était donc strictement conforme à la loi. Il n'y a d'ailleurs pas de contestation sur ces travées à ce sujet : personne ne dira que ce pacte n'est pas appliqué conformément à la loi. Nous souhaitons simplement changer la loi, ce qui est autre chose.
Donc, en aucun cas nous n'avons dit que le Gouvernement n'avait pas respecté ses engagements à l'euro près.
Ce pacte, établi à l'origine par M. Juppé, puis prolongé par le gouvernement Jospin et, ensuite, par le gouvernement actuel, a été créé dans un contexte très différent du nôtre. Depuis la création du pacte et des normes qui s'appliquent au calcul des dotations, il s'est produit un phénomène très simple : la crise est devenue plus aigue et les charges obligatoires des collectivités locales ont fortement augmenté, sous la pression à la fois du législateur, car nous avons voté des lois, et de l'exécutif.
La décentralisation est intervenue pendant cette période : très bien ! Elle a prévu des financements et un bilan en a été dressé ou est en cours : nous en verrons le résultat.
Mais il y a un autre phénomène, monsieur le ministre. Je sais bien que le Gouvernement ne fait qu'un, et je ne vous demande pas de critiquer vos collègues. Mais nous avons tout de même le sentiment que, chaque fois qu'un ministre a une bonne idée le matin, en se levant, il fait voter aussitôt voter une loi plus ou moins généreuse, puis il envoie immédiatement la facture aux collectivités locales.
Monsieur le ministre, il faut que cela s'arrête !
L'objet principal de la conférence annuelle des finances publiques, que vous avez annoncée devant le comité des finances locales, lors du congrès de l'Association des maires de France, que le Premier ministre a également annoncée et dont vous venez de confirmer la tenue, doit consister à parler d'abord de dépenses, avant d'évoquer les recettes.
Et il faudra surtout parvenir à convaincre le Premier ministre d'envoyer des instructions fermes aux ministres, afin que ceux-ci bloquent la mécanique et arrêtent d'avoir, tous les jours, de bonnes idées à nos frais et que la France ne peut plus se payer ! Sinon, monsieur le ministre, il nous faudra vous demander de l'argent supplémentaire tous les ans !
Vous ne pouvez pas, à la fois, dire que l'État serre les boulons dans son secteur et que ses dépenses n'augmentent pas ou très peu, et donner le sentiment que, d'un coup de pied de côté, on bascule ce qui dépasse la ligne de flottaison de l'État sur les collectivités locales, et qu'elles se débrouillent !
S'il doit y avoir une politique financière rigoureuse et difficile, elle doit s'appliquer à tout le monde. Les collectivités locales ne peuvent pas être la « poire pour la soif » ou la solution de facilité pour des ministres qui, ne trouvant pas de financements à Bercy, vont les chercher dans la poche des autres, dans les villes, les départements et les régions.
Bien sûr, je vais voter les amendements n° I-95 et I-137, mais, j'insiste sur ce point, la conférence sur les finances publiques devra commencer par traiter des dépenses.
Il faut cesser de voter des lois qui chargent sans arrêt les collectivités, et de signer des décrets ou des arrêtés qui, du jour au lendemain, ordonnent de changer les vestes et les casques des pompiers pour la troisième fois en deux ans, de modifier telle disposition, de rajouter une indemnité par ici, trois indices de plus par là. À la sortie, nous, élus locaux, n'en pouvons plus !
En effet, même si nous « rabotons » sur les dépenses facultatives - or les dépenses facultatives, c'est tout de même ce qui exprime la liberté locale ! -, comme nous sommes obligés de le faire, le moment viendra, et je vous remercie, monsieur le ministre, de l'avoir reconnu, où certaines collectivités, en particulier les départements, ne pourront plus faire face.
Il y a de petits départements pauvres qui, bientôt, ne pourront plus payer le RMI, les allocations aux handicapés, l'allocation personnalisée d'autonomie, et le reste.
De grâce, monsieur le ministre, ayons une vraie discussion, comme vous savez les mener et comme vous les aimez, au sujet des dépenses, afin que nous puissions tout mettre sur la table, dans la plus grande transparence. Et surtout, sans prétendre revenir en arrière, faites en sorte que le Gouvernement arrête les compteurs pendant deux ou trois ans : cela nous ferait le plus grand bien !