Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du 6 juin 2019 à 21h30
Organisation et transformation du système de santé — Article 13

Agnès Buzyn :

J’ai voulu faire entrer la téléconsultation et la télémédecine dans le droit commun au moment du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, après dix ans d’expérimentation qui n’avaient pas abouti.

J’en suis convaincue, c’est une façon d’exercer la médecine qui s’impose à nous. Elle permet de mieux orienter les malades, de gagner du temps et, parfois, de rassurer – je pense à la télémédecine dans les Ehpad, quand les infirmières sont seules la nuit. Dans de nombreuses situations, elle facilitera grandement la vie à la fois des soignants et, surtout, des usagers.

Pour autant, il ne faut pas en faire un remède miracle qui se substituerait à ce que nous souhaitons, c’est-à-dire à une médecine ancrée dans les territoires, avec des acteurs de santé qui se connaissent, qui connaissent leurs patientèles, qui coordonnent le parcours des malades, qui se parlent et qui orientent les personnes, en cas de besoin, vers un spécialiste ou vers un service d’urgence.

Il me semble que le remède miracle d’une télémédecine accessible via des plateformes ouvertes – c’est contre-intuitif – constituerait probablement une aggravation du ressenti actuel selon lequel la médecine s’éloignerait de plus des citoyens.

Le risque, comme l’a rappelé M. le rapporteur, c’est que, à la fin plus personne, ne veuille s’installer dans les territoires, parce que ce sera tellement plus simple d’être derrière un ordinateur !

Quand nous avons envisagé le remboursement de la télémédecine, nous avons insisté pour que cela se fasse dans un parcours coordonné avec les médecins.

La façon dont les choses fonctionnent sur le terrain est assez extraordinaire. Dans des maisons de santé pluriprofessionnelles, un médecin traitant ouvre une plage horaire de télémédecine une demi-journée par semaine. Il peut suivre certains de ses patients qui sont à distance pour adapter les traitements ou dans des cas d’urgence. C’est extrêmement efficace et rassurant, et le service rendu dans les territoires est considérable.

Il me semble que le service ne serait pas rendu de la même façon si les patients appelaient un médecin inconnu sur une plateforme. Ce n’est en tout cas vraiment pas ma vision d’une médecine ancrée dans les territoires.

Aujourd’hui, la télémédecine se développe et se déploie. Nous en sommes à peu près 1 000 consultations par semaine, mais le rythme s’accélère. Il faut en effet du temps pour former les professionnels et pour qu’ils s’approprient l’outil. Quoi qu’il en soit, les usages s’organisent, et le recours à la télémédecine est en train de connaître une hausse exponentielle. Je le dis sincèrement : les usagers y sont très favorables.

Mme Cohen m’a interpellé sur le fait qu’il n’avait pas eu d’expérimentation en ce qui concerne télésoin.

En réalité, nous avons ouvert la télémédecine aux médecins. Nous avons réussi à organiser tout cela dans le cadre de la négociation conventionnelle. Consolider cette première étape en avec les médecins nous a permis de voir que c’était faisable, que cela avait du sens pour d’autres professionnels et que nous pouvions maintenant étendre ce dispositif à des professionnels non médicaux pour le télésoin. Nous avons travaillé par étapes, en commençant par la téléconsultation et par la téléexpertise.

Un bilan de l’avenant n° 6 sur la téléconsultation devra être réalisé quant à la capacité de la télémédecine à répondre à l’objectif d’un meilleur accès aux soins ; vous recevrez évidemment un rapport sur ce sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je pense avoir répondu globalement à toutes vos interrogations sur cet article. Je tenais à vous expliquer pourquoi je suis défavorable à ces deux amendements identiques.

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