Intervention de Céline Boulay-Espéronnier

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 6 juin 2019 : 1ère réunion
Examen du rapport d'information et des propositions de recommandations de mmes annick billon céline boulay-espéronnier victoire jasmin et christine prunaud co-rapporteures sur le football féminin et la coupe du monde féminine 2019

Photo de Céline Boulay-EspéronnierCéline Boulay-Espéronnier, co-rapporteure :

Madame la présidente, chers collègues, il m'a paru important de revenir tout d'abord avec vous ce matin sur l'histoire du football féminin, car elle éclaire bien des aspects actuels de la pratique féminine du football et des inégalités qui persistent actuellement aux dépens des joueuses, tant dans la pratique amateure que dans la compétition de haut niveau.

Premier point : le football féminin est un sport ancien, il est bon de le rappeler. Il a plus de cent ans. Sa pratique remonte à 1881 au Royaume-Uni, et à 1912 pour la France. Un vrai engouement s'est manifesté dans ces deux pays à la faveur de la guerre de 1914-1918 : des matchs d'équipes féminines ont à l'époque attiré un public nombreux des deux côtés de la Manche.

Deuxième point : dès l'origine, le football féminin a fait l'objet de critiques, au nom des convenances et de la décence.

Je cite des propos éclairants publiés en 1925 par un journaliste sportif : « Que les jeunes filles fassent du sport entre elles, dans un terrain rigoureusement clos, inaccessible au public : oui, d'accord. Mais qu'elles se donnent en spectacle, à certains jours de fête, où sera convié le public, qu'elles osent même courir après un ballon dans une prairie qui n'est pas entourée de murs épais, voilà qui est intolérable ! »

D'autres réticences ont été inspirées par le risque de stérilité que l'on a longtemps associé au football, comme du reste à d'autres sports.

Ce contexte explique que la pratique du football féminin ait décliné à partir des années 1920, jusqu'à ce que Vichy interdise tout simplement la pratique du football aux femmes le 27 mars 1941, au nom de la protection de la maternité. Cette interdiction s'est adressée également aux sports de combat, au rugby et au cyclisme de compétition.

Troisième point : le renouveau du football féminin est très récent, puisqu'il remonte aux années 1960. Des matchs ont été disputés par des équipes françaises et italiennes alors que la pratique féminine du football n'était encore reconnue officiellement ni par la Fédération française de football, ni par les structures internationales (UEFA et FIFA).

La reconnaissance du football féminin par la Fédération française de football remonte à mars 1970 ; la première compétition européenne féminine n'est créée qu'en 1982, la première Coupe du monde féminine de la FIFA n'a lieu qu'en 1991.

Il faut aussi avoir à l'esprit que l'intérêt pour le football féminin, dans notre pays, remonte en réalité à moins de dix ans, puisqu'il date à bien des égards de la Coupe du monde de 2011 organisée en Allemagne au cours de laquelle les Bleues se sont illustrées.

Il est par ailleurs utile de rappeler l'importance du facteur culturel dans l'héritage français : aux États-Unis, à la différence de notre pays, le football ou soccer est considéré comme un sport féminin, à la différence du football américain. Sa pratique est très répandue chez les jeunes filles, plus particulièrement dans le contexte scolaire et universitaire. Cette donnée culturelle contribue à expliquer que l'équipe féminine américaine soit si bien classée à l'international.

On peut donc imaginer que la Coupe du monde de 2019 va permettre en France au football féminin, qui existe depuis plus d'un siècle mais qui n'est reconnu que depuis cinquante ans environ, de progresser encore, tant en nombre de licenciées qu'en audience, sans oublier le statut des footballeuses qui sont les héritières de plusieurs décennies d'effacement, comme le rappellera dans un instant Christine Prunaud.

Dans ce contexte, il faut saluer les efforts mis en place par la Fédération française de football pour encourager la pratique féminine dans une logique de mixité et d'égalité. Le rapport détaille ces évolutions qui nous ont été présentées le 21 mars et le 16 mai 2019.

Notons toutefois que les efforts de la FFF s'appuient, à la suite de la loi du 4 août 2014, sur l'exigence de parité dans les instances de gouvernance des fédérations sportives (auparavant prévalait le principe de féminisation au prorata du nombre de licenciées). La dynamique de féminisation mise en place par la FFF relève donc de la stratégie globale d'égalité femmes-hommes encouragée par le ministère des Sports et prévue par la loi.

Le plan de féminisation a été mis en place par la FFF en 2011, date de l'accession de l'équipe de France, pour la première fois, à la demi-finale de la Coupe du monde féminine qui s'est déroulée en Allemagne. Ce plan a été complété en 2017.

Voici, très brièvement, les principales orientations fléchées par la fédération (l'infographie qui vous a été distribuée illustre ces évolutions) :

- l'augmentation du nombre de licenciées (51 000 en 2011, l'objectif est de 100 000 en 2016, puis de 200 000 en 2020 - le nombre actuel est de 180 000) ;

- l'encouragement de la création d'équipes ou de sections féminines dans les clubs ;

- la féminisation de la fonction, essentielle, d'arbitre ;

- le recrutement et la formation d'éducatrices et d'animatrices, parallèlement à l'accueil d'un nombre croissant de petites filles et d'adolescentes dans les clubs, sur tout le territoire ;

- la sélection et l'accompagnement de « femmes à haut potentiel » pour féminiser l'encadrement de la fédération et assurer la mixité de ses instances dirigeantes.

Je souhaite sur ce point souligner que les représentantes de la fédération que nous avons entendues se sont toutes déclarées favorables à la mixité dans le football, ce qui rejoint les valeurs défendues par la délégation. Cela va au-delà de la féminisation des instances dirigeantes. À cet égard, je voudrais citer le parcours encore hors normes de Corinne Diacre, première femme à avoir entraîné des joueurs du championnat professionnel. Je voudrais aussi insister sur l'importance de la présence d'arbitres femmes pour arbitrer des compétitions masculines (et inversement). Ce sont vraiment, me semble-t-il, des orientations nécessaires, dans le football comme dans les autres sports.

Enfin, la fédération est consciente du défi que constitue le Mondial pour dynamiser encore les évolutions mises en oeuvre depuis quelque huit ans. Ce point est positif et devra être pérennisé.

Notre présidente y reviendra lors des conclusions.

Christine Prunaud va maintenant prendre la suite pour parler des inégalités entre femmes et hommes dans le football.

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