Mes chers collègues, nous arrivons ce matin au terme de notre travail inspiré par la Coupe du monde féminine de football. Chaque membre de la délégation a reçu par courriel un projet de rapport, afin de préparer cette réunion.
Je me bornerai, en introduction, à en rappeler les méthodes de travail, avant de donner la parole aux trois autres co-rapporteures qui vous présenteront les principaux thèmes développés par le rapport. Puis je passerai en revue avec vous les conclusions que nous soumettons à votre approbation. Enfin, nous procéderons ensemble au choix d'un titre.
Je rappelle donc que notre travail s'est échelonné entre le 13 décembre 2018 et le 16 mai 2019. Nous avons procédé à deux déplacements, l'un à Orly, au Paris Football Club, et l'autre en Vendée (je remercie très chaleureusement Victoire Jasmin d'y avoir participé), que la presse locale a relayé. Nous nous sommes intéressées à la fois à la pratique amateure et à ses implications dans les territoires et à la pratique de haut niveau, dont les enjeux sont assez différents.
Au total, en audition, lors de la table ronde du 16 mai sur le rayonnement de la Coupe du monde et à l'occasion de nos déplacements, quelque 38 personnalités ont contribué à nos réflexions : cadres dirigeants de la fédération, acteurs et actrices des médias, représentants de clubs, joueuses, entraîneurs, ainsi que la ministre des Sports et la présidente de la Ligue de football professionnel.
Pendant cette période, le football féminin a été présent dans les médias, qui ont régulièrement relayé l'événement.
Néanmoins, force est de constater que ces avancées sont dans une certaine mesure ternies, à quelques jours de l'ouverture de la Coupe du monde, par la manifestation d'un certain manque de considération à l'égard des joueuses qui, le 30 mai 2019, ont été priées de céder aux Bleus leurs chambres de Clairefontaine, lieu d'entraînement mythique, sous prétexte que ces derniers devaient préparer un match amical. Plusieurs médias se sont fait l'écho de cet incident, qui montre la priorité dont continuent à bénéficier les hommes, en dépit de l'enjeu important de la Coupe du monde.
J'en viens au plan de notre rapport.
Il dresse d'abord le décor dans lequel s'inscrit cette Coupe du monde : ce contexte est globalement favorable au développement du sport féminin et plus particulièrement de la pratique féminine du football, d'abord parce que la Fédération française de football est engagée dans un processus de féminisation indéniable, ensuite parce que les footballeuses bénéficient d'un capital de sympathie et incarnent des valeurs dans lesquels le public se reconnaît volontiers, ce qui n'est plus toujours vrai de leurs homologues masculins.
Le rapport commente ensuite les inégalités entre femmes et hommes qui existent dans le football et qui reflètent celles à l'oeuvre dans la société.
Il estime donc que le Mondial 2019 doit être l'occasion de renforcer la visibilité médiatique des joueuses et d'inscrire la pratique du football féminin amateur dans les territoires.
En définitive, ce rapport confirme des constats établis à l'égard du sport par un rapport d'information de la délégation publié en 2011 par Michèle André, auquel notre travail se réfère.
Ce rapport était intitulé Égalité des hommes et des femmes dans le sport. Comme dans le marathon, ce sont les derniers mètres les plus difficiles. Il relevait que « le sport constitue le révélateur, le miroir grossissant des inégalités auxquelles sont confrontées les femmes en France et dans le monde ». En effet, notoriété des athlètes, visibilité médiatique, revenus et financement sont les principaux aspects des inégalités entre le sport féminin et masculin, plus particulièrement dans le sport de haut niveau qui, comme le notaient nos collègues en 2011, « reste le plus souvent considéré comme un ?parent pauvre? par rapport aux compétitions masculines qui retiennent l'essentiel de l'attention médiatique et des flux financiers qui l'accompagnent ».
Ces constats restent à bien des égards valables s'agissant du football, comme les co-rapporteures vont vous le montrer.
Je leur donne sans plus tarder la parole.
Céline Boulay-Espéronnier va nous éclairer sur l'histoire du football féminin et détailler le plan de féminisation mis en oeuvre par la fédération.
Madame la présidente, chers collègues, il m'a paru important de revenir tout d'abord avec vous ce matin sur l'histoire du football féminin, car elle éclaire bien des aspects actuels de la pratique féminine du football et des inégalités qui persistent actuellement aux dépens des joueuses, tant dans la pratique amateure que dans la compétition de haut niveau.
Premier point : le football féminin est un sport ancien, il est bon de le rappeler. Il a plus de cent ans. Sa pratique remonte à 1881 au Royaume-Uni, et à 1912 pour la France. Un vrai engouement s'est manifesté dans ces deux pays à la faveur de la guerre de 1914-1918 : des matchs d'équipes féminines ont à l'époque attiré un public nombreux des deux côtés de la Manche.
Deuxième point : dès l'origine, le football féminin a fait l'objet de critiques, au nom des convenances et de la décence.
Je cite des propos éclairants publiés en 1925 par un journaliste sportif : « Que les jeunes filles fassent du sport entre elles, dans un terrain rigoureusement clos, inaccessible au public : oui, d'accord. Mais qu'elles se donnent en spectacle, à certains jours de fête, où sera convié le public, qu'elles osent même courir après un ballon dans une prairie qui n'est pas entourée de murs épais, voilà qui est intolérable ! »
D'autres réticences ont été inspirées par le risque de stérilité que l'on a longtemps associé au football, comme du reste à d'autres sports.
Ce contexte explique que la pratique du football féminin ait décliné à partir des années 1920, jusqu'à ce que Vichy interdise tout simplement la pratique du football aux femmes le 27 mars 1941, au nom de la protection de la maternité. Cette interdiction s'est adressée également aux sports de combat, au rugby et au cyclisme de compétition.
Troisième point : le renouveau du football féminin est très récent, puisqu'il remonte aux années 1960. Des matchs ont été disputés par des équipes françaises et italiennes alors que la pratique féminine du football n'était encore reconnue officiellement ni par la Fédération française de football, ni par les structures internationales (UEFA et FIFA).
La reconnaissance du football féminin par la Fédération française de football remonte à mars 1970 ; la première compétition européenne féminine n'est créée qu'en 1982, la première Coupe du monde féminine de la FIFA n'a lieu qu'en 1991.
Il faut aussi avoir à l'esprit que l'intérêt pour le football féminin, dans notre pays, remonte en réalité à moins de dix ans, puisqu'il date à bien des égards de la Coupe du monde de 2011 organisée en Allemagne au cours de laquelle les Bleues se sont illustrées.
Il est par ailleurs utile de rappeler l'importance du facteur culturel dans l'héritage français : aux États-Unis, à la différence de notre pays, le football ou soccer est considéré comme un sport féminin, à la différence du football américain. Sa pratique est très répandue chez les jeunes filles, plus particulièrement dans le contexte scolaire et universitaire. Cette donnée culturelle contribue à expliquer que l'équipe féminine américaine soit si bien classée à l'international.
On peut donc imaginer que la Coupe du monde de 2019 va permettre en France au football féminin, qui existe depuis plus d'un siècle mais qui n'est reconnu que depuis cinquante ans environ, de progresser encore, tant en nombre de licenciées qu'en audience, sans oublier le statut des footballeuses qui sont les héritières de plusieurs décennies d'effacement, comme le rappellera dans un instant Christine Prunaud.
Dans ce contexte, il faut saluer les efforts mis en place par la Fédération française de football pour encourager la pratique féminine dans une logique de mixité et d'égalité. Le rapport détaille ces évolutions qui nous ont été présentées le 21 mars et le 16 mai 2019.
Notons toutefois que les efforts de la FFF s'appuient, à la suite de la loi du 4 août 2014, sur l'exigence de parité dans les instances de gouvernance des fédérations sportives (auparavant prévalait le principe de féminisation au prorata du nombre de licenciées). La dynamique de féminisation mise en place par la FFF relève donc de la stratégie globale d'égalité femmes-hommes encouragée par le ministère des Sports et prévue par la loi.
Le plan de féminisation a été mis en place par la FFF en 2011, date de l'accession de l'équipe de France, pour la première fois, à la demi-finale de la Coupe du monde féminine qui s'est déroulée en Allemagne. Ce plan a été complété en 2017.
Voici, très brièvement, les principales orientations fléchées par la fédération (l'infographie qui vous a été distribuée illustre ces évolutions) :
- l'augmentation du nombre de licenciées (51 000 en 2011, l'objectif est de 100 000 en 2016, puis de 200 000 en 2020 - le nombre actuel est de 180 000) ;
- l'encouragement de la création d'équipes ou de sections féminines dans les clubs ;
- la féminisation de la fonction, essentielle, d'arbitre ;
- le recrutement et la formation d'éducatrices et d'animatrices, parallèlement à l'accueil d'un nombre croissant de petites filles et d'adolescentes dans les clubs, sur tout le territoire ;
- la sélection et l'accompagnement de « femmes à haut potentiel » pour féminiser l'encadrement de la fédération et assurer la mixité de ses instances dirigeantes.
Je souhaite sur ce point souligner que les représentantes de la fédération que nous avons entendues se sont toutes déclarées favorables à la mixité dans le football, ce qui rejoint les valeurs défendues par la délégation. Cela va au-delà de la féminisation des instances dirigeantes. À cet égard, je voudrais citer le parcours encore hors normes de Corinne Diacre, première femme à avoir entraîné des joueurs du championnat professionnel. Je voudrais aussi insister sur l'importance de la présence d'arbitres femmes pour arbitrer des compétitions masculines (et inversement). Ce sont vraiment, me semble-t-il, des orientations nécessaires, dans le football comme dans les autres sports.
Enfin, la fédération est consciente du défi que constitue le Mondial pour dynamiser encore les évolutions mises en oeuvre depuis quelque huit ans. Ce point est positif et devra être pérennisé.
Notre présidente y reviendra lors des conclusions.
Christine Prunaud va maintenant prendre la suite pour parler des inégalités entre femmes et hommes dans le football.
Merci, chère collègue. Mes chers collègues, avant toute chose, je voudrais remercier notre présidente d'avoir pris l'initiative de faire réagir la délégation à l'éviction des Bleues des chambres qu'elles occupaient à Clairefontaine.
Je vais donc vous parler des freins et des inégalités caractérisant la pratique féminine du football, tant dans son volet amateur que dans le haut niveau.
En ce qui concerne la pratique amateure, nous avons pu constater que l'accueil des filles dans les clubs est perfectible, malgré les progrès réalisés grâce à l'engagement et à la mobilisation de la Fédération française de football, notamment depuis 2011, comme vient de l'expliquer Céline Boulay-Espéronnier.
La première des conditions pour pratiquer le football tient à l'existence de sections féminines. Or, beaucoup de clubs en sont aujourd'hui dépourvus. Conséquence : si elles veulent faire du football, les petites filles sont obligées de pratiquer avec les garçons. Mais, quand arrive l'adolescence, beaucoup d'entre elles se voient contraintes de renoncer pour plusieurs raisons : risque de blessures, absence de vestiaires pour les filles... Cette question des vestiaires est loin d'être anecdotique, comme l'ont montré de précédents rapports de la délégation (notamment à propos de certains lycées agricoles, dans le rapport qui a été consacré aux agricultrices en 2017).
La création de sections féminines est donc nécessaire pour renforcer le maillage territorial de l'offre de clubs ouverts aux filles, notamment dans les territoires ruraux. Selon la FFF, la distance moyenne entre le domicile et un club doté d'une section féminine est aujourd'hui de 35 kilomètres, ce qui est beaucoup. Son objectif est de réduire cette distance à 15 km en 2020.
L'un des enjeux pour les clubs est également de constituer des équipes féminines à tous les niveaux, de l'enfance à l'âge adulte, pour permettre aux filles de pratiquer le football dans la durée et de participer à des matchs, sans se trouver obligées d'abandonner à l'adolescence, faute d'effectif suffisant.
Par ailleurs, la question des infrastructures est un point central pour accueillir les joueuses dans de bonnes conditions, leur permettre de pratiquer le football depuis l'enfance jusqu'à l'âge adulte, mais aussi pour faire face à la hausse de la pratique féminine qui devrait, nous l'espérons, résulter de la Coupe du monde de 2019.
La FFF est consciente de cet enjeu et met en oeuvre un soutien et des aides destinés à la structuration des clubs. Il faut souligner aussi l'implication, indispensable, des collectivités territoriales dans ces évolutions. La structuration des clubs concerne notamment les terrains, le matériel, et bien sûr les vestiaires. Attirer durablement les jeunes filles vers le football suppose en effet de leur garantir des créneaux de jeux adaptés, sachant que les familles sont parfois réticentes - de façon légitime - à ce que les fillettes et les adolescentes jouent tard le soir, sur un terrain parfois boueux en fonction des saisons ou craignent pour la sécurité de leur enfant en cas de jeu tardif.
Enfin, cela suppose aussi de garantir aux joueuses un accès aux terrains car le manque d'infrastructures (peu de terrains, absence de terrains couverts) conduit souvent les clubs à donner la priorité aux garçons.
J'en viens maintenant à la pratique de haut niveau.
Nous avons été très surprises d'apprendre que les footballeuses de haut niveau, contrairement à leurs homologues masculins, ne sont pas rattachées à la Ligue de football professionnel mais à la Fédération française de football compétente à l'égard de la pratique amateure. En effet, elles ne sont pas considérées comme des professionnelles du point de vue juridique. Dans le meilleur des cas, elles souscrivent des contrats fédéraux avec la FFF. Ces contrats représentent néanmoins une avancée car ils n'existaient pas par le passé, comme nous l'a rappelé Sandrine Soubeyrand, coach de l'équipe féminine de D1 du Paris Football Club. Par ailleurs, le nombre de contrats fédéraux tend à augmenter. Ils bénéficient aujourd'hui à environ 120 joueuses et concernent pour la plupart du plein temps.
Malgré tout, la situation ne peut être considérée comme satisfaisante du point de vue de l'égalité femmes-hommes. Comme l'a fort bien résumé Laura Georges, secrétaire générale de la FFF, que nous avons entendue le 28 mars, « le championnat de football féminin est amateur, mais les joueuses s'entraînent comme des professionnelles ».
On ne saurait se satisfaire de cette situation, qui a des conséquences multiples sur la vie des joueuses de haut niveau :
- faute de statut professionnel sur le plan juridique, elles ne sont pas protégées par une convention collective, contrairement aux joueurs professionnels ;
- sauf exception, comme à l'Olympique lyonnais ou au PSG, elles ne peuvent pas vivre dignement du football et sont très souvent obligées de suivre des études ou de travailler parallèlement à leur engagement de sportive de haut niveau, ce qui n'est pas sans conséquence sur leurs conditions d'entraînement. Certaines vivent même dans la « précarité », pour reprendre les mots de Marianne Gazeau, présidente de Foot d'Elles, que nous avons auditionnée le 11 avril 2019.
Dans ce contexte, plusieurs clubs du championnat de D1, comme le Paris Football Club dont nous avons visité le nouveau centre de formation et d'entraînement, qui accueillera joueurs et joueuses sur un site unique, mettent en place un « double projet » pour permettre aux joueuses de concilier pratique sportive et orientation professionnelle.
Si ce « double projet » est nécessaire tant que les footballeuses de haut niveau ne pourront pas bénéficier d'une rémunération suffisante pour vivre de ce métier, il doit faire preuve d'ambition et nécessite une certaine souplesse de la part des clubs, des emplois ou des cursus universitaires concernés. De ce point de vue, la situation est là encore perfectible.
Le « double projet » pose aussi la question de la reconversion, car les carrières « professionnelles » des joueuses ne génèrent pas suffisamment de revenus pour vivre une fois qu'elles auront pris leur retraite sportive. À cet égard, nous avons été intéressées par la démarche entreprise par la Fédération française de football pour faciliter l'accès des joueuses au diplôme d'entraîneur. À ce jour, très rares sont les anciennes joueuses à avoir obtenu ce diplôme. Corinne Diacre est la première à l'avoir obtenu et à avoir ainsi entraîné une équipe du championnat masculin.
Les inégalités entre joueurs et joueuses de haut niveau sont également flagrantes en matière de rémunération, qu'il s'agisse du salaire ou des primes. Je ne redonnerai pas les chiffres qui figurent dans le rapport, mais on peut garder en tête cet ordre de grandeur très parlant et choquant à la fois, cité par Audrey Keysers, co auteure de Football féminin. La femme est l'avenir du foot : l'écart entre les rémunérations des joueuses et celles des footballeurs serait de 96 % !
L'écart entre les rémunérations des joueurs professionnels peut aussi être considérable...
Certes, en fonction des clubs les différences peuvent être sensibles...
En effet ! Je précise que les inégalités salariales concernent également des pays où la pratique féminine du football est pourtant bien ancrée et jouit d'une grande visibilité, comme aux USA.
Enfin, je souligne que les questions de statut et de rémunération se posent dans les mêmes termes pour les arbitres. Consciente de l'enjeu spécifique à la fonction d'arbitre, figure d'autorité dans le monde du football, la fédération a lancé un ambitieux plan de développement de l'arbitrage féminin (je vous invite à consulter le rapport pour plus de précisions).
En conclusion, il y a donc encore du chemin à parcourir, malgré les avancées obtenues depuis près de dix ans. Notre présidente vous présentera tout à l'heure les orientations que nous proposons pour progresser dans le domaine du statut, de la rémunération et de la professionnalisation des footballeuses de haut niveau, mais aussi pour développer et ancrer la pratique amateure dans tous nos territoires.
Je vous remercie et je cède la parole à Victoire Jasmin.
Mes chers collègues, je tiens à remercier une nouvelle fois notre présidente Annick Billon car j'ai beaucoup apprécié notre déplacement en Vendée. En ce qui concerne la couverture de nos travaux par la presse, je dois dire que la table ronde du 16 mai dernier a été relayée par des médias ultramarins - les outre-mer étaient représentés dans le public présent dans la salle - ce qui est très positif.
L'un des enjeux majeurs du football féminin concerne la communication, la visibilité et la médiatisation des joueuses. Il s'agit de susciter des émules parmi les fillettes et les adolescentes, en mettant en valeur des footballeuses emblématiques. Il s'agit aussi et surtout de développer et consolider le modèle économique du football féminin.
Nous avons ainsi constaté que toutes les problématiques sont liées, pour progresser en matière d'égalité femmes-hommes dans le football : c'est notamment parce qu'il n'est pas encore rentable que le football féminin n'est pas rattaché à la Ligue de football professionnel.
En ce qui concerne la visibilité, on ne peut que déplorer l'insuffisante notoriété des joueuses, illustrée par une anecdote. Nous avons rencontré au Paris Football Club Sandrine Soubeyrand, ex-joueuse internationale qui détient le record de sélections en équipe de France, hommes et femmes confondus. Pourtant, elle est bien moins connue que certains joueurs de l'équipe de France masculine totalisant beaucoup moins de sélections...
Ce manque de visibilité tient notamment au poids des stéréotypes et des préjugés - je ne reviendrai pas sur ce point déjà bien connu de la délégation - et à l'absence de modèles féminins.
Nous connaissons l'importance des modèles dans tous les domaines d'activité des femmes. De ce point de vue, la Coupe du monde pourra contribuer à faire émerger des portraits de joueuses, dont tous les médias intervenus au cours de notre table ronde du 16 mai dernier ont souligné l'importance pour susciter l'intérêt et l'adhésion du public et inspirer des vocations.
Pour avoir rencontré Laura Georges, secrétaire générale de la FFF et ancienne joueuse internationale à la personnalité et au parcours extraordinaires, je peux souligner combien il est utile de faire connaître au public des joueuses véritablement inspirantes pour nos jeunes. Cela rejoint d'ailleurs la question des valeurs.
Dans cette perspective, je crois qu'il faut aussi souligner la nécessité de faire davantage de place aux femmes dans les programmes sportifs, qu'il s'agisse de la diffusion du sport féminin ou du commentaire sportif.
Enfin, en matière de communication, nos travaux ont fait émerger l'insuffisante implication de certains clubs pour valoriser et mettre en valeur leurs équipes féminines. Il y a, là encore, une marge de progression...
J'en viens maintenant à la médiatisation, levier décisif pour accroître la reconnaissance et la mise en valeur du football féminin.
La médiatisation des footballeuses est aussi un enjeu crucial pour évoluer vers la professionnalisation de cette discipline à l'égal des footballeurs. Elle est le pilier de la stabilisation du modèle économique du football féminin, à travers les droits télévisés, comme c'est déjà le cas dans le football masculin.
C'est en médiatisant suffisamment la pratique féminine que l'on pourra attirer des sponsors et générer des recettes. À cet égard, je voudrais citer les propos très éclairants de la ministre des Sports, auditionnée le 13 décembre 2018 : « La médiatisation constitue la clé de voûte de la mise en valeur du sport féminin et permet de mettre en place un cercle économique vertueux (...). Plus nous diffuserons de sport féminin et plus nous attirerons de partenaires privés ».
Cela pose aussi la question de l'audience, qu'il s'agisse du public dans le stade ou des téléspectateurs, car c'est bien celle-ci qui attire les investisseurs et les sponsors. Si les matchs féminins comptent moins de public et de spectateurs que les matchs masculins, des progrès indéniables ont été constatés depuis plusieurs années, comme plusieurs récentes audiences record, citées dans le rapport, en témoignent.
Signe de cet intérêt croissant, les droits télévisés du championnat de D1 ont franchi la barre du million d'euros, soit neuf fois plus qu'en 2011 (certes, pour le football masculin, on a franchi la barre du milliard d'euros...). De surcroît, Canal Plus a acheté à la FFF les droits de diffusion du championnat de D1 pour une période de cinq ans.
Dans ce contexte, la Coupe du monde féminine de 2019 constitue une opportunité évidente - et bienvenue ! - pour renforcer la visibilité et la notoriété des footballeuses dans les médias.
La FFF espère que cette compétition internationale de grande ampleur sera un « accélérateur » favorable au développement et à la notoriété du football féminin, notamment de haut niveau.
Le dispositif médiatique inédit adopté pour la Coupe du monde traduit les réelles avancées obtenues par le football féminin du point de vue de l'intérêt médiatique et des droits télévisés associés à sa diffusion. Je ne reviendrai pas sur les efforts déployés par les médias pour rendre compte de l'évènement et lui donner tout le rayonnement qu'il mérite, puisque notre table ronde du 16 mai était dédiée à cette question. Je vous renvoie sur ce point au rapport.
En revanche, il me paraît important de souligner la « révolution » que constitue le fait que les deux grands diffuseurs historiques du football se soient associés pour diffuser les matchs de la compétition, pour des montants qualifiés d'importants par leurs représentants... Au chapitre des avancées dont on peut se féliciter, je veux aussi mentionner l'annonce très symbolique de la liste des Bleues par Corinne Diacre en prime time sur TF1 et qui a d'ailleurs réalisé une très forte audience !
On peut donc se féliciter de cette « mobilisation générale » du monde médiatique, tout en espérant qu'elle ne prendra pas fin à l'issue de la compétition. L'enjeu, comme le redira sans doute notre présidente, sera bien d'inscrire cette reconnaissance médiatique du football féminin dans la durée, pour générer des recettes et avancer ainsi vers une réelle professionnalisation des joueuses d'ici quelques années.
De ce point de vue, je souligne aussi que la performance des Bleues nous a été présentée comme décisive.
Pour conclure, je voudrais m'attarder quelques minutes sur un point qui me tient tout particulièrement à coeur, et sur lequel la plupart des interlocuteurs rencontrés lors de nos travaux ont attiré notre attention : l'intérêt de sensibiliser les jeunes, notamment dans les écoles, à la pratique et aux valeurs du football, et au fait que le football n'est pas réservé aux seuls garçons. La FFF a lancé plusieurs initiatives en ce sens. Ces projets me semblent d'autant plus importants qu'ils s'inscrivent dans un objectif global de renforcement des valeurs d'égalité et de mixité, dès le plus jeune âge.
Sur le volet éducatif, nous avons aussi des attentes s'agissant du développement des sections sport-études dans tous les territoires.
Je vous remercie et je laisse la parole à notre présidente qui va vous présenter les pistes d'évolution qui tirent les conséquences de l'ensemble des constats que nous venons de vous exposer.
Je remercie les co-rapporteures pour leur implication. Je vais donc maintenant vous présenter les conclusions de ce rapport.
Nous suggérons cinq séries d'orientations souhaitables pour faire progresser l'égalité et la mixité dans le football à l'occasion du Mondial 2019.
Elles sont reproduites sur le document mis à votre disposition.
Elles sont précédées de quelques rappels généraux des convictions de la délégation, notamment sur l'importance éducative et citoyenne des valeurs du sport en général et plus particulièrement du football, dont les femmes ne doivent évidemment pas être exclues.
La première série de conclusions (A) salue l'engagement des acteurs - collectivités territoriales et Fédération française de football - en faveur de la féminisation du football et de la mise en valeur de la Coupe du monde. L'une de ces remarques vise à inviter les collectivités territoriales, qui sont par ailleurs des partenaires essentiels du développement du football féminin, à dénommer des équipements sportifs (stades, piscines, gymnases...) pour honorer des sportives, à partir d'un répertoire de noms de sportives qui devrait être élaboré et mis à jour par le ministère des Sports. Nous savons en effet combien il est important de favoriser l'existence de modèles susceptibles d'encourager des vocations de sportives. Cette thématique rejoint d'ailleurs celle des noms de rues et l'effort qui s'impose pour valoriser ainsi des femmes.
La deuxième série d'orientations (B) s'inscrit dans la perspective de la professionnalisation des footballeuses de haut niveau, dont l'activité est à ce jour, comme vous l'a indiqué Christine Prunaud, assimilée sur le plan statutaire à la pratique « amateure ». Nos interlocutrices de la FFF ont plaidé à cet égard en faveur de la progressivité et de la prudence. Même si elles ne se sont pas plaintes de cette situation lors des auditions, nous ne pouvons admettre que cette inégalité perdure longtemps encore dans notre pays. En Argentine, où les inégalités entre footballeurs et footballeuses sont comparables à ce qui existe en France, la fédération de football a annoncé en mars 2019 la professionnalisation des footballeuses à l'échéance de 2023. Cela semble confirmer que l'objectif est envisageable.
Le rapport propose donc à terme le rattachement du championnat féminin à la Ligue de football professionnel, ce qui permettrait l'harmonisation de la gestion des championnats de football masculins et féminins. Cette formule nous a paru plus pertinente que la création éventuelle d'une ligue féminine autonome, qui isolerait le football féminin et irait à l'encontre de nos convictions sur les bienfaits de la mixité.
Il nous a également paru souhaitable, s'agissant des compétitions internationales, de mettre à l'étude l'harmonisation des calendriers des compétitions masculines et féminines, comme pour les Jeux olympiques. Cette orientation, suggérée au cours de la table ronde du 16 mai sur le rayonnement de la Coupe du monde, faciliterait probablement la diffusion des matchs des équipes féminines et renforcerait la notoriété des joueuses.
Sans attendre la professionnalisation des footballeuses, dont le processus devrait être progressif, il est important également, pour avancer en matière d'égalité, que les clubs où existent des équipes féminines assurent aux footballeuses de haut niveau des revenus leur permettant à tout le moins de vivre de leur pratique, à l'instar des avancées permises à l'OL.
La troisième piste de réflexion (C) a trait à l'adaptation des infrastructures sportives, dans les territoires. Ce point a été évoqué par Christine Prunaud.
Nous sommes convaincues que les jeunes filles, et plus particulièrement celles qui grandissent dans les territoires ruraux, ne doivent pas être privées de la pratique du football faute de club comportant une équipe ou une section féminine suffisamment proche de leur domicile. Cela suppose une augmentation du nombre de clubs susceptibles d'accueillir des joueuses, car il est plus que probable que l'intérêt des petites filles et des adolescentes pour la pratique du football sera stimulée par le Mondial. La fédération travaille dans ce sens.
Mais ce renforcement du maillage territorial des clubs implique aussi que ces clubs soient équipés en conséquence, faute de quoi la pratique de ces joueuses ne s'inscrira pas dans la durée.
Il s'agit d'un vrai défi, qui pose la question, récurrente et non anecdotique, de l'existence de vestiaires adaptés dans les clubs fréquentés par des joueuses. Ces aménagements sont nécessaires pour fidéliser celles-ci. Ce point a été souligné par les responsables de clubs que nous avons entendus.
En tant qu'élues des collectivités territoriales, nous savons que ces aménagements induisent des coûts considérables et imposent de trouver des financements.
La fédération a mis en place à cet effet des incitations et des soutiens financiers, indispensables pour encourager les investissements dans de telles infrastructures. Cette évolution ne peut qu'être encouragée par notre délégation.
Par ailleurs, il nous a paru souhaitable (D) que notre délégation s'exprime en faveur du développement de l'initiation au football en milieu scolaire, pour les filles comme pour les garçons. Ces projets relèvent en effet non seulement de l'éducation à la santé et au bien-être, à laquelle doit participer l'école. Ils s'inscrivent aussi, comme l'a dit à juste titre Victoire Jasmin, dans l'objectif global de renforcement des valeurs d'égalité et de mixité, dès le plus jeune âge, auquel la délégation attache beaucoup d'importance. L'initiation des filles au football dans le cadre scolaire est donc un vecteur d'égalité important.
J'ai eu l'occasion de pratiquer ce sport pendant mes études. Je dois aussi dire qu'un club féminin de football, je l'ai appris tout récemment, vient d'être créé à Saint-Sauveur-en-Puisaye, où est née Colette, dans le département de l'Yonne dont je suis élue. C'est un vrai symbole !
En effet ! J'en viens à la dernière piste dévolution (E), qui concerne l'amélioration de la visibilité médiatique, non seulement des joueuses, mais aussi des journalistes, commentatrices, expertes et consultantes.
Lors de la table ronde du 16 mai 2019, nous avons pu juger des efforts déployés par les médias pour couvrir le Mondial 2019. Leur implication n'est-elle pas facilitée par le fait que cette compétition se déroule dans notre pays ? Il faut espérer que cet engagement pour valoriser les footballeuses et la Coupe du monde féminine ne prenne pas fin en juillet 2019, mais qu'il se poursuive à l'avenir pour assurer la visibilité d'autres compétitions féminines, y compris lorsqu'elles se déroulent hors de notre territoire national.
Cette visibilité des footballeuses dans les médias est en effet, comme l'a dit Victoire Jasmin, la clé de l'amélioration du modèle économique du football féminin. C'est par l'augmentation des droits télévisuels que l'on parviendra à mieux rémunérer les joueuses, de manière à permettre à celles-ci de vivre de leur activité, sans avoir à « jongler » entre l'entraînement et un travail. Je le redis car c'est un aspect essentiel de notre réflexion, même si les joueuses que nous avons rencontrées ne s'en plaignent pas, en dépit des contraintes qui résultent de cette organisation pour leur vie quotidienne.
Cette présentation est terminée.
Je suggère que nous délibérions maintenant sur les conclusions du rapport avant de réfléchir à un titre. Qui souhaite intervenir ?
Je vous remercie pour ce travail. Je n'ai malheureusement pas été en mesure de m'investir autant que je l'aurais souhaité dans les auditions qui ont nourri ce rapport. Je voudrais vous faire part de quelques remarques qui me viennent à l'esprit, à la lecture du rapport.
Je salue à cet égard la pertinence des conclusions qui rendent compte des principales problématiques liées à la pratique féminine du football et qui, plus généralement, font écho aux préoccupations de la délégation.
Comme vous le soulignez, l'une des évolutions les plus importantes tient à la professionnalisation des joueuses de haut niveau, à travers la reconnaissance d'un statut juridique à l'égal des footballeurs. Par ailleurs, j'ai été frappée par l'importance de l'écart caractérisant les rémunérations des joueuses par rapport à celles des joueurs. Il est impératif de réduire rapidement les inégalités dans ce domaine.
J'ai noté à ce sujet les actions symboliquement fortes menées par les joueuses américaines ou la première titulaire du Ballon d'or féminin, qui a décidé de boycotter la Coupe du monde pour protester contre les inégalités dans le football.
La question du statut et des rémunérations vaut aussi pour l'arbitrage, comme le met aussi en valeur le rapport.
De façon plus générale, il me paraît essentiel de promouvoir la mixité dans les métiers du football, qu'il s'agisse de l'arbitrage, du commentaire sportif ou de l'encadrement.
En ce qui concerne la pratique amateure, le rapport souligne la question centrale des infrastructures. C'est notamment la problématique bien connue de l'inexistence ou de l'insuffisance de vestiaires féminins.
Par ailleurs, je suis heureuse de constater que la Coupe du monde bénéficiera d'un dispositif médiatique inédit pour une compétition féminine, puisque beaucoup de médias se sont engagés à déployer autant de moyens que lors de la Coupe du monde 2018 pour la couvrir. Je crois qu'il faut soutenir les médias et les diffuseurs dans cette dynamique positive.
Je dirais aussi que la Fédération française de football est sur la bonne voie. Il convient de saluer les efforts réalisés et de les soutenir. La Coupe du monde doit être un événement exceptionnel, qui donnera un véritable essor au football féminin dans notre pays.
Je reviens un instant sur la polémique de Clairefontaine. Je voudrais saluer la présidente et les rapporteures pour leur réactivité à communiquer sur cet incident au sujet duquel j'ai lu plusieurs articles éclairants.
Pour conclure, je voudrais signaler que j'ai vu à la télévision plusieurs clips faisant la promotion du football féminin dans le contexte du Mondial. J'ai plus particulièrement apprécié celui qui met en scène une jeune fille dans un train, qui discute avec une contrôleuse. La jeune fille dit qu'elle veut « mettre le feu ». La contrôleuse lui demande alors si elle a des tendances pyromanes. Sa réponse est : « Je veux être footballeuse » ! Il me semble que ce type de supports devrait être encouragé pour promouvoir et encourager la pratique féminine du football.
Merci chère collègue, pour votre rigueur et votre implication !
Françoise Laborde l'a souligné, la professionnalisation du football féminin est intimement liée à la question des droits télévisés que pourront générer les compétitions féminines.
Or, la Coupe du monde bénéficie d'une médiatisation exceptionnelle, qui doit être le déclencheur d'une évolution en profondeur et dans la durée en faveur de la féminisation du football. Il est important de créer cette dynamique.
De ce point de vue, le rattachement à terme du championnat féminin de haut niveau à la Ligue de football professionnel sera la garantie d'un réel statut pour les joueuses. Je note que certaines de celles que nous avons rencontrées ne semblent pas se plaindre de la situation actuelle et du « double projet » qu'elles mènent, entre leur pratique sportive et leurs études ou un emploi par exemple à la fédération. J'ai même lu dans un article récent qu'une des Bleues disait que s'il fallait payer pour participer à la Coupe du monde, elle le ferait volontiers, tant elle est fière de porter le maillot de l'équipe de France. Au final, les joueuses semblent réellement animées par leur passion.
Merci à nos co-rapporteures pour le travail mené et les conclusions auquel il aboutit. Pour moi, la question centrale est celle du changement de regard sur la pratique féminine du football. Nous avons pu constater dans des articles récents que même les footballeuses se contentent de la situation actuelle, qui est pourtant très inégalitaire par rapport aux joueurs. On peut comprendre leur pusillanimité, car elles veulent être acceptées dans ce bastion masculin. C'est une attitude compréhensible. Pour autant, la délégation ne peut se contenter de ces différences de traitement entre footballeuses et footballeurs. Certaines situations, comme l'incident de Clairefontaine, ne sont pas normales. Nous devons donner un coup de pied dans la fourmilière !
Vous le savez, la question de la médiatisation du sport féminin est un sujet qui m'intéresse. De ce point de vue, je suis heureuse de constater que les médias jouent pleinement le jeu pour valoriser le Mondial 2019. J'ai entendu plusieurs publicités pour cet événement, y compris à la radio.
Pour moi, la médiatisation et la notoriété des footballeuses qui en résultera sont le point de départ. Car une fois qu'elles existeront dans les médias, on ne pourra plus les ignorer ! J'espère que cette médiatisation va perdurer et que les joueuses prendront alors conscience que certaines inégalités ne sont pas acceptables !
Vous avez raison, la médiatisation est essentielle. De ce point de vue, le fait que la Coupe du monde se déroule en France est une chance, car cela favorise sans aucun doute l'implication des médias. Les constats que nous avons pu faire sur la médiatisation du football féminin concernent de façon générale tous les sports féminins.
C'est malheureusement vrai. Même quand les handballeuses françaises ont gagné la Coupe d'Europe, elles n'ont pas fait la Une de L'Équipe !
Certaines prises de parole sont clairement hostiles à la médiatisation des sportives. J'ai encore entendu à la télévision des propos négatifs d'Alain Finkielkraut concernant cette Coupe du monde.
Je vous remercie pour votre participation à ce débat. Je constate que ce rapport est adopté.
S'agissant du titre, nous vous en soumettons quelques-uns :
1 - Coupe du monde féminine de football : un enjeu de progrès pour un sport méconnu
2 - Mondial 2019 : une mobilisation en faveur de l'égalité à confirmer pour la pratique amateure et les footballeuses de haut niveau
3 - Mondial 2019 : un mois pour faire progresser l'égalité femmes-hommes dans le football
4 - Coupe du monde féminine de football : pour l'égalité par le sport dans la compétition de haut niveau, dans les médias et dans les territoires
5 - La place des femmes dans le football, enjeu social et d'égalité
Pour ma part, je trouve qu'il serait bon de ne pas tout axer sur le Mondial 2019 car notre rapport est plus large et ne s'y limite pas. Nous parlons de la pratique féminine du football et plus généralement du sport féminin, en faisant le lien avec la place des femmes dans la société. Le titre doit donc à mon avis trouver un juste équilibre entre l'impératif de garantir un bon référencement de notre rapport sur Internet - de ce point de vue, la référence au Mondial est intéressante - tout en laissant une place à des thématiques plus générales, chères à la délégation.
Qu'en pensez-vous ?
Pour ma part, j'ai une préférence pour la proposition n° 3, que j'ai par ailleurs un peu adaptée. Que diriez-vous de : « Mondial 2019 : un enjeu pour faire progresser l'égalité femmes-hommes dans le football et dans le sport, de manière durable ? »
Je suis favorable à garder la référence au Mondial 2019. J'aime bien la proposition n° 3 également.
Gardons donc la référence au Mondial, mais élargissons un peu le sujet. Je trouve que la proposition n° 5 est intéressante pour évoquer les différentes dimensions du football et ses enjeux.
Ma préférence irait, à moi aussi, vers la proposition n° 3, mais je suggère une formule plus brève : « Mondial 2019 : un mois pour faire progresser l'égalité femmes-hommes dans la durée ».
J'avais également une préférence pour le titre n° 4, mais la suggestion de Dominique Vérien m'a convaincue.
Il me semble que les propositions de titres devraient être plus accrocheuses. Pourquoi ne pas proposer un titre plus court, plus en phase avec les exigences de communication, du type : « Mondial 2019 : vive les footballeuses ! ».
Ce qui me gêne un peu avec la référence au Mondial est qu'elle inscrit notre rapport dans une actualité. Qu'en sera t-il dans dix ans ?
J'aime beaucoup la suggestion de Laurence Rossignol. Afin de ne pas se limiter à la référence au Mondial, on pourrait compléter cette proposition par un sous-titre plus général, ce qui donnerait : « Mondial 2019 : vive les footballeuses ! Un mois pour faire progresser l'égalité femmes-hommes ».
Je trouve que c'est une bonne proposition, mais il ne faudrait pas que la référence à la durée d'un mois laisse penser que les progrès sont appelés à intervenir dans ce court laps de temps. Qu'en sera-t-il au-delà ?
La proposition de Laurence Rossignol me semble très pertinente du point de vue de la communication, mais il ne faudrait pas qu'elle occulte le contenu du rapport, qui va bien au-delà.
J'émettrai la même réserve. Par ailleurs, cette formulation ne fait-elle pas un peu « militante » ?
Ce débat me rappelle notre rapport sur les femmes et l'automobile, que nous avions publié au moment du Mondial de Paris de 2016. Derrière ce parti pris de communication, le rapport abordait des questions très sérieuses liées notamment à l'égalité et à la précarité des femmes privées de moyen de transport dans certains territoires.
Compte tenu du sujet, nous n'avons pas à adopter un titre « académique ». La proposition de Laurence Rossignol me semble adaptée au contexte de la Coupe du monde.
Pour répondre à la préoccupation de durée exprimée par Christine Prunaud, je suggère la formule « qui fera progresser ».
Cette adaptation vous convient-elle ? Je me range à l'avis général. Je ne vois pas d'opposition. Le titre du rapport est donc adopté comme suit : « Mondial 2019 : vive les footballeuses ! Un mois qui fera progresser l'égalité femmes-hommes ».
Juste pour terminer, il y a une phrase que j'aime beaucoup et qui s'appliquerait à mon avis très bien au football féminin : « Une femme pianiste ne joue pas du piano féminin, elle joue du piano ». On pourrait dire de la même façon : les footballeuses ne jouent pas au football féminin, mais au football...
Le rapport revient sur cet enjeu sémantique. Par ailleurs, notre document de communication recensera les citations emblématiques du rapport, parmi lesquelles plusieurs insistent sur ce point. Ce document sera élaboré très prochainement et vous pourrez le diffuser dans vos territoires si vous le souhaitez.
[Le rapport, intitulé Mondial 2019 : Vive les footballeuses ! Un mois qui fera progresser l'égalité femmes-hommes est alors adopté à l'unanimité]
J'en viens maintenant à la célébration du vingtième anniversaire de la création de notre délégation, prévue le 10 octobre prochain au matin.
Nous avons déjà reçu quelques réponses positives d'anciens membres de la délégation, auxquels une lettre d'invitation a été envoyée et qui feront le voyage jusqu'à Paris pour la circonstance. Trois des quatre anciennes présidentes ont également fait savoir qu'elles seraient présentes pour célébrer cet anniversaire avec nous.
Je vous rappelle, comme je l'ai indiqué par lettre à chaque membre de la délégation, que le groupe de travail que nous avons constitué pour réfléchir à l'organisation de cet événement a décidé, le 21 mai dernier, que :
- le programme privilégierait un dialogue interactif entre les membres actuels de la délégation, les anciens membres - plus particulièrement les anciennes présidentes - et le public sur des thèmes permettant de mettre en valeur l'apport de la délégation à l'activité législative du Sénat dans le domaine des droits des femmes ;
- des montages de vidéos reflétant les travaux de la délégation et les grands débats législatifs sur les droits des femmes depuis vingt ans seraient projetés pour rythmer ces échanges ;
- le public extérieur au Sénat invité à cet anniversaire serait constitué des experts régulièrement associés aux réflexions de notre délégation ; nous aurions aussi la faculté d'associer à l'événement des personnalités de nos départements particulièrement engagées dans la défense de l'égalité entre femmes et hommes. Nous souhaitons en effet que le public reflète la diversité de nos territoires (ce nombre d'invités par membre de la délégation a été fixé, dans un premier temps, à cinq). Cette formule, à laquelle nous avons recouru pour la manifestation que nous avons organisée le 8 mars 2018, avait été très appréciée.
De plus, une invitation sera, le moment venu, adressée à l'ensemble des sénateurs et sénatrices en activité.
J'en viens au projet consistant, lors de cet anniversaire, à rendre hommage à une ancienne sénatrice par un geste fort. Nous avions pensé à une plaque matérialisant la place qu'une élue avait occupé par le passé dans notre hémicycle. La proposition qui nous est faite par les autorités du Sénat consiste à donner à une salle du Sénat le nom de la première présidente de la délégation, Dinah Derycke, décédée en 2002. Ce pourrait être la grande salle dans laquelle nous nous réunissons régulièrement. Notre institution honorerait ainsi la mémoire de Dinah Derycke, à l'instar de ce qui a été fait pour l'ancien président du Sénat, René Monory. Cette initiative donnerait lieu, très vraisemblablement, à une cérémonie.
Par ailleurs, le groupe de travail désigné au sein de la délégation pour organiser la commémoration de la création de la délégation se réunira en septembre pour poursuivre les échanges qui ont eu lieu le 21 mai dernier, et dont les conclusions, que je viens de vous rappeler, vous ont été communiquées par lettre en date du 23 mai 2019.
Mes chères collègues, il m'a paru important d'avoir un échange ce matin sur les amendements déposés par notre collègue Laurence Rossignol dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé. Ces amendements ont trait à l'accès à l'IVG. Ils visent tout d'abord la clause de conscience que peuvent invoquer les médecins pour refuser de pratiquer un avortement : il s'agit notamment de procéder à la publication d'une liste des médecins concernés et de tirer les conséquences, en termes de carrière hospitalière, du refus par ces médecins de pratiquer l'IVG. Les autres amendements ont pour objet de lutter contre le tabou de la contraception d'urgence, d'étendre les compétences des sages-femmes en matière d'interruption de grossesse, actuellement limitée aux IVG médicamenteuses, à la pratique de l'avortement chirurgical, et de faire évoluer le délai limite pour être en droit de demander une IVG. J'ai souhaité que vous puissiez prendre parti, si vous le souhaitez, en séance, en toute connaissance de cause. Pour ma part, je m'interroge sur l'extension des compétences des sages-femmes.
Il s'agirait bien sûr d'interventions pratiquées dans l'environnement rassurant des blocs opératoires, et non dans le cadre d'un cabinet libéral ne disposant pas nécessairement des structures indispensables pour assurer la sécurité des patientes. Le Conseil national de l'ordre des sages-femmes (CNOSF) suggère cette extension de compétences depuis un certain temps.
Pour ma part, je pense que l'on peut s'inquiéter des fermetures de maternités, qui ont pour conséquence la fermeture de centres d'orthogénie, et donc une restriction de l'accès à l'IVG dans certains territoires. Cela pose un problème d'égalité dans l'exercice du droit à interrompre une grossesse. Je m'interroge également sur le nombre de médecins qui pratiquent des IVG. D'où l'amendement relatif à la publication d'une liste des médecins invoquant la clause de conscience : il faut éviter aux femmes de perdre du temps en allant de service en service, en vain. Cette liste est impossible à obtenir. La ministre a demandé en septembre 2018 aux Agences régionales de santé (ARS) d'identifier les services hospitaliers dans lesquels la clause de conscience est effective et de faire remonter cette information. En réalité, celle-ci n'est pas disponible car elle n'est pas centralisée.
À cet égard, il faut avoir conscience du fait que la loi Veil a été une loi de compromis, ce qui était nécessaire à son adoption, loin de faire l'unanimité. La clause de conscience, le critère de la situation de détresse, la règle du double entretien étaient autant de concessions, dont faisait partie aussi la nécessité de l'autorisation parentale pour les mineures. Ces compromis ont progressivement été supprimés par le législateur, sauf la clause de conscience.
J'en suis convaincue, la clause de conscience spécifique à l'IVG isole l'avortement et en fait un acte médical à part. La suppression de la clause de conscience spécifique déstigmatiserait, à mon avis, l'IVG. Ce n'est pas consensuel, évidemment ! Rappelons-nous les propos du président du SYNGOF, qui a qualifié l'IVG de crime. J'ai entendu à cet égard un argument inacceptable : les opposants à la suppression de la clause de conscience ont fait valoir que contraindre les médecins à pratiquer des IVG comporterait un risque de maltraitance à l'égard des patientes. Que l'on puisse même envisager qu'un médecin puisse maltraiter des patientes par idéologie, c'est inadmissible !
En ce qui concerne les obligations des médecins, il y a aussi la question du signalement à la justice des victimes de violences : il s'agit là également d'un point crucial pour nous. N'y aurait-il pas des conséquences sur l'euthanasie si l'on supprime la clause de conscience en matière d'IVG ?
La suppression de la clause de conscience spécifique n'empêcherait pas les médecins dont les convictions s'opposent à l'IVG d'invoquer la clause de conscience générale, qui s'applique à tout acte médical.
La suppression de la clause de conscience spécifique n'aurait donc, semble-t-il, pas de conséquence a priori sur l'euthanasie, à laquelle continuerait à s'appliquer la clause de conscience générale. J'en prends acte.
Si la clause de conscience générale est suffisante pour leur permettre de refuser de pratiquer des IVG, pourquoi certains médecins persistent-ils à s'opposer à la suppression de la clause de conscience spécifique ?
Par idéologie ! L'étendard anti-IVG est déployé aussi dans le monde médical. C'est politique !
La question est complexe. Selon les observateurs du terrain, notamment le Planning familial, il manque deux semaines compte tenu des contraintes d'accès à l'IVG en France. J'ai assisté tout récemment à une réunion internationale, en Islande, sur l'IVG, organisée à l'initiative d'ONG engagées dans ces questions. Tous les pays européens y étaient représentés. On pouvait constater à cette occasion que, mis à part quelques exceptions, le droit à l'IVG est plutôt en progrès. En Islande, après débat, le délai légal a été fixé à vingt-deux semaines. En Suède, il est de seize semaines. On compte toujours environ 3 000 - 5 000 femmes qui sont obligées de partir à l'étranger car elles ont dépassé les délais légaux prévus par la loi française. À mon sens, il est irresponsable de continuer à compter sur les pays voisins pour permettre à ces femmes d'interrompre une grossesse. Nous dépendons ainsi des autres pays, où des reculs législatifs sont toujours possibles.
Je voudrais ajouter que la loi du Québec ne prévoit pas de délai, mais l'on s'aperçoit que les IVG y sont pratiquées dans les mêmes délais que dans les pays où la loi prévoit de telles limites. Que l'on arrête de prendre les femmes pour des irresponsables ou des criminelles !
Nous devons aussi être conscientes de l'expansion d'applications destinées à permettre aux femmes de gérer leur contraception de manière naturelle. C'est un retour en arrière ! La femme saisit la date de ses règles et l'appli lui indique quand elle est féconde ou pas. Les « bébés Ogino » peuvent en témoigner : cette méthode est plus efficace pour avoir un enfant que pour éviter une grossesse ! Contrairement à ce que prétendent les messages publicitaires, il ne s'agit pas de contraception.