Intervention de Bruno Gilles

Réunion du 11 juin 2019 à 21h30
Lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Bruno GillesBruno Gilles :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 5 mars dernier, nous examinions ma proposition de loi qui faisait suite au drame de la rue d’Aubagne à Marseille, drame qui a marqué durablement les esprits, tant il a cruellement endeuillé huit familles puis entraîné l’évacuation de plusieurs milliers de personnes.

Il a également donné un coup de projecteur sur la douloureuse réalité et l’étendue du phénomène du logement indigne en France dans les zones urbaines comme rurales.

Au risque de me répéter, le traitement de la question du logement insalubre doit être à la mesure du drame pour que plus jamais nous n’ayons à revivre cela. Aujourd’hui, il nous faut faire plus, plus vite et plus efficacement. Lutter contre l’habitat indigne est notre affaire à tous : il s’agit d’une priorité nationale.

Je suis très satisfait que le Sénat ait pu s’emparer de ce sujet, car, comme l’a constaté la commission des affaires économiques lors de ses déplacements, les élus, et les maires en particulier, sont très impliqués et engagés dans la lutte contre l’habitat insalubre. Ceux-ci sont pourtant trop souvent freinés dans leurs actions, empêchés dans d’autres cas, du fait de la complexité des procédures, de la diversité des autorités concernées et de l’enchevêtrement des compétences en matière de logement indigne. Il nous revient de lever les freins constatés pour que la lutte contre l’habitat insalubre soit plus rapide et plus efficace.

Je remercie la commission des affaires économiques du bon accueil fait aux propositions que j’ai exposées dans ce texte, examiné une première fois en mars dernier.

Vous avez souhaité, madame le rapporteur, prendre davantage de temps pour approfondir la réflexion sur les dispositifs que nous avions proposés au travers des neuf articles visant à renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des collectivités territoriales, accélérer les réponses aux situations d’insalubrité et renforcer les sanctions à l’encontre des marchands de sommeil.

Les nombreuses visites de terrain, ainsi que les auditions auxquelles vous avez procédé à Montfermeil, à Marseille, dans la Somme, en Guadeloupe, en Martinique, pour ne citer que ces déplacements, ont permis d’appréhender très concrètement des situations multiples qui appelaient des réponses ciselées, des dispositifs les plus ajustés possible, sans pour autant pénaliser un secteur. Cela justifiait pleinement la motion tendant au renvoi du texte à la commission, qui a été votée le 5 mars dernier dans le but d’améliorer le texte, et à laquelle je souscrivais sans réserve.

S’il existe des freins législatifs au traitement du problème du logement insalubre – et nous allons essayer d’y remédier via ce texte justement amendé –, ils ne sont pas exclusifs.

Je compte, nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour nous épauler et compléter ce qui doit l’être, afin de faire avancer rapidement la lutte contre l’habitat insalubre, et notamment d’accompagner en moyens humains, financiers et d’ingénierie ce chantier législatif majeur.

Les travaux de votre commission, madame la présidente, ont validé les principales orientations défendues par Mme le rapporteur à l’aune des observations collectées sur le terrain, observations que celle-ci nous présentera dans quelques instants.

L’une des dispositions que j’approuve pleinement est la mise en place d’une police spéciale du logement qui traitera, selon une procédure identique, l’ensemble des cas d’habitat dégradé, qu’il soit en péril, insalubre, indigne ou indécent. Il s’agit là d’une mesure de simplification de premier plan, qui contribuera assurément à accélérer les procédures en matière de traitement des logements dégradés : une catégorie unique d’habitat dégradé, un acteur unique pour traiter ces situations, une procédure unique.

Monsieur le ministre, j’espère que vous accéderez à notre demande d’anticiper sur les ordonnances prévues par la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN, afin de simplifier et d’harmoniser les polices administratives en matière de lutte contre l’habitat indigne. Leur entrée en vigueur à l’horizon de 2021 n’est en effet pas adaptée eu égard à l’urgence d’agir efficacement, objectif que nous partageons tous.

À ce stade, la commission, contrainte par l’article 40 de la Constitution, n’a pas pu donner une seule définition du logement indigne – qui aurait recouvert le logement en péril, le logement insalubre et le logement indécent. Cela aurait supposé que l’on désigne un seul acteur en charge de cette police du logement, ce qui implique des transferts de compétences entre l’État et les collectivités.

Le traitement des logements en péril et celui des logements insalubres demeureront donc distincts pour le moment : le maire continuera de prendre des arrêtés de péril et le préfet continuera de prendre des arrêtés d’insalubrité. Mais, dans les deux cas, ils devront suivre une procédure qui sera identique, et ce grâce aux travaux de la commission.

Le texte de la commission comporte des apports précieux, notamment en ce qui concerne les effets d’une interdiction définitive ou temporaire d’habiter les lieux et le choix des acteurs concernés après qu’une telle interdiction a été prononcée. La commission propose ainsi de rendre obligatoire la présence d’un syndic professionnel en cas d’arrêté de péril ou d’insalubrité.

Madame le rapporteur, vous dotez les collectivités locales de nouveaux pouvoirs pour lutter contre l’habitat indigne sans pour autant alourdir la procédure du permis de louer. Vous complétez notamment un dispositif que nous proposions et qui consiste à exproprier un propriétaire qui ne réaliserait pas les travaux prescrits par un arrêté de péril ou d’insalubrité, tout en donnant un droit de priorité aux collectivités territoriales qui souhaiteraient profiter du bien exproprié.

Vous accentuez les sanctions que nous proposions à l’encontre des marchands de sommeil et faites en sorte que les collectivités territoriales bénéficient du produit des amendes prononcées par le préfet pour non-respect des règles relatives au permis de louer.

Madame le rapporteur, vous appelez tous les acteurs à se mobiliser pour lutter contre l’habitat indigne. Je ne peux que partager pleinement cette volonté.

Il nous faut être à la fois inventifs et concrets dans les dispositifs que nous proposons, à l’image du parcours de rénovation énergétique performante de la ville de Montfermeil où je me suis rendu, moi aussi, en février dernier.

Il en va de même pour la politique de l’habitat à Marseille. Je souhaite que chaque projet de construction ou de réhabilitation d’immeuble, notamment en centre-ville, soit plus vertueux sur le plan énergétique et en lien avec son écosystème environnemental et sociétal.

La deuxième ville de France doit pouvoir se doter d’un projet urbain global plus dynamique. Cette volonté ne peut se concrétiser sans le concours de ses habitants et de ses commerçants, que nous devons associer et faire revenir, car ils font vivre le cœur de ville.

Parvenir à lutter contre la spirale négative de la dégradation du bâti et, par suite, des conditions de vie suppose une approche transversale et coordonnée des actions à mener : plan de sauvegarde, projet urbain, suivi des relogements, accompagnement social et, bien sûr, lutte contre l’habitat indigne.

Ainsi, et pour aller plus loin, on peut penser que la mise en œuvre d’une opération de requalification des copropriétés dégradées serait susceptible d’apporter une aide massive aux petits propriétaires privés qui font face à la dévalorisation de leur immeuble et du quartier sans avoir les moyens financiers d’y remédier efficacement.

Plus largement encore, il serait opportun de créer une zone franche urbaine dans le centre de Marseille, afin d’impulser une nouvelle dynamique économique et sociale. Celle-ci prendrait la forme d’un double panel d’aides et de subventions cumulatives, afin que ce périmètre puisse renouer avec l’attractivité et la réussite économique.

Le retour de petites entreprises et du commerce de proximité contribuerait à la rénovation du centre-ville en engageant un processus de requalification des réseaux, de réhabilitation des devantures commerciales et des façades d’immeubles, de rénovation des locaux professionnels, associé à l’utilisation des nouveaux outils destinés à lutter contre l’habitat indigne.

Telles sont les prémices à l’instauration d’un cercle vertueux qui redonnera vie à des quartiers qui ont depuis trop longtemps le sentiment d’être oubliés.

Le Sénat, sur ces grandes questions, a pris ses responsabilités en inscrivant une nouvelle fois notre proposition de loi à l’ordre du jour.

J’espère que le Gouvernement formulera des propositions constructives et fera preuve d’esprit de dialogue pour que nous trouvions, de manière concertée, les dispositifs les plus pertinents pour lutter contre l’habitat indigne. Il faudra aussi que l’Assemblée nationale se saisisse du texte sans tarder.

C’est un combat commun que nous devons mener ensemble pour qu’il aboutisse rapidement, car c’est une vision de la dignité de l’homme que nous partageons assurément sur toutes les travées !

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