Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, il y a sept mois, plusieurs immeubles s’effondraient rue d’Aubagne à Marseille entraînant la mort de huit personnes et obligeant plus d’un millier d’habitants à quitter leur logement. Cet événement dramatique nous faisait prendre conscience, s’il en était besoin, de la situation de l’habitat indigne dans l’ensemble de nos territoires, urbains comme ruraux.
La proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux, déposée par notre collègue Bruno Gilles, nous a permis de revenir sur ce sujet – ô combien important ! – de l’habitat indigne. En mars dernier, nous avons décidé de prendre plus de temps pour approfondir l’examen de ce texte. Il s’agissait d’examiner d’autres dispositifs de prévention et de simplification des procédures en matière d’habitat indigne. Je remercie Bruno Gilles d’avoir compris le sens de notre démarche.
Nous avons cherché les moyens de lever les freins législatifs à une mise en œuvre efficace de cette politique. Le texte établi par la commission, que nous examinons ce soir, tient compte des observations recueillies lors de nos nombreux déplacements et auditions. Les principales orientations retenues par Bruno Gilles ont ainsi été confortées.
La commission a centré ses propositions autour de quatre axes.
La détection et la prévention de l’habitat indigne constituent un axe essentiel que l’on néglige bien trop souvent. Or c’est bien connu : « Mieux vaut prévenir que guérir. » Plus on intervient en amont, plus on limitera le nombre de logements indignes. La commission a ainsi créé un chapitre spécifique dans la proposition de loi qui comprend deux mesures.
La première concerne le diagnostic technique global, qui permet de faire un état des lieux de la copropriété. L’outil est intéressant à un double titre. Les copropriétaires bénéficient d’un bilan qui leur sert de base pour engager des travaux. Il s’agit également d’une source de données pour les élus. À Aubervilliers, nous avons vu des immeubles dont la façade est impeccable, mais dont l’intérieur est, en réalité, dans un état de dégradation avancée. Pour les élus, le diagnostic constituerait un outil utile pour repérer ces immeubles. C’est pourquoi la commission l’a rendu obligatoire pour les copropriétés de plus de quinze ans.
La seconde mesure concerne les syndics professionnels. Ils sont aux premières loges pour détecter les logements indignes. La commission leur a donné la possibilité de procéder à des signalements dans les cas d’habitat insalubre, dangereux et indécent, sans que l’on puisse leur opposer le principe de confidentialité des données.
Le deuxième axe est celui de la clarification, de la simplification et de l’accélération des procédures en matière d’habitat insalubre ou dangereux : il repose sur la création d’une police spéciale du logement.
La multiplication des polices n’est pas un gage d’efficacité et peut aussi être source de contentieux. Les événements dramatiques de Marseille nous ont rappelé l’urgence d’agir. Monsieur le ministre, le délai de dix-huit mois dont dispose le Gouvernement pour réformer ces polices par ordonnances est bien trop long. Nous devons arrêter de tergiverser !
C’est pourquoi la commission a décidé de revenir sur l’habilitation à légiférer et de modifier directement le droit en vigueur. Nous proposons de créer une police spéciale du logement qui traitera selon une procédure identique les diverses situations d’habitat dégradé. Cette police spéciale a vocation à traiter l’ensemble des cas, qu’il s’agisse de logements en péril, de logements insalubres ou indécents. Elle a vocation à être aux mains d’un seul acteur : le président de l’EPCI, ou le maire lorsque ce dernier souhaite conserver ses pouvoirs de police, l’État demeurant compétent en cas de carence. Enfin, cette police spéciale a vocation à suivre une procédure identique dans tous les cas.
Malheureusement, Bruno Gilles l’a rappelé, l’article 40 de la Constitution empêche tout transfert de compétences et nous empêche donc de proposer cette réforme dans sa globalité. C’est bien dommage. Je ne peux à ce stade que demander au ministre d’engager cette réforme dans les délais les plus brefs.
Le traitement des logements en péril et celui des logements insalubres demeurent donc distincts à ce stade. Le maire continuera de prendre des arrêtés de péril et le préfet continuera de prendre des arrêtés d’insalubrité. Mais, dans les deux cas, ils devront suivre une procédure qui, elle, sera identique.
Bruno Gilles a proposé d’améliorer deux étapes de la procédure : la phase d’instruction et la phase de relogement.
S’agissant de la phase d’instruction, la commission est allée dans son sens. Elle a donné un délai global de deux mois, à la fois pour visiter les locaux et transmettre le rapport à la personne concernée. Elle a également accéléré la phase de relogement en cas d’interdiction définitive d’habiter, tout en tenant compte du marché du logement. Aussi le délai maximal est-il fixé à six mois dans les zones tendues et à trois mois dans les zones non tendues.
Le dispositif devra certainement être amélioré. Il s’agit de la première pierre de l’édifice. Au Gouvernement, là encore, de démontrer sa volonté d’agir et d’apporter des modifications complémentaires.
Malgré leur volontarisme, les maires sont souvent désarmés, faute de disposer des outils adéquats. Bruno Gilles a proposé d’octroyer de nouveaux pouvoirs aux élus locaux pour mieux lutter contre l’habitat indigne. C’est le troisième axe de nos propositions.
Dans la continuité de la loi pour un accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, et de la loi ÉLAN, nous avons cherché à améliorer le régime juridique des permis de louer et de diviser. Bruno Gilles proposait que le silence gardé pendant deux mois vaille rejet de la demande. Les professionnels sont partagés et les effets de cette mesure sont incertains. C’est pourquoi la commission a proposé qu’une expérimentation soit menée au préalable avec les collectivités volontaires pour une durée de cinq ans.
Les communes peuvent être découragées face à l’ampleur de la tâche que représente l’instruction des permis de louer. La commission a décidé que le bailleur serait dispensé de cette procédure lorsqu’il a bénéficié, pour le bien concerné, d’un permis de louer depuis moins d’un an. Le bailleur devra cependant informer la collectivité de la mise en location du bien.
De nombreux élus sont confrontés à des propriétaires qui n’exécutent pas les travaux définis dans le cadre d’un arrêté de péril ou d’insalubrité. Dans certains cas, l’expropriation est pourtant la seule solution. La commission a fait sienne la proposition de Bruno Gilles de soumettre à la procédure dérogatoire d’expropriation les immeubles qui font l’objet d’une interdiction définitive d’habiter et dont le propriétaire n’a pas réalisé les travaux. Elle a néanmoins ajouté des critères pour rendre le dispositif recevable au regard du droit de propriété.
Les collectivités sont bien souvent à l’origine du signalement de l’insalubrité ou du péril. Elles sont mieux à même que l’État de valoriser et de gérer un bien exproprié sur leur territoire.