Nous recevons le vice-ministre des affaires étrangères de la Turquie, S.E. M. Faruk Kaymakci.
Monsieur le ministre, nous sommes très heureux de pouvoir vous entendre aujourd'hui à l'occasion de votre visite à Paris. Je rappelle que vous avez rencontré deux membres de notre commission lors de leur déplacement en Turquie en avril dernier.
Les relations entre nos deux pays sont anciennes et profondes, que ce soit de manière bilatérale ou au sein de l'OTAN. Outre l'importance de la communauté d'origine turque dans notre pays et les nombreuses relations économiques et culturelles qui nous unissent, nous nous félicitons de la poursuite de notre coopération antiterroriste, en particulier contre Daech au Levant et contre le PKK sur le territoire national.
Nous devons également saluer la bonne application de la déclaration UE/Turquie du 18 mars 2016, qui a permis une baisse drastique des traversées ainsi que des décès en mer, dont le nombre a pu être divisé par dix.
Nous reconnaissons l'immense effort accompli par la Turquie pour accueillir plus de 3,9 millions de réfugiés, dont 90 % en provenance de Syrie, et pour les intégrer à la vie du pays. La France respecte ses engagements : elle contribue, à hauteur de 460 millions d'euros, à la mise en oeuvre des deux tranches de 3 milliards d'euros de la facilité européenne pour les réfugiés, dont les versements se poursuivent.
Un autre point essentiel de notre coopération est notre dialogue sur les questions régionales et, en particulier, sur la situation en Syrie, où la Turquie joue un rôle de premier plan. Nos deux pays souhaitent une avancée du processus de règlement politique passant par la nomination d'un comité constitutionnel. Ainsi que le Président de la République l'a indiqué, nous sommes, tout comme vous, très préoccupés par la situation à Idlib. Nous souhaiterions avoir votre analyse de la situation et connaître l'état de vos discussions avec la Russie sur ce point. Pourriez-vous également évoquer l'avancée de vos discussions avec les États-Unis et les Forces démocratiques syriennes (FDS) sur la stabilisation du nord-est de la Syrie ?
Un autre sujet de préoccupation majeur est la montée des tensions à propos de l'Iran, après les annonces faites par ce pays sur le non-respect de l'accord de Vienne, la forte pression exercée par les États-Unis, qui ont annoncé la fin des dérogations à leurs sanctions sur le pétrole, et les incidents survenus dimanche dernier. Comment pouvons-nous agir afin de faire baisser les tensions ?
Parallèlement à ces dossiers sur lesquels nous pouvons progresser de concert, notre relation est affectée par plusieurs difficultés qui ne doivent toutefois pas nous empêcher de dialoguer avec franchise.
Nous sommes d'abord très préoccupés par l'achat de missiles S-400 à la Russie. Nous comprenons la nécessité pour la Turquie d'assurer la protection de son territoire ; du reste, des entreprises turques, françaises et italiennes coopèrent pour développer une solution antimissile propre à la Turquie. Toutefois, la présence de S-400 sur le territoire de la Turquie est problématique pour l'OTAN, pour les États-Unis et pour leurs alliés.
Par ailleurs, nous observons avec une grande inquiétude les tensions croissantes en Méditerranée orientale autour des ressources en gaz qui avoisinent Chypre. Comme vous le savez, la France est très attachée au respect du droit international concernant l'exploitation de ces ressources.
Enfin, notre attachement à l'approfondissement des relations entre nos deux peuples et notre conviction que nous devons coopérer sur de nombreux sujets ne rendent que plus vives nos préoccupations sur la situation de l'État de droit en Turquie. En particulier, l'emprisonnement de nombreux journalistes et universitaires ne nous paraît pas conforme aux principes que la Turquie elle-même s'est engagée à respecter et qui sont au fondement du dialogue entre nos deux pays. Il n'est pas question, pour nous, de remettre en cause le droit souverain de la Turquie à lutter contre les ennemis qui la menacent, mais simplement de rappeler notre attachement à ce que cette lutte ait lieu dans le cadre de l'État de droit et de procédures équitables.
Nous pourrions également aborder la coopération entre nos entreprises, ou encore les difficultés économiques que rencontre actuellement la Turquie, mais je veux maintenant vous céder la parole.