Intervention de Faruk Kaymakci

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 21 mai 2019 à 18h10
Audition de s.e. M. Faruk Kaymakci vice-ministre des affaires étrangères de la république de turquie

Faruk Kaymakci, vice-ministre des affaires étrangères de la République de Turquie :

Les missiles S-500 nous ont été proposés par la Russie, qui fait pour la Turquie ce que l'OTAN ne fait pas. La Turquie a besoin de soutien aérien. Dans la mesure où l'OTAN ne nous apporte pas d'aide, la Russie joue sa carte. La Turquie ne fait qu'étudier les options qui s'offrent à elle. Le système de défense aérienne Patriot, proposé par les États-Unis, ne sera pas effectif avant 2028 et la technologie restera sous contrôle américain. La Turquie peut-elle l'accepter ? Rappelez-vous le général de Gaulle ! Les voisins de la Turquie sont pour le moins compliqués. L'OTAN est un cadre indispensable pour nouer des liens de proximité entre la Turquie et l'Occident, dans un contexte où les crises se multiplient, en Syrie, en Irak, mais aussi en Iran.

Les élections municipales à Istanbul ont fait l'objet de critiques. La Turquie a une longue expérience de la démocratie. Ce n'est pas la première fois que des élections sont annulées, et pas seulement en Turquie. En l'occurrence, des irrégularités ont été constatées, qui ont suscité des objections. C'est aussi l'État de droit que de les prendre en compte. Le vote du peuple reste l'enjeu essentiel. Nous verrons ce que donneront les résultats. À Antalya et à Ankara, le parti au pouvoir a perdu les élections et l'a parfaitement accepté. À Istanbul, le problème porte sur 42 000 votes. Soyons patients.

Que feriez-vous si un universitaire français participait à une réunion de Daech à Bagdad ? La France subit le terrorisme à un degré moindre que la Turquie, qui doit faire face aux attaques de trois organisations : le PKK, Daech et le Fatah. Regardez les mesures que vous avez prises après les attentats de Paris. Le PKK figure depuis 2002 sur la liste des organisations terroristes établie par l'Union européenne. Il peut néanmoins facilement faire de la propagande en Europe pour recruter de futurs terroristes. Il peut aussi importer de la drogue en Europe.

La Turquie est membre du Conseil de l'Europe et candidate à l'Union européenne. Elle a subi trois années difficiles, mais le contexte s'améliore ; depuis la deuxième moitié de 2018, le processus de réforme a repris. Il faut respecter le peuple. La Turquie est candidate depuis 1999 ; or, depuis 2015, vous discriminez notre pays en instaurant un double standard et en le diabolisant comme antidémocratique. Quand cessera cette hypocrisie ? Mieux vaudrait encourager la Turquie à mener ses réformes, afin qu'elle remplisse les critères de Copenhague et puisse devenir membre de l'Union européenne. L'accord de 2015 prévoit qu'une ouverture restera toujours possible dans le processus d'adhésion, avec un droit de veto que vous avez inscrit dans votre Constitution. Ce processus est aussi important pour nous que l'adhésion elle-même. Et peut-être la Turquie finira-t-elle par choisir de ne pas être membre de l'Union européenne.

Quoi qu'il en soit, on ne peut pas continuer à jouer sur un éventuel référendum. Les Anglais le disent très bien : « Democracy is listening to the people, not necessarily following them. » Il faut tracer une ligne claire entre démocratie et populisme. S'il y avait eu un référendum en 1950 pour créer la Communauté européenne du charbon et de l'acier, que serait-il arrivé ? Et croyez-vous que les votes en faveur du Brexit n'aient porté que sur la question du Brexit ? Pas moins de 79 % des Turcs demandent l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, dont 90 % des jeunes, et 55 % pensent que la Turquie peut devenir membre de l'Union européenne si elle fait son devoir. Le processus d'adhésion est utile autant pour la Turquie que pour l'Union européenne. Le résultat est secondaire.

Quant au statut spécial ou au « partenariat privilégié », pour reprendre les mots du président Sarkozy, c'est un concept qui n'est pas pertinent, dans la mesure où la Turquie fait déjà partie de l'Union douanière sans être membre de l'Union européenne. Elle contribue aux missions de sécurité et de défense de l'Union européenne et s'y investit d'ailleurs davantage que certains pays membres. Des dialogues de haut niveau ont cours entre les ministres turcs et les commissaires européens sur l'énergie, les transports et la sécurité. La Turquie souhaite développer la convergence avec l'Union européenne pour l'avenir. Son adhésion lui permettra de développer tout son potentiel. Si elle avait été membre de l'Union européenne en 2003, peut-être la guerre en Irak et le conflit en Syrie auraient-ils été évités. La Turquie est un atout pour l'Union européenne.

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