Monsieur le Président, mes chers collègues, le projet de loi autorisant l'approbation du Protocole entre la France et l'Arménie porte l'application de l'accord signé en 2013 entre l'Union européenne et l'Arménie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier. Nous aurons coup sur coup trois conventions avec l'Arménie, dont la plus importante, l'accord de partenariat complet et renforcé conclu entre l'Union européenne et l'Arménie en novembre 2017, qui est annoncée à l'automne. L'Arménie est dans une période de transition politique depuis que la révolution de velours de 2018 a porté au poste de premier ministre, la figure emblématique de la contestation, Nikol Pachinian. Le principal défi de celui-ci est de lutter contre la corruption et d'attirer les investissements étrangers.
L'accord de 2013 a été conclu dans un contexte de hausse des flux de ressortissants arméniens vers l'UE. Il a pour objet principal d'établir, sur une base de réciprocité, des procédures rapides et efficaces d'identification et de rapatriement en toute sécurité des personnes en séjour irrégulier. Il précise notamment le format de la demande de réadmission, les moyens de preuve de nationalité et ceux qui constituent un commencement de preuve. Il fixe aussi les délais dans lesquels une réponse doit être apportée à toute demande de réadmission - délai de principe de réponse de 12 jours à une demande de réadmission et laissez-passer consulaires délivrés dans les 3 jours suivant la reconnaissance -. Son article 20 rend possible la conclusion d'un protocole bilatéral d'application. L'Arménie en a déjà conclu plusieurs avec respectivement les États du Bénélux et l'Estonie. Des négociations sont en cours avec la République Tchèque, la Bulgarie, l'Allemagne, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la Suède.
Le protocole que nous examinons aujourd'hui est celui que l'Arménie a conclu, en octobre 2016, avec la France. C'est un instrument de portée essentiellement technique qui décline l'accord de réadmission UE-Arménie de 2013 pour préciser un certain nombre de règles propres à la France et à l'Arménie, telles que les autorités compétentes dans la procédure de réadmission, les points de passage frontaliers, la procédure de réadmission, les moyens supplémentaires de preuve de nationalité admis, la demande de transit et les conditions applicables au retour sous escorte.
Pourquoi cet instrument ? L'Arménie se présente toujours comme un pays source d'immigration même s'il ne présente pas un risque majeur. Sa population- 3 millions d'habitants - est bien moins nombreuse que sa diaspora estimée à environ 7 millions de personnes. Les Arméniens de l'étranger vivent en Russie (2 millions de personnes), aux États-Unis, en France (20 000 personnes) ainsi que dans les pays voisins de l'Arménie comme l'Iran. L'Arménie est un pays relativement pauvre dont 30 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et où le taux de chômage de 18,5 % est élevé et persistant.
Depuis 2012, la France est le premier pays de destination de la migration légale arménienne dans l'Union européenne avec un nombre annuel moyen de premiers titres de séjour délivrés d'environ 1 800 par an dont plus de la moitié a un motif familial et un quart, un motif humanitaire. Il s'agit essentiellement d'une immigration d'installation.
Malgré une tendance à la baisse, la pression migratoire à destination de la France reste importante. Au sein de l'UE, la France est également, de longue date, le premier ou le deuxième pays de destination de l'immigration irrégulière en provenance d'Arménie. Depuis 2012, la France se classe également au 1er rang des pays de l'UE en termes de mesures d'éloignement prononcées à l'encontre de ressortissants arméniens - 1 822 mesures d'éloignement ont été prononcées en 2017 et 2 340 en 2018 -. Les Arméniens entrent dans le top 20 des nationalités à l'encontre desquelles la France prononce le plus de mesures d'éloignement. L'Arménie occupait la vingtième place en 2016 et 2017.
Le taux d'exécution des mesures d'éloignement prononcées est jugé peu satisfaisant : il était de 7 % en 2018 (178 mesures d'éloignement exécutées sur les 2 340 prononcées) et de 6 % en 2017 (110 mesures d'éloignement exécutées sur les 1 822 prononcées) contre 8 % en 2016 (138 mesures exécutées sur les 1 690 prononcées) et 8,4 % en 2015 (avec 161 mesures exécutées sur les 1 912 prononcées).
En revanche, la coopération consulaire franco-arménienne est très satisfaisante. En 2016, le taux de délivrance des laissez-passer consulaires dans les délais utiles à l'éloignement s'élevait ainsi à 78 % contre une moyenne nationale de délivrance de 46 % pour cette même année et en 2017, ce taux était de 83 % contre une moyenne nationale de 51 %. Il est de 91,9 % au premier trimestre 2019.
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi avec une pensée pour Charles Aznavour qui nous a quittés il y a huit mois. Ambassadeur de l'Arménie, sa chanson « Emmenez-moi » n'est-elle pas un hymne qui ferait de la France le pays des merveilles ? Ce Protocole de réadmission permettra de pérenniser la coopération consulaire avec l'Arménie, qui est déjà excellente, et de renforcer l'efficacité des procédures de retour vers l'Arménie. Cet instrument s'inscrit également dans le contexte d'un approfondissement des relations entre l'UE et l'Arménie dans le cadre du partenariat oriental.
L'Arménie a notifié, en octobre 2017, son approbation du présent protocole d'application.
L'examen en séance publique est prévu le jeudi 20 juin 2019 selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.