Intervention de René Danesi

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 12 juin 2019 à 9h35
Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière entre le gouvernement de la république française et le conseil fédéral suisse et de l'accord-cadre entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du grand-duché de luxembourg sur la coopération sanitaire transfrontalière — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de René DanesiRené Danesi, rapporteur :

Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant l'approbation des accords-cadres sur la coopération sanitaire transfrontalière conclus avec la Suisse, d'une part, et le Luxembourg, d'autre part.

À titre liminaire, je tiens à souligner que la France a conclu des accords de même nature avec ses autres voisins que sont l'Allemagne, l'Espagne et la Belgique. Dans le domaine sanitaire, notre pays est lié à la Suisse et au Luxembourg par des conventions de sécurité sociale, respectivement signées en 1975 et en 2005. Ces deux accords-cadres disposent que les modalités de prise en charge applicables sont définies par les règlements européens relatifs à la coordination des régimes de sécurité sociale - qui s'appliquent également à la Suisse -, ou celles définies par les conventions locales si les parties ont décidé d'aller au-delà des normes européennes.

Les deux accords-cadres que nous examinons vont beaucoup plus loin en permettant aux frontaliers d'être soignés au plus près de leur lieu de résidence, aussi bien dans leur pays que sur le territoire d'un État voisin. Pour ce faire, les accords-cadres favorisent la mobilité des professionnels de santé et des patients dans les régions frontalières, et développent des coopérations qui leurs sont directement profitables, tant en matière de secours d'urgence que de soins programmés. Il est à noter que l'accord-cadre franco-suisse règle la question du franchissement de la frontière pour faciliter la circulation des services de secours.

Ces deux accords visent donc à définir le cadre juridique de la coopération sanitaire entre deux États voisins, ouvrant la voie à davantage de mutualisation des savoir-faire, des moyens matériels, et surtout, des moyens humains. Leur champ d'application se limite naturellement aux régions limitrophes, ainsi qu'aux personnes affiliées à un régime d'assurance maladie français, suisse ou luxembourgeois. Le champ d'application territorial devra néanmoins être précisé ; en effet, seuls deux départements sont limitrophes du Luxembourg - la Moselle et la Meurthe-et-Moselle -, et six sont limitrophes de la Suisse - le Haut-Rhin, le Territoire de Belfort, le Doubs, le Jura, l'Ain et la Haute-Savoie.

L'esprit de ces accords-cadres constitue donc une réelle avancée pour nos concitoyens frontaliers. Toutefois, ils ne dressent qu'un cadre général qui appelle l'adoption ultérieure d'accords d'application pour fixer les modalités de leur mise en oeuvre. La conclusion de conventions locales de coopération entre les autorités sanitaires compétentes sera donc nécessaire, afin d'assurer une complémentarité des offres de soins de part et autre de la frontière, suivant les besoins et les insuffisances préalablement identifiés.

M. Bruno Fuchs, rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale et député de mon département du Haut-Rhin, a conduit un travail très approfondi sur la question, que je tiens à saluer - même si cela a retardé l'adoption du texte de plus d'un an... La commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a constitué un groupe de travail qui a procédé à de nombreuses auditions et effectué deux déplacements en Suisse, à Bâle et à Genève. Son rapport identifie les lacunes de ces textes trop généraux, et établit une liste de recommandations destinées à assurer leur bonne application qui doit profiter à quelque 270 000 résidants français travaillant soit en Suisse - pour 175 000 d'entre eux -, soit au Luxembourg. Plusieurs de ces recommandations méritent d'être soulignées.

Tout d'abord, l'accord-cadre conclu avec la Suisse désigne la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Haute-Savoie comme seul « référent » des différentes caisses de sécurité sociale suisses. Or, le département du Haut-Rhin bénéficie d'un régime de droit local alsacien-mosellan en matière de sécurité sociale, dont les spécificités peuvent échapper à la CPAM de Haute-Savoie. Il serait donc préférable de désigner trois CPAM au titre de la partie française, c'est-à-dire une caisse, proche de la frontière, par région concernée (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est).

Par ailleurs, un effort de communication doit être entrepris au bénéfice de l'ensemble des habitants des départements frontaliers - qu'ils travaillent ou non de l'autre côté de la frontière - pour les informer de leurs droits en matière d'accès aux soins transfrontaliers et d'affiliation. Je précise à ce titre que les litiges relatifs à l'affiliation des travailleurs français en Suisse, est en passe d'être définitivement résolu, à la suite de l'arrêt du 15 mars 2018 de la Cour de cassation. Les intéressés ont en effet obtenu leur radiation officielle du système de sécurité sociale français, ainsi que la restitution des cotisations sociales indûment versées.

En outre, sur le plan administratif, les agences régionales de santé devront intégrer un volet transfrontalier à leur projet, ainsi que le prévoit la loi. En effet, la mobilisation des acteurs régionaux est indispensable pour être en mesure de proposer des réponses adaptées aux situations rencontrées par nos concitoyens des zones frontalières.

Il faudra également veiller à la participation de chacune des parties dans la construction d'une offre transfrontalière de soins, afin d'éviter toute concurrence entre établissements de soins ou professionnels de santé. À cet égard, l'analyse des ressources et des besoins de chaque bassin de vie devra intégrer la dimension transfrontalière pour aboutir à des diagnostics partagés qui permettront à chaque État d'optimiser ses infrastructures, ses équipements et son personnel médical et paramédical : c'est là tout l'intérêt de ces accords-cadres ! Chaque résident frontalier aura alors accès à l'offre de soins la plus adaptée, au plus près de son domicile.

Enfin, les accords-cadres prévoient la mise en place de commissions mixtes chargées de suivre leur application, et composées uniquement de représentants des autorités sanitaires de chaque partie. Il m'apparait toutefois indispensable d'élargir leur composition aux personnes directement confrontées aux enjeux sanitaires transfrontaliers, à savoir les usagers, les professionnels de santé et les élus locaux.

Pour conclure, après les conventions de sécurité sociale, ces deux accords-cadres constituent une nouvelle étape visant à répondre, à terme, aux besoins globaux des populations frontalières en matière d'offre de soins. L'adoption de dispositions complémentaires sera cependant nécessaire pour en fixer précisément les modalités et les contours, en tenant en compte des recommandations que je viens d'évoquer.

À la lumière de ces observations, je préconise l'adoption de ce projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale le 23 mai dernier, à l'unanimité. Les parlements suisse et luxembourgeois ont chacun adopté l'accord-cadre qui les concerne, respectivement les 15 décembre 2017 et 28 juin 2018.

L'examen en séance publique au Sénat est prévu le jeudi 20 juin prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, ont souscrit.

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