Intervention de Édouard Philippe

Réunion du 13 juin 2019 à 9h30
Politique générale — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Édouard Philippe :

Monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, si j’utilise aujourd’hui l’alinéa 4 de l’article 49 de la Constitution pour vous demander l’approbation de ma déclaration de politique générale, c’est pour exprimer mon respect du bicamérisme qui fonde nos institutions et ma grande considération pour la chambre haute.

Cette procédure est rare dans l’histoire de la Ve République. J’ai choisi de l’utiliser par souci de clarté et de responsabilité, dans un moment de bascule de notre vie politique qui nous invite à dépasser des clivages anciens.

Le 5 juillet 2017, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous présentais ma première déclaration de politique générale. La plupart des engagements que j’y prenais, conformément au programme du Président de la République, sont tenus ou en cours d’accomplissement. Notre conviction qu’il y a urgence à faire avancer le pays n’a pas changé. Notre détermination s’est même accrue.

Les Français se sont exprimés lors des élections présidentielle et législatives de 2017 et, plus récemment, lors des élections européennes ; je n’oublie pas que les grands électeurs se sont, pour leur part, exprimés en septembre 2017. Mais nous savons tous que nos concitoyens ne s’expriment pas seulement les jours d’élection. La démocratie, ce n’est pas seulement glisser son bulletin dans une urne.

Quelles que soient nos affinités partisanes, quelles que soient les sensibilités politiques que vous incarnez et que vous représentez, vous avez pu mesurer, comme nous tous ces derniers mois, à quel point nos concitoyens sont préoccupés et, souvent, en colère.

Chez beaucoup d’entre eux s’expriment un violent rejet des injustices territoriales et fiscales, des complexités administratives, des ratés de notre système de solidarité, un sentiment de colère face à la vie chère, à une société bloquée, à un ascenseur social qui ne fonctionne plus. Pour beaucoup, la politique est devenue synonyme d’incompréhension et de dépossession. Nos compatriotes demandent plus de proximité, plus de participation. Le président Malhuret, dans une intervention remarquée, l’a dit, comme d’habitude en des termes précis et sans complaisance.

En même temps que leur incompréhension et leur colère, beaucoup expriment leur aspiration à l’engagement : pour leurs valeurs, pour leur ville, pour leurs enfants ou pour la planète.

Vivre dignement de son travail, respirer un air pur, avoir accès à une alimentation de qualité, pouvoir se déplacer, quand on habite à la campagne, pratiquer une activité sportive ou culturelle, voilà qui a du sens pour nos concitoyens.

Créer des emplois et des richesses, tout en gardant la sagesse de valoriser aussi, et peut-être surtout, ce qui n’a pas de prix – l’éducation, le patrimoine artistique, la transmission des valeurs, l’accompagnement des malades ou des personnes âgées –, voilà ce qui préoccupe aussi nos concitoyens, voilà ce qui réconcilie la politique et la proximité, voilà ce qui peut nous réconcilier durablement avec les Français, nous qui nous sommes engagés, quelles que soient les idées ou les valeurs que nous portons, pour améliorer leur vie quotidienne.

Je ne vous résumerai pas la déclaration de politique générale que j’ai prononcée hier à l’Assemblée nationale. Vous l’avez parfaitement entendue, grâce au ministre d’État François de Rugy. Je mesure la surprise qui a été la vôtre, et sans doute aussi la sienne, lorsque vous l’avez entendu vous dire qu’il venait de la droite et qu’il avait été salarié d’une grande entreprise du nucléaire… §Je le remercie d’avoir porté ma voix devant vous, en sachant marquer la distance nécessaire entre celui qui avait écrit et celui qui lisait.

Vous avez donc compris que nous engageons l’acte II du quinquennat du Président de la République. Cet acte II s’inscrit dans la continuité du premier acte, mais s’en distingue très fortement par la méthode. Nous ne renions rien et nous sommes fiers des avancées qui ont été acquises depuis deux ans pour libérer le travail tout en renforçant les filets de sécurité qui protègent nos concitoyens les plus vulnérables. Nous sommes fiers aussi d’avoir consenti un effort sans précédent, en décembre, en faveur du pouvoir d’achat de nos concitoyens. C’était nécessaire pour redonner de la confiance et de l’oxygène à beaucoup de Français. Cet effort se poursuivra.

Répondre à l’urgence écologique est le premier axe de notre feuille de route. J’ai présenté hier mon plan de bataille pour les prochains mois. Nous allons accélérer la transformation environnementale de notre économie et de nos transports, rendre plus accessibles et plus incitatives les aides à la rénovation énergétique, en finir avec un consumérisme qui consiste à jeter, à gaspiller avec une insouciance inconsidérée, et qui met en danger la qualité de notre alimentation et de la biodiversité.

Certains nous reprocheront toujours de ne pas aller assez vite ou assez loin, mais, hier, j’ai présenté nombre de mesures qui transforment nos modes de production, de transport, de consommation, de vie. Michel Serres, qui aimait nos terroirs et qui aimait la mer, qui fut un grand penseur de l’écologie, défendait d’ailleurs une idéologie de la courbe, et non de la rupture. Nous sommes convaincus, nous aussi, que respecter la nature, comprendre les enjeux de notre époque, c’est respecter le temps des transformations sûres et durables, plutôt que les soubresauts hâtifs et irréfléchis. Je ne crois pas à l’écologie du Grand Soir ; je crois à l’écologie qui agrège, qui embarque, qui change les actes, et pas uniquement la « une » des journaux.

De surcroît, réparer la planète en abîmant le lien social ne mène nulle part. C’est pourquoi la seconde urgence qui nous anime est de réduire les injustices fiscale, sociale et territoriale, dont les cartographies coïncident en partie. Au centre de la carte, il y a le cœur battant du pays, la France de ce que l’on appelle, par commodité, les classes moyennes ; et ce cœur, on entend qu’il s’essouffle.

Beaucoup de villes, comme Cahors, Limoges, Douai, Vierzon, Autun, Mende, Vesoul, Les Abymes, restent des villes à taille humaine, dynamiques, mais sont fragilisées par la déprise démographique, l’attraction des grandes métropoles et le départ de certains services publics. Notre programme Action Cœur de ville contribuera bientôt à renouveler le paysage urbain de 222 de ces villes, dans toutes nos régions. À Angoulême, l’ancienne clinique Sainte-Marthe, désaffectée depuis 1999, sera transformée en logements, ainsi qu’un îlot de cinq immeubles vacants et murés. À Cahors, la reconquête du centre-ville se traduira notamment par la construction d’un nouveau cinéma. L’accès à l’art ou au numérique ne doit pas être un privilège, parmi d’autres, qui fracturerait notre territoire.

Beaucoup de territoires ruraux se battent, s’équipent en numérique, valorisent leurs atouts, mais s’estiment délaissés, décrochés dans la rapide transformation du monde.

Partout en France, des femmes et des hommes peinent à boucler leurs fins de mois. Dans leurs contributions sur la plateforme du grand débat, ils étaient nombreux à dénoncer le coût de la vie, qui s’entend parfois comme un « coup » qui nous met à terre.

Pour ces hommes et ces femmes, nous voulons que les impôts pèsent moins et que le travail paie mieux. C’est pour eux que nous baisserons l’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros et que nous supprimerons en totalité la taxe d’habitation.

Pour les 12 millions de foyers qui relèvent de la première tranche de l’IRPP, l’impôt sur le revenu des personnes physiques, cela représentera un gain de 350 euros en moyenne. Pour les 5 millions de foyers de la tranche suivante, le gain sera en moyenne de 180 euros. Au total, les impôts des ménages baisseront de près de 27 milliards d’euros durant ce quinquennat.

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