Vous avez évoqué les avantages que procure la gratuité en termes sociaux, de mobilité et d'environnement. En termes sociaux, la gratuité dans les grands réseaux urbains est un cadeau pour les riches. En matière d'accès gratuit, il faut d'abord un accès tout court aux transports publics. La priorité absolue est d'augmenter l'offre de sorte à offrir à chacun des solutions de transports publics. Dans le cadre des colloques auxquels je participais, j'avais l'habitude de dire que les innovations technologiques sont bonnes pour le client, mais coûtent toujours plus cher à la collectivité. C'est en train de changer : avec l'intelligence artificielle, nous avons maintenant des systèmes permettant d'optimiser le transport à la demande. Nous les avons mis en place à Orléans. Cela permet de doubler la fréquentation dans certaines zones de transport à la demande avec un coût équivalent, voire moins élevé. La priorité absolue, c'est l'accès au transport. En matière d'environnement, cela peut être un avantage, mais à condition de prouver le report modal. Or, ce n'est pas évident. Le transfert vient aussi des modes doux.
Le « rapport Richard-Bur » sur la suppression de la taxe d'habitation avait pour mission de trouver une nouvelle fiscalité, mais aussi un nouveau modèle financier pour les collectivités locales. Ma conviction profonde - et je suis un ancien directeur local de la Caisse des Dépôts - est que la contrainte financière va être de plus en plus forte pour les collectivités locales et leurs agents publics. Dans ce contexte, le levier fiscal atteint son plafond. On ne pourra pas ne pas se poser la question de savoir ce que l'on finance par l'usager et ce que l'on finance par la solidarité nationale ou locale. Je viens de lire ce matin dans la Gazette des communes que le nouveau directeur des bibliothèques de France veut la gratuité totale pour toutes les bibliothèques et souhaite que cette mesure soit inscrite dans la loi. À Orléans, je suis partisan de la gratuité des bibliothèques : la mutualisation des bibliothèques des communes qui composent la métropole couvre largement le manque à gagner lié à la gratuité. Mais, c'est un choix politique. On ne peut pas l'imposer par la loi. Le transport coûte très cher. Dans un petit réseau comme celui de Châteauroux, les recettes représentaient 400 000 euros par an. À Orléans, elles représentent 20 millions d'euros, 55 millions d'euros à Strasbourg et 100 millions d'euros à Lille. Il faut être capable d'assumer ces choix politiques.