La position de France Urbaine est quasiment la même que celle qui vient d'être exprimée.
La première fausse idée est de dire que l'on peut comparer le financement des transports au financement de la route. Le Sénat a mis en place une mission sur le sous-financement de la route, et au tout début de l'examen de la LOM il y avait la question des routes de France. Cela ne portait que sur le réseau national, soit un tout petit pourcentage des routes françaises. On sait que la route en France est sous-financée. Nous avions plaidé, à l'instar de certaines collectivités, pour des péages de congestion ou des péages inversés. Se dire que la route est un bon exemple est erroné.
En matière de financement, la participation de l'usager aux transports urbains oscille entre un quart et un tiers du prix. Si l'on compare cette proportion à celle qui existe dans les autres villes européennes, quel que soit leur taille, on est très en deçà des pratiques. Dans la plupart des pays, la participation de l'usager se situe entre 50 et 70 % du prix.
L'élément social aurait pu être un élément fondateur. J'ai participé à la « Stratégie pauvreté ». Dans cette stratégie, la question des mobilités était une question centrale, mais, à aucun moment, elle n'a été abordée du point de vue du coût. Elle a été posée au titre de l'offre. Le problème majeur, notamment pour l'accès des jeunes à l'emploi et l'obligation de formation jusqu'à 18 ans, est d'offrir des solutions de mobilité, y compris de comprendre comment on peut utiliser un réseau de mobilité. À aucun moment dans les diagnostics la question du tarif n'a été un sujet.
En région Île-de-France, lorsque vous habitez le long de la ligne D du RER, votre chance d'obtenir un emploi est extrêmement faible. Si vous habitez au coeur de l'agglomération, vous n'avez pas de problème de transport. Mais lorsque vous habitez au-delà d'Évry ou de Corbeil-Essonnes, desservies par la ligne D du RER, obtenir un emploi est extrêmement difficile. Obtenir d'une entreprise qu'elle vienne s'implanter sur le territoire est quasiment impossible. L'offre de transport pose un véritable problème.
Sur le plan environnemental, la question pourrait se poser : le fait d'aller vers la gratuité entraîne-t-il un report modal ? Nous n'avons aujourd'hui aucune expérience. Le rapport de Jacques Rapoport le dit bien : nous n'avons pas d'éléments qui nous indiquent un report modal important. Si l'on prend quelques exemples, lorsque des expérimentations sont faites - la création d'aires autoroutières, par exemple - la question de payer le service n'est pas remise en cause par les usagers. N'allons pas mettre en oeuvre des politiques tarifaires de matière à aggraver le mitage urbain. Les études de la FNAUT et les agences d'urbanisme montrent que ce risque existe.
Lorsque nous avons travaillé sur la loi d'orientation des mobilités, nous avons été attentifs à l'aspect territorial. Dans un coeur d'agglomération, c'est une question de recettes comparées aux dépenses. Mais l'enjeu est celui de l'alliance de territoires.
Aujourd'hui, des modalités alternatives de transport se développent. Lorsque l'on parle des trottinettes, on a tendance à se raidir, car on en voit plus le détournement d'usage et l'usage négatif que l'apport. Mais, il faut envisager ces autres usages. Il y a quelques années, on n'aurait pas imaginé des dispositifs de partage de voitures. Ma génération pratiquait l'autostop. Dans la génération de mes enfants, on recourt à BlaBlaCar naturellement. On est dans des logiques où l'on n'est ni propriétaire d'un véhicule, ni dépendant du seul service public. La question de demain est de savoir si l'autopartage va se développer là où le besoin existe pour effectuer « le dernier kilomètre », et ou si ne pas en disposer va renforcer le phénomène d'isolement social ou lié à l'âge. Nous aurions tort de ne pas regarder comment aider à la mise en place de ces services complémentaires du dernier kilomètre, y compris sur le plan financier.