Intervention de Jean-Marie Bockel

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 16 mai 2019 : 1ère réunion
Présentation du rapport d'information de m. antoine lefèvre et mme patricia schillinger « mieux associer les élus municipaux à la gouvernance des intercommunalités : valoriser les bonnes pratiques »

Photo de Jean-Marie BockelJean-Marie Bockel, président :

Je souhaite faire un point sur le statut des élus locaux. J'ai eu une réunion avec Jacqueline Gourault le 7 mai dernier sur ce sujet, s'inscrivant dans la suite de notre rapport qui a été présenté par le Président du Sénat avant le congrès des maires. Je vous rappelle que cette question a été plusieurs fois reprise par les plus éminents représentants de l'exécutif, qu'il s'agisse du Président de la République, à plusieurs occurrences, notamment lors du Grand débat, ou du Premier ministre lors du congrès des maires. Jacqueline Gourault a été citée plusieurs fois comme devant co-construire avec nous une démarche. Après la séance de travail que j'ai eue avec elle, qui a succédé à de multiples réunions techniques préparatoires, je tiens à faire un point d'étape sur l'état de prise en considération de nos travaux, sachant que des mesures ont déjà été engagées, et étant entendu que tout ne dépend pas de la loi.

Selon Jacqueline Gourault, le Gouvernement s'oriente vers un calendrier législatif relativement desserré en ce qui concerne les collectivités territoriales, malgré des déclarations qui vont dans le sens d'une accélération. Il est question de la discussion, en janvier 2020, d'un projet de loi relatif à une nouvelle étape de la décentralisation - lequel fait un peu figure de serpent de mer -, ainsi que de textes relatifs aux irritants de la loi NOTRe, mais aucun délai n'est donné sur le statut de l'élu. Mme Gourault ayant cependant indiqué que les choix gouvernementaux devraient être précisés lors du prochain congrès des maires, j'ai fait observer que cette question avait déjà été évoquée lors de deux congrès des maires successifs, et qu'il ne serait pas compris que l'on se borne une nouvelle fois à promettre d'engager une réflexion. La ministre et ses conseillers assurent en être conscients. Il reste que les modalités pratiques de l'exercice de co-construction sont à préciser.

Si l'on passe en revue les différents chapitres de nos travaux, Jacqueline Gourault nous a tout d'abord indiqué que rien n'a été décidé sur la revalorisation du régime indemnitaire. Dans le contexte actuel, nous sommes tous prudents sur ce sujet, y compris les associations d'élus. Sa position personnelle consisterait à proposer une revalorisation financée, au moins en partie, par les économies résultant de la diminution du nombre d'élus, et notamment d'élus indemnisés. Elle compte tester cette piste dans les discussions à venir. Une autre piste suggérée par son cabinet, mais qu'elle-même juge improbable, serait de privilégier la protection sociale des élus en s'inspirant des modèles existants d'engagement civique, dont celui des sapeurs-pompiers.

Jacqueline Gourault a confirmé que plusieurs des préconisations formulées par la délégation sur le régime indemnitaire ont d'ores et déjà trouvé un début d'application. Tout d'abord, le montant de la fraction représentative des frais d'emploi (ou « allocation pour frais d'emploi »), non assujettie à l'impôt, a été relevé pour les élus des communes de moins de 3 500 habitants (suite donnée à la recommandation n° 12). Cet allègement de la fiscalité applicable aux indemnités de fonction a été introduit par la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 (article 4), consécutivement au dépôt d'amendements portés par le sénateur Charles Guené et soutenus par l'Association des maires de France (AMF).

En outre, par trois arrêtés des 26 février et 11 mars 2019, le niveau des frais d'hébergement et de déplacement remboursables a été rehaussé pour les fonctionnaires de l'État et, par assimilation, pour les élus locaux, la prise en charge des frais de repas demeurant cependant inchangée (recommandations n° 8 et 9).

Un décret est également en cours d'élaboration dans le but de relever (de 658,01 à 987,02 euros selon les éléments communiqués) le plafond de remboursement des frais spécifiques de déplacement, d'accompagnement et d'aide technique des élus en situation de handicap (recommandation n° 11).

Jacqueline Gourault s'est par ailleurs déclarée favorable au maintien des indemnités des présidents de syndicat mixte fermé et de syndicat mixte ouvert restreint au-delà du 1er janvier 2020 (recommandation n° 2). C'est un point sensible, car il permet d'indemniser des personnes très investies, mais ne pouvant entrer dans le cadre très limitatif et resserré des vice-présidences.

En matière de régime social, certaines de nos propositions formulées par la délégation ont déjà pu être effectivement mises en oeuvre. Il s'agit de propositions essentiellement pratiques, destinées à faciliter les démarches des élus locaux dans ce domaine.

Ainsi, une rubrique du site de l'assurance maladie en ligne (AMELI) est désormais intégralement dédiée aux élus locaux (recommandation n° 2). Celle-ci a été mise en ligne le 13 février 2019. Les informations diffusées seront régulièrement enrichies et actualisées. Il est également possible pour les élus locaux de procéder à leur affiliation de manière dématérialisée via un formulaire spécifique, pour éviter des radiations dues à la compréhension difficile par les élus des formulaires actuellement en vigueur (recommandation n° 1).

Pour mieux informer les élus de la nécessaire mention par le médecin de l'autorisation d'exercer leur mandat durant leurs congés pour maladie, la Direction de la sécurité sociale (DSS) a établi une fiche qui sera diffusée par les associations d'élus locaux et les caisses primaires d'assurance maladie (recommandation n° 3).

Suite aux propositions de la délégation, la DSS travaille à la rédaction d'une circulaire afin de régler la question des cotisations patronales appliquées à la part versée par les collectivités au titre de l'affiliation d'un élu au régime de retraite supplémentaire (type FONPEL/CAREL). Un compromis a pu être trouvé et une instruction de la DSS précise qu'à compter du 1er mars 2019 le forfait social sera appliqué à la part versée par les collectivités territoriales, ce qui réduira de 50% les versements incombant aux collectivités (premier sujet de la recommandation n° 5).

S'agissant de la proposition d'exclure le régime de retraite obligatoire Ircantec des élus locaux des règles de cumul emploi-retraite, Jacqueline Gourault a fait état de risques de hausse des cotisations sociales des élus. Elle a évoqué ce sujet avec le haut-commissaire à la réforme des retraites (recommandations n° 5 et n° 6).

La proposition de la délégation d'augmenter le plafond trimestriel des crédits d'heures a été jugée problématique, du fait de l'absence de mécanisme d'exonération à la source. Le ministère a sollicité les associations d'élus locaux afin d'obtenir des informations sur l'existence de problèmes concrets à ce sujet (recommandation n° 10).

Lors des réunions techniques avec le ministère sur les thèmes de la formation et de la reconversion, les associations d'élus locaux ont défendu les propositions du Sénat, en particulier s'agissant :

- de l'extension à l'ensemble des communes, et plus seulement celles de plus de 3500 habitants, de l'obligation de formation des élus durant la première année de leur mandat (recommandation n° 3). Sur ce point, l'AMF a même recommandé une extension encore plus grande : aux maires et aux présidents d'EPCI. Une mesure législative serait nécessaire ;

- de la vérification par les préfets de l'obligation de délibérer sur les dépenses de formation par les collectivités territoriales (recommandation n° 2) ;

- du soutien à la création d'entreprises par les anciens élus locaux (recommandation n° 9), mais en mobilisant prioritairement les banques volontaires, et non la seule Caisse des dépôts et consignations (CDC) ;

- de la mobilisation du CNFPT pour délivrer des formations dans le cadre du DIF aux élus locaux bénéficiant de l'allocation différentielle de fin de mandat et n'ayant pas retrouvé d'emploi (recommandation n°11).

Les associations ont unanimement souligné l'importance du droit individuel à la formation (DIF) s'agissant de l'accès réel à la formation, mais aussi en matière de reconversion. Le ministère a rappelé que le dispositif allait logiquement monter en puissance à l'approche du renouvellement des assemblées locales en 2020, et a bien identifié le besoin des élus locaux d'un traitement plus rapide des demandes adressées à la CDC dans ce cadre. Il a indiqué qu'il allait attirer l'attention de la CDC sur ce point.

Le ministère n'a pas manifesté d'opposition à l'idée que les élus locaux puissent bénéficier des formations dispensées par le CNFPT, à la condition qu'ils y cotisent, ce qui impliquerait une modification législative (recommandation n° 11).

Le sujet de la validation des acquis de l'expérience professionnelle (VAE) a fait l'objet de plusieurs demandes des associations d'élus locaux. Le Sénat avait bien identifié cette question, mais avait surtout relevé dans son rapport que les dispositifs existants étaient « satisfaisants, mais méconnus des élus locaux ». Partageant l'avis du Sénat, le Gouvernement a suggéré de renforcer l'information à travers le « Guide de l'élu local » publié par l'AMF. Un travail de pédagogie sera mené, accompagné d'une réflexion de la DGCL sur les possibilités de mieux cibler certaines des filières universitaires à privilégier par les élus locaux dans l'utilisation de la VAE.

S'agissant plus spécifiquement de la reconversion, le Gouvernement se rallie à la proposition du Sénat d'évaluer le dispositif de l'allocation différentielle de fin de mandat en 2020 et 2021 avant d'envisager son extension et l'augmentation de son montant (recommandation n° 8).

En fin de compte, le volet formation-reconversion ne semble pas revêtir un caractère spécialement épineux.

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