Le GART se pose depuis longtemps la question de la gratuité totale des réseaux de transport public, mais toujours sous l'angle d'un principe fondamental, celui de la libre administration des collectivités territoriales. Notre travail ne vise pas à dire de la gratuité que c'est bien ou que c'est mal ; nous tâchons bien plutôt, à travers notamment l'étude dont nous avons donné les premières conclusions à Nice vendredi dernier, d'objectiver les raisons qui peuvent faire pencher la balance, en fonction des caractéristiques de chaque collectivité, en faveur ou en défaveur de la gratuité. Nous étudions également les alternatives - je pense notamment aux politiques de tarification solidaire -, et examinons les exemples étrangers.
Quel regard portons-nous sur la mise en place de la gratuité des transports collectifs ? La politique tarifaire est une politique très importante d'attractivité des réseaux ; il existe des réseaux qui ont fait le choix de passer à la gratuité, et d'autres se posent la question de leur emboîter le pas. L'ouverture du débat municipal, à la veille de 2020, remet cette question à l'ordre du jour, mais il ne suffit pas de se lever un matin et de décider de la gratuité pour qu'un tel choix soit forcément pertinent et efficace. Parmi les maires présents au colloque que nous avons organisé vendredi dernier, certains ont fait le choix de la gratuité et en sont de fervents partisans, notamment ceux de Dunkerque et de Châteauroux, mais d'autres ont choisi de ne pas retenir cette option - ainsi de Roland Ries, maire de Strasbourg.
La gratuité répond-elle aux attentes exprimées par les usagers ? On ne prend jamais la décision de passer à la gratuité parce que les usagers l'ont demandé : la gratuité n'est pas une attente ; elle est toujours, lorsqu'elle est instaurée, le fruit de la volonté des autorités municipales. Ce qu'attendent principalement les usagers, ce sont des transports performants et efficaces. Il a d'ailleurs été démontré qu'on ne pouvait pas convaincre un automobiliste de passer au transport collectif en l'absence d'offre de qualité. La gratuité doit donc impérativement s'associer, pour produire ses effets, à une augmentation et à une amélioration de l'offre.
L'exemple de Dunkerque montre que 48 % des personnes dont l'usage du bus a augmenté circulaient auparavant en voiture ; le résultat est donc probant en matière de report modal. Il faut noter néanmoins que, si le report modal est bien sûr lié à l'opportunité de la gratuité, il est aussi la conséquence d'une profonde restructuration et amélioration de l'offre, dont le coût a d'ailleurs été absorbé non par une augmentation du versement transport, mais par la réaffectation d'un budget qui avait été alloué à une autre opération, celle-ci ayant été entretemps annulée.
Les études quantitatives, en la matière, sont peu nombreuses ; on ne peut donc pas tirer de conclusion définitive. Les quelques modèles mathématiques qui tournent sur le sujet, celui utilisé par la région Île-de-France pour réaliser son étude notamment, montrent néanmoins que le déplacement automobile perdurera tant qu'il restera plus attractif en termes de temps et de confort. On peut donc penser que le passage à la gratuité n'apportera rien dans des agglomérations où le réseau de transport collectif est saturé.
Aujourd'hui, les contempteurs de la gratuité tirent argument d'un supposé surcroît de vandalisme dans les réseaux gratuits. Or cet argument est inexact...