Mission d'information Gratuité des transports collectifs

Réunion du 18 juin 2019 à 14h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Vullien

Merci à tous pour votre présence.

Notre mission d'information sur la gratuité des transports collectifs s'est donné pour objectif de comprendre le point de vue des principaux acteurs concernés, les usagers notamment, et de répondre à la question de savoir si la gratuité est une fausse bonne idée ou si elle constituerait une véritable révolution écologique et sociale. Cette mission a été créée à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, dont M. Guillaume Gontard, notre rapporteur, est membre.

Un certain nombre de réseaux, par exemple Dunkerque ou Niort, ont fait le choix de passer à la gratuité totale. Nous souhaiterions connaître plus précisément les attentes des usagers : la gratuité fait-elle partie de leurs attentes fortes ? Quels sont ses effets, en termes de report modal notamment ?

Un grand nombre des associations que vous représentez ont pris position contre la gratuité ; cette table ronde est l'occasion d'essayer de comprendre pourquoi certaines collectivités ou associations souhaitent, elles, la gratuité, et de poser la question du financement de cette mesure, sachant qu'il convient, évidemment, d'associer les autorités organisatrices à cette réflexion. Je vous propose de prendre chacun la parole pendant une dizaine de minutes, après quoi M. Gontard, puis l'ensemble de nos collègues, vous poseront leurs questions.

Debut de section - Permalien
Guy le Bras, délégué général du Groupement des autorités responsables de transport (GART)

Le GART se pose depuis longtemps la question de la gratuité totale des réseaux de transport public, mais toujours sous l'angle d'un principe fondamental, celui de la libre administration des collectivités territoriales. Notre travail ne vise pas à dire de la gratuité que c'est bien ou que c'est mal ; nous tâchons bien plutôt, à travers notamment l'étude dont nous avons donné les premières conclusions à Nice vendredi dernier, d'objectiver les raisons qui peuvent faire pencher la balance, en fonction des caractéristiques de chaque collectivité, en faveur ou en défaveur de la gratuité. Nous étudions également les alternatives - je pense notamment aux politiques de tarification solidaire -, et examinons les exemples étrangers.

Quel regard portons-nous sur la mise en place de la gratuité des transports collectifs ? La politique tarifaire est une politique très importante d'attractivité des réseaux ; il existe des réseaux qui ont fait le choix de passer à la gratuité, et d'autres se posent la question de leur emboîter le pas. L'ouverture du débat municipal, à la veille de 2020, remet cette question à l'ordre du jour, mais il ne suffit pas de se lever un matin et de décider de la gratuité pour qu'un tel choix soit forcément pertinent et efficace. Parmi les maires présents au colloque que nous avons organisé vendredi dernier, certains ont fait le choix de la gratuité et en sont de fervents partisans, notamment ceux de Dunkerque et de Châteauroux, mais d'autres ont choisi de ne pas retenir cette option - ainsi de Roland Ries, maire de Strasbourg.

La gratuité répond-elle aux attentes exprimées par les usagers ? On ne prend jamais la décision de passer à la gratuité parce que les usagers l'ont demandé : la gratuité n'est pas une attente ; elle est toujours, lorsqu'elle est instaurée, le fruit de la volonté des autorités municipales. Ce qu'attendent principalement les usagers, ce sont des transports performants et efficaces. Il a d'ailleurs été démontré qu'on ne pouvait pas convaincre un automobiliste de passer au transport collectif en l'absence d'offre de qualité. La gratuité doit donc impérativement s'associer, pour produire ses effets, à une augmentation et à une amélioration de l'offre.

L'exemple de Dunkerque montre que 48 % des personnes dont l'usage du bus a augmenté circulaient auparavant en voiture ; le résultat est donc probant en matière de report modal. Il faut noter néanmoins que, si le report modal est bien sûr lié à l'opportunité de la gratuité, il est aussi la conséquence d'une profonde restructuration et amélioration de l'offre, dont le coût a d'ailleurs été absorbé non par une augmentation du versement transport, mais par la réaffectation d'un budget qui avait été alloué à une autre opération, celle-ci ayant été entretemps annulée.

Les études quantitatives, en la matière, sont peu nombreuses ; on ne peut donc pas tirer de conclusion définitive. Les quelques modèles mathématiques qui tournent sur le sujet, celui utilisé par la région Île-de-France pour réaliser son étude notamment, montrent néanmoins que le déplacement automobile perdurera tant qu'il restera plus attractif en termes de temps et de confort. On peut donc penser que le passage à la gratuité n'apportera rien dans des agglomérations où le réseau de transport collectif est saturé.

Aujourd'hui, les contempteurs de la gratuité tirent argument d'un supposé surcroît de vandalisme dans les réseaux gratuits. Or cet argument est inexact...

Debut de section - Permalien
Guy le Bras, délégué général du Groupement des autorités responsables de transport (GART)

Le niveau de vandalisme est corrélé à la présence de personnels dans les bus.

On entend dire également que les réseaux qui passent à la gratuité augmentent le versement transport pour la financer ; mais tel n'est pas forcément le cas : à Dunkerque, la municipalité a trouvé d'autres moyens de financement.

En revanche, la gratuité a bien un coût - comme l'a dit la ministre Élisabeth Borne, la gratuité n'est pas gratuite -, et la tentation peut être assez forte, pour la financer, de puiser dans le versement mobilité, nouveau nom du versement transport. En la matière, le GART se montre extrêmement prudent, car le versement mobilité, outre qu'il n'a pas été conçu pour financer la gratuité, n'est pas gravé dans le marbre : on ne peut pas être certain de sa pérennité future - tous ceux qui ont suivi le débat sur l'article 2 de la loi d'orientation sur les mobilités (LOM) savent à quoi je fais allusion : à toutes les pressions exercées par le Gouvernement pour rogner le versement mobilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Vullien

Je profite de cette table ronde pour vous indiquer que les rencontres nationales du transport public se dérouleront bientôt à Nantes, dont la maire évoquait récemment l'idée d'instaurer la gratuité du réseau le week-end et pour les enfants.

Debut de section - Permalien
Guy le Bras, délégué général du Groupement des autorités responsables de transport (GART)

Mais elle souhaite en même temps augmenter les tarifs d'abonnement.

Debut de section - Permalien
Bruno Gazeau, président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut)

La Fnaut est contre la gratuité totale et pour la gratuité pour ceux qui en ont besoin.

Parmi les motivations de ceux qui veulent la gratuité totale sont le plus souvent cités l'accessibilité des transports à tous, le recul de la part modale de la voiture et l'amélioration de la circulation, la réduction de la pollution et de la congestion du trafic, la relance de l'activité commerciale des centres-villes. Nous pensons que tous ces objectifs, qui sont louables, peuvent être atteints sans en passer par la gratuité totale, en privilégiant notamment une tarification sociale en direction de ceux qui en ont besoin, et en mettant l'accent sur la pédagogie afin d'inciter les usagers à prendre les transports collectifs. Pour remplir les bus, il faut une politique globale de transport, intégrant par exemple la question du stationnement. Et, en tout état de cause, les transports en commun doivent avant tout être efficaces et ponctuels.

Dans les grandes villes qui mettent en place la gratuité totale, les usagers qui abandonnent la voiture sont ceux qui ont les moyens de choisir ; or ils ne le font que si le transport collectif s'avère plus rapide. Ce n'est donc pas une question de coût. Le report modal est de l'ordre de 2 %, jamais beaucoup plus ; ainsi, les jours de pluie, la gratuité attire des cyclistes dans les bus. Aucune étude ne prouve en tout cas le caractère massif du report modal consécutif de la gratuité.

Nous sommes également attentifs à la question du financement. Le transport public est financé sur la base d'un triple pied : État, entreprises, usagers. Déséquilibrer un système qui fonctionne bien en supprimant l'un de ces trois pieds, ce serait jouer avec le feu. À terme, si la gratuité est généralisée, c'est la paupérisation du transport collectif qui guette.

Quant à l'activité commerciale, elle dépend beaucoup de la politique de la ville - types de commerces encouragés, vitesse autorisée dans les rues, place des piétons - et de l'évolution des commerçants à l'égard les zones périphériques, du e-commerce, des produits vendus, donc de beaucoup d'autres critères que ceux du transport.

Pour toutes ces raisons, nous insistons afin que les efforts financiers qui peuvent être consentis visent à améliorer l'offre et non à octroyer la gratuité à ceux qui n'en ont pas besoin.

Debut de section - Permalien
Christian Broucaret, président de la Fnaut Nouvelle-Aquitaine

Pour ma part, je vous livrerai deux expériences locales. La commune de Libourne applique la gratuité totale, mais la part payée par les usagers ne représentait qu'environ 10 % du prix du ticket. Le coût pour la collectivité est donc faible, si l'on tient compte des économies réalisées en matière de billettique et de contrôle.

À Bordeaux, voilà quelques années, le réseau a été mis gratuitement à disposition lors d'un épisode de pollution, et la hausse de la fréquentation n'a été que de 11 %. Le report modal n'a donc pas bien fonctionné.

J'ai coutume de dire : le prix s'oublie, la qualité reste. Les usagers acceptent de payer un service de qualité. D'ailleurs, les comités de ligne TER se passent bien lorsque la régularité est respectée. Le prix commence à être discuté lorsque le service n'est pas bien rendu.

Debut de section - Permalien
Jean-Sébastien Barrault, président de la Fédération nationale des transports de voyageurs

La gratuité dans les transports est un sujet d'actualité, y compris dans les transports scolaires et interurbains, la loi NOTRe ayant transféré la compétence aux régions, qui doivent harmoniser les différentes politiques tarifaires. Or près d'un tiers des départements appliquent une gratuité totale ou partielle avec des frais de dossier en matière de transports scolaires.

Les transporteurs ne sont pas favorables à la gratuité totale ; ils préfèrent la mise en place d'une tarification solidaire spécifique. Il ne nous paraît pas opportun de consacrer des moyens importants au financement de la gratuité, alors que le défi de la transition énergétique appelle des investissements colossaux en matière de véhicules propres. S'y ajoute le défi de l'emploi, 6 000 postes d'autocaristes n'étant pas pourvus, ce qui oblige des transporteurs à renoncer à des marchés. Il est donc urgent de revaloriser le métier de conducteur. Or les budgets des collectivités locales sont très contraints.

La gratuité, cela a été dit, ne répond pas véritablement aux attentes des usagers, qui portent plutôt sur la qualité et la quantité. Surtout, elle désorganise profondément les services assurés par les opérateurs. En cas de gratuité dans les réseaux interurbains ou scolaires, 15 % à 20 % des titres de transport sont dits « de confort », pris au cas où, ce qui rend extrêmement compliqué l'ajustement de l'offre à la demande : si l'on s'appuie sur le nombre de cartes délivrées, les véhicules circulent à vide ; si l'on procède selon des estimations, il arrive que des passagers voyagent debout. Tous les transporteurs le disent, il est très difficile d'établir le bon niveau d'offre sur un réseau gratuit.

Nous souhaitons enfin attirer votre attention sur deux points : une délégation de service public ne risque-t-elle pas d'être requalifiée en marché public ? La récupération de la TVA par les collectivités locales n'est-elle pas compromise ?

Debut de section - Permalien
Claude Faucher, délégué général de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP)

Nous partageons très largement ce qui a été dit. La gratuité a souvent été le fait de collectivités dont le ratio de voyages par habitant était inférieur à la moyenne et les ressources fiscales supérieures. Toutes les collectivités n'en ont pas la capacité. L'UTP est opposée à la gratuité totale ; elle est favorable à la tarification dite solidaire, illustrant le principe cher au Conseil national de la Résistance : « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ».Ce principe prévaut pour la quasi-totalité des services publics, sauf pour les transports publics, qui rendent pourtant service à l'ensemble de la collectivité, y compris en désengorgeant les routes.

Le premier inconvénient de la gratuité, c'est qu'elle prive l'autorité organisatrice de ressources. Elle pourrait par ailleurs avoir des incidences fiscales en matière de récupération de TVA.

La question du périmètre est également essentielle : le transport ferroviaire régional, voire les trains d'équilibre du territoire relèvent d'une obligation de service public. La question de la gratuité des transports urbains, financés par le versement mobilité, pourrait donc se poser pour les transports ferroviaires régionaux, voire pour les TGV dans certaines régions. Comment la financer ?

Enfin se pose la question du développement durable. Le report modal depuis la voiture comporte un bénéfice environnemental, mais pas s'il se fait au détriment des modes actifs comme la marche ou le vélo. Le bénéfice environnemental et sociétal de la gratuité n'est pas garanti, les études ne permettant pas de mettre en évidence un report modal depuis la voiture significatif. Les conséquences sur le surdimensionnement de l'offre ont été évoquées, alors même que les besoins en matière d'investissements et de qualité de service sont renforcés.

La gratuité totale ne nous semble donc pas être la bonne réponse à de bonnes questions. L'attractivité des transports et le taux de report modal est élevé dans certaines villes dont les tarifs ont évolué avec l'offre. C'est la qualité de l'offre qui conduit au report modal que chacun appelle de ses voeux, dans une logique de complémentarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Je vous remercie de vos interventions, parfois tranchées. Le groupe CRCE a demandé la création d'une mission d'information sur la gratuité dans les transports sous différentes formes, car elle devient un enjeu à l'approche des élections municipales, alors qu'il nous manque une analyse globale et approfondie sur le sujet. Je pense notamment à la question du financement.

Vous avez beaucoup parlé de l'attente des usagers, mais la mobilité n'est-elle pas un besoin qui doit pouvoir être satisfait à l'échelle d'un territoire ? La question de la gratuité est d'ailleurs expérimentée dans d'autres domaines : l'eau, les musées, les bibliothèques... La gratuité est un outil. Il importe de connaître son impact en termes de report modal, par exemple.

Ce qui me frappe, c'est l'absence d'études sur le sujet, mis à part celle sur Châteauroux réalisée par Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) en 2007 et, plus récemment, celle sur Dunkerque. Ces deux études témoignent plutôt d'un report modal, mais nous manquons de données. Je salue à cet égard la mise en place d'un observatoire des villes du transport gratuit.

Dans le cadre du financement actuel, je suis d'accord avec vous, le manque à gagner aura une incidence sur l'offre. La gratuité s'intègre dans une politique d'ensemble des transports. Elle reste un outil. Je vous invite à réfléchir à d'autres types de financement pour répondre aux défis à venir, notamment au développement des transports en commun pour des questions environnementales. Derrière la question de la gratuité se pose justement celle du financement. Avez-vous des pistes de réflexion ? Outre les taxes, comme les péages urbains, que pensez-vous d'un élargissement du financement, sur le modèle de la voirie, qui est payée par l'ensemble de la collectivité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

Monsieur Le Bras, vous avez indiqué que la ville de Dunkerque avait trouvé d'autres financements que le versement mobilité. Quels sont-ils ?

Debut de section - Permalien
Guy le Bras, délégué général du Groupement des autorités responsables de transport (GART)

À Dunkerque, les 3 millions d'euros budgétés pour le projet d'arena abandonné ont été réaffectés à la mobilité et aux transports, c'est donc un cas extrêmement spécifique.

Monsieur Gontard, je tiens à souligner que le GART soutient massivement le versement transport, un financement à la fois dynamique et proportionnel à la demande, qui a fait la preuve de son efficacité. Les taxes à vocation écologique, quant à elles, ont un rendement décroissant. Nous n'avons pas trouvé d'alternative aussi efficace, cette ressource mérite donc d'être défendue.

J'ajoute que nos transports publics sont parmi les moins chers et les plus subventionnés d'Europe. La question de la contribution des usagers est donc pertinente, même si la décision politique de gratuité des transports peut tout à fait être assumée et menée sérieusement comme à Dunkerque, avec une amélioration de l'offre. Je conclurai par une pirouette : je me demande s'il est juste que le directeur général du GART paye le même prix que tout le monde dans les transports parisiens...

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Le versement transport bride notre imagination, or cette mission a pour objet de se projeter dans le futur. Je partage votre point de vue dans l'équation actuelle. Mais, s'il devait y avoir demain la gratuité, quel financement faudrait-il imaginer ? Que ferait-on dans les zones peu denses ? L'un de nos intervenants avait émis l'idée d'un seul accès payant à l'ensemble des réseaux - routes, autoroutes, transports en commun.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

On peut tout imaginer gratuit dans le deuxième pays au monde en termes de taux de prélèvements obligatoires...

Sur le fond, les transports mécaniques ont un coût pour la collectivité, pour soi et pour l'environnement, fussent-ils en commun. J'aimerais savoir, là où la gratuité a été mise en oeuvre, s'il y a eu un report modal de la voiture vers les transports en commun suffisant pour justifier le coût de la gratuité. Si c'est pour diminuer le nombre de piétons, multiplier les transports de loisirs, c'est moins intéressant. Les personnes prennent leur voiture parce que le trajet est plus rapide qu'en transports en commun, la gratuité n'y change pas grand-chose, mais elle bloque l'investissement en affectant une ressource. Quelles sont les incidences à long terme sur la qualité du réseau ? La gratuité ne doit pas aboutir à un réseau dégradé, ce serait contre- productif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Malgré plusieurs réunions sur ce sujet, certains d'entre nous ont du mal à percevoir les vertus de la gratuité dans les transports - cela ne doit donc pas être pas si évident... En tout cas, c'est moins évident que la gratuité prochaine de la taxe d'habitation pour 80 % de nos concitoyens - alors que la taxe d'habitation était payée par près de 88 % des foyers. Les usagers attendent un service plus séduisant. Si l'on veut un report modal efficace, il faut des transports de meilleure qualité, et donc quelques moyens. De nombreux investissements restent à réaliser avant de penser à la gratuité. Qu'apporterait-elle ? Ce n'est pas évident, surtout lorsque les réseaux sont loin d'être saturés...

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Vullien

Permettez-moi quelques réflexions personnelles : ce sont l'offre, le maillage, l'intermodalité, l'interopérabilité et le fait de circuler sans couture - ou « maillage pour tous » - qui incitent à prendre les transports publics. Nous avons quelques leviers importants comme le stationnement, mais il faut aussi réfléchir sur l'ensemble des modes de transport, les émissions de particules ou de dioxyde de carbone. Il faut pousser nos concitoyens à abandonner leur voiture.

Je regrette l'absence, dans la LOM, des péages urbains, inversés ou de « dissuasion ». Nous sommes plus mûrs sur ce marronnier de la gratuité des transports car nous sommes à quelques encablures des élections municipales. Mettons-nous tous autour de la table. Changer la flotte des véhicules urbains et interurbains, avec parfois des bus articulés, est cher et compliqué. Pour cela, il faut une offre attractive. Nous devons aussi examiner les courbes isochrones pour réduire les temps de parcours, et voir comment gagner en vitesse commerciale.

La gratuité totale des transports pour tous est une idée assez aberrante, puisque certains ont les moyens de payer. Comment avoir des tarifs tenant compte des fragilités de tel ou tel ? À Lyon, plus de la moitié des usagers ne paient pas le tarif plein, et j'en suis fière. Je suis membre du syndicat des transports depuis 1995 ; nous avons augmenté nos tarifs car nous avons augmenté notre offre en parallèle. Les réseaux ayant instauré la gratuité sont des réseaux de bus, et non des réseaux avec des investissements lourds comme des tramways et des métros. Pour être cohérent, il faut une gratuité partielle, avec éventuellement des abattements, selon un dispositif lisible.

Les employeurs paient à la fois le versement mobilité et remboursent la moitié des abonnements de transport. Quelle équité apporter entre les territoires ? Certains territoires ne veulent pas de gratuité, mais de l'offre de transport !

Comment avoir des passerelles entre zones denses et moins denses avec des péréquations de financement ? Ayons le courage de l'utopie, sur l'ensemble du territoire. Nous sommes un grand tout. Comment cette mobilité du quotidien peut garantir l'équité - et non l'égalité ? On ne peut pas avoir vingt métros partout !

Debut de section - Permalien
Claude Faucher, délégué général de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP)

La gratuité totale vise à abaisser le coût des transports publics par rapport à la voiture, or ceux-ci coûtent déjà moins cher que les véhicules personnels. Toutes les villes européennes qui ont réussi leur report modal ont mis en place une politique de transport ambitieuse, ont restreint la place des voitures - comme à Lyon - et ont travaillé pour renchérir le coût du voyage en voiture individuelle. Il ne faut pas viser une réduction du coût des transports publics, mais rendre l'intérêt de la voiture moins évident, et favoriser le développement des transports publics. Le besoin de transports publics est important, 24 heures sur 24. Or certains réseaux, qui ont mis en place la gratuité totale des transports, ont en contrepartie réduit leur amplitude horaire. Il faut avoir des moyens pour développer l'offre tout en réduisant l'intérêt d'utiliser un véhicule individuel pour avoir une politique de report modal assumée.

Il y a eu des initiatives pour financer les transports. L'amendement de Mme Vullien sur la LOM proposait de financer les infrastructures par une taxe sur les plus-values foncières, mais n'a pas été adopté. Les infrastructures des Jeux olympiques d'Albertville ont été financées par une taxe additionnelle sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), et le Grand Paris par une captation des plus-values. Selon une étude de la chambre d'urbanisme d'Île-de-France, la création d'une infrastructure de transports en site propre - métro, tramway ou TGV - amène une valorisation immobilière extrêmement importante. Pourquoi ne pas taxer les plus-values au bénéfice des transports publics ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Une ville qui installe ces transports en site propre peut mettre en place une telle taxation.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Vous avez refusé l'amendement le permettant !

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

La loi le permet déjà, nous y avions songé à Metz...

Debut de section - Permalien
Guy le Bras, délégué général du Groupement des autorités responsables de transport (GART)

Les décrets d'application de la loi Grenelle n'ont pas encore été rédigés. Votre maire, M. Dominique Gros, avait effectivement eu cette idée de mettre la taxe à zéro, mais il manque le véhicule réglementaire.

Debut de section - Permalien
Guy le Bras, délégué général du Groupement des autorités responsables de transport (GART)

Tout à fait. Le report modal est fondamental, stratégique, mais très difficile à aborder. Pour avoir une bonne approche du report modal, il faut de l'antériorité et plusieurs années devant soi pour le mesurer, ainsi que les instruments de mesure adéquats pour l'estimer. Mais avec le passage à la gratuité, ceux-ci sont réduits puisqu'il n'y a plus de validateur...

À Tallinn, après l'instauration de la gratuité dans les transports publics en 2013 pour les contribuables de la ville, l'usage de la voiture a continué à augmenter. Certes, ces résultats ne sont pas totalement probants puisqu'il s'agit du contexte particulier d'un pays de l'est de l'Europe qui a connu un mode de développement lié à un usage accru de la voiture. Dans des grandes métropoles où les transports publics sont très utilisés, le report modal n'est donc pas avéré ; soyons prudents. À Dunkerque, le report modal a été positif grâce à une amélioration de l'offre et à une configuration de réseau particulière.

Le GART est favorable au versement transport - qui ne doit cependant pas être la seule source de financement des infrastructures. Nous sommes satisfaits que l'article 1er de la LOM ait retenu le scénario 2, aux objectifs ambitieux. Mais aucun financement n'est prévu, puisque l'Assemblée nationale n'a pas conservé l'idée de consacrer une part de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) à cette fin. Or un centime de TICPE revient à récolter 500 millions d'euros - même si son rendement est décroissant ; c'est un outil extrêmement puissant. Votre ancien collègue Louis Nègre, ancien président du GART, regrettait que les transports publics soient pourvoyeurs de financements importants, mais qu'une faible proportion de cette somme soit consacrée aux transports - le reste abondant le budget général. Lorsque nous demandons la baisse de la TVA à 5,5 % pour les transports du quotidien, on nous répond que l'État n'en a pas les moyens. Le secteur des transports devrait tenir bon pour que davantage de fonds provenant de la mobilité financent la mobilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

La mise en place de la gratuité se fait souvent à l'échelle d'une agglomération, et même à l'échelle de Niort.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Je ne parle pas du financement. Il ne s'agit pas d'égalité, puisque certains territoires n'ont même pas d'offre de transports. Ancien maire d'une commune de montagne de 200 habitants, je sais cependant que la gratuité profite à la ruralité, puisque de nombreux habitants de ces territoires vont travailler dans l'agglomération.

L'action sur les tarifs peut changer les pratiques, notamment l'autopartage ou les vélos électriques dans des petites communes. Après un prêt de vélo électrique pendant un an, beaucoup d'usagers veulent le conserver ; il en est de même pour l'autopartage.

Ce ne sont pas que des modifications de tarifs qui vont permettre de changer les habitudes - même si elles sont importantes -, mais aussi l'existence d'une offre et la facilité d'accès.

La taxe d'habitation, qui servait à l'aménagement du territoire, a été supprimée. Elle sera prise en charge d'une autre manière. Nous sommes donc capables de réfléchir à des changements de financement. Il existe un mode de transport quasiment gratuit en ville, le vélo, ce qui suppose quelques aménagements - et Grenoble est plutôt en avance.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Je vous avais interrogé sur des financements alternatifs - sans parler du versement transport - en cas de gratuité...

Debut de section - Permalien
Claude Faucher, délégué général de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP)

J'ai évoqué une taxe sur les plus-values foncières pour financer les infrastructures. Elle répondrait au besoin de développement de transports en site propre ou de développement d'infrastructures ferroviaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Vullien

Je vous remercie.

Sensibiliser les clients au coût est important. Même si le transport n'a pas de prix, il a un coût. À Lyon, nous avions réalisé des animations en ce sens pour expliquer le coût d'un métro ou d'un tramway. On peut trouver de l'argent sur le client.

La réunion est close à 15h30.