Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 18 juin 2019 à 14h30
Clarification et actualisation du règlement du sénat — Discussion d'une proposition de résolution dans le texte de la commission

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Nous estimons que c’est dans le domaine des irrecevabilités que l’évolution est marquante. Sur le fond, n’est-il pas curieux d’assister à l’automutilation de ses prérogatives par une assemblée elle-même ?

Il fut un temps, pas si lointain, où la majorité sénatoriale résistait à l’extension infinie des irrecevabilités. MM. Arthuis et Marini, tous deux anciens présidents de la commission des finances et anciens rapporteurs généraux du budget, n’ont-ils pas proposé eux-mêmes d’abroger l’article 40 de la Constitution, ouvrant la voie à une plus grande capacité d’initiative financière du Parlement ?

M. Hyest, rapporteur de la commission des lois sur le projet de révision constitutionnelle de 2008, ne s’est-il pas opposé avec ses collègues au transfert aux présidents des assemblées de la mise en œuvre de l’article 41 de la Constitution, c’est-à-dire l’irrecevabilité dite « réglementaire » ? M. Hyest, pour défendre l’amendement visant à supprimer cette extension de l’irrecevabilité, déposé par la commission des lois du Sénat, déclarait dans son rapport : « Par ailleurs, on ne peut écarter que cette irrecevabilité, dès lors qu’elle serait soulevée à l’initiative des présidents des assemblées, soit appliquée lors du dépôt des amendements […] Le droit d’expression des parlementaires en serait affecté. »

Monsieur le président-rapporteur de la commission des lois, pourquoi ce que votre illustre prédécesseur affirmait il y a dix ans ne serait-il plus d’actualité aujourd’hui ? S’agit-il de faire des concessions au nouveau monde de M. Macron, celui de la start-up nation ?

La proposition du président Larcher fait entrer pleinement dans le règlement une conception particulièrement extensive de l’irrecevabilité, qui met en péril le droit d’amendement. En effet, les amendements seraient de plus en plus réduits à des commentaires de projets de loi et ne seraient plus que cela.

Nous soulignerons également, lors de la présentation de nos amendements, l’extension de la règle de l’entonnoir, qui, selon notre interprétation, pourrait devenir la règle dès la première lecture. Plusieurs présidents de groupe ont pourtant protesté contre ce développement des irrecevabilités qui tue le débat et désorganise la séance publique elle-même, comme nous le verrons tout à l’heure lors de l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique. J’espère qu’ils soutiendront notre démarche.

Pourquoi se précipiter ainsi, monsieur le président ? Pourquoi graver dans le marbre du règlement des dispositions qui limitent encore nos pouvoirs de parlementaires ?

J’évoquais l’incertitude du contexte. Pourquoi ne pas attendre confirmation ou infirmation de la réduction du nombre de parlementaires, autre grande menace contre nos assemblées, pour modifier un règlement qui devra tenir compte de cette éventuelle évolution ? Pourquoi cette précipitation ?

Nous avons voulu cette discussion en séance publique, car l’heure est au redressement du Parlement et non à son avilissement.

Nous sommes porteurs de propositions et nous souhaitons qu’elles soient examinées au grand jour et ne restent pas confinées à une salle de commission.

En tout état de cause, si nos propositions de défense des droits du Parlement sont repoussées, nous ne voterons pas cette proposition de résolution, car elle valide et aggrave l’état existant.

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