Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 18 juin 2019 à 14h30
Clarification et actualisation du règlement du sénat — Discussion d'une proposition de résolution dans le texte de la commission

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Monsieur le président, mes chers collègues, comme l’a rappelé le président-rapporteur Philippe Bas lors de la présentation de son rapport et de l’examen selon la procédure de législation en commission, le texte que nous examinons aujourd’hui est de faible portée politique. Il procède simplement du souhait du président du Sénat d’expurger notre règlement de références obsolètes, dont certaines sont des survivances de la IIIe République.

Je ne doute pas que les plus historiens d’entre nous verront disparaître avec un peu de nostalgie les références aux « télégrammes » et aux « feuilletons », lesquels n’avaient alors rien à voir avec Dallas ! C’était la grande époque du parlementarisme, qui a coïncidé avec le développement des progrès techniques ayant soutenu la croissance et la mondialisation au siècle dernier, que l’on pense à la construction de grands réseaux câblés à travers le monde ou à l’établissement du réseau de pneumatiques dans Paris. Leur développement ne s’est pas fait sans heurts. Ces histoires ne doivent pas être oubliées et sont porteuses de nombreuses leçons pour les nouvelles générations chargées de promouvoir les innovations futures.

D’autres suppressions proposées, comme celle des questions orales avec débat remplacées par les débats d’initiative parlementaire, soulignent la capacité de notre Haute Assemblée à se rénover, servant souvent de modèle à l’Assemblée nationale. Bien que des marges d’évolution demeurent, les questions qui agitent aujourd’hui nos collègues députés ont depuis plus longtemps trouvé des réponses apaisées ici, qu’il s’agisse de la régulation du temps de parole en séance publique ou de l’allégement de la procédure parlementaire pour l’examen des réformes consensuelles. L’application de la procédure de législation en commission, la PLEC, à cette réforme du règlement en est le parfait exemple.

Pour autant, et je l’évoquais à l’instant, certaines dispositions de notre règlement pourraient être remises en discussion sur le fond dans les mois à venir, comme le président du Sénat s’y était engagé lors de la préparation de la réforme institutionnelle.

Nous allons le voir, certains de nos collègues souhaitent les aborder dès à présent. Le président Bizet a par exemple exprimé sa volonté, au nom de la commission des affaires européennes, de renforcer le rôle d’alerte de cette dernière.

Mais je pense, d’abord, aux procédures d’application des règles d’irrecevabilité. Elles contraignent fortement notre capacité d’action et ne sont pas suffisamment motivées, donc prévisibles. De façon générale, chaque fois que le Sénat cherche à se montrer vertueux dans la rationalisation de son activité parlementaire, il s’instaure une asymétrie de prérogatives entre lui et le Gouvernement, ou entre lui et l’Assemblée nationale.

C’est le cas en matière de recevabilité des amendements, alors que la politique de l’Assemblée nationale en la matière donne à nos collègues de plus grandes marges de manœuvre, quand bien même leurs initiatives sont ensuite censurées par le Conseil constitutionnel. Il n’en demeure pas moins que leurs propositions demeurent inscrites au compte rendu et peuvent nourrir les réflexions futures du législateur.

C’est également le cas en matière de règles régissant le dépôt d’amendements, tandis que les sénateurs souffrent de délais plus contraints que le Gouvernement et tandis que la procédure accélérée est progressivement devenue la norme. Si, dans un premier temps, le parlementarisme rationalisé a fait ses preuves, je crois que, avec l’adaptation continue des pratiques parlementaires au nouveau cadre constitutionnel, il a échoué à améliorer la qualité de la loi, ce qui devrait pourtant être le premier des objectifs à rechercher. Des modifications du règlement pourraient être envisagées pour pallier ces limites, en faisant par exemple plus strictement observer le délai de réflexion de deux semaines entre l’examen en commission et l’examen en séance.

Certains considèrent que le poids des lobbies et la porosité du Parlement à leur endroit est le premier responsable de cette dégradation législative. J’en fais une autre lecture. Je pense en effet que les réponses législatives aux problèmes concrets que rencontrent nos concitoyens pâtissent davantage des tentatives de contournement de règles d’irrecevabilité trop rigides et du rythme d’examen dorénavant extrêmement, voire trop, soutenu, amplifié depuis le passage au quinquennat. Ces deux contraintes combinées dégradent considérablement notre capacité d’analyse et de formulation de solutions.

Enfin, d’autres sujets pourraient être abordés à droit constitutionnel constant : le renforcement des droits des groupes minoritaires ou d’opposition notamment, avec l’introduction de la possibilité de leur attribuer le rapport lors de l’examen d’une proposition de loi déposée dans le cadre de leur ordre du jour réservé, comme je l’avais proposé.

Enfin, tant l’affaire Fillon que l’évolution des rapports institutionnels, plaçant le Sénat en situation de « seul pouvoir constitutionnel non aligné », pour reprendre les mots du président Bas, ont ouvert la question des moyens humains mis à la disposition des parlementaires. Aux côtés de l’administration parlementaire, les collaborateurs dont nous nous entourons pourraient être ainsi mieux associés à nos travaux. Le groupe du RDSE porte ce sujet depuis longtemps.

Nous avons conscience qu’il ne s’agit pas là du meilleur véhicule pour débattre de toutes ces questions : il n’a pas été conçu comme tel. Nous resterons donc dans une attitude d’écoute attentive aux propositions des uns et des autres, sans dévier de l’objectif initial. À moyen terme, si l’ajournement de la réforme institutionnelle sine die écarte la nécessité d’adapter nos règles de fonctionnement intérieures à l’évolution de notre loi fondamentale, il ne devrait pas retarder ces débats que beaucoup d’entre nous jugent vitaux pour l’avenir du parlementarisme.

Le groupe du RDSE soutiendra cette proposition de résolution.

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