Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 18 juin 2019 à 14h30
Clarification et actualisation du règlement du sénat — Article 15

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

L’argumentation qui vient d’être développée par Mme Assassi est très juste, mes chers collègues.

Il apparaît à l’évidence que l’article 11 de la Constitution a été rédigé de telle manière qu’il ne puisse pratiquement jamais servir ! Il faut d’abord 185 parlementaires, puis 4, 7 millions de citoyens, mais le plus terrible est sans doute l’alinéa 5 de l’article 11.

Une fois que les citoyens ont approuvé la proposition de loi référendaire, si celle-ci « n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum ». Le mot important ici est « examinée », bien entendu. Si l’on avait voulu être logique, il aurait fallu le remplacer par le terme « adoptée ».

En effet, si la proposition de loi est adoptée par les assemblées, cela prouve que les 4 millions de citoyens ont été entendus, et il n’est donc plus nécessaire d’organiser un référendum.

Toutefois, il y a huit groupes politiques à l’Assemblée nationale et sept au Sénat, et chacun d’entre eux dispose d’un créneau réservé. Il suffit donc qu’un groupe dépose la proposition dans chaque assemblée de loi pour demander un débat. C’est un droit imprescriptible, et ce groupe peut ensuite très bien déposer une exception d’irrecevabilité ou une question préalable. Quel que soit le sens du vote, dès lors que le débat s’est engagé, on considérera que la proposition de loi a été examinée. La seule façon d’empêcher ce qui apparaît comme un détournement serait de demander à voter d’abord le renvoi en commission.

Si le texte est renvoyé en commission, on considérera sans doute logiquement que l’assemblée en question ne l’a pas examiné. Je ne sais toutefois pas ce que dirait le Conseil constitutionnel, qui ne s’est jamais exprimé sur pareil cas.

Néanmoins, dans tous les autres cas, quelle que soit la décision sur une autre motion de procédure ou sur le fond, on considérera que la proposition de loi a été examinée, et cela suffira à empêcher le Président de la République de la soumettre au référendum. Voilà qui est tout de même assez ahurissant !

Il est donc de bon sens de pouvoir, dans ce cas, statuer d’abord sur la motion de renvoi en commission.

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