Intervention de Mathieu Darnaud

Réunion du 18 juin 2019 à 21h30
Transformation de la fonction publique — Discussion générale

Photo de Mathieu DarnaudMathieu Darnaud :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique, nous voilà enfin devant des dispositions concrètes proposées par ce gouvernement pour réformer les moyens de l’action publique.

J’avoue que nous étions fort impatients d’apprendre ce qui suivrait les déclarations du président Macron, qui nous avait promis un choc d’efficacité concernant les effectifs de l’État d’ici au terme du quinquennat.

Car nous étions restés sur notre faim après les conclusions du comité Action publique 2022, dont les traductions concrètes tiennent finalement moins du big-bang annoncé que du feu de Bengale. Nous retenions donc notre souffle dans l’attente de ladite transformation de la fonction publique !

Mais comme l’ont très bien relevé les rapporteurs, Catherine Di Folco et Loïc Hervé, pour se hisser à la hauteur d’une telle ambition, il manquait à ce projet de loi de dessiner une nouvelle ère pour le fonctionnement de l’État, au lieu de borner son horizon à des ajustements techniques.

Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, ce texte présente des avancées positives pour rendre la gestion des besoins de la fonction publique plus efficace et les évolutions de carrières plus stimulantes. On ne peut que les saluer. Ces avancées sont d’autant plus salutaires aux yeux des sénateurs de mon groupe que certaines dispositions emblématiques avaient été proposées par le Sénat, comme l’harmonisation par le haut du temps de travail annuel des agents ou la possibilité de procéder à des ruptures conventionnelles dans la fonction publique.

Ces deux mesures incarnent la double nécessité qui doit guider tout employeur public : d’un côté, la gestion rigoureuse des moyens publics ; de l’autre, la souplesse au service de l’efficacité. Cette équation est plus facile à poser qu’à résoudre, et les élus locaux connaissent le difficile équilibre entre un service exigeant pour la population, qui sera effectué par des agents qui s’épanouissent dans leur métier, et des perspectives professionnelles renouvelées.

Je veux donc saluer les deux rapporteurs de la commission des lois pour avoir mené cet exercice d’équilibre au bénéfice d’un texte enrichi en ayant su relever les trois défis qu’ils s’étaient fixés : mieux répondre aux besoins exprimés par les collectivités locales, davantage gratifier la qualité du service des agents et donner enfin sa place au handicap.

Je tiens particulièrement à remercier Catherine Di Folco des nombreuses dispositions qu’elle a intégrées au texte du Gouvernement lors de l’examen du projet de loi en commission, et qui touchent à la fonction publique territoriale. Elle a su créer des outils efficaces pour répondre aux attentes que les élus locaux ont fait remonter en participant massivement à la consultation lancée auprès d’eux par le Sénat.

Parmi celles-ci, je saluerai la limitation à cinq ans de la durée maximale de prise en charge des agents placés dans la catégorie des fonctionnaires momentanément privés d’emploi. Cette mesure met un terme à des situations invraisemblables : certains fonctionnaires, sans occuper de poste, étaient pris en charge depuis plus de vingt ans par les centres de gestion ou le Centre national de la fonction publique territoriale.

Comment, mes chers collègues, peut-on regarder ses administrés dans les yeux et leur dire qu’on ne peut recruter tel ou tel agent utile pour la petite enfance, le sport ou la culture quand perdurent de telles situations ?

Quelle image donne-t-on aux agents de leur statut, censé être tourné vers le service de la collectivité, quand celle-ci n’est pas capable de mettre à profit leur énergie et leurs compétences ?

Quant à l’amendement déposé par François Bonhomme et massivement soutenu par le groupe Les Républicains, il va dans le même sens, en rationalisant les conditions de liquidation de la retraite d’un fonctionnaire momentanément privé d’emploi.

Au sein de la fonction publique territoriale et particulièrement dans les communes, il existe un lien affectif entre les agents et la collectivité qu’ils servent.

Voilà pourquoi l’implication de ces personnels doit être récompensée à hauteur de leurs mérites. C’est même là une demande formulée par les élus locaux eux-mêmes, qui est massivement apparue dans la consultation menée par le Sénat.

C’est pourquoi je salue l’idée des rapporteurs de rapprocher l’évaluation de la performance aux résultats du service tout entier, ce qui a vocation à affermir le lien entre les agents d’une même équipe dont les efforts tendent vers un objectif commun.

L’un des aspects qui me paraît primordial dans ce texte est la prise en considération des spécificités territoriales qui vise à favoriser l’installation des fonctionnaires territoriaux dans les zones rurales ou enclavées.

Cette mesure représente une avancée importante, voire essentielle, qui peut constituer un pacte gagnant pour les collectivités et les agents eux-mêmes.

Un mot sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, car nous avons en partage d’être issus du même territoire à profil plutôt rural.

Les agents qui permettent d’y faire perdurer la présence de l’action publique ne représentent jamais des dépenses superflues. La diminution des services publics de proximité n’est pas pour rien dans le sentiment d’abandon qui s’est manifesté si fortement depuis le déclenchement du mouvement des gilets jaunes, ou lors de bon nombre de scrutins depuis une dizaine d’années.

Il faudra s’en souvenir lorsque le gouvernement que vous représentez proposera un nouvel acte de la décentralisation avec à la clé, espérons-le, des moyens humains mieux répartis au cœur des territoires.

Dans l’immédiat, nous serons vigilants, et je ne vous cache pas notre inquiétude quant au redéploiement de certains services, comme ceux du Trésor public.

Plus de reconnaissance, un dialogue social modernisé et de meilleures perspectives de carrière permettent de remettre les agents au centre de l’action publique. Cette place restaurée et cette confiance réaffirmée doivent aller de pair avec un esprit de responsabilité réactualisé. Il y va tout simplement de l’image des 5, 5 millions d’agents publics.

Je salue donc, monsieur le secrétaire d’État, le pragmatisme dont vous avez fait preuve en reprenant les propositions du Sénat concernant l’harmonisation du temps de travail. Vous proposez ainsi de mettre un terme aux dérogations au temps de travail annuel qui ne se justifiaient que par des pratiques locales, certes légales, mais que nos concitoyens, lesquels sont aussi, par le biais de leurs élus, les employeurs, ne comprennent plus.

La majorité du groupe Les Républicains a décidé de soutenir l’initiative de nos collègues Christine Lavarde et Dominique Estrosi Sassone : elles nous ont alertés sur le phénomène des grèves perlées, qui créent un rapport de force parfois déséquilibré entre les grévistes cessant leur activité en roulement et le service, qui peut être saturé et perturbé.

Dans le cadre d’un conflit social, le mouvement de grève conserverait ce moyen de pression, qui n’aurait rien d’indolore sur l’exécutif chargé de la collectivité concernée. Mais un rééquilibrage serait opéré dans certains secteurs, entre autres, celui de la collecte des déchets, dont l’interruption brutale a des conséquences sanitaires inacceptables, celui des transports publics de personnes, dont l’arrêt empêche les usagers de se déplacer pour aller travailler, et celui qui touche aux activités scolaires et périscolaires, car là aussi l’effet est le même : assigner les parents à domicile.

Si la France est parfois trop administrée, alors qu’elle ne l’est pas assez dans certaines zones, nous savons qu’elle est enviée pour sa fonction publique dévouée, compétente, honnête et efficace. Il ne manque à cette dernière que de déployer pleinement son potentiel en se modernisant et en traçant de nouvelles voies plus enthousiasmantes pour nos agents.

Si ce texte comporte de bons outils, il a besoin du savoir-faire du Sénat pour parachever son œuvre : voir éclore une fonction publique plus pragmatique, au service des citoyens de l’ensemble de nos territoires.

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