Monsieur le secrétaire d’État, alors que le Président de la République avait vaguement laissé supposer le possible abandon de la suppression de 120 000 postes dans la fonction publique, le Premier ministre puis vous-même avez au contraire confirmé cet objectif. Peut-être est-ce une nouvelle traduction du « en même temps » ?
C’est surtout en contradiction totale avec ce qu’exprime le pays, à savoir la nécessité de renforcer les équipes soignantes dans les hôpitaux, de réduire les effectifs dans les classes, de reconquérir l’égalité républicaine grâce à des services publics de proximité, modernisés, à même de faire reculer les inégalités.
Je veux en premier lieu souligner les conséquences de votre projet en matière d’éducation. Nous connaissons une crise de recrutement dans le métier d’enseignant, ainsi qu’une augmentation très inquiétante du nombre de démissions, encore récemment relevée dans le bilan social de l’éducation nationale. Il faut donc redonner attractivité et reconnaissance à la profession.
Vous choisissez une réponse court-termiste en généralisant le recours aux contractuels, alors que 20 % des agents de l’éducation nationale le sont déjà. Pour les seuls enseignants, le nombre a presque doublé en dix ans.
Cela risque de se traduire par une dégradation de la qualité des enseignements. Car la contractualisation ne signifie pas seulement précarité et instabilité pour les agents. Elle signifie aussi moindre exigence du recrutement, manque de formation et d’expérience, et par conséquent moindre qualité de l’enseignement dispensé. À l’inverse exact du besoin de renforcement de la formation des enseignants, que nous avons identifié, au Sénat, à plusieurs reprises.
Et avec la réduction constante des places aux concours – 45 postes de professeurs des écoles ouverts de moins, par exemple, cette année dans l’académie de Rouen –, le recrutement risque de se faire peu à peu essentiellement par contrat, comme c’est déjà le cas pour les accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH. Or nous voyons précisément combien, dans ce secteur, le recours au contrat entraîne des situations chaotiques, intolérables, pour les enfants comme pour les accompagnants.
Prendre en compte les nouveaux besoins, comme celui d’accompagner les enfants en situation de handicap, dans le cadre d’une école inclusive, voilà qui contribuerait à une modernisation de la fonction publique !
Il est d’autant plus regrettable de ne pas s’engager dans cette voie qu’un consensus se dessine aujourd’hui autour de la nécessité de sécuriser et de professionnaliser ces personnels. Ainsi pourrait être créé un corps de la fonction publique, afin de répondre à un besoin permanent, qui constitue objectivement une mission de service public. Il pourrait s’agir de l’une des mesures phares d’une loi ayant pour ambition de moderniser la fonction publique, plutôt que de la démanteler.
Je souhaite aussi évoquer les agents de la direction générale des finances publiques, qui font face à un plan social déguisé accompagnant la fermeture de nombreuses trésoreries dans nos territoires, alors même que la mission de service public de celles-ci est essentielle pour les particuliers, mais aussi pour les élus des petites communes qui ont besoin de ces services, afin de gérer les finances communales.
Enfin, le transfert des conseillers techniques sportifs aux fédérations, adopté par l’Assemblée nationale, est une mesure particulièrement funeste, car très peu – pour ne pas dire aucune – de fédérations sportives sont en mesure d’accueillir ces conseillers et de pérenniser réellement leur emploi. Cela contribuerait à déstabiliser un peu plus le modèle français du sport, en pleine préparation des jeux Olympiques de Tokyo, avant ceux de Paris.
La ministre des sports a indiqué qu’elle n’utiliserait pas cette disposition. Mais le plus sûr serait évidemment de la supprimer du texte. Vous pouvez compter sur nous pour intervenir en ce sens !