Avant d'évoquer la proposition de loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles, dite « PPL 5G », je souhaite brièvement revenir sur ce qu'est la 5G. La cinquième génération de standards de télécommunications mobiles est souvent désignée comme une rupture technologique. Elle apportera en effet un changement d'échelle dans les capacités des réseaux - débits multipliés par dix, temps de latence divisés par dix, etc. - et surtout, elle promet le développement de nouveaux usages critiques pour la vie économique d'un pays, usine du futur, véhicule connecté, ville connectée, internet des objets... Une véritable course à la 5G est engagée dans le monde entier car il y va de la compétitivité de nos opérateurs et de nos entreprises. Il faut cependant avoir à l'esprit que la véritable 5G, qui permettra ces nouveaux usages - la 5G dite stand alone - ne sera pas disponible avant 2021 ou 2022.
La proposition de loi instaure un régime d'autorisation préalable à l'exploitation, par les opérateurs télécoms, des équipements des réseaux mobiles. Elle confère ainsi le moyen au Premier ministre de protéger les intérêts de la défense et de la sécurité nationale. Elle se distingue d'un autre régime d'autorisation actuellement en vigueur en application de l'article 226-3 du code pénal d'abord en ce qu'elle est centrée sur l'exploitation des équipements, alors que le régime du code pénal est focalisé sur les équipements, ensuite en ce qu'elle vise à protéger les intérêts de la défense et de la sécurité nationale alors que le régime du code pénal entend éviter les atteintes au secret des correspondances et à la vie privée. Enfin, elle ne concerne que les opérateurs télécoms d'importance vitale ; le régime actuel d'autorisation inscrit dans le code pénal concerne à la fois les équipementiers - qui fabriquent les équipements - et les opérateurs télécoms - qui les utilisent.
La nouvelle autorisation préalable vise à garantir la sécurité des réseaux 5G. Selon le Gouvernement, ceux-ci sont porteurs de nouvelles vulnérabilités qui exigent d'analyser la sécurité du réseau dans son ensemble, au-delà de la seule qualité des équipements utilisés. Or, le Gouvernement estime que ces nouvelles vulnérabilités ne peuvent être tolérées en raison du caractère particulièrement critique des usages promis par la 5G - car la véritable rupture de la 5G proviendra de ses usages. On imagine l'ampleur des conséquences en cas de panne ou de piratage d'un réseau organisant la circulation des véhicules connectés...
Tous les pays du monde réfléchissent actuellement à cette question de la sécurité de la 5G. Certains pensent avoir trouvé la solution en interdisant l'équipementier chinois. Ce n'est pas l'orientation du Gouvernement, et c'est heureux. Je l'ai déjà dit : nous n'avons pas à participer à une guerre commerciale qui n'est pas la nôtre et qui voudrait réduire l'Europe à un simple théâtre d'opérations.
Un mot de l'état d'esprit dans lequel j'ai travaillé : ce texte doit permettre à l'État de protéger la sécurité nationale, sans obstruer les déploiements de la 5G ni obérer la concurrence entre les fournisseurs des opérateurs.
Je partage les deux objectifs poursuivi par le Gouvernement. Car il ne faut pas rater le virage de la 5G : la compétitivité à moyen terme de nos opérateurs et de notre économie en dépend.
Sur le fond, la sécurité des réseaux 5G doit être garantie tant pour des raisons de sécurité que pour des raisons économiques : les acteurs économiques qui bénéficieront des nouveaux usages doivent pouvoir avoir confiance en la sécurité des réseaux.
Sur la forme, dans le calendrier retenu, la France serait l'un des premiers pays à se doter d'un cadre juridique clair tendant à garantir la sécurité des réseaux 5G. Je regrette seulement la méthode utilisée par le Gouvernement : une tentative de « passage en force » lors de la loi Pacte, puis le choix d'un véhicule législatif privant les débats d'étude d'impact et d'avis du Conseil d'État. L'exigence de célérité ne doit pas se faire au détriment de la qualité de la loi, surtout lorsqu'elle est à ce point structurante pour les années à venir.
Je partage les objectifs du Gouvernement. Mais je souhaite aussi éviter une sortie de route dans le virage de la 5G : c'est la préoccupation qui m'a guidée. Cette nouvelle autorisation administrative ne doit pas mettre en péril la rapidité des déploiements, ni en augmenter le coût. Elle ne doit pas avoir pour conséquence une dégradation du service rendu aux usagers, aujourd'hui avec la 4G ou dans le futur. Évitons de sombrer dans le tout sécuritaire et assurons-nous de la proportionnalité du dispositif.
Je vous proposerai des amendements en ce sens, qui pourraient, pour la plupart, se résumer en trois mots : rééquilibrer, simplifier, préciser. Rééquilibrer le texte en encadrant davantage les motifs de refus du Premier ministre et en lui permettant d'autoriser sous conditions : je préfère un « oui mais » à une approche binaire du type « oui ou non ». Je souhaite également m'assurer que l'État ne dictera pas aux opérateurs leur politique d'achat. Simplifier en fusionnant les procédures d'autorisation applicables aux opérateurs. Et enfin préciser, en particulier indiquer clairement que le dispositif se limite aux équipements 5G.