Gérald Darmanin, Jacqueline Gourault, Olivier Dussopt et moi-même recevons les associations d'élus pour réfléchir aux scénarios concernant la suppression de la taxe d'habitation.
Je vous propose une présentation assez exhaustive de l'exécution 2018 et un début d'éclairage sur ce que vous avez voté pour 2019, puisque cela s'inscrit dans une continuité de construction budgétaire. La mission « Relations avec les collectivités territoriales » semble plus consensuelle que par le passé, probablement parce que l'enveloppe globale des concours financiers de l'État, celle de la dotation globale de fonctionnement (DGF) notamment, demeure stable alors qu'elle avait considérablement diminué lors du quinquennat précédent. Les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales représentent 40 milliards d'euros, dont 27 milliards d'euros consacrés à la DGF.
Une stabilisation globale n'est pas synonyme de stabilisation individuelle ; nous devons à cet égard faire preuve de pédagogie auprès des maires et des présidents d'intercommunalités. Des fluctuations persistent en fonction des critères de démographie et de richesse, qui constituent des principes de justice. Il semble normal qu'avec plus d'habitants, il faille construire davantage et mettre à disposition plus de services publics, et inversement. Les critères d'évolution de la richesse ont connu une spirale infernale liée aux modifications de la carte intercommunale dans le cadre d'une enveloppe fermée. Beaucoup d'élus municipaux et communautaires ont subi un recul inattendu de leur DGF en 2018. En 2019, le dispositif a été stabilisé : soixante-seize communes connaissent une évolution de la DGF, qui représente moins de 1 % de leurs recettes de fonctionnement.
S'agissant de la péréquation, que nous avons conjointement souhaitée, nous observons également une stabilisation. Le mécanisme bénéficie aux communes rurales les plus fragiles avec, en outre, des systèmes de garantie de sortie, et aux communes urbaines en difficulté. Ainsi, la dotation de solidarité rurale (DSR) et la dotation de solidarité urbaine (DSU) ont chacune fait l'objet d'un effort à hauteur de 90 millions d'euros. Le Gouvernement défend à cet égard la solidarité territoriale, souvent prônée au sein des associations d'élus mais critiquée dans les territoires. De fait, certains perdent au profit des autres. La péréquation verticale représente 40 % du montant de la DGF, contre 14 % il y a douze ans.
La dotation d'intercommunalité, imaginée en 2018, a été créée en 2019 en co-construction avec le Comité des finances locales (CFL), les associations d'élus locaux et le Parlement. Précédemment, les intercommunalités bénéficiaient d'une enveloppe en fonction de leur nature : les variations de DGF étaient considérables lorsque les cartes des intercommunalités évoluaient. La loi a unifié la taille des EPCI et, partant, les enveloppes de DGF. Désormais, 85 % des EPCI sont stables : la réforme fonctionne. Toutefois, de nombreux élus peinent à comprendre le dispositif. La DGF est issue de petites taxes locales, désormais disparues, remplacées par des dotations successives, lesquelles, par sédimentation, ont formé la DGF. Ni son histoire ni son fonctionnement ne sont aisés : la communication gagnerait à être améliorée, notamment sur les questions liées à la démographie et aux critères de richesse. Déjà, les services de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et des préfectures s'y sont engagés avec la publication de la DGF en une seule fois, le développement d'une carte interactive des 27 milliards d'euros de la DGF et la communication de chaque préfet aux associations d'élus sur les principales baisses observées dans le département. Un bilan sera présenté au CFL avant l'été. Pour ce qui concerne les indicateurs de performance applicables à la DGF, les députés souhaiteraient traiter de l'efficacité de la péréquation. La question est théoriquement passionnante, mais difficile à aborder pratiquement. De fait, les charges pesant sur les collectivités ne sont pas forcément identiques. Le Gouvernement sera attentif à toute proposition que vous formulerez.
Les dotations d'investissement - DETR, DSIL, dotation politique de la ville (DPV) et dotation de soutien à l'investissement départemental (DCID) - ont, quant à elles, considérablement augmenté. La DETR a ainsi bénéficié, depuis 2014, de 400 millions d'euros supplémentaires, pour atteindre plus d'un milliard d'euros en 2019, en stabilité par rapport à 2018. Si la DSIL a été rapportée, en 2019, à 570 millions d'euros, contre 615 millions d'euros en 2018, son évolution s'explique par l'extinction progressive des contrats de ruralité et des crédits afférents. Enfin, la DPV, d'un montant de 150 millions d'euros, soutient des projets en faveur des quartiers défavorisés. Le gouvernement précédent a augmenté les crédits de la DETR et de la DSIL pour compenser la réduction de la DGF et ses conséquences sur les capacités d'investissement des collectivités territoriales. Nous avons choisi de stabiliser la DGF, en maintenant les aides à l'investissement à un niveau élevé, soit 2 milliards d'euros. Nous avons également élargi la DSID - 212 millions d'euros en 2019 - à toutes les dépenses d'investissement des conseils départementaux.
Lors de la discussion du projet de loi de finances, vous nous aviez fait part, via un amendement déposé par Hervé Maurey, de votre souhait de disposer d'éléments de transparence sur les aides à l'investissement. Nous avons, en conséquence, développé un outil de cartographie sur l'utilisation des fonds de la DETR, destinés à des priorités décidées localement. En 2018, la DETR a financé 21 475 projets, contre 20 623 en 2017, pour une somme identique, signe de l'attention portée aux dossiers modestes, conformément à vos souhaits après la suppression de la réserve parlementaire. Le taux moyen de financement des projets retenus s'établit à 25,6 % et le montant moyen à 47 357 euros. Dans le cadre du projet de loi sur l'engagement et la proximité, qui sera présenté au mois de septembre, je proposerai quelques mesures de libération normative, notamment sur le plafond de subventions au maître d'ouvrage à hauteur de 80 % de la dépense pour l'entretien du patrimoine, enjeu essentiel pour les communes rurales. En 2018, les opérations financées grâce à la DETR ont principalement concerné la construction de bâtiments, l'urbanisme, les transports et le patrimoine.
La DSIL, pour sa part, a vocation à financer des priorités nationales, proposées par le Gouvernement et votées par le Parlement. Elles font souvent écho à de grands plans d'investissement, sur la transition écologique ou l'accessibilité par exemple. En 2018, 4 821 projets ont été retenus, contre 3 786 en 2017, avec, là aussi, une bienveillance particulière accordée aux petits dossiers par le montant ou par la nature des collectivités concernées. Ces projets, pour la plupart, permettent de continuer à faire vivre les contrats de ruralité ; ils portent majoritairement sur la rénovation thermique des bâtiments. La DETR et la DSIL créent conjointement un effet de levier estimé à 6,7 milliards d'euros en faveur des investissements locaux. Nous pouvons débattre de savoir si cela est suffisant, mais l'effort, quoi qu'il en soit, est considérable. Il convient également de reconnaitre que l'investissement local est particulièrement dynamique lors de la dernière année du mandat municipal.
Sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », 3,8 milliards d'euros d'autorisations d'engagement ont été prévus et 3,6 milliards d'euros de crédits de paiement ont été réglés, soit un taux de consommation élevé. Le constat est logique, puisque nombre des crédits de la mission sont constitutionnellement dus. En 2019, les indicateurs d'exécution ont été renforcés. Ils n'existaient auparavant que sur la DETR. Désormais, s'agissant de la DSIL, le taux de subvention moyen et le délai moyen entre la décision d'attribution et l'achèvement du projet seront disponibles. Nous prévoyons également de créer un indicateur vert, les territoires ayant un rôle majeur à jouer en matière de transition écologique. Des éléments devraient également être accessibles à l'automne sur la DCID, créée par la loi de finances pour 2019.
Vous avez été nombreux à mettre en doute la parole du Gouvernement sur le dégrèvement ; or, en 2018, chaque commune a été correctement dégrevée de la taxe d'habitation. Nous avons, à cet égard, débuté un cycle de concertation avec les associations d'élus sur le fondement de plusieurs principes, notamment la compensation de la suppression de la taxe d'habitation à l'euro près aux collectivités territoriales. Il convient plus largement de réfléchir à la fiscalité locale, notamment du fait de l'évolution dynamique des dépenses départementales, soit structurellement s'agissant du vieillissement, soit conjoncturellement pour la pauvreté. Les régions étaient très prudentes à l'idée de récupérer une fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), elles n'y voient désormais plus d'inconvénient : faire évoluer la fiscalité locale peut s'avérer bénéfique. Nous ferons un point en juillet sur la concertation en cours et sur l'avenir des contrats de Cahors.