Intervention de Vincent Eblé

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 19 juin 2019 à 9h40
Déplacement effectué par une délégation du bureau de la commission au danemark en suède et en estonie — Compte rendu

Photo de Vincent EbléVincent Eblé, président :

Du point de vue des questions bancaires ensuite, nous étions globalement dans trois pays très digitalisés, ayant développé de nombreux services numériques pour répondre à la demande de leurs populations. Du point de vue des services financiers, plus de 80 % des Danois ont recours à une banque en ligne, tandis qu'en France l'on dépasse à peine 60 % et la moyenne européenne un peu plus de 50 %.

Cela a conduit à une adaptation du système bancaire, à s'assurer de la sécurisation des opérations financières réalisées mais aussi à les rendre plus rapides et efficaces (transactions les week-ends, transferts de crédit dans la journée, paiements assurés en 1,5 seconde...). Il a également fallu adapter le système au développement des solutions de paiement en « peer to peer ».

En Suède notamment, les Fintech sont très développées, avec 12 % des Fintech européennes en 2017 implantées à Stockholm.

Par ailleurs, l'évolution des moyens de paiement utilisés par les ménages a été très largement abordée dans les deux pays, avec seulement 13 % des opérations de paiement réalisées en espèces en Suède et 23 % au Danemark en 2017, tandis que le paiement en espèces représentait encore 68 % des transactions en France et 80 % en Allemagne. Certes, l'usage du « cash » varie encore en fonction des générations, les 15-29 ans au Danemark utilisant les espèces pour moins d'une transaction sur dix, tandis qu'elles représentent encore près de 40 % de celles des 70 à 79 ans.

En Suède, seul 1,2 % du PIB correspond à de la monnaie fiduciaire en circulation (contre par exemple 11 % du PIB en Italie) et chaque citoyen exécute environ 500 paiements électroniques par an, ce qui place cet État en tête sur ces deux plans au niveau mondial.

Les questions de la dématérialisation des paiements et de la politique du « zéro cash » sont donc très avancées dans ces deux pays, avec le développement également depuis plusieurs années des paiements mobiles et du paiement sans contact qui est possible jusqu'à 50 euros au Danemark, contre 30 euros en France.

Les paiements par carte ont aussi été facilités avec des solutions comme celles offertes par la « licorne » IZettle dont nous avons rencontré deux dirigeants et qui vient d'être rachetée par Paypal. Ses lecteurs de carte, et dont les logiciels permettent aussi de gérer les stocks par exemple, sont principalement destinés aux PME.

L'un de nos interlocuteurs a considéré que les solutions mobiles ne seraient plus utilisées dans les prochaines années, compte tenu du manque d'autonomie des batteries des téléphones qui empêche de garantir une pleine fiabilité. Il a même considéré que l'avenir serait les dispositifs biométriques, avec reconnaissance faciale, en affirmant qu'il « suffirait alors de s'utiliser soi-même pour payer » !

La question de la « désertification bancaire » est également posée dans ces États, avec notamment au Danemark une réflexion de la Danske Bank pour revenir sur leur politique offensive de fermeture des agences, avec un objectif de visibilité vis-à-vis de leur clientèle, de service rendu aux usagers pour assurer leur image, et même si ce n'est pas rentable.

Afin d'assurer une couverture correcte en termes de distributeurs de billets, les banques essaient de s'organiser pour mutualiser les distributeurs. En Suède toutefois, le nombre de distributeurs n'aurait pas diminué au cours des douze dernières années selon la fédération bancaire, tandis que le nombre d'utilisateurs se serait réduit de deux tiers.

Les institutions que nous avons rencontrées étaient globalement enthousiastes face à cette évolution de la diminution des espèces et au développement des solutions digitales. Elles ne semblaient toutefois pas mieux que nous disposer des solutions adaptées pour répondre aux besoins des populations les plus âgées ou les plus vulnérables. La Danske Bank nous a ainsi parlé de dispositifs d'aide à l'utilisation du numérique, avec des éducateurs, la distribution de manuels, etc.

Il convient toutefois de noter que le problème de l'accès aux services bancaires se pose différemment dès lors que l'usage des services internet est très largement développé parmi toutes les générations. Au Danemark, par exemple, la banque centrale nous a indiqué que d'après leurs statistiques nationales, plus de 90 % des personnes ayant entre 65 et 74 ans avaient recours à des services de banque en ligne et près de 80 % de celles ayant entre 75 et 89 ans ! Le taux de pénétration de ces solutions est donc élevé.

Au Danemark davantage qu'en Suède, où les commerçants peuvent refuser les espèces, plusieurs de nos interlocuteurs ont toutefois concédé la nécessité de maintenir des solutions alternatives, y compris pour les touristes qui n'ont pas nécessairement accès à une application mobile ou encore ceux qui n'auraient plus de batterie sur leur portable. Mais cela ne constitue pas vraiment une difficulté selon eux.

En revanche, des réflexions sont menées pour sécuriser le système en cas de panne d'électricité, d'attaque ou de guerre.

Le Danemark s'est également doté d'un Conseil des paiements, le Danish Payments Council, comprenant des représentants de tous les services et administrations et présidé par un membre de la banque centrale. Il s'est ainsi intéressé à l'évolution de l'usage des espèces, avec la constitution d'un groupe de travail comprenant à la fois des membres du conseil et des représentants de la population « senior », des personnes en situation de handicap et des groupes socialement les plus vulnérables ainsi que des experts.

D'après nos interlocuteurs, ni le Danemark ni la Suède ne recherche vraiment le « zéro cash », mais les institutions accompagnent cette évolution tandis que les commerçants préfèrent naturellement les solutions digitales, moins coûteuses que les espèces.

Le gouverneur de la banque centrale de Suède nous a également présenté son projet de « e-couronne suédoise ».Il estime que cette évolution est nécessaire afin d'assurer un bon fonctionnement du système monétaire. On a ressenti un certain scepticisme sur ce projet en discutant avec d'autres interlocuteurs, il nous a été indiqué que les échanges étaient très animés au Parlement sur le sujet.

Au Danemark, la banque centrale considère qu'une monnaie virtuelle est inutile et que le système bancaire est suffisamment solide. Ce qui est essentiel est de disposer d'une bonne infrastructure et de convaincre les banques des évolutions nécessaires.

S'agissant plus globalement du secteur bancaire, les établissements bancaires sont généralement assez hostiles au fait de partager les risques, ils ne souhaitent pas payer pour les autres.

Le déplacement au Danemark et en Suède a également été l'occasion d'aborder deux problématiques à la marge.

En premier lieu, la question du consentement à l'impôt, par opposition au « ras le bol fiscal » et aux critiques parfois formulées sur la dépense publique en France. En effet, la Suède est connue comme ayant un haut niveau d'imposition des ménages et le Danemark aussi pour son niveau de dépenses publiques, avec un fort niveau d'acceptation de la part de la population et une satisfaction globale de l'usage qui est fait des recettes fiscales.

Ce consentement à l'impôt provient notamment du fait que le système fiscal est conçu pour être lisible et simple. À l'heure actuelle, la Suède souhaite proposer une nouvelle réforme afin de retrouver un équilibre plus satisfaisant, considérant qu'il existe trop d'exonérations et de réductions. Cela contribue certainement à cette acceptation de l'impôt.

En second lieu, l'on a pu aborder la question de l'organisation des services de l'État, en s'intéressant à leur système d'agences. Ainsi l'agence des impôts, qui recouvre tous les impôts suédois, serait l'agence la plus appréciée des citoyens, notamment pour l'aide apportée, les services fournis... Elle compte 10 000 employés tandis que le ministère regroupe 60 personnes.

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