L'article 52 de la loi du 9 août 2004 a reconnu aux psychanalystes et aux psychothérapeutes non médecins, non psychologues, un droit d'accès au titre légal sous réserve de suivre la formation à la psychopathologie exigée de tous les postulants au titre de psychothérapeute, quel que soit leur cursus d'origine.
Cet article a réservé l'usage du titre de psychothérapeute aux professionnels inscrits sur un registre national et a institué deux catégories de professionnels : ceux, chers à M. Accoyer, qui bénéficiaient « de droit » du titre de psychothérapeute - médecins, diplômés de psychologie et psychanalystes régulièrement inscrits dans leur association - et les autres.
Tous, néanmoins, « de droit » et « non de droit », devaient avoir suivi une formation à la psychopathologie théorique et clinique, dont les modalités seraient précisées par un décret en Conseil d'État.
Après trois années de consultations avec les organismes professionnels, le projet de décret que le ministre de la santé de l’époque, M. Xavier Bertrand, a soumis à l'avis du Conseil d'État a reçu un avis négatif, comme Mme la ministre et M. le rapporteur l’ont rappelé : ce projet exonérait les « de droit » de la formation à la psychopathologie, pourtant exigée d'eux par la loi, et contrevenait au principe constitutionnel de la liberté de l'enseignement en conférant le monopole de cette formation à l'Université.
Voilà l’un des deux éléments qui ont été considérés comme caractérisant l’insuffisance de base légale du décret.
Le projet de décret suivant, soumis par Mme la ministre de la santé, a reçu lui aussi un avis négatif du Conseil d'État, car il était accompagné d'un projet d'arrêté réservant l'accès à la formation à la psychopathologie aux titulaires d'un diplôme de médecin ou d'un diplôme de niveau master ayant une mention de psychologie ou de psychanalyse. Cela a également motivé la décision du Conseil d’État sur le décret.
Cette restriction à l'accès à la formation en psychopathologie revenait indirectement et en pratique à réserver le titre de psychothérapeute aux « de droit », véritable détournement de la lettre et de l'esprit de l'article 52 qui reconnaissait à l'ensemble des professionnels de toute origine le droit d'accéder à cette formation et au titre légal, conformément aux principes démocratiques et constitutionnels.
C'est précisément ce droit que la disposition adoptée par l'Assemblée nationale remet en cause.
Elle réserve en effet l'accès à la formation en psychopathologie clinique - donc à l'usage du titre de psychothérapeute - aux titulaires d'un diplôme de niveau doctorat donnant le droit d'exercer la médecine en France ou d'un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la psychologie ou la psychanalyse.
Certes, la distinction entre les « de droit » et les autres se voit supprimée, mais ces prérequis entraînent des conséquences graves pour les psychothérapeutes relationnels et pour leurs écoles, dont la reconnaissance de principe est supprimée, sans pour autant assurer la sécurité des patients visée par la loi, car ils ne garantissent pas la compétence et l'éthique des futurs psychothérapeutes.
Si la formation à la psychopathologie est nécessaire - son utilité n'est bien sûr pas contestée par les écoles de psychothérapeutes relationnels, qui l'ont intégrée dans leurs cursus -, elle n'est cependant pas suffisante.
En imposant à l'ensemble des professionnels de la psychothérapie au minimum cinq années d'études universitaires afin d’obtenir les diplômes prérequis pour suivre la formation légale en psychopathologie, l'alinéa 2 ferme arbitrairement son accès à tous ceux, nombreux, qui entreprennent une formation de psychothérapeute après d'autres études, une expérience et un parcours de vie.
Ce passage obligé, et exclusif, par l'université pour accéder au titre de psychothérapeute, et à la formation en psychopathologie qui en est la condition, constitue de la sorte un rétablissement du monopole de l'Université, seule habilitée à délivrer les diplômes prérequis.
Cet alinéa méconnaît donc le principe constitutionnel de la liberté de l'enseignement, et aboutit en définitive à la disparition des formations créées par les professionnels de la psychothérapie relationnelle depuis plus de trente ans.
Donc, vous l’aurez compris, mes chers collègues, l’important n’est pas tant le texte tel qu’il nous est présenté que le fait de savoir, d'une part, comment le Conseil d’État est susceptible de se prononcer sur ce texte, au vu des observations qu’il a antérieurement formulées sur l’insuffisance de base légale, d'autre part, si l’enseignement privé, dont les établissements de formation sont agréés et dont les diplômes sont validés aujourd’hui, pourra continuer à assurer cette formation aux côtés des universités.
J’espère que Mme la ministre sera en mesure de nous apporter une confirmation sur ce point, ce qui lèverait toute difficulté. Mais, en l’état actuel du texte, les responsables de ces établissements s’interrogent sur la poursuite de leurs activités, alors qu’ils sont agréés et que leurs diplômes sont validés.